Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Soyons Maudits: L'apprentie alchimiste
Soyons Maudits: L'apprentie alchimiste
Soyons Maudits: L'apprentie alchimiste
Livre électronique364 pages4 heures

Soyons Maudits: L'apprentie alchimiste

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Mille ans de vie commune... Que se passe-t-il quand un de nos piliers s'effrite? Attend-on de tomber ou se jette-t-on dans le vide?
N'est-ce pas l'occasion pour Alana d'aspirer à une vie plus ordinaire? Nathan semble lui ouvrir les portes de cette normalité.
Mais une autre rencontre va peut-être redistribuer les cartes.
Est-ce que l'apparition de Micah est une coïncidence?
Quelle est cette part d'ombre qu'Alana perçoit dans son regard?
La jeune femme va devoir faire des choix qui risquent de bouleverser toutes ses certitudes et de balayer ces barrières qu'elle avait mis tant d'années à ériger.
Quand l'ordinaire devient extraordinaire. Le futur n'est peut-être pas là où on l'attend.
LangueFrançais
Date de sortie5 juin 2023
ISBN9782322491230
Soyons Maudits: L'apprentie alchimiste
Auteur

Claire Belloni

Claire Belloni est une auteure française. Pour elle, la lecture a toujours été une porte ouverte vers des réalités parallèles et l'écriture en est le prolongement. Elle a toujours été fascinée par la magie de l'écriture qui permet de faire exister des personnages dans nos têtes et de leur donner une vie propre. C'est ce qu'elle se plait à faire depuis son adolescence. Bienvenue dans son univers.

Auteurs associés

Lié à Soyons Maudits

Titres dans cette série (1)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fantasy pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Soyons Maudits

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Soyons Maudits - Claire Belloni

    PROLOGUE

    Un coup de feu retentit. Je suis projetée en arrière, son corps me clouant au sol. Une auréole rouge se dessine sur sa chemise et se diffuse comme une tache d’encre sur un buvard, donnant l’impression que le temps s’étire au ralenti. Je regarde cette auréole comme hypnotisée. Mes oreilles bourdonnent mais je parviens à entendre les battements de son cœur qui résonnent trop lentement. L’odeur de poudre et de sang emplit mes narines. Par réflexe je plaque ma main sur sa plaie, tentant de chasser mon impuissance face à la mort. Cette même mort qui refuse de me donner la délivrance. La vie me rappelle sans cesse que c’est elle qui a les cartes en mains, refusant qu’on la quitte et forçant à partir ceux que l’on souhaite voir rester. Je décide avec rage que je ne vais pas accepter son verdict avec fatalité.

    1) NOSTALGIE

    Alana

    L’éternité. J’avais beau vivre depuis plus de mille ans, l’avenir n’en demeurait pas moins vertigineux. Je fermai les yeux et inspirai profondément en laissant le vent caresser ma peau et y déposer les embruns venant du large. Les mains posées sur le parapet en pierre qui bordait ma terrasse, je rouvris les yeux pour plonger mon regard dans l’océan qui s’étendait à perte de vue. Cet océan qui était mon point d’ancrage, le seul élément immuable alors que tout changeait sans cesse autour de moi.

    Je n’étais pas du genre à m’apitoyer sur mon sort. J’avais appris au fil des siècles à m’endurcir. Peut-être un peu trop d’ailleurs… Mais la perte de Raphaël, puisque c’était ainsi que je le ressentais, me laissait un trou béant dans la poitrine. Je ne souhaitais que son bonheur et force m’était de constater qu’il était heureux avec Line mais je savais que notre relation allait irrémédiablement changer et cela m’effrayait. Nous n’étions pas en couple et ne nous étions rien promis mais j’avais tout de même la sensation qu’on m’avait amputée d’un membre. Je crois que ma relation avec lui me donnait une excuse pour ne rien construire avec un autre homme. Après tout, qui pourrait aussi bien me comprendre que lui ?

    Je me retrouvais désormais seule face à moi-même. Raphaël était mon âme sœur, au sens propre du terme. Nos âmes se côtoyaient depuis tellement longtemps qu’elles avaient besoin l’une de l’autre pour vivre. Du moins avais-je besoin de lui. C’était comme donner la main à quelqu’un en se promenant la nuit dans une forêt. La peur semblait littéralement s’amoindrir. Voilà que je me retrouvais seule dans cette forêt sombre, seule dans la nuit et que j’allais devoir trouver mon chemin parmi les ronces et les branches mortes. En étais-je capable ? Avais-je vraiment le choix ? Ne dit-on pas que c’est lorsque l’on touche le fond que l’on a la possibilité de rebondir, de repousser le sol de ses pieds pour remonter et de crever à nouveau la surface ? Et ce n’est qu’en crevant la surface et en reprenant notre première inspiration que l’on s’aperçoit que l’on était en apnée depuis longtemps. Ma grande inspiration était pour bientôt. Mais pour l’heure, je l’ignorais.

    Je décidai d’aller voir Tristan. J’avais besoin de parler et de ne pas ressasser mes idées sombres. Tristan était notre port d’attache. Le roseau qui plie mais ne rompt pas. Je pris la route pour Elven. On était en fin d’après-midi et l’air était encore doux. Je montai dans ma Bentley et décidai de laisser le toit ouvert. Je mis le contact et la musique d’Imagine Dragons résonna à mes oreilles. Je chaussai mes lunettes de soleil, démarrai en trombe et roulai à vive allure les cheveux au vent jusqu’à Elven. J’arrivai devant chez Tristan, actionnai le portail avec ma télécommande et me garai devant sa salle de sport. Je frappai pour m’annoncer et entrai sans attendre.

    — Coucou ! lançai-je depuis l’entrée.

    — Salut ! répondit-il distraitement.

    Je pénétrai dans le salon et le vis, assis sur son canapé, un verre de whisky à la main et une liasse de documents dans l’autre.

    — En plein boulot ? l’interrogeai-je.

    — Oui… soupira t-il. D’un ennui mortel…

    Le jeu de mot me fit sourire.

    — Besoin d’une pause ? proposai-je avec mon plus beau sourire.

    Il me scruta un instant.

    — Oh toi, ça ne va pas, constata-t-il.

    — Je m’ennuyais…

    — Viens là, dit-il en tapotant le canapé à côté de lui.

    Je ne me fis pas prier et m’installai sur les coussins moelleux, une jambe repliée sous les fesses et le bras sur le dossier.

    — Je t’écoute, m’encouragea-t-il en m’étudiant attentivement.

    — J’ai l’impression d’avoir perdu mes repères, me confiai-je. J’ai une sensation étrange. Je ressens un immense vide.

    Je me sentis stupide de venir lui parler de ça, sachant ce qu’il vivait. La solitude devait surement plus lui peser qu’à moi. Je n’étais pas dupe. Ses conquêtes successives ne comblaient certainement pas le vide que lui laissait l’absence de sa femme.

    — Excuse-moi, me repris-je.

    — Ne t’excuse pas. Tu as bien fait de venir me voir.

    — En passant le portail, ça m’a rappelé les fois où je venais me plaindre de Raph après nos engueulades.

    Il sourit.

    — Et tu aurais préféré ? me sonda-t-il.

    — Peut-être… dis-je en haussant les épaules.

    — Vous allez retrouver un équilibre. Ce n’est pas la première fois que vous faites votre vie chacun de votre côté.

    — Oui mais c’est la première fois que ça semble si … définitif.

    — Si je ne te connaissais pas autant, je pourrais presque croire que tu es jalouse.

    — Non, ce n’est pas ça. Je ne sais pas comment l’expliquer… J’ai l’impression que j’ai perdu une partie de moi.

    — Je sais… mais dis-toi qu’il n’est pas perdu. Il faut juste que vous preniez vos marques avec Line.

    — Ce n’est pas gagné. J’ai l’impression que ses yeux lancent des éclairs à chaque fois qu’elle me voit.

    — Oui, mais ça, pour le coup, c’est de la pure jalousie, rit-il.

    — Je pense que Raph lui a assez fait comprendre qu’il n’y avait plus rien entre nous.

    — Imagine ce que vous avez partagé ensemble. Ca doit être compliqué pour elle de trouver sa place.

    — Oui… Tu as sûrement raison. Mais moi, je veux juste qu’il soit heureux. Avec ou sans moi.

    — Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire.

    Je soupirai. Je ne demandais que ça de discuter avec elle mais je sentais bien qu’elle se méfiait de moi et elle avait ses raisons. J’avais vraiment déconné avec elle. J’avais été aveuglée par mon envie de protéger Raphaël et les choses avaient mal tourné. Elle avait quand même fini à l’hôpital !

    Je me penchai vers Tristan et il m’ouvrit ses bras. Je me blottis contre son torse et il jeta ses feuilles sur le canapé derrière moi. Il m’embrassa sur le crâne. Tristan avait toujours été comme un grand frère pour moi. C’était la voix de la sagesse et je savais que je pouvais compter sur lui quand ça n’allait pas fort. Je tentai de changer de sujet.

    — Et toi, comment ça va ?

    — Ca va, répondit-il laconiquement.

    — Des nouvelles ?

    — Pas vraiment envie d’en parler, lança-t-il simplement.

    Je savais que le sujet de sa femme était épineux et je n’insistai pas.

    Nous entendîmes la porte s’ouvrir. Seul Raphaël pouvait entrer comme ça sans frapper.

    — Salut, lança-t-il en entrant dans la pièce puis son visage refléta l’inquiétude en me voyant contre Tristan. Un problème ?

    Je me redressai.

    — Non, non, t’inquiète. Un petit coup de mou c’est tout.

    Il s’assit à ma droite et m’embrassa sur le front.

    — T’es sûre qu’il n’y a rien de grave ?

    — Mais non ! Je disais juste à Tristan que j’espérais que ta copine n’allait pas s’entêter dans sa jalousie.

    — Je me demande bien de qui elle peut tenir ce trait de caractère, feignit-il de réfléchir.

    — L’entêtement ou la jalousie ?

    — A ton avis.

    — Je ne suis pas têtue !

    — Si peu…

    — Bon à part pour raconter des inepties, qu’est-ce qui t’amènes ? demandai-je faussement vexée.

    Il ne releva même pas ma boutade. C’était notre mode de communication habituel.

    — Réunion de famille au sommet chez Line. Elle va annoncer ce soir à son frère et à Lucie que son père et elle sont immortels.

    — Et tu n’y es pas parce que…

    — Parce que Line préférait gérer ça toute seule. Et j’avoue que j’ai eu ma dose de psychodrame pour ce siècle donc je n’ai pas insisté. Les repas de famille, ça n’a jamais été mon truc.

    Je me levai d’un coup.

    — Bon les gars ! Une soirée nostalgie s’impose !

    Ils soupirèrent tous les deux mais je savais qu’au fond ils adoraient ça.

    — Der tu choisis ! lançai-je en ayant retrouvé tout mon enthousiasme.

    Il réfléchit avec un sérieux qui me fit sourire.

    — Années trente.

    Nous avions pour habitude, quand nous nous retrouvions tous les trois et que nous n’étions pas dans une forme olympique, de nous faire une petite soirée avec des souvenirs d’une époque de notre passé. Je sortis mon portable de ma poche et m’apprêtais à mettre une playlist sur Spotify quand Tristan m’interrompit.

    — Tu plaisantes ou quoi ! s’indigna-t-il.

    Il se leva et se dirigea vers le mur jouxtant sa cheminée. Il saisit un vinyle sans avoir à réfléchir et le posa sur la platine qui se trouvait dans l’angle de la pièce. La voix de Louis Armstrong résonna à nos oreilles avec le crépitement caractéristique des vieux disques. Puis il se tourna vers nous.

    — Un petit Jack Rose ? lança-t-il en levant les sourcils.

    — Avec plaisir ! susurrai-je d’une voix sulfureuse.

    C’était un cocktail que nous buvions beaucoup à cette époque et qu’on ne trouvait quasiment plus aujourd’hui dans les bars. Tristan alla à la cuisine et nous le suivîmes en nous asseyant sur les tabourets de l’ilot central. Il sortit un shaker et le remplit de glaçons. Il ajouta du calvados, pressa le jus d’un citron et versa un trait de grenadine avant de refermer le shaker et de le secouer vigoureusement en le lançant comme un vrai barman. Il sortit trois verres à martini et versa le liquide orangé dedans. Il les fit glisser vers nous et nous nous en emparâmes.

    — Yec’hed mat !1 scandai-je avec enthousiasme.

    — Yec’hed mat, firent-ils en écho.

    Et nous savourâmes notre délicieux breuvage, notre madeleine de Proust.

    — Alors, comment Line gère la perspective d’une vie sans fin ? s’enquit Tristan.

    — Je crois qu’elle ne réalise pas trop… Elle se demandait surtout si elle devait le dire à son frère et à Lucie et comment.

    — Est-ce que tu crois que c’est une bonne idée de leur révéler ?

    — Je pense que cette décision revient à Line. J’ai confiance en son jugement.

    — En toute objectivité, ne pus-je m’empêcher de ponctuer.

    — Tu voulais quoi ? Que je lui interdise de leur dire ? C’est son frère et ça concerne toute sa famille ! rétorqua-t-il acerbe.

    — Excuse-moi. Tu as raison. C’est juste que ça m’effraie un peu que tout le monde soit au courant.

    — Ca ne fera que deux personnes de plus. On arrivera à gérer ça, se radoucit-il.

    J’acquiesçai pour me convaincre moi-même.

    — On y arrive toujours, ajouta Tristan.


    1 Santé en breton

    2) CHEVAL DE TROIE

    Micah

    Je me réveillai en sursaut. Le souffle court et le corps trempé de sueur. Encore ce maudit cauchemar ! Je me levai et me dirigeai vers la salle de bain pour me passer de l’eau froide sur le visage et sortir ces images de mon esprit. Son corps inerte dans mes bras. Ses yeux vides. Je relevai la tête et me fis face dans la glace. J’observai avec indifférence mes longs cheveux décoiffés et ma barbe fournie. Je n’étais que l’ombre de moi-même depuis presque un an. J’avais beau me dire qu’il fallait que je me reprenne, j’en étais tout bonnement incapable. Je m’essuyai le visage et me rendis au salon. Je sortis une cigarette de mon paquet, l’allumai avant de balancer mon briquet sur le canapé. J’ouvris la baie vitrée du balcon de mon petit appartement pour me perdre dans l’océan. Accoudé à la rambarde, sentant le froid salvateur de la nuit sur mon torse nu, j’observai les quelques promeneurs nocturnes, sur la jetée, quinze étages plus bas. Les volutes de fumée finirent de dissiper les effluves de mon rêve. Je terminai ma cigarette et décidai d’aller peindre. Je me postai devant mon chevalet sur lequel trônait une toile vierge. Je commençai à crayonner. Les traits d’Anabelle apparurent dans mon esprit. La peindre était peut-être la solution pour essayer d’extérioriser tout ce marasme qui me bouffait le cerveau. J’esquissai ses yeux en amande puis son nez fin et sa bouche sensuelle. Je décidai de la représenter en ange, assise sur un nuage. Mes tableaux du moment étaient des portraits de personnes que je connaissais sur fond de paysages totalement anachroniques ou oniriques comme si ces personnes avaient été téléportées dans une réalité parallèle. Je voulais que l’espace et le temps n’existent plus. Je passai plus de deux heures à dessiner avant de retourner au lit. Le sommeil m’accorda quelques heures de repos avant que le soleil ne se lève. Je quittai mon lit avec l’entrain d’un mort vivant.

    Mes jours se suivaient, routiniers. J’avais retrouvé la trace de l’homme que je cherchais. L’homme qui était responsable de la mort de mon père. Cela faisait plusieurs années que j’essayais de remonter le fil des indices mais je m’étais souvent heurté à des murs. Cet enfoiré était un véritable fantôme. Mais, quelques mois plus tôt, il était réapparu dans la région. Je me mis à observer ses proches, noter ses habitudes, tenter de déceler quelque chose d’étrange ou d’inhabituel qui pourrait corroborer mes soupçons. Je n’étais pas loin d’abandonner et d’accepter que j’avais peut-être imaginé toute cette histoire et que ma parano avait pris le dessus sur tout bon sens. Et puis, un soir ne ressembla pas à un autre et alluma une petite étincelle d’espoir au fond de moi. Les deux hommes portant un corps en pleine nuit. Puis un deuxième. Malheureusement, j’avais perdu leur trace. Il fallait que je sache ce qui s’était passé ! Ça devenait une obsession. Ce serait ma dernière mission.

    Cela faisait maintenant un mois que j’avais débarqué dans ce club de boxe. Je venais m’entrainer presque tous les jours. Raphaël, le patron, était réputé pour être exigeant et efficace. Il entrainait pas mal de jeunes boxeurs et était très impliqué avec ses élèves. Essayait-il de former des recrues pour ses combats clandestins, je ne saurais encore le dire. J’avais déjà pris des renseignements sur chaque client régulier ainsi que sur la prof de self défense, une certaine Sonia. C’était une petite brune, athlétique et plutôt mignonne. Elle avait le gros avantage d’être une vraie pipelette et ne semblait pas rebutée par mon allure de hipster négligé. Elle m’avait déjà rencardé sur la copine du patron, Line. Jeune étudiante en lettres, elle ne semblait pas être une habituée de ce club mais venait plutôt pour voir son petit copain, excepté le mardi soir de six à sept où elle venait pour suivre le cours de self défense avec Sonia. Cette dernière bossait au club depuis deux ans et n’avait pas l’air de s’en plaindre mais j’étais bien placé pour savoir que les pires criminels n’étaient pas toujours ceux que l’on croyait. Il fallait se méfier de tout le monde. Je posai mes pions patiemment comme j’avais l’habitude de le faire. Cette nouvelle partie d’échecs avait l’avantage de m’occuper l’esprit et de mettre en veille une partie de mon cerveau.

    3) LE DEFI

    Alana

    Une soirée à l’Eclipse comme tant d’autres mais, ce soir là, j’allais prendre une décision qui, de manière ironique, allait changer le cours de mon existence. Notre petit groupe habituel avait été rejoint par Yann, le frère de Line, et Lucie, la petite amie de ce dernier.

    — Je n’en reviens toujours pas que vous soyez… Elle ne finit pas sa phrase et pointa son index de l’un à l’autre avec une mine de conspiratrice.

    Elle semblait tout excitée par la révélation de Line contrairement à Yann qui semblait encore plus coincé que d’habitude.

    — Moi j’aimerais bien voyager dans le temps, continua Lucie presque rêveuse.

    — Le principe c’est qu’on ne choisit pas ce qu’on peut faire ou pas, lança Raphaël avec son habituel sarcasme.

    Line lui jeta un regard réprobateur et il haussa les épaules feignant de ne pas comprendre ce qu’il avait fait de mal. Lucie, elle, ne s’en offusqua pas le moins du monde et entama une conversation avec Yann sur le pouvoir qu’ils choisiraient s’ils en avaient l’opportunité.

    J’en profitai pour discuter avec Line :

    — Comment tu gères tes nouveaux sens ?

    — Ça va mais c’est un peu cacophonique. Parfois je crois qu’on me parle alors que c’est une personne qui est à dix mètres de moi !

    — Tu vas t’habituer aux voix de ton entourage, la rassurai-je. Maintenant j’arrive à faire le tri dans les sons qui me parviennent et à l’inverse je peux entendre Tristan et Raphaël dans une foule, même s’ils sont loin de moi.

    — Ah oui ? me questionna-t-elle surprise.

    J’acquiesçai avec un petit sourire.

    — Par contre, commença-t-elle presque gênée, j’ai tendance à espionner les autres. Si je suis seule, j’écoute ce qui se passe autour de moi, avoua-t-elle.

    — Ça passera, lui assurai-je. Avec le temps, les mortels deviennent des éléments du décor, des accessoires…

    Je vis que ma remarque et mon ton détaché l’avaient surprise et elle jeta un coup d’œil vers Lucas.

    — A part Lucas et sa sœur… précisai-je.

    — Lucas a une sœur ? s’étonna-t-elle.

    — Oui. Sarah a deux ans de plus que lui. On les a élevés quand leur père est mort. Elle est chirurgienne au Scorff.

    Le Scorff était le centre hospitalier de Bretagne Sud. C’était l’hôpital public de Lorient. Le regard de Line se voila lorsque j’évoquai le fait qu’on les avait élevés. Elle avait tendance à se refermer comme une huitre dès que j’évoquais mon passé avec Raphaël. J’essayais d’en parler le moins possible mais mille ans de passé commun ça en faisait des anecdotes. Lucas rejoignit notre table.

    — Le beau gosse au bar m’a demandé si je te connaissais, m’informa-t-il.

    Je tournai la tête et vis un bel homme d’une trentaine d’année en costume, rasé de près, les cheveux châtains impeccablement coiffés. Je lui souris distraitement avant de retourner la tête vers mon ami.

    — Et qu’est-ce que tu lui as dit ?

    — Que tu étais une amie à moi et que tu étais célibataire, répondit-il en haussant les épaules de manière innocente.

    — Tu n’as pas fait ça ! le réprimandai-je.

    Son petit sourire faussement désolé confirma mes craintes.

    — On va caser Alana ! s’amusa Lucie en tapant dans les mains comme une gamine.

    Cette fille était une extra-terrestre pour moi. Elle n’avait aucun filtre. Comment pouvait-on exprimer ses émotions avec autant de facilité ? C’était mon exact opposé. Je levai les yeux au ciel en essayant de ne pas paraitre trop agacée. Il est pas mal du tout, me murmura-t-elle comme une confidence en levant ses sourcils de manière suggestive.

    — Ça va ? Je ne dérange pas trop ? la gronda Yann, l’air blasé.

    — Mais non mon chéri, je suis juste contente pour Alana, je la verrais bien avec monsieur beau gosse.

    — Elle ne supportera pas un mec plus de quelques mois ! lança Tristan.

    — N’importe quoi ! m’offusquai-je. Je m’abstins de dire que j’avais supporté Raphaël plusieurs siècles.

    — Et quel pauvre mortel tiendrait la distance surtout ! lança ce dernier avec amusement.

    — Non mais ça va tous les deux ?

    Je soupirai, piquée dans mon amour propre. Somme toute, les garçons n’avaient pas tort mais ça me faisait mal de le reconnaitre. Etais-je capable de vivre une relation normale avec un homme normal ? Cette question qui semblait anodine me tordit le ventre. Je réalisai, peut-être pour la première fois, que j’avais peut-être envie de partager une vraie histoire avec quelqu’un. Les histoires sans lendemain n’étaient qu’une façon de combler un vide et Tristan était bien placé pour le savoir. Je crois que je m’évertuais à ne pas faire entrer dans ma vie des mortels auxquels je pourrais m’attacher. Les perdre faisait trop mal ! Je me préservais de cette douleur. Et, si m’empêcher de ressentir des émotions était le prix à payer, alors je l’acceptais. Ma relation indéfinissable avec Raphaël n’était que l’arbre qui cachait la forêt. En me voyant partir dans mes pensées, ce dernier intervint, presque coupable.

    — On plaisante, Alana.

    — Non, vous avez raison, assénai-je. Il est temps que j’essaye de construire quelque chose même si je sais que ça ne sera pas pour toujours.

    — On ne peut jamais dire que c’est pour toujours, renchérit Tristan d’un air plus sombre.

    — Je sais, reconnus-je. Mais je vais arrêter de me cacher derrière des excuses et je vais m’ouvrir à ce qui s’offre à moi, décidai-je.

    — Pas d’excuses, lança Raphaël en levant son verre dans ma direction.

    — Pas d’excuses, répétai-je en entrechoquant mon verre contre le sien.

    Je n’eus pas à attendre longtemps avant de devoir mettre ma bonne résolution en œuvre. Je me levai avec la détermination d’une condamnée montant sur l’échafaud et me dirigeai vers le bar, me postant à côté de mon charmant donateur. Il portait un costume gris clair bien coupé avec une chemise blanche.

    — Bonsoir, m’aborda-t-il avec un sourire charmant ourlant ses lèvres.

    — Bonsoir, répondis-je en écho. Ma voix résonna étrangement à mes oreilles.

    J’entendis son cœur accélérer légèrement comme souvent quand un homme m’abordait, ce qui, sans prétention aucune, arrivait assez souvent.

    — Est-ce que je peux vous offrir un verre ? demanda-t-il d’une voix grave.

    Non, je ne pouvais pas faire ça ! Je n’y arriverai pas !

    — C’est gentil mais je suis avec des amis, m’excusai-je dans un souffle en amorçant un demi-tour.

    — Juste un verre et après je vous laisse tranquille, me pria-t-il en posant une main sur mon avant-bras.

    Je plongeai mes yeux dans les siens et n’y lus que douceur et sincérité. Ses beaux yeux bleus me happèrent. Je me tournai vers notre table et vis Tristan et Raphaël qui me regardaient avec leur petit sourire en coin.

    — N’est-ce pas le gendre idéal ? me demanda Tristan en articulant pour que je l’entende depuis le bar.

    Je soupirai. Avaient-ils raison en disant que je me trouvais des excuses pour ne pas avoir de relations sérieuses ?

    — Juste un verre, repris-je pour ne pas donner raison à mes acolytes.

    Le sourire de monsieur beau gosse s’élargit. Il paya son verre et celui que je venais de commander et nous nous installâmes sur des tabourets du bar. Je pris une grande inspiration comme pour me donner du courage et chasser ce poids que je sentais poindre sur ma poitrine. Allez Alana ! Ce n’était pas la première fois que je me laissais aborder par un homme et habituellement je parvenais à poser un masque de sociabilité sur mon visage. Je tentai de mettre dans un coin de ma tête le défi que je venais de me lancer et me persuadai que c’était une rencontre comme j’en avais déjà fait tant d’autres. Je me lançai.

    — C’est la première fois que vous venez ici ? demandai-je plus comme une affirmation. Je connaissais tous

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1