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LES FANTOMES DU PASSE
LES FANTOMES DU PASSE
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Livre électronique305 pages3 heures

LES FANTOMES DU PASSE

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À propos de ce livre électronique

Un véritable acte de courage. Ce témoignage décrit le monde gris et suffocant du communisme. Telle une fenêtre sur le passé, l’auteure nous raconte une histoire mystérieuse en Europe de l’Est. Ne pouvant plus tolérer la corruption ni la dégradation morale, Sabine, révoltée par la situation où en est arrivé son pays, devient le symbole du mécontentement des jeunes face au système. Elle parvient tout de même à surmonter les obstacles, à garder vivants ses rêves et à réaliser sa destinée.
LangueFrançais
Date de sortie8 mai 2023
ISBN9782925250692
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    Aperçu du livre

    LES FANTOMES DU PASSE - Paulina Popescu

    1.

    L’autobus, tel un animal malade

    Après être descendue de l’autobus bondé qui se traînait comme un animal malade et moribond, Sabine s’est mise à marcher d’un pas vif en direction de son lieu de travail. Les gens étaient mécontents du fonctionnement chaotique des moyens de transport en commun même si c’était l’été et qu’il faisait beau temps.

    On pouvait attendre un autobus pendant plus d’une heure, entouré par une vingtaine de gens qui tournaient en rond de désespoir. Les autos étaient rares, le carburant rationné, par contre, les trolleybus étaient rois sur le boulevard étroit et sombre.

    À l’intérieur de l’autobus, on se sentait comme dans une boîte de sardines, tous poussés et serrés contre des corps chauds et de toutes tailles. On sentait la transpiration, mêlée de parfum de mauvaise qualité, de tabac et de relents de nourriture brûlée.

    Finalement, la jeune femme a pu s’échapper de cette  foule humaine, puis parcourir à pied un interminable trottoir pour éviter de nouveau le cirque des trolleybus. On pouvait sentir battre le pouls de la ville réveillée, si on était encore endormi, par les klaxons stridents et les cris des chauffeurs mécontents coincés dans la circulation terrifiante.

    Dès l’aube, la ville était déjà debout, le fourmillement des gens allait en s’accentuant. La rosée du matin encore fraîche ne tarderait pas à céder la place à la pollution. Après dix heures, surtout en été, un soleil de plomb réchauffait l’asphalte jusqu’à la faire fondre et la pollution de l’air brûlait les yeux.

    On était sur le boulevard Magheru, lieu d’une grande concentration de théâtres et de cinémas, de boutiques et d’agences de voyage, d’hôtels de luxe et de boîtes de nuit.

    Pour voir un film au cinéma Patria, on faisait la queue des heures entières. C’était ici l’épicentre des revendeurs qui faisaient de l’argent en spéculant sur les billets. Les étudiants se bousculaient pour voir un film américain qui révélait un monde à part venu d’une autre planète. Ici se trouvaient les gitans qui échangeaient de l’argent au marché noir et c’était aussi le paradis des prostituées.

    Les touristes étrangers étaient attirés par les sommes d’argent qu’ils recevaient en échange, mais ils étaient victimes de leur propre sottise, car au lieu de l’argent, ils ne recevaient que des coupures de papier journal en forme de billets de banque de cent lei. Ces trafiquants experts accostaient les touristes dans la rue et, après avoir fait la transaction, se mettaient à crier d’un air paniqué : « La police s’en vient » et le pauvre touriste effrayé par l’idée d’être arrêté par la police communiste courait pour se cacher tout en tenant dans la main la liasse de papier journal.

    « Je leur ai dit, je les ai avertis de ne pas faire ça, se disait Sabine. Il est illégal de changer de l’argent dans la rue et même dangereux de faire affaire avec ces gens rusés et retors. »

    Sur ce boulevard, il y avait aussi les célèbres magasins n’acceptant que des dollars américains contre des marchandises provenant de l’Occident. Celles-ci pouvaient faire saliver n’importe quel Roumain qui se sentait « emprisonné contre son gré » dans une Roumanie où les prix étaient beaucoup plus élevés qu’à l’Ouest. Ici, on trouvait des parfums français, des cigarettes Kent, des radiocassettes Sanyo, du chocolat Toblerone, des bouteilles de whisky, des déodorants, des savons de marque Fa, Lux ou Rexona, des savonnettes très ordinaires que presque plus personne n’utilisait en Occident, des crèmes bon marché pour le visage et surtout des jeans! Les Roumains travaillaient un mois entier pour acheter une paire de jeans Levis, se sentaient si heureux de leur acquisition et ainsi plus proches de l’autre monde, du paradis interdit. La gomme à mâcher se trouvait seulement dans ces magasins. Un petit garçon, qui détenait une poignée de monnaie, est allé tout seul pour s’acheter un paquet de gomme, mais les vendeuses avaient refusé son argent, les Roumains n’ayant pas le droit de détenir des devises étrangères.

    Quand elle passait sur ce boulevard, Sabine se rappelait avec horreur le tremblement de terre de 1977 avec ses images apocalyptiques, quand, en 56 secondes, 1570 personnes étaient mortes et de nombreux bâtiments avaient été détruits. Plusieurs Roumains avaient ainsi perdu la vie d’une manière dramatique et inutile.

    Lorsque la terre avait secoué violemment et tremblé en profondeur, la jeune fille était dans sa chambre avec une amie en train de boire un café. Elle avait senti comment les murs branlaient et avait vu les gouttes de café sursauter hors de la tasse. La vitrine pleine de verres du bar avait alors commencé à cliqueter même si rien n’était brisé. Sabine et son amie croyaient que c’était la fin du monde et que les murs de la maison qui grinçaient et craquaient allaient s’écrouler et tomber sur elles. Les briques soupiraient sous le béton ébranlé par les ondes sismiques. Les deux filles  étaient restées sur un fauteuil et ne savaient pas quoi faire, comment agir, le séisme les ayant prises par surprise. Elles n’avaient jamais vécu un tremblement de terre de leur vie.

    Sabine n’arrivait pas à oublier cette journée fatale où elle  avait dû recevoir un groupe de touristes bulgares et qu’elle se promenait avec 20 000 lei de monnaie locale dans sa poche, une petite fortune pour cette époque. En passant par ce même boulevard, elle avait vu des corps accrochés aux bâtiments démolis, des gens mutilés, des enfants écrasés, des bras, des pieds, du sang, de la poussière et du béton effondré. Aucun moyen de transport ne fonctionnant, elle avait dû marcher sur un véritable chemin de la terreur.

    Elle a alors aperçu Elena Ceaușescu, habillée d’un manteau de vison blanc, une provocation, un choix atypique pendant que les esclaves de l’époque communiste devaient retourner leur manteau de l’autre côté, l’extérieur usé à la corde, à force d’avoir été porté et frotté dans les moyens de transport en commun.

    Arrivée au bureau qui avait deux grandes salles avec quelques pupitres et des tables, l’une de ses collègues l’a contactée pour lui dire d’un ton ennuyé :

    — Quelqu’un t’a appelée plus de dix fois hier.

    — Est-ce que tu sais de qui il s’agit ? lui a demandé Sabine d’un air surpris.

    — On ne sait pas, la personne voulait seulement te parler à toi et n’a pas laissé de message.

    Elle s’est assise au bureau en étudiant avec attention et nervosité un document de travail. Incapable de se concentrer, la tête lui tournait  pleine de problèmes et d’ennuis.

    Le téléphone sonnait sans arrêt dans ce bureau étriqué et encombré. Les fonctionnaires d’ici devaient avoir des nerfs d’acier et la main collée sur le combiné. Il fallait donner des réponses promptes et prendre des décisions rapides.

    Tout à coup, le téléphone a sonné de nouveau et sa collègue l’a appelée.

    — C’est pour toi, lui a-t-elle dit en lui passant le récepteur qui se trouvait sur son bureau.

    Tout le bureau s’est tu tout d’un coup, même les téléphones ne fonctionnaient plus. Tout le monde a commencé à écouter la conversation avec curiosité, ou par réflexe d’espionner. On ne savait pas vraiment qui était son ami ou qui travaillait pour la securitate, la police secrète de l’époque.

    Sabine a pris le récepteur, a écouté pendant quelques minutes et puis a répondu « oui ». Tout de suite, la liaison téléphonique a été  brutalement coupée. Sabine s’est assise sur une chaise, épuisée, sans énergie et son visage est devenu rouge. Tout le monde la regardait, figé, et attendait une réponse.

    Aurélie, la curieuse, brisa le silence :

    — Hé, dis-nous qui c’était.

    — C’était un ancien touriste canadien. Je me demande comment il a trouvé le numéro de téléphone de l’agence, a-t-elle marmonné.

    La personne qui l’avait appelée était Robert, un ancien touriste qui était venu en Roumanie avec un groupe de Canadiens. Elle se souvenait bien de ce jeune homme. Robert était de quelques années plus âgé qu’elle, avait les yeux bleus, les cheveux frisés et était joyeux presque tout le temps. Il manifestait sa joie exubérante et sa bonne humeur dans une cascade de rires. En un simple regard, on ne pouvait s’empêcher de rire et de se sentir plus joyeux.

    Lors de leur rencontre, Robert ne parvenait pas à s’éloigner d’elle, il la bombardait de toutes sortes de questions puériles ou de compliments flatteurs. Il était devenu ennuyant même, le genre de touriste qui ne te laisse pas tranquille comme s’il était le centre de l’univers.

    Sabine occupait un poste de guide interprète à ONT Carpați (l’Organisation nationale du tourisme), la seule agence de tourisme de Roumanie qui avait un personnel d’environ trente guides engagés à temps plein, le reste étant à temps partiel. Pendant la basse saison, les guides travaillaient avec les touristes roumains, en les accompagnant dans les pays communistes comme l’Union soviétique, la Bulgarie, la Pologne, l’Allemagne de l’Est et la Tchécoslovaquie.

    Sabine était une fille blonde aux yeux bleus, un peu timide, mais très attrayante et plaisante, une jeune femme vibrante et pleine de vie. Les touristes l’aimaient et elle était passionnée par son travail. Travailler à l’agence de voyages était un travail exigeant qui sollicitait beaucoup d’énergie et de patience, des connaissances encyclopédiques, au moins sur la Roumanie et les pays de l’Est. Cependant, elle était suivie en permanence par la police secrète. Sabine était incorruptible, une âme honnête et un peu dérangeante pour les chefs de restaurant qui volaient sans scrupules des portions de repas aux touristes.

    On l’appelait la princesse et elle était traitée avec respect.

    « Attention, la princesse est arrivée avec un groupe de touristes », annonçait le serveur.

    Sabine travaillait chaque jour avec des touristes français, anglais et bulgares, se déplaçant avec eux pour des circuits d’une semaine, de deux semaines ou des séjours à la mer ou au ski. Pendant ses deux semaines de congé, elle ne désirait que dormir et lire, faire la grasse matinée dans l’intimité de son appartement. Elle dormait plus souvent dans des hôtels qu’à la maison. Elle y revenait seulement pour changer de vêtements et préparer une autre valise. Elle se réveillait tôt le matin,  prenait une douche froide puis un bon café turc. Elle se couchait tard, vers minuit, presque exténuée par les événements de la journée.

    2.

    Un touriste canadien tombé en amour

    avec une jeune Roumaine

    Quelques semaines auparavant, elle s’était occupée d’un groupe de touristes canadiens venus avec l’agence : Exotic Tours, dont le directeur était un Roumain. C’était un petit groupe de vingt personnes, bruyant et gai, un mélange de tous les âges, formé d’anglophones et de francophones. Les francophones, contrairement aux anglophones, étaient plus volubiles, plus latins et plus intéressants. Parmi eux se trouvait Robert.

    Sabine a été choquée par l’accent des francophones du Québec, étant habituée aux groupes de Français originaires de la France. Les Français étaient, d’après elle, les touristes les plus difficiles, les plus rouspétants qui faisaient des réclamations pour rien et on ne pouvait pas les contenter. Les Canadiens étaient les plus gentils parmi ces touristes. Seulement, ils étaient difficiles à comprendre quand ils utilisaient des régionalismes.

    — Quelle langue parlent ces touristes, mademoiselle, et de quel pays viennent-ils ? a demandé un réceptionniste de l’hôtel Boulevard, où était hébergé ce groupe.

    — Ils parlent le français et ils viennent du Canada, leur a répondu Sabine.

    — Il ne semble pas qu’ils parlent le français, c’est un dialecte dont je ne comprends pas un mot, a continué l’homme.

    — Ne soyez pas trop exigeant, c’est sûr qu’ils n’ont pas l’accent parisien, mais on peut les comprendre, lui a répondu Sabine.

    Les touristes l’ont complimentée sur la manière dont elle s’habillait et sur  sa belle personnalité.

    — Vous ressemblez à Margaret Trudeau, lui a dit une vieille dame. Sabine ne savait pas qui était Margaret Trudeau, mais elle l’a remerciée quand même pour le compliment.

    — J’aime tes ongles, qu’est-ce que tu fais pour les avoir si longs ? lui demandait une autre.

    — Pourquoi les gens s’habillent si tristement dans ton pays ? a demandé un homme.

    Elle ne savait pas trop comment répondre à cette question.

    — Peut-être parce que c’est la mode chez nous dans ce pays communiste, parce que nous avons seulement UNE usine de vêtements, pensait-elle.

    — Pourquoi les hommes baisent-ils la main des femmes ? demandait un autre.

    — Pourquoi les jeunes portent-ils les cheveux courts ?

    – Qu’est-ce que veut dire « remailler des bas » ? lui demandaient les touristes.

    Remailler les bas était un métier très recherché à cette époque. Les bas-culottes en nylon étaient chers et difficiles à obtenir, comme tous les autres vêtements. Les femmes portaient surtout des jupes et des robes plutôt que des pantalons et avaient besoin de bas-culottes. En Roumanie, il existait même une usine qui fabriquait ces bas, la fabrique Adesgo. Les Roumains s’amusaient à dire « perdu un bas Adesgo remaillé en 1979 ». Les Roumains inventifs avaient créé une sorte de crochet avec une aiguille fine pour tirer le fil de nylon.

    Les touristes étaient enchantés de visiter un pays latin communiste et on les entendait parler avec fierté de leurs découvertes linguistiques. Le mot « tutun », qui en roumain signifie tabac, les a  beaucoup amusés.

    Les touristes lui racontaient en détail comment était leur ville de Montréal et sa ville souterraine, d’autres demandaient des nouvelles de Nadia Comăneci qui avait obtenu la note parfaite de 10 pour sa performance aux barres asymétriques aux Olympiques de 1976. Un touriste lui avait même offert le drapeau du Canada, duquel elle est tombée en amour. La feuille d’érable stylisée lui a plu énormément et elle a trouvé que le drapeau canadien était le plus original qu’elle ait jamais vu. Tout d’un coup, l’érable était devenu son arbre préféré. En se promenant dans le parc, elle ramassait avec nostalgie un bouquet de feuilles d’érable.

    Sabine avait dans sa tête le discours de son chef de l’agence de voyages, un monsieur de petite taille au regard malicieux qui conseillait aux jeunes étudiantes comment se comporter avec les touristes et même comment s’habiller.

    — Une guide doit être toujours bien coiffée et coquette, avec une manucure et pédicure parfaite, répétait-il mécaniquement pendant les réunions de développement professionnel.

    — Votre présentation doit être impeccable, ajoutait-il, il faut montrer aux étrangers quel est notre niveau de vie pendant l’époque d’or, comme on aimait parler de cette période.

    — L’argent qu’on gagne en un jour ne suffit que pour  se payer une manucure, pensait intérieurement Sabine.

    — Avec quel argent peut-on acheter des toilettes sophistiquées pour faire bonne impression ?

    Les Roumains comme tous les autres  peuples de l’Europe de l’Est mettaient beaucoup d’accent sur le luxe, les vêtements créés par les couturiers, les souliers italiens et spécialement les parfums français. Les femmes étaient belles et très minces parce que la nourriture était rare et chère, la famine régnait.

    Dernièrement, les magasins étaient vides à Bucarest ainsi que dans tout le pays. Sabine, accompagnée par une autre collègue, est partie à Calafat, une petite ville près du Danube pour attendre un groupe de touristes. Elles ont attendu toute la journée à la douane dans le froid et sans nourriture. Elles ne pouvaient même pas acheter du pain qui se vendait seulement avec une carte de rationnement.

    Sabine travaillait à l’agence de voyage depuis qu’elle était étudiante, une expérience extraordinaire pour quelqu’un qui voulait se perfectionner dans une langue étrangère. Les étudiants roumains n’avaient pas d’endroit où travailler pendant l’été, mais l’université était gratuite. Le tourisme commençait à se développer en Roumanie et on avait besoin de personnes qui parlaient des langues étrangères, les seuls qui pouvaient le faire étaient les personnes à la retraite et les étudiants.

    Sabine a choisi d’étudier le bulgare même si elle ne connaissait pas l’alphabet slave. Étudier une autre langue a été pour elle une aventure excitante, mais un travail ardu en même temps. Après sa première année d’études, elle connaissait seulement le présent, mais a été sélectionnée par son professeur pour participer à un cours d’études d’été à Sofia, la capitale de la Bulgarie.

    Elle avait même reçu une bourse à la fin de ses études universitaires pour un doctorat, mais bien évidemment elle n’a pas pu quitter la Roumanie aux frontières fermées. Elle avait présenté son travail à une conférence universitaire et à la fin on lui avait donné une lettre en français provenant de l’ambassade de Bulgarie.

    — Le parti communiste roumain a besoin de vous ici en Roumanie pour construire le socialisme, lui avait-t-on répondu au service des passeports.

    — Les études post-universitaires et doctorales sont destinées seulement à la « savante », pensait-elle.

    En effet, la télévision et la presse ne faisaient que souligner l’activité de recherche scientifique de la camarade Elena Ceaușescu, les vitrines des librairies étant décorées seulement de ses œuvres, qui n’étaient même pas d’elle, mais rédigées de force par les plus prestigieux chercheurs de la Roumanie. Après cet échec, elle a décidé de continuer ses études post-universitaires en Roumanie. Sabine a contacté l’un de ses professeurs de l’université qui lui a conseillé amicalement de ne pas s’inscrire à l’examen d’admission au doctorat parce que toutes les places étaient déjà réservées pour les enfants de la classe dirigeante. Après un bout de temps, en le rencontrant par hasard, celui-ci lui a dit : « Les candidats qui se sont présentés au concours étaient d’une telle médiocrité que je n’ai pas pu les accepter même si leurs parents étaient si influents. Je m’excuse de t’avoir conseillé de ne pas t’inscrire » C’était pourtant trop tard parce qu’elle n’avait désormais plus envie d’étudier.

    Le circuit touristique dans lequel elle a rencontré Robert se limitait à quelques lieux emblématiques de la Roumanie : Sinaïa, Brașov et le château de Bran. L’autobus passait par la vallée de la Prahova, avec ses petites maisons de style roumain, dispersées parmi les sapins et les montagnes Carpates. À Sinaïa, dans une ancienne dépendance du château, on pouvait seulement visiter un pavillon exposant des objets de céramique, de la vaisselle qui avait appartenue au roi Carol de Hohenzollern-Sigmaringen. Le palais de Peleș, la résidence d’été des rois roumains, était fermé pour des rénovations. En effet, Ceaușescu n’a jamais aimé ce château et il n’a pas investi d’argent pour le restaurer. Il courait des rumeurs que ce château était utilisé pour recevoir des gens influents qui visitaient le pays communiste. Le superbe palais a été vidé deux fois pendant le communisme, les objets précieux étant perdus. Tout de même, ce palais fait partie de la grande famille des châteaux-résidences européens construits pendant la période 1860-1900. Les touristes pouvaient seulement voir l’extérieur de ce palais de contes de fées.

    D’ici le groupe de touristes s’est déplacé vers Brașov, en Transylvanie, où ils ont été hébergés dans l’imposant hôtel Carpați, le seul hôtel cinq étoiles de la ville. Le soir,  ils ont mangé au restaurant Le cerf des Carpates et ont assisté à un spectacle de danse et de musique folklorique. Cet hôtel  était situé près de l’Église Noire. C’était un local au sous-sol, dans la Maison des commerçants, un bâtiment qui date du Moyen Âge. Le programme artistique a impressionné les touristes par la beauté des costumes et surtout par la performance des danseurs. Les touristes étaient reçus avec du pain et du sel, selon la tradition. Le menu offert les laissait découvrir quelques mets traditionnels roumains comme des mititei (une variété de saucisses relevées d’épices telles que l’ail, le poivre, le thym,  la sarriette, la coriandre et le paprika), pastramă (morceau de poitrine de mouton saumurée et fumée, servie en tranches fines), sarmale le plat national de cigares au chou. Après avoir bu de la pălincă, un alcool fort traditionnel roumain tirant entre 30 et 40 degrés, obtenu par la fermentation et la distillation de prunes, les touristes savaient déjà parler le roumain et danser la hora, une danse en forme de grande ronde.

    Robert a aimé l’Église Noire, une construction gothique qui

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