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Règlements de contes en bord de Sèvre: Roman policier
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Règlements de contes en bord de Sèvre: Roman policier
Livre électronique250 pages3 heures

Règlements de contes en bord de Sèvre: Roman policier

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À propos de ce livre électronique

Qui se cache derrière les déguisements du gang de braqueuses ?

Blanche Neige, Cendrillon, Mary Poppins... Quel est le point commun ? On croise au printemps 2013 dans les rues de Niort des personnages pas si merveilleux que cela. Entre place de la Brèche et Moulin du Roc, Macéo le musicien et le capitaine Papier jouent à cache-cache pour retrouver un gang de braqueuses d’opérette. Mais qui s’abrite derrière les déguisements ?

Suivez pas à pas les investigations de Macéo et du capitaine Papier, à la recherche de ces princesses pas si merveilleuses !

EXTRAIT

Céline doutait. Cette affaire de Blanche Neige absorbait vraiment son mari. Il en devenait évasif, distant. Peut-être aurait-elle dû lui parler de… ? Mais elle ne pouvait pas aider son mari. Non, là, vraiment, elle ne pouvait pas. Lui changer les idées ? Ils sortaient pourtant régulièrement ensemble. Dernièrement, elle l’avait emmené voir une version moderne de Cendrillon. Il n’avait fait aucune difficulté pour venir. Ou encore à cette soirée mondaine, à Saint-Liguaire. Au contraire, il se mêlait facilement aux conversations, il discutait beaucoup, semblait y prendre de l’intérêt. Non… C’était plutôt comme s’il avait un grief envers elle. Il n’aimait pas cette ville, elle le savait. On aurait dit qu’il voulait la rendre responsable de cela. Comme s’il cherchait, lorsqu’ils étaient seuls, à lui faire éprouver un sentiment de culpabilité.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ce n’est pas un hasard si l’action du premier roman de Philippe Guillemoteau se déroule dans le monde du spectacle. Depuis près de quarante ans, il chante sur les scènes hexagonales. Fauché par le punk en 1977, il dérive ensuite progressivement vers la chanson. De l’écriture de refrains à celle de livres, il n’y a qu’un pas franchi avec bonheur au tournant du siècle. Né en Charente-Maritime, il vit à Niort depuis la fin des années quatre-vingt et s’intéresse particulièrement à l’histoire et à la culture en Poitou-Charentes. Pour preuve, l’ouvrage Micro Faunes paru chez Patrimoines et Médias en 2008 dans lequel il radiographie la création musicale en Deux-Sèvres depuis le milieu du XXe siècle.
LangueFrançais
Date de sortie22 juin 2018
ISBN9791035301729
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    Aperçu du livre

    Règlements de contes en bord de Sèvre - Philippe Guillemoteau

    CHAPITRE 1

    Samedi 27 avril 2013

    Face au marché du samedi matin qui battait son plein, Macéo était installé à sa terrasse de café préférée lorsque les Blanche Neige ont débarqué. Corsages bleu nuit, amples jupes jaunes, nœuds rouges dans leurs coiffures brunes, tout droit sorties du dessin animé de Walt Disney. À ceci près qu’elles tenaient chacune une arme en bandoulière. La petite troupe s’attirait des regards mi-amusés, mi-inquiets. Arrivant des quais de Sèvre par la rue Brisson, les filles se dirigeaient vers le parvis des Halles en exécutant dans l’espace piétonnier une chorégraphie maladroite, un peu rigide et presque drôle, à la manière d’une unité militaire mal coordonnée. Les chalands, habitués aux animations de rue dans ce secteur, s’arrêtaient en souriant avant de reprendre leur marche ou leur conversation. Devant le bureau de tabac à l’angle de la rue Basse, elles obliquèrent vers une maison à colombages abritant en son rez-de-chaussée une agence bancaire dans laquelle elles pénétrèrent dans une quasi-indifférence. Lassé d’attendre son ami Spider dans l’espoir de lui montrer le vinyle d’Ellington qu’il venait d’acheter, Macéo avait fini son café et se préparait à régler sa consommation. Il les vit sortir et reprendre le chemin de la rue Brisson. Le temps qu’il cherche sa monnaie, enfile son blouson et rassemble ses achats, elles avaient déjà disparu de son champ de vision. Un homme sortit de la banque en hurlant. Certains passants pensèrent que cela faisait partie de la mise en scène.

    Quelques heures plus tard, sortant du commissariat, Macéo laissa la préfecture sur sa droite, ignorant les allégories des deux Sèvre(s), la Niortaise et la Nantaise, ornant son fronton. Heureux de se retrouver à l’air libre après quasiment deux heures d’attente dans les couloirs, il s’arrêta au pied du grand escalier de l’hôtel de ville pour rouler une cigarette avant d’affronter le passage venteux qui menait à l’ancien musée municipal. Avec le Donjon médiéval tout proche et l’église Notre-Dame dont le clocher était caché par les toits environnants, toutes les représentations du pouvoir étaient regroupées sur ce renflement qui dominait le fleuve.

    Comme les dizaines de personnes dont la police avait enregistré les noms le matin même autour de l’agence bancaire, Macéo avait été invité, à titre de témoin, à faire une déposition dans les locaux de la rue de la Préfecture. Il y avait tant de monde au moment du cambriolage qu’il n’avait pas été possible de recueillir les témoignages sur place et les Niortais défilaient maintenant dans les bureaux du commissariat. Les habitués des terrasses du samedi matin s’y croisaient : comédiens ou musiciens comme lui, peuple des mutuelles, élus et autres notables… Tous échangeaient leurs impressions :

    — Je leur souhaite bien du plaisir pour arriver à dégager une version cohérente à partir de toutes ces déclarations.

    — Avec ces masques, il ne va pas être facile de dresser des portraits-robots.

    — Tu leur as vu des masques, toi ? C’était plutôt du maquillage.

    Pauvres pandores ! Ils avaient du pain sur la planche.

    En fin d’après-midi, Macéo avait rendez-vous rue du Petit-Banc, à deux pas de la mairie, où son ami Soliman l’avait invité au vernissage de sa nouvelle exposition. Il aimait bien la peinture sensuelle de cet artiste qui faisait chanter la matière mais n’appréciait pas vraiment l’ambiance un peu obligée de ces inaugurations où tout le monde s’extasiait. C’était cependant pour lui l’occasion de rencontrer le tout-culturel de la ville, de nouer des contacts et peut-être de trouver quelques contrats. En formation trio jazz, il avait eu plusieurs fois l’occasion d’animer ce type de réception. Des prestations généralement bien rémunérées. Contrebassiste mercenaire, Macéo cumulait, pour vivre, soirées dans les bars musicaux, concerts dans les contextes les plus divers et vacations au conservatoire. Pas de quoi rouler en Ferrari – d’ailleurs Macéo ne possédait pas de voiture – mais bien assez pour assurer le loyer et ne pas avoir à faire la manche.

    L’atelier du peintre était installé dans une petite maison bourgeoise dont l’artiste occupait le rez-de-chaussée ouvert à l’arrière sur une cour aux velléités exotiques. Une orangerie et un vénérable palmier attiraient les regards, embarquant les visiteurs vers des contrées que ne laissait pas deviner le modeste jardinet du côté rue. Dès la marquise odorante des grappes de glycines, le brouhaha des conversations rassura le musicien : l’atelier était plein et, si l’envie lui en prenait, il pourrait s’éclipser discrètement après avoir salué les hôtes. Dans la plus grande des pièces encombrées de toiles, une table était installée, chargée de bouteilles de vin gris, de verres de thé à la menthe et de fruits secs. Dans un coin, une mini-chaîne diffusait en sourdine des échos d’oud et de darbouka. Dans cette ambiance des Mille et Une Nuits propice aux confidences, les invités ne parlaient que d’une seule chose : la descente des Blanche Neige au marché. Le sujet n’intéressait pas vraiment Macéo mais il était impossible d’y échapper. Pierre, un photographe en blouson de cuir, branchait un journaliste local :

    — Prévoyez de doubler le tirage demain, votre canard va s’arracher. Tout Niort était là.

    — C’est sûr ! Le problème, c’est que nous n’avons pas de cliché des cambrioleuses pour la Une. Ce matin, les journaleux étaient mobilisés autour des officiels pour l’inauguration de la foire-exposition. Tout ce qu’on a, c’est une photo de la vitrine de l’agence. Tu n’aurais pas shooté la chose, par hasard ?

    — Désolé, mon vieux, répondit Pierre. Tu sais bien que je travaille pour la concurrence. De toute façon, j’étais à l’intérieur des Halles et je n’ai rien vu.

    Macéo s’immisça dans la conversation.

    — C’est un comble. À l’heure où tous les téléphones portables sont multifonctions, personne n’aurait pris de photos ? Je n’y crois pas !

    Le journaliste précisa :

    — Pour le moment, les gars du commissariat n’ont récupéré que des images floues et nous n’avons pas accès aux images des caméras de surveillance de la banque. D’ailleurs, c’est une petite agence pas très bien équipée. Tant pis, on te déguisera en Blanche Neige et on fera une photo avec les sept nains.

    — Avec mon mètre quatre-vingt-dix ? Tu confonds avec Gulliver, mon vieux. Tiens, reprends un verre, ton humour est à sec.

    Le musicien n’avait jamais réussi à s’habituer à voir le monde quelques centimètres plus haut que le commun des mortels et il n’aimait pas trop qu’on le taquine sur la question. Il portait ses trente-cinq ans d’un air décontracté qui pouvait paraître naturel mais cette nonchalance de façade était facilement prise en défaut par ceux qui le connaissaient. Le journaliste n’avait pas résisté à la tentation.

    Au milieu d’un groupe, Macéo aperçut Marie, une amie cadre dans une mutuelle – ce qui dans cette ville correspondait à peu près au tiers de la population en âge de travailler – en conversation avec une jeune femme qu’il ne connaissait pas. Il était rare de rencontrer un visage inconnu dans ce genre de rendez-vous. Si, outre l’attrait de la nouveauté, celui-ci avait des yeux clairs qui pétillent sous des airs sages, il focalisait inévitablement l’intérêt des regards masculins. N’échappant pas à la règle, Macéo s’approcha, se frayant entre corsages de soie et polos griffés un passage jusqu’aux deux femmes.

    — Macéo, je te présente Lucie, actuellement en résidence aux Usines Boinot, dit Marie. Lucie, voici Macéo, musicien tout terrain et pilier de la scène culturelle locale. C’est également un excellent arrangeur et un agréable compagnon de soirée.

    Le contrebassiste taquina :

    — Bienvenue, Lucie. J’aurais préféré : agréable arrangeur et excellent compagnon de soirée. Vous êtes venue avec une troupe ?

    Les Usines Boinot étaient à la fois une friche industrielle et un vaisseau amiral de la culture niortaise. Un Centre des Arts de la Rue, idéalement situé le long de la Sèvre, en centre-ville et à deux pas des autres équipements culturels, avait été provisoirement installé dans cette ancienne chamoiserie.

    Fixant les yeux gris du musicien, la jeune femme répondit :

    — Notre compagnie s’appelle les Filles de Perrault et nous sommes à Boinot pour un mois. Nous préparons un spectacle pour enfants. Passez nous voir.

    Souligné d’un trait de crayon noir, le regard de la comédienne troubla le musicien. Il demanda :

    — Les Filles de Perrault. Comme celui qui a écrit les contes ?

    Mais l’attention de Lucie était déjà détournée vers un adjoint à la culture et un directeur de centre social que quelqu’un voulait lui présenter. Macéo resta encore un peu, échangeant quelques saluts avec des connaissances en picorant des noix de cajou. Il connaissait les peintures de son ami, plus agréables à détailler dans une ambiance plus calme. Il avait montré qu’il existait, qu’il était toujours de la famille et que l’on pouvait faire appel à lui si besoin. Contrat rempli ; il ne tirerait rien de plus de ce vernissage et pouvait changer de cap sans arrière-pensée. Il était à peine 19 heures lorsqu’il émergea sous les glycines de l’entrée. Trop tôt pour rentrer, déjà un peu frais pour traîner dans les rues par ce printemps humide. Les commerces commençaient à fermer. Deux heures perdues au commissariat, pas de contrat pour jouer ce soir ; drôle de samedi. Et Spider, il était où, Spider ? Dans ces cas-là, une seule solution, faire le tour des bars.

    CHAPITRE 2

    Samedi 27 avril (soirée)

    Macéo trouva Spider chez Jean-Claude, patron d’un troquet de la rue Baugier où l’on passait encore de la bonne musique. C’était devenu chose rare, surtout selon la conception qu’en avait Macéo. Il lui fallait de la mélodie, du groove et surtout de vrais instruments joués par de vrais musiciens. Exit l’électro et les musiques à machines, exit le punk et ses approximations, il ne jurait que par le jazz, le rhythm’n blues et la pop des années soixante-dix. En gros, tout ce qui était plus vieux que lui, né à la fin des seventies. De tels goûts pour un gars de son âge faisaient de lui un martien, ou plutôt un ancien combattant, auprès de cette génération qui avait eu quinze ans avec Nirvana.

    Quand il poussa la porte du bar, Stevie Wonder chantait Superstition. Immédiatement, il pensa : Talking Book, 1972. En plein cœur de cible. Dès qu’il entendait un morceau qu’il aimait bien, Macéo cherchait instinctivement à le situer dans la discographie de son auteur. C’en était maladif. Et énervant. Il avalait des piles de revues musicales. À force de patience et de recherches sur Internet, il s’était procuré les collections complètes de Jazz Magazine et de Rock & Folk, soigneusement archivées dans sa chambre. Abonné à Mojo, un mensuel anglais de rock vintage qu’il parcourait avec difficulté, il en épluchait les rétrospectives de ses artistes préférés et les vieilles photos de scène où il prenait plaisir à identifier les modèles d’instruments. Il avait mis du temps à trouver son blouson de jean, le même que celui porté par John Lennon sur un poster punaisé dans son salon. Macéo vivait seul. Sa passion pour la musique ne laissait pas beaucoup de place pour une compagne. Quelques-unes s’y étaient essayées. Le musicien était beau garçon. Visage ovale, régulier, charmant malgré un nez assez fort, presque busqué. Sa coupe, cheveux châtains bouclés mi-longs sur la nuque, était un peu datée. Sous des sourcils bien dessinés, presque féminins, ses yeux gris clair se remarquaient immédiatement sur sa peau légèrement cuivrée. Ils confortaient une impression sympathique et douce que dégageaient sa plastique souple et ses mouvements amples et mesurés. Il y avait quelque chose d’aquatique dans son attitude qui plaisait aux femmes, les mettaient en confiance. Certains hommes séduisent par leur humour, d’autres par leur autorité. Macéo séduisait par sa fluidité. Mais l’effet ne tenait pas. Ses conquêtes lui glissaient entre les doigts comme l’eau d’une rivière, sans qu’il comprenne pourquoi, et il restait impuissant à les retenir.

    Spider avait une araignée au plafond. Littéralement. Large comme la paume de la main, un tatouage artistement gravé sur la peau de son crâne lisse figurait une tarentule immense et sombre dont les pattes descendaient jusqu’à ses épais favoris. Ses traits portaient les stigmates d’une vie mouvementée : nez de rugbyman, cicatrice au menton… Les yeux restaient vifs, attentifs à tout jusqu’à en devenir inquiétants. Sous le tatouage, à l’intérieur, les pensées n’étaient pas toujours très claires. Les réactions de ce bourlingueur massif et trapu aux muscles mis en valeur par un perpétuel débardeur noir pouvaient être imprévisibles, déroutantes, voire douteuses. Macéo le considérait pourtant comme son meilleur ami. Lorsqu’ils étaient ensemble, ceux-là formaient un duo redouté que leurs proches prenaient alors soin d’éviter. Outre la différence d’âge – Spider affichait une cinquantaine tonique déjà avancée – ce qui les distinguait était également ce qui les rapprochait : un savoir musical encyclopédique et le goût de la joute verbale. Mais, là où Macéo pensait travail de l’harmonie et arrangements soignés, Spider défendait énergie et spontanéité. Pour lui, la musique était née en 1977 avec Clash et les Sex Pistols, quand il baladait ses dix-huit ans de cave en festival. À part les Stooges et le free-jazz, peu de productions antérieures à cette date trouvaient grâce à son oreille. D’où le plaisir que les deux hommes pouvaient trouver à comparer et disserter pendant des heures à propos de deux versions de Surfin’ Safari, l’une par les Beach Boys, l’autre par les Ramones. Le même genre de bonheur que trouvent sans doute deux cinéphiles à analyser les films de Godard ou de Lynch. Dans ces cas-là, ils étaient imperméables à toute intervention extérieure et leur langage même devenait hermétique.

    Spider était installé au comptoir. Il partageait avec Jean-Claude et quelques habitués une discussion bruyante. Chaque fois qu’il reposait son verre, les pattes de l’araignée paraissaient s’animer au rythme de ses réponses.

    — Mais j’y étais, moi, dans la banque. Je le sais mieux que toi, combien elles étaient.

    Ça, c’était du pur Spider : être toujours là où il se passait quelque chose, être au courant de tout.

    — Qu’est-ce que tu foutais dans cette banque, toi qui ne bosses jamais ? s’étonnait son voisin de gauche

    — Qu’est-ce que tu crois ? Que je n’ai pas de compte en banque ? Tu me prends pour un clodo ? Je ne suis même pas à découvert, moi, monsieur. Je suis pas sûr que tu puisses en dire autant à la fin du mois, avec tes remboursements de bagnole et de maison.

    L’échange virait à l’aigre et, dans ces cas-là, on ne savait pas comment Spider pouvait partir en vrille. S’accoudant à sa droite, Macéo lança, en souriant :

    — Moi, je sais pourquoi il y était : il voulait la braquer, cette agence, mais il s’est fait doubler.

    L’appel de basse et les accords martelés de London Calling prirent la suite de Stevie Wonder. « Clash, 1979 », pensa aussitôt le musicien. C’était exactement le genre de morceau qui pouvait les réconcilier, trouvant place dans leurs panthéons respectifs.

    — Alors, ce casse, tu racontes ? demanda Macéo.

    — Je voulais retirer de l’argent sur mon livret, commença Spider. J’attendais mon tour quand ces faces de cartoon sont entrées. Ça, elles ne risquaient pas de passer inaperçues. Ce que j’ai vu aussitôt après, ce sont les armes qu’elles ont pointées vers le guichet et vers nous. Deux employés étaient au comptoir en train de débrouiller l’affaire de la vieille devant moi. Ils ont tout de suite compris et ils ont levé les bras.

    Joignant le geste à la parole, le marginal esquissa le mouvement et faillit renverser sur son voisin le demi qu’il avait gardé à la main.

    — Je ne crois pas qu’ils aient eu le réflexe de déclencher l’alarme. Ça s’est passé vachement vite, en fait. Pendant que les autres surveillaient, l’une des filles a demandé tout l’argent qui était accessible. Elle avait un sac dans lequel les employés ont balancé tout ce qui était à portée de main. Nous, les clients, les déguisées nous ont fait allonger par terre, bras et jambes écartés. Et puis, on les a entendues repartir. C’est tout.

    — Et alors, combien elles étaient ? interrogea le patron.

    — Ben, cinq. Je l’ai déjà dit.

    Le voisin de gauche revint à la charge :

    — La serveuse de la boulangerie les a vues passer en courant. Elle a dit qu’elles étaient six.

    — Elle s’est trompée, ta serveuse, elle a trop snifé sa farine. Et puis, qu’est-ce que ça change, cinq ou six ? D’ailleurs, je comprends pas pourquoi elles étaient si nombreuses. Il me semble que deux ou trois auraient largement suffi.

    Macéo questionna :

    — Elles étaient mignonnes, au moins ?

    — Là, je serais bien incapable de le dire, avec la couche de maquillage qu’elles avaient sur la figure. Pire qu’une tartine dans une pub’ pour Nutella ! Et puis, sur le coup, c’est pas ce qu’on remarque. L’impression que j’ai eue, par contre, c’est que ce n’étaient pas des professionnelles.

    — Des professionnelles de quoi ? ricana le voisin.

    — Tu m’as très bien compris : des professionnelles de la cambriole.

    — Pourquoi tu dis ça ? voulut savoir Macéo.

    — Je sais pas, une certaine fébrilité peut-être… Du coup, j’étais quand même un peu inquiet. Dans mes écouteurs, j’avais Marcia Baila mais je peux dire que j’avais pas envie de danser.

    CHAPITRE 3

    Lundi 29 avril

    Dans son appartement, Macéo rabâchait la ligne de basse d’une composition de Dr. John dont le doigté lui résistait. Il était à l’ouvrage depuis le matin sur un répertoire à travailler en groupe le lendemain avant de se produire en bar en fin de semaine. Une soirée Revival Seventies comme il les aimait bien et dont il avait déjà joué l’essentiel de la sélection : Creedence, Cream, Rolling Stones, Dylan, Led Zep… Quasiment ce que son père jouait en bal quelques années avant sa naissance. Et puis, parmi ces fleurons des hit-parades de l’époque, le

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