À propos de ce livre électronique
Un pétrolier en perdition dans la baie de Saint-Brieuc s’échoue à Erquy et déclenche une marée noire aux conséquences inattendues : le cadavre momifié d’un homme, enterré là depuis plusieurs dizaines d’années, est exhumé par une pelleteuse lors du creusement d’un bassin de stockage de la pollution. Quel rapport ce cadavre peut-il avoir avec cette histoire de mains coupées qui hante l’esprit d’un vieil homme de Saint-Quay-Portrieux, qui cherche en vain à connaître la vérité sur cet étrange personnage qui le menaça de mort alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années ? Cette enquête va entraîner Victor Tarin sur des chemins dangereux entre Saint-Quay-Portrieux, Erquy et le cap Fréhel, ainsi que dans les méandres d’une sombre histoire d’espionnage et d’intrigues criminelles d’un des responsables politiques du département des Côtes-d’Armor, qui n’a pas hésité à éliminer ses rivaux pour accéder au pouvoir suprême.
Retrouvez les aventures de Victor Tarin en version numérique !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1961 à Languédias, fils et petit-fils de boulanger, Eric Rondel est l'auteur de nombreux ouvrages historiques sur la Seconde Guerre Mondiale. Amoureux de sa région et de son histoire, il a créé le personnage décapant de Victor Tarin pour pouvoir en parler différemment à travers des romans policiers qui la mettent en valeur. Dès la sortie de la première aventure de Victor Tarin en 1998, le personnage a trouvé son public.
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Avis sur Le cimetière des oubliés
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Aperçu du livre
Le cimetière des oubliés - Eric Rondel
Saint-Quay le mardi 5 septembre 1933
le jour où tout a commencé…
Soufflant son puissant panache grisâtre, le train départemental venant de Saint-Brieuc arriva bruyamment et avec peine sur le haut de la colline de Saint-Quay en cette fin d’après-midi moite de fin d’été. Avec un long coup de sifflet, la locomotive s’arrêta dans un crissement de frein et un frottement d’acier désagréable.
Quand le convoi composé de cinq wagons, dont deux de marchandises, s’immobilisa sur les rails, la locomotive disparut dans un nuage de vapeur. Les portes des compartiments en bois des trois classes s’ouvrirent rapidement, laissant descendre des passagers qui avaient à faire dans la ville ou qui rentraient chez eux après un bref séjour au chef-lieu départemental, heureux de quitter des banquettes inconfortables et une lourde atmosphère de tabac et de désagréables effluves de sueur due à la chaleur moite de cette fin d’été.
Si presque tout le monde avait quelqu’un pour l’accueillir sur le quai : un ami, un parent ou le chasseur d’un hôtel en livrée aux couleurs vives venu récupérer son client fatigué par un pénible voyage ferroviaire et dont le nom avait été griffonné à la hâte sur une ardoise, un des passagers du tortillard, bien habillé et sortant élégamment du compartiment de la première classe le regard fuyant, n’était pas attendu.
C’était un solitaire, ça se voyait au premier coup d’œil.
D’ailleurs, il ne connaissait personne à Saint-Quay ce drôle de personnage aux allures de dandy qui dénotait dans le paysage, c’était même la première fois de sa vie qu’il mettait les pieds dans ce gros bourg côtier de Bretagne Nord… ce serait aussi la dernière… c’est du moins ce qu’il espérait en dévisageant dédaigneusement les hommes et les femmes qui s’affairaient sans classe autour du train. Dans un vacarme de cacophonies qui lutait en intensité avec le piston de la chaudière de la loco qui faisait des allers et retours dans le vide en attendant de repartir vers une nouvelle gare, des brouettes chargées de valises roulaient lourdement sur le gravier du quai et des charrettes tirées par des chevaux transportaient des voyageurs bavards qui avaient la chance de ne pas se déplacer à pied.
Semblant intriguée par la présence de cet homme qui ne cadrait pas dans le paysage, à demi cachée par un rideau, une très jeune femme assise à l’arrière d’une automobile luxueuse garée en contre-bas à côté de l’hôtel Bellevue l’examinait avec soin. Sans un mot, tout en ne perdant pas des yeux l’inconnu, d’une main gantée elle sortit une photo de son sac, s’imprégna de l’image sépia puis attrapa des jumelles de théâtre glissées dans un vide-poche. Visant discrètement la figure de l’étranger, elle sourit et, tout en continuant à l’examiner de pied en cape, elle toqua d’un doigt sur la vitre qui la séparait du chauffeur. Celui-ci se tourna vers celle qui semblait être la fille de son patron, plus que sa patronne elle-même et écouta :
– Allez Piotr, on rentre à la maison, papa va être content ! lança-t-elle avec un magnifique accent russe qui multipliait les « r » à l’infini.
– Bien madame, se contenta de répondre le chauffeur en embrayant son puissant six cylindres Rolls-Royce.
Le mystérieux passager du train Saint-Brieuc/ Saint-Quay, qui croyait à tort être inconnu dans ce village breton, était un homme sûr de lui, grand, svelte et élégant, âgé d’une quarantaine d’années, coiffé d’un panama blanc relevé d’un ruban noir, couvre-chef très en vogue en ces années d’entre deux guerres où la mode du charleston battait son plein. Rien ne dénotait dans la toilette raffinée de cet étranger, depuis les chaussures cirées avec soin jusqu’au veston clair rehaussé par une pochette de soie de couleur rouge.
Le dandy resta quelques secondes en équilibre sur le marchepied de son compartiment pour s’imprégner du lieu et, avant de poser le pied à terre, il se lissa les moustaches, vérifia que son arme était toujours à sa place dans une des poches de sa veste qui avait été taillée et conçue pour ne rien laisser transparaître, et regarda méticuleusement de tous les côtés.
Puis, rassuré, il descendit sur le quai.
Rajustant une banale gibecière de chasseur qu’il portait sur ses épaules en guise de tout bagage, mais qui était la seule fausse note dans la tenue de notre mystérieux personnage, prudemment, il contourna le modeste bâtiment en briques rouges qui tenait lieu de gare, et attendit encore quelques secondes pour laisser le temps aux autres passagers de se disperser, et ainsi contrôler efficacement s’il n’était pas suivi. Notre prudent personnage semblait être un as de la dissimulation…
– Bonne journée monsieur ! lui lança une femme accompagnée de son enfant qui avait les deux bras emmaillotés dans des bandages.
L’inconnu la regarda et se souvint que cette femme était assise à côté de lui tout à l’heure.
– À vous aussi madame, répondit-il.
Dans les conversations qu’il avait entendues sans trop y prêter attention à bord du train, il avait autre chose à penser, il avait appris que cette pauvre femme venait à la fontaine miraculeuse Saint-Quay avec son jeune garçon qui avait eu les deux bras happés par une machine à battre. D’après une légende locale, saint Ké ou saint Quay, un ermite gallois, traversa la manche dans une auge de pierre et débarqua dans l’anse de Kertugal. À peine arrivé, des lavandières le prirent pour le diable et le frappèrent durement avec des genêts. On l’abandonna comme mort. Mais, c’était sans compter sur la puissance surnaturelle du saint qui fit jaillir une source avec laquelle il se soigna. Aujourd’hui encore, l’eau de la fontaine a la réputation miraculeuse de guérir les blessures.
Alors que le train repartait en soufflant vers Guingamp, il sortit un papier d’une de ses poches. Il le déplia dans un geste élégant, démontrant ainsi sa grande éducation et examina le plan qui y était griffonné. Imprégné des informations qu’il venait d’assimiler, il regarda autour de lui et reconnut rapidement la rue qu’il devait prendre. Sans un mot pour les gens qu’il croisait et qui le saluaient pourtant poliment, il descendit un petit chemin abrupt et s’engagea bientôt dans la rue Jeanne d’Arc en direction de l’église de Saint-Quay.
On était début septembre, et il faisait encore chaud, très chaud même, c’est pourquoi, malgré la mission de la plus haute importance qu’il devait accomplir pour le compte de ses commanditaires puis venir à Saint-Quay en rendre compte, persuadé que personne ne l’avait suivi jusqu’à ce bled et qu’il pouvait continuer sa besogne sans crainte, notre mystérieux homme décida de s’accorder une petite pause.
Machinalement, il avait jeté un œil sur l’horloge de l’église et avait jugé qu’il était en avance sur le rendez-vous qu’on lui avait fixé en soirée à la pointe du Sémaphore, où il allait toucher ce qu’on lui devait pour son travail.
La sueur au front, il entra dans un des débits de boissons du bourg qui lui apporta immédiatement une fraîcheur revigorante. Sans dire un mot, le dandy attrapa un journal qui traînait sur une table appuyée à la cage de grillage derrière laquelle on vendait du tabac et balaya une chaise avec avant de s’y asseoir. Une fois installé, le maniaque nettoya la table avant d’y poser son canotier et se débarrassa de son fardeau qui lui collait dans le dos. Il posa délicatement son sac sur le sol carrelé et l’appuya avec soin à un des pieds de la table où il avait pris place.
Il n’y avait personne d’autre dans ce café aux murs jaunis par la fumée et la négligence, qu’une femme ni belle ni moche debout derrière le zinc, toute vêtue de noir et arborant la coiffe locale. La tenancière, dont il était impossible de donner un âge, était occupée à essuyer mécaniquement des verres avec un torchon blanc à barres rouges. Au bruit de la chaise qui racla le sol, elle se retourna et posa le verre sur le bord du bac où croupissait une eau de vaisselle surchargée de débris de toutes sortes, jusqu’à des cadavres de mouches. Tout en dévisageant quelques secondes un client qu’elle n’avait jamais vu dans le bourg, elle s’essuya les mains et, après avoir machinalement attrapé un siphon à eau de Seltz et en faisant mine de le revisser pour se donner une contenance, elle lui lança une banalité pour engager une conversation commerciale et stérile :
– Fait chaud hein !
L’inconnu ne répondit pas, car il était occupé à s’assurer de la stabilité de son sac qui semblait être un objet très important pour lui.
– M’est avis qu’ça va tourner à l’oraïge, reprit la patronne tout en contournant le bar après avoir reposé le siphon sur une étagère en bois. Les pêchous vont encore nous ramener des palanquées de maqueriaux ou ben des chinchards.
Elle avait employé des mots en gallo¹ pour essayer de situer géographiquement son client : s’il comprenait, c’était un pays, sinon, c’était un parisien, terme générique usité à la campagne pour désigner un étranger.
– C’est encore loin d’ici le sémaphore ? se contenta de répondre le client qui n’avait pas tout saisi du langage fleuri de cette femme de la campagne qu’un bon mariage avait placée derrière un comptoir.
Habituée aux touristes qui envahissent Saint-Quay et remplissent les tiroirs-caisses durant la période estivale, à son accent marqué qui faisait les « r » se prolonger, la Bretonne reconnut que ce paroissien-là n’était pas natif du village ni de ceux des alentours, il n’était même pas breton, peut-être même pas français. Et elle avait beau fouiller ses méninges, elle n’arrivait pas à déterminer d’où il venait ce bonhomme trop bien habillé.
– Ça dépend quel chemin vous prenez ! finit-elle par dire en abandonnant le gallo tout en s’essuyant de nouveau les mains avec son tablier.
En femme rusée, elle avait dit ça en évitant le patois local, non pas pour aider, mais pour essayer de savoir ce que ce drôle était venu faire à Saint-Quay ; et puis, en commerçante avisée, elle savait jongler dans les deux langues afin de s’adapter au mieux à la clientèle. Ah ! la curiosité, un des moteurs du savoir et du progrès, mais aussi de la médisance.
– Le plus court, reprit le mystérieux client pour contrarier l’indiscrétion de son hôtesse.
C’est vrai qu’il parlait un français correct ce monsieur-là, mais il était étranger – et étranger d’un autre pays de surcroît – ça, elle en était sûre. Mais d’où ? Alors là, encore impossible à dire… il fallait qu’elle continue à le faire causer… pour savoir et percer son secret.
– Vous allez rendre visite au gardien ? osa-t-elle.
– Je ne sais pas encore.
– Je le connais bien, c’est un bon client.
– Ah !
– Il vous attend ?
– Ne vous préoccupez plus de cela madame ! rétorqua l’inconnu avec une pointe de lassitude dans la voix, je trouverai bien tout seul.
– Ne vous fâchez pas monsieur, j’ai dit ça comme ça… sans penser à mal… juste pour vous aider.
– Restons-en là madame… voulez-vous ? Ce que je vais faire au sémaphore ne vous regarde pas, contentez-vous de faire votre métier de débitante de boisson et tout ira bien.
En disant cela d’une voix ferme qui ne laissait pas de place à la contestation, les yeux de l’homme s’étaient assombris et son visage s’était recouvert d’un masque dur et froid.
Déstabilisée quelques secondes, avec le journal qu’elle venait de reprendre d’un geste rapide pour justifier sa propriété, la femme désigna un chemin situé juste en face de sa porte.
– Alors, c’est par là qu’il est le sémaphore, un peu plus haut, au bout de la rue Paul Déroulède… mais ça monte, enchaîna-t-elle déçue de ne pas pouvoir en apprendre davantage et surtout d’avoir été remise à sa place par un étranger.
– Merci madame.
– Et qu’est-ce qu’il boira le monsieur ? se dépêcha-t-elle d’enchaîner de peur que son unique client qui semblait riche ne s’en aille sans consommer.
– Que me conseillez-vous ?
– J’ai un excellent cidre bien frais… c’est parfait quand il fait chaud…
– Alors, c’est ce qu’il me faut.
– Un pichet ?
– S’il vous plaît et… laissez-moi seul, j’ai à faire.
Contrariée, la Bretonne souleva les épaules avec un dédain simulé et, après avoir reposé le journal sur la table, alla chercher la boisson demandée. Au retour, ne s’avouant pas vaincue aussi facilement, machinalement elle posa une dernière question tout en posant le pichet :
– C’est la première fois que vous venez à Saint-Quay ?
Ne voulant pas attirer l’attention en remettant trop violemment à sa place cette indiscrète et tenace cabaretière de campagne qui pourrait trop parler – « on ne sait jamais comment les choses peuvent se passer au sémaphore » se dit-il –, il réfléchit quelques secondes pour trouver une réponse plausible qui pourrait peut-être la satisfaire et étancher sa soif de curiosité malsaine.
Visant le comptoir où étaient vendues des cartes postales de la région, il lança le plus gravement possible pour donner de la véracité à sa justification :
– Puisque vous voulez tout savoir, et afin de lever tout malentendu entre nous, j’avoue, je suis photographe et je viens faire des repérages pour réaliser de nouveaux clichés de votre ville. Je voulais rester discret pour ne pas alarmer la concurrence, aussi vous demanderais-je de ne pas ébruiter mon passage.
– Ah ! vous êtes un artiste.
– Oui ! en quelque sorte, reprit-il avec une petite pointe de mystère qu’il regretta par la suite.
– Je me disais bien aussi qu’un gars aussi propre sur lui et aussi bien habillé ne pouvait pas être un homme ordinaire…
– Vous me flattez madame, se défendit le client qui n’aimait pas la tournure que prenait cette conversation. Je ne suis qu’un modeste photographe… rien de plus…
Et elle lui donna une tasse en terre cuite bariolée de rouge pour y verser son cidre. Puis, après avoir finalement
