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Scorpion
Scorpion
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Livre électronique431 pages6 heures

Scorpion

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À propos de ce livre électronique

Scorpion : le clan des De Wolfe par Kathryn Le Veque
Un chevalier brutal et héroïque trouve l'amour au cœur de l'Angleterre
Scorpion : le clan des de Wolfe
1289 A.D. - Sir Kevin Hage, blessé par la perte de son affection pour le guerrier gallois connu sous le nom de Serpent, se noie dans la guerre pour oublier son chagrin d'amour. Il se rend au Levant pour combattre les infidèles musulmans, en se transformant dans le processus. Il devient endurci, brutal et héroïque et retourne en Angleterre en un homme complètement changé, un assassin anglais connu sous le nom de Scorpion.

Désormais, il doit mener en lui une bataille plus grande - la peur d'aimer une femme dans des circonstances extrêmement difficiles. Avec toutes les chances contre eux, suivez Kevin et sa femme dans leur voyage de découverte, d'aventure et d'un amour qui s'éveille plus fort que toutes les étoiles du ciel dans cette romance médiévale inoubliable.

Mon amour... ton nom est SCORPION.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie9 mars 2021
ISBN9781071588246
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    Aperçu du livre

    Scorpion - Kathryn Le Veque

    Note de l’auteur :

    Bienvenu à l’histoire de Kevin Hage !

    Kevin, bien évidemment, est l’un des personnages secondaires importants de Serpent, la compétition des héros, et j’étais très triste que Kevin n’ait pas pu avoir la fille qu’il aimait tant. J’ai alors voulu offrir la chance à Kevin de vivre sa propre histoire d’amour, où il connaîtrait sa propre expérience de bonheur éternel. Mais l’histoire de Kevin devait être originale, extraordinaire et hors du commun. J’ai alors imaginé, qu’après avoir perdu Pénélope dans Serpent, Kevin partirait à la recherche d’une nouvelle aventure pour oublier son passé douloureux.

    Mais nous devons noter quelques points importants : une grande partie de ce roman raconte l’histoire des croisades et des tournois de l’époque médiévale. Kevin s’est en effet rendu au Levant (le terme remplaçant ‘La Terre Sainte’ en latin). Par ailleurs, une chose intéressante doit être prise en compte concernant les tournois en général. Le terme ‘mêlée’, utilisé pour décrire le combat simulé de foule qui était la base des tournois, ne fut largement utilisé qu’à partir du 16ème siècle. Avant ça, la mêlée était connue sous le nom de ‘tournoi de masse’ ou ‘masse’.  

    De plus, le duché de Dorset n’a vu le jour qu’au 18ème siècle et, même le comté de Dorset n’existait pas encore. Je dois donc mentionner que l’existence précoce du duché dans l’histoire de l’Angleterre est délibérément factuelle.

    J’aimerais également ajouter un fait amusant : Gorsedd de Bretagne, le père de Cortez de Bretagne de La Quête, joue un rôle assez important dans ce roman. Cortez est un jeune écuyer sous les services de Kevin. Comme le monde est petit !

    Maintenant, j’espère que mon histoire vous plaira !

    Amicalement,

    Kathryn

    Arbres généalogiques des familles de Wolfe, Hage et de Norville

    La nouvelle génération des Wolfe (des WOLFE, SERPENT)

    William et Jordan Scott de Wolfe

    Scott né en 1241 (marié à Lady Athéna de Norville, avec descendance*)

    Troy né en 1241 (marié à Lady Helene de Norville, avec descendance)

    Patrick né en 1243 (marié à Lady Brighton de Favereux, avec descendance)

    James né en 1245 – Tué au Pays de Galles en juin 1282 (marié à Lady Rose Hage, avec descendance)

    Katheryn née en 1245 – la sœur jumelle de James (mariée à Sir Alec Hage, avec descendance)

    Evelyn née en 1248 (mariée à Sir Hector de Norville, avec descendance)

    Le bébé de Wolfe né en 1250 – mort le même jour, baptisé Madeleine.

    Edward né en 1252 (marié à Lady Cassiopée de Norville, avec descendance)

    Thomas né en 1255

    Pénélope née en 1263 (s’est mariée à Bhrodi de Shera, Roi par héritage de Anglesey et Comte de Coventry, avec descendance)

    Kieran et Jemma Scott Hage

    Mary Alys née vers 1238 - Adoptée (mariée, avec descendance)

    Bébé Hage, né en 1241 – Mort le même jour. Baptisée Bridget.

    Alec né en1243 (marié à Lady Katheryn de Wolfe, avec descendance)

    Christian né en 1248 – est mort à la Terre Sainte en 1269 (aucune descendance)

    Moira née en 1251 (mariée à Sir Apollo de Norville, avec descendance)

    Kevin né en 1255

    Rose née en1258 (veuve de Sir James de Wolfe, avec descendance)

    Nathaniel né en1260

    Paris et Caladora Scott de Norville

    Hector né en 1245 (marié à Lady Evelyn de Wolfe, avec descendance)

    Apollo né en 1248 (marié à Lady Moira Hage, avec descendance)

    Helene née en 1250 (s’est mariée à Sir Troy de Wolfe, avec descendance)

    Athéna née en 1253 (s’est mariée à Sir Scott de Wolfe, avec descendance)

    Adonis né en 1255

    Cassiopée née en 1257 (s’est mariée à Sir Edward de Wolfe, avec descendance)

    Le nombre total des petits-enfants des clans Wolfe/Hage/de Norville : 19 et ce n’est pas fini.

    * descendance = enfants

    Dédicace

    Rares sont mes dédicaces dû au nombre important de livres que j’ai écrits. Si je le faisais, je finirais par dédier mes livres à mes voisins. Mais j’aimerais dédier ce livre à toutes les personnes qui ont perdu un être cher, que ce soit après une rupture, un décès, un divorce ou autre. Ça m’est arrivé plus d’une fois.

    Mais la vie continue, alors ne perdez jamais espoir.

    Table des matières

    PROLOGUE

    CHAPITRE UN

    CHAPITRE DEUX

    CHAPITRE TROIS

    CHAPITRE QUATRE

    CHAPITRE CINQ

    CHAPITRE SIX

    CHAPITRE SEPT

    CHAPITRE HUIT

    CHAPTER NEUF

    CHAPITRE DIX

    CHAPITRE ONZE

    CHAPITRE DOUZE

    CHAPITRE TREIZE

    CHAPTER QUATORZE

    CHAPITRE QUINZE

    CHAPITRE SEIZE

    CHAPITRE DIX-SEPT

    CHAPITRE DIX-HUIT

    CHAPITRE DIX-NEUF

    CHAPITRE VINGT

    CHAPITRE VINGT-ET-UN

    CHAPITRE VINGT-DEUX

    CHAPITRE VINGT-TROIS

    EPILOGUE

    PROLOGUE

    Siège de Tripoli

    Mars 1289 après J.C.

    - Attention à ta tête !

    Le cri venait de derrière. Le chevalier anglais grand et musclé, à la tête rasée, avait aussitôt saisi l’allusion et se baissa rapidement, manquant la décapitation de quelques centimètres. Malgré sa taille, le chevalier était agile comme un chat. Il se retourna et attaqua l’homme qui avait essayé de lui trancher la tête des épaules et enfonça son énorme épaule dans le ventre.

    Le guerrier mamlouk, armé de son sabre kilij incurvé tomba à plat sur le dos et l’énorme chevalier lui enfonça son grand et lourd glaive à bords droits dans la poitrine. Ce fut la mort instantanée.

    - Kevin, on doit partir d’ici, dit le chevalier en serrant le bras du grand homme à la tête rasée. C’est un piège. Ils t’ont attiré ici en répandant la rumeur que l’ennemi avait rendu ses armes. 

    Sir Kevin Hage était du même avis. Tripoli était en état de siège depuis plus d’un mois maintenant, une ville ruinée sur une terre désertique et mystérieuse. Envahie par les mamlouks, les turques, les mongols et d’autres tribus exotiques du nord et de l’est, les derniers survivants de la confrérie chrétienne au Levant essayaient de débarrasser la ville du nouvel héritage des envahisseurs. Mais ils n’étaient pas assez nombreux. De toute apparence, jusqu’à ce jour, leurs efforts avaient été inutiles.

    Kevin et ses compagnons, Sir Adonis de Norville et Sir Thomas de Wolfe, les hommes avec qui il avait grandi et qu’il accompagnait maintenant sur cette terre étrangère et exotique, la dernière croisade d’un empire qui avait pratiquement abandonné la quête, avaient quitté l’Angleterre depuis maintenant six ans. De la neige du Pays de Galles au sable torride du Levant, ce fut une sacrée aventure, une aventure qui avait fait gagner une réputation à Hage, non seulement de ceux aux côtés desquels il s’était battu mais également de ses ennemis. Un homme qui se battait sans peur, sans émotion et avec une pointe de vengeance inexploitée. Un homme que les Templiers et les Hospitaliers avaient appris à utiliser comme contre-attaque, un assassin. Tel un scorpion, Hage arrivait à passer inaperçu jusqu’à la dernière minute et sa cible succombait avant même de réaliser qu’elle avait été frappée.

    Trop tard....

    Trop tard pour l’homme connu sous le nom de Scorpion. Kevin se tourna pour voir le côté nord de la ville, où ils avaient réussi à y entrer en tuant un grand nombre de gardes en sentinelle à une porte poterne, une entrée petite mais stratégique.

    Le leurre d’une possible capitulation avait attiré Kevin et ses compagnons à la porte, comme leur avait ordonné le commandant de l’ordre des Templiers avec lequel Kevin s’était parfois battu. Être anglais et non officiellement membre du Templier ou Hospitalier, il se battait avec eux à chaque fois qu’il était de mauvaise humeur ou qu’ils le payaient pour le faire. Maintenant, l’ordre qu’il avait reçu de rassembler les commandants ennemis en échange d’une énorme rançon sentait l’embuscade. Leur entrée dans la ville n’avait pas été facile et il se demandait s’ils pourraient en ressortir vivants.

    - Je crois que tu as raison, finit par murmurer Kevin en se retournant vers Adonis.

    Son grand compagnon blond avait le visage rouge écarlate, suite au coup de soleil et à la chaleur torride.

    - De Clément m’a très bien payé pour que j’accepte ce travail. Je n’aurais jamais pensé qu’il avait l’intention de récupérer son argent une fois qu’on lui ramènerait mon cadavre. 

    Adonis hocha la tête, l’air nerveux. Il fit un signe à Thomas de Wolfe qui venait de tuer deux mamlouks plutôt violents. De Wolfe donna des coups de pieds aux corps avant de les dépouillés de leurs possessions, puis retourna près de Kevin et d’Adonis.

    - C’est un piège, dit Thomas.

    Bronzé, aux yeux noisette et aux épaules larges, Thomas était l’un des fils du légendaire William de Wolfe et possédait toute l’agilité et l’habilité démesurées de son père. Son regard se tourna vers Kevin.

    - Si nous nous aventurons plus profondément à l’intérieur de la ville, nous serons tués. Tout ça... a été très bien planifié. 

    - Nous le savons déjà, murmura Kevin en regardant autour de lui pour vérifier si d’autres attaquants se cachaient dans les ombres de la vieille ville. Nous devons partir d’ici le plus vite possible. 

    Adonis regarda autour de lui avec le même regard hanté que Kevin.

    - Nous ne pouvons pas retourner à de Clément, dit-il. C’est lui qui t’a mis dans cette situation. Si nous retournons, nous signons notre propre mort.

    Kevin le savait. Il poussa un grand soupir et s’essuya la sueur de son crane couvert de poils raides.

    - Nous ne pouvons même pas faire confiance aux hommes aux côtés desquels nous avons combattus ces dernières six années, dit-il. S’ils nous attaquent, nous ne nous en sortirons pas vivants. 

    Thomas acquiesça de la tête et fourra les pièces de monnaie qu’il venait de voler aux cadavres dans la bourse de sa tunique.

    - Ils ont peurs, expliqua-t-il. Tu as tué de Evereux.... 

    - Mais tout le monde sait qu’il a essayé de me tuer.

    - Peu importe, la rumeur s’est répandue que tu as été engagé par les mamlouks pour l’assassiner.

    Kevin gronda.

    - J’ai tué l’homme parce qu’il était un bâtard de français sans scrupule qui avait essayé de me voler mon argent, dit-il comme si toute l’histoire était ridicule. Lorsque je l’ai confronté, il a essayé de me tuer. Je ne l’ai tué qu’en légitime défense. 

    Thomas savait déjà tout ça et Adonis également.

    - Mais il était le cousin de Clément, souligna Adonis. Tout le monde sait qu’il était un idiot sans morale. Mais lorsque tu l’as tué, les hommes se sont rangés du côté de Clément de peur de lui. Personne ne peut lui désobéir et vivre assez longtemps pour raconter l’histoire. 

    Kevin en était bien conscient. Il se racla la gorge et balaya les vieux murs poussiéreux de la ville antique des yeux, des murs de couleur sable. Ici, tout était de la couleur du sable. Il n’avait pas vu l’herbe verte depuis plus de six ans. A cet instant, il réalisa que ça lui manquait beaucoup. Il était fatigué de cet endroit, de cette poussière, de cette chaleur et des poux. Il voulait revoir l’herbe verte de son pays.

    - Donc c’est décidé, dit-il calmement. Nous emballerons toutes nos affaires et nous partirons. Nous n’avons plus rien à faire ici et je refuse de mourir sur ces sables arides, en me laissant dépouiller par des hommes indignes de mon héritage. 

    Thomas et Adonis n’osaient pas le contredirent. Ils seraient également très heureux de quitter ces terres désolées. Ils y étaient venus uniquement pour Kevin, l’homme avec lequel ils avaient grandi, un homme qui six ans plus tôt avait perdu l’amour de sa vie pour un autre. Depuis, Kevin n’avait plus de but, laissé avec un grand vide au cœur. A la requête du père de Kevin, Sir Kieran Hage, Thomas et Adonis avaient voyagé avec Kevin pour la Terre Sainte à la recherche de richesses et d’aventures.

    Mais Kevin était venu ici à la recherche d’une chose différente, une chose qui pourrait combler le grand vide en son cœur. Son amour perdu l’avait anéanti. Il était alors devenu mercenaire des armées chrétiennes qui essayaient toujours de débarrasser la Terre Sainte des infidèles. Mais il réalisa bien vite que l’argent n’était pas assez pour le satisfaire ou remplacer ce qui lui manquait. Ses années de mercenaire l’avaient transformé en autre chose, une chose de sombre et dangereuse.

    Kevin était devenu un homme qui acceptait de l’argent pour tuer d’autres hommes. Peu lui importait qui étaient ces hommes. Tant qu’il était payé, il était prêt à faire n’importe quoi. Rien n’était trop atroce ou trop difficile. C’était sous cette apparence d’assassin rémunéré que Kevin avait réussi à aboutir à une chose qu’il ne se serait jamais imaginé. Il représentait la Mort.

    Ce vide en son cœur, où l’amour avait pour habitude de s’y languir, était maintenant rempli de déchéance et de déception. La désillusion de la vie l’avait changé, transformant son cœur tendre et ses manières aimables en une ombre noire. Avec ses cheveux noirs rasés très courts et son énorme tatouage de scorpion qu’un artiste turque lui avait gravé sur le côté gauche de son dos avec deux pinces terribles épousant son énorme épaule gauche, Kevin Hage n’était plus le chevalier religieux et aimable que ses compagnons avaient connu et aimé autrefois. Kevin était mort depuis six ans, il avait été remplacé par un autre : le Scorpion.

    « Ô noble mademoiselle ! Jusqu'à ce que je m'exalte vers les hauteurs de la gloire avec les coups de lance et les coups de mon épée, je m'exposerai à tous les périls partout où les lances s'entrechoqueront dans la poussière de la bataille - alors je serai ou jeté sur les fers des lances, ou compté parmi les nobles dans ma quête de votre cœur bien-aimé. »

    ~ Poème d'amour arabe du 13ème siècle

    CHAPITRE UN

    Londres

    Octobre 1289

    - J’aimerais bien savoir comment le roi a su que j’étais ici, dit Kevin. Pourquoi diable a-t-il envoyé un message pour demander à me voir ? 

    La question était suspendue au-dessus de l’humidité de l’air marin. La coque que Kevin, Adonis et Thomas avaient pris à Calais venait d’amarrer aux bords des falaises blanches de Douvres en une journée d’automne étonnamment douce. Les goélands étaient perchés dans la brise du ciel alors que les chevaliers et plusieurs autres passagers débarquaient le plus près possible du rivage. Kevin tenait les rênes de son superbe étalon blanc qu’il avait acheté à Tyr, une bête issue de l’ancienne lignée arabe croisé au sang chaud belge apporté en Terre Sainte par les Croisés. Le résultat avait donné naissance à un animal intelligent, bien bâti et incroyablement rapide, muni d’une crinière et d’une queue d’un noir luxuriant.

    Le cheval savait également nager, l’un de ses nombreux talents. Kevin fit sauter son cheval du bateau et le laissa nager jusqu’au rivage. L’étalon refusant de se laisser monter par aucun autre homme, et encore moins s’en approcher, Kevin suivit son cheval jusqu’à la rive et sourit en voyant l’animal sortir du rivage rocheux au galop avant de rejoindre son maître. Tel un chien, il suivait docilement Kevin alors qu’il récupérait ses bagages du petit skiff qui avait été abaissé du côté du rouage.

    Cette zone de la rive était là où les bateaux de Calais débarquaient. Le trafic maritime dense et les nombreux fonctionnaires fonciers étaient tout ce qu’il y avait de plus normal. Ça sentait fort les roches moisies et le sel, l’odeur de la mer se butant contre les falaises. Ses sacs à la main, Kevin se tenait face à un homme portant les couleurs d’Edward le roi, un bouclier bleu et rouge avec le dessin de lions royaux dorés. Le messager n’était apparemment pas dans son environnement, au milieu de ces marins et de ces collecteurs d’impôt agressifs. L’homme était uniquement venu informer Kevin de la demande du roi et Kevin était surpris.

    - La rumeur de votre retour en Angleterre vous a précédé, mon seigneur, lui dit le messager. Toute l’Angleterre a entendu parler du Scorpion et, notre roi, le guerrier accompli, respecte la réputation que vous vous êtes faîtes. Il aimerait vous rencontrer.

    Kevin fixa l’homme d’un air méfiant.

    - Comment m’avez-vous reconnu ? 

    Le messager pointa vers l’un des collecteurs d’impôt qui se trouvait à quelques mètres plus loin se querellant avec des capitaines qui venaient d’amerrir.

    - Vous êtes singulier, mon seigneur, dit-il en pointant vers le cou de Kevin. Le capitaine de votre navire l’avait également remarqué. Si je devais faire un pari, je suppose que ces griffes dans votre cou représentent les pinces d’un scorpion. Je m’adresse bien au Scorpion, n’est-ce pas ?

    Kevin grogna. La pince droite de l’énorme scorpion tatoué sur son dos remontait sur le côté gauche de son cou. Instinctivement, il passa un doigt le long du col en cuir de sa tunique pour essayer en vain de cacher la pince du scorpion. Il était inutile de renier ce qui était évident.

    - Je m’appelle Hage, dit-il vaguement. De quoi le roi aimerait-il me parler ? 

    Le messager était aguerri et pouvait aisément lui tenir tête sans avoir peur, ni même être intimidé.

    - Je l’ignore, mon seigneur, dit-il. Je vous suggère de vous rendre à Londres pour le découvrir par vous-même. Il est dans sa résidence au palais de l’île de Thorney.

    L’île de Thorney. Kevin se tourna pour regarder Adonis et Thomas, qui lui lancèrent un regard confus ou peut-être lui disant qu’ils doutaient des paroles du messager. Mais Kevin était sûr que l’homme était bien envoyé par le roi, il reconnaissait l’uniforme d’Edward. À moins qu’il soit un espion qui ait volé un uniforme royal et qui essayait de ruser pour l’attirer vers sa mort au palais de l’île Thorney. Il n’avait aucune raison de penser que c’était un piège. Mieux valait saisir la chance que le roi l’ait convoqué. Il fit signe à l’homme.

    - Bien, dit-il. Si vous arrivez  chez le roi avant moi, dites-lui que je suis en route.

    Le messager s’inclina d’un mouvement rapide.

    - Excellent, mon seigneur, dit-il. Le roi sera très heureux d’apprendre cette nouvelle.

    Sur ce, l’homme tourna sur ses talons et traversa en flèche la rive rocailleuse en évitant les marins et les passagers qui débarquaient des coques. Kevin s’approcha de son cheval pour le seller et Adonis le suivit.

    - Convoqué par le roi ! s’exclama-t-il à voix basse en balayant du regard la racaille qui trainait sur le rivage pour s’assurer que personne n’avait entendu le messager. La dernière fois que tu as vu Edward, c’était à la bataille au Pays de Galle et il t’avait pris pour quelqu’un d’autre.

    Kevin attacha sa selle sur le dos du cheval et se mit à ajuster la sangle.

    - Je le sais. 

    - Il t’avait pris pour un rebelle gallois. 

    Kevin hocha la tête.

    - C’est vrai, dit-il en repensant à cette nuit sombre où il avait vécu une grande aventure et qu’il l’avait échappé belle face au roi d’Angleterre. Il pensait que j’étais Bhrodi de Shera, le dernier héritier du roi d’Anglesey.

    Adonis se rappelait également de cette nuit de bataille féroce.

    - Tu avais mis l’armure de l’homme après qu’il ait été blessé à mort sur le champ de bataille pour que les gallois ne perdent pas courage contre les anglais, murmura-t-il. Tu l’avais fait parce que Pénélope te l’avait demandé.

    Kevin ne voulait pas repenser à cette partie de l’histoire, mais il n’avait pas le choix. Le fait d’entendre le nom de Pénélope de Wolfe, même après six ans, lui était toujours douloureux.

    - Je l’avais fait pour elle, admit-il. Je l’avais fait parce que je l’aimais et que je ne voulais pas la voir souffrir de tristesse pour son mari. La tromperie m’avait presque coûté la vie.

    Adonis hocha légèrement de la tête. Il jeta un coup d’œil à Thomas qui les rejoignait.

    - J’étais également présent ce jour-là, ajouta Thomas. Kevin, tu as peut-être oublié que j’étais là. J’ai été témoin de tout ce qui s’était passé. Edward t’avait capturé. Si mon père et le tien n’étaient pas là, tu aurais eu de sérieux ennuis en te faisant passer pour un prince ennemi gallois. Ma sœur n’aurait pas dû te demander de faire ça. Et si le roi te reconnaissait lorsque tu te présenteras devant lui, qu’as-tu l’intention de faire ?

    Kevin haussa les épaules. Il n’était pas particulièrement inquiet pour ça. Il se faisait plus de soucis du fait que Pénélope de Wolfe avait refait sa réapparition dans sa tête et il ne voulait pas penser à elle jusqu’à son arrivée à Londres. Sacrebleu ! pensa-t-il en colère. Il lui avait fallu presque six ans au Levant pour arriver à l’oublier. Comment est-ce qu’une brève mention de son nom à son retour sur les terres anglaises avait réussi à lui rappeler tout ce qui s’était passé, tous les efforts qu’il avait fait pour l’oublier avaient été vains ?

    - Il faisait noir cette nuit-là, finit-il par ajouter. J’avais plus de cheveux et j’étais sale, je portais également l’armure d’un autre homme. Je me doute que le roi arrive à me reconnaitre. 

    Thomas grogna en désapprobation.

    - Tu prends un énorme risque.

    Kevin le regarda.

    - Je n’ai pas le choix, dit-il. Tu l’as bien entendu toi-même, le roi m’a convoqué. Si je refuse, j’aurais de plus grands ennuis. 

    Thomas le savait, mais il n’aimait pas du tout ça. Il hocha la tête, retourna auprès de son grand cheval roux et glissa la bride par-dessus l’énorme tête de l’animal. Adonis, également, était retourné à son cheval.

    - Peut-être que nous devrions faire venir ton père, dit-il. Nous aurions peut-être besoin de lui. Oncle Kieran pourrait lui expliquer si le roi te reconnait.

    Kevin hocha la tête.

    - Je n’ai jamais eu besoin de l’aide de mon père depuis que j’étais enfant, dit-il. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer à le faire. Je dois me débrouiller tout seul.

    - Tu ne comptes pas lui envoyer un message pour lui apprendre ton retour ? demanda Adonis tendrement. Il serait heureux d’avoir de tes nouvelles. En ce qui me concerne, je vais envoyer un message à mon père tout de suite, et Thomas aussi. Si nos pères reçoivent de nos nouvelles et qu’oncle Kieran n’en reçoit aucune, il s’inquiètera. 

    Kevin voulait être ferme dans sa décision, mais il décida d’y réfléchir un peu plus. Après un moment, il hocha la tête.

    - Je vais lui envoyer un message, dit-il avec une expression ardente en ralentissant ses mouvements. Cela fait six ans que je n’ai pas vu mon père. La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles c’était il y a trois ans et, la lettre de mère disait que mon père n’allait pas très bien. J’ai... j’ai peur de lui envoyer un message, j’ai peur de ce que je pourrais apprendre. 

    Adonis et Thomas pensaient la même chose.

    - Mon père est en bonne santé mais il est plus vieux que Dieu lui-même, dit Thomas. La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles c’était il y a deux ans. Il m’avait dit qu’il allait très bien et qu’il avait maintenant d’autres grands-enfants.

    Adonis fit la grimace à Thomas comme si l’homme venait de dire une chose de terrible. Mais Kevin savait que Thomas l’avait dit sans aucune mauvaise intention.

    - Il parle de Penny, dit Kevin sentant l’ancien poignard familier s’enfoncer à nouveau dans son cœur. Il y a trois ans, ma mère m’avait appris qu’elle avait donné naissance à deux enfants. Je suis sûr qu’elle en a eu d’autres depuis. 

    Ils auraient dû être les miens, se dit-il. Ces pensées s’étaient abattues sur lui tels des rochers dévalant d’une montagne. Il se remit à sceller son cheval avec des gestes plus rapides et plus précis, comme s’il essayait d’oublier toute cette histoire. Même si ces évènements dataient de six ans, la douleur en son cœur était toujours très intense.

    Thomas et Adonis le savaient, mais ils restèrent silencieux. Discuter du problème qui l’avait fait fuir au Levant était inutile. Ils continuèrent à seller leurs chevaux en silence jusqu’à ce que Thomas pointe du doigt vers un bateau qui venait de jeter l’ancre au large des côtes rocheuses. Il était rempli de femmes, des femmes mal habillées. Les membres de l’équipage les avaient emmenées à terre sur un petit canot délabré. Une fois sur les côtes, les percepteurs se mirent à crier et les femmes à gémir n’ayant pas d’argent pour payer les taxes.

    Kevin, Adonis et Thomas étaient enfin prêts à quitter la rive. Ils guidèrent leurs chevaux à travers le sol rocheux, passant à côté des femmes et des percepteurs qui criaient. Ils laissèrent derrière eux le chaos général de la plage et prirent un chemin montant une petite pente pour arriver à une grande route menant au petit village de Douvres.

    L'impressionnant ancien château se tenait au sommet des falaises sur leur droite, en haut de la colline blanche au-dessus de laquelle dominait une sorte de forteresse construite à l’époque romaine. Ils sentirent une brise marine se lever dès qu’ils montèrent sur selle. Ils guidèrent leurs chevaux vers le cœur du mont, suivis par des goélands. Il y avait foule. Un grand nombre de voyageurs venaient de débarquer des bateaux, les rues étaient jonchées de gens à la recherche de logements. Des personnes se ruaient à l’intérieur de l’église pour la prière et des marchands vendaient à la criée de la viande rôtie et du vin chaud. L’endroit était très animé. Kevin, Adonis et Thomas se frayèrent un chemin dans la cohue.

    - Je vais envoyer un message à mon père pour l’informer de notre retour, dit Thomas en regardant autour de lui la ville animée. Je dois trouver un messager dans cette racaille. 

    Kevin poussa un grognement.

    - Il n’est pas question que tu engages un homme, dit-il. Trouver un homme de confiance n’est pas facile. La plupart de ces hommes accepteront de prendre ton argent et iront se soûler avec, sans faire un seul pas dans la direction du nord de l’Angleterre.

    Thomas regardait les gens autour de lui sortir de la ville.

    - As-tu remarqué une chose ? demanda-t-il. Ils ont tous la peau blanche. Il y a même des personnes avec des cheveux roux et blonds. Et les collines sont vertes. Nous sommes vraiment de retour chez nous.

    Kevin balaya le paysage qui l’entourait du regard. Le village était situé entre des collines, avec un château construit sur une énorme cime côté est. Tout était vert, ça sentait l’herbe, l’humidité et l’iode marins. Il prit une longue et profonde inspiration en fermant brièvement les yeux pour s’imprégner des odeurs. Ça faisait beaucoup de bien à son cœur endurci.

    - Oui, nous sommes enfin chez nous, dit-il. J’avais presque oublié ces odeurs. Ça sent la maison.

    Adonis jeta un coup d’œil nostalgique vers une taverne en passant.

    - Et j’avais presque oublié les saveurs du pays, dit-il. Et si nous nous arrêtions pour nous remémorer le goût suave de notre bonne bière ?

    Kevin fit un grand sourire en jetant un coup d’œil par-dessus l’épaule à la taverne construite en pierres et bois. Cloué sur les sous-faces, un panneau peint à la main indiquait Goéland et Cornemuseur avec le dessin affreux d’un goéland et d’un cornemuseur.

    - Il nous faudrait au moins deux jours pour arriver à Londres, dit-il. Veux-tu vraiment retarder notre arrivée ? 

    Adonis hocha la tête vigoureusement.

    - Nous avons passé des mois à voyager, répondit-il, nous pourrions bien prendre une petite trêve pour boire quelques chopes, maintenant que nous sommes sur le sol anglais.

    Kevin ne pouvait pas le lui refuser. Lui aussi, il avait très envie de se délecter du breuvage de son pays. Sans un mot de plus, il tourna son étalon vers l’auberge. Adonis et Thomas le suivirent avec empressement.

    La taverne était bondée. Ça sentait fort les corps encrassés et l’urine. Kevin, pas particulièrement patient et fatigué de son voyage en bateau, bouscula plusieurs personnes à la recherche d’une table qui leur conviendrait. Il en aperçut une près du foyer, occupée par quatre hommes. Il n’hésita pas. Il fonça directement vers la table et agrippa l’un d’eux.

    - Nous allons prendre votre table, dit-il en poussant l’un d’eux sur le côté et en attrapant un deuxième. Allez vous asseoir ailleurs. 

    Adonis et Thomas agrippèrent les deux autres hommes et les firent déguerpir de la table. Tels des chiens de garde, leurs dos à la table, ils fixèrent les quatre hommes les défiant de désobéir. C’est alors qu’ils réalisèrent que ces hommes n’étaient pas ordinaires : c’était un lord avec ses trois gardes. Kevin et ses amis le voyaient à leurs vêtements.

    Le lord était un très jeune homme un peu efféminé. En fait, on aurait même cru qu’il portait du rouge à lèvres. Il était vêtu de belles soies violettes et rouges. Kevin réalisa après un moment que le jeune homme avait des fleurs dans les cheveux. Tout son aura était folâtre et féminin, mais l’expression sur son visage était assez virile.

    - De quel droit osez-vous me toucher ? demanda-t-il. Je pourrais vous faire tuer pour ça ? 

    Il avait une voix très efféminée. Kevin n’était pas du genre à juger les autres. Il savait que lui-même, il était devenu bizarre au fil de ces dernières années. Chaque homme avait son histoire. Il se mit face au jeune homme à froufrous et le fixa dans les yeux.

    - Vous pouvez essayer, mais je vous conseille de ne pas le faire, dit-il. Mes compagnons et moi venons juste d’arriver du Levant. Nous avons besoin de plus de repos que vous, alors allez vous trouver une autre table ailleurs. 

    Le jeune lord se rua sur lui en criant et en le tapant avec ses mains. C’était une crise de colère, pure et simple. Lorsque le jeune homme s’approcha de lui, Kevin tendit ses mains et poussa sa tête. Le jeune lord roula sur le sol. Ses gardes posèrent aussitôt leurs mains sur les pommeaux de leurs épées, mais Kevin leva rapidement une main dans leur direction.

    - Si j’étais vous, je ne ferais pas ça, dit Kevin au trio. Vous mourrez. Emmenez votre lord d’ici et allez trouver un autre endroit pour vous asseoir.

    Ça sentait la bagarre dans l’air. Les patrons de la taverne l’avaient senti. Ils s’éloignèrent du groupe tel un troupeau de brebis. Le jeune lord, cependant, était toujours assis sur son postérieur à fixer Kevin avec indignation.

    - Savez-vous qui je suis, imbécile ? cria-t-il. Je suis Roger Longespée, vicomte de Twyford ! Je suis vicomte et mon père est le comte de Salisbury. Mon père vous punira sévèrement pour votre insolence ! 

    Kevin se contenta de retourner à la table et de s’affaler sur l’une des chaises en s’assurant de se mettre face au vicomte et à ses gardes. Il prit une chope de bière à moitié pleine et en but le contenu d’un seul trait.

    Le jeune vicomte, voyant que ses menaces n’avaient eu aucun effet sur le chevalier corpulent, se releva, épousseta ses soies et s’approcha de Kevin. Il leva sa main pour le gifler, mais Kevin la saisit, la serra très fort en lui brisant les os.

    Le jeune vicomte se mit à crier et ses gardes attaquèrent. Kevin donna un coup de poing fatal au premier garde, lui enfonçant le nez dans le crâne. L’homme s’effondra sur le sol. Kevin projeta son énorme botte pour donner un coup de pied au deuxième homme qui s’était rué sur lui. Le coup de pied dans le ventre le fit tomber sur le dos. Kevin se leva et dégaina son épée.

    C’était une épée lourde en acier trempé portant plusieurs entailles sur la lame. Depuis des années, Kevin avait pour habitude de faire une entaille pour chaque homme qu’il tuait. L’épée, jusqu’à ce jour, comptait cent soixante-trois entailles. C’était pour lui rappeler qu’un jour il pourrait lui-même devenir une entaille sur l’épée d’un autre homme. Il utilisait donc son glaive plus pour prendre la vie que pour se défendre. C’était en quelque sorte son salut. Un rappel de sa propre mortalité.

    Son glaive rayonnait dans la lumière faible de la taverne. Alors qu’Adonis repoussait le troisième garde, le deuxième auquel Kevin avait donné un coup de botte, donna un coup

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