Rock and Folk

Faux gradé, authentique escroc, probable meurtrier

Affaire N°5: Colonel Parker contre RCA contre la succession Presley

ON NE POUVAIT TROUVER MEILLEUR HOMME. A lui seul, il personnifiait le vingti siècle. Comme tous les audacieux, il avait décidé de traverser l’Atlantique sur un bateau de fortune, ce justement parce qu’il courait après elle: la déesse dollar. Aussi, il fuyait une ville et peutêtre le fantôme d’une femme. A Breda, en 1929, vingt ans après la naissance d’Andreas Cornelis van Kujik, la ville compte vingt-mille âmes, des millions de tulipes et un panoptique, cette prison où les gardiens peuvent surveiller et punir, sans être jamais vus. En Amérique, lorsque le Colonel rencontra le jeune Elvis Presley, il Le faux colonel avait d’authentiques qualités. Il était un escroc, certes, mais avec du goût, de la classe; un margoulin que le public aimerait détester. Pour avoir le King à son côté, Colonel Parker s’était donné les moyens. Il avait arraché le jeune homme aux rets de Sam Phillips. Comme pour le divorce au sein de la communauté hassidique de Brooklyn, Parker avait payé chère sa chose. Le fils à la recherche du père trouvait celui qui n’avait pas eu de fils prodige; l’équipe était montée, l’écurie prête à lâcher son plus bel étalon. Désormais, Elvis appartient à RCA et, depuis le 21 novembre 1955, Parker est le représentant exclusif de Presley, master franchisé. Chose rare; la réciprocité est double: Elvis est le seul client de Parker. Les contrats sont âprement discutés, l’encre n’est plus sympathique et le gâteau admirablement partagé. Après moi, le déluge, clamait le Colonel. “Heartbreak Hotel” est un hit interstellaire et, en 1956, l’association Elvis/Parker rapportait plus de vingt millions de dollars, rien qu’en marchandising; le quart revenant au Colonel. La machine était en route, sur scène, comme derrière le petit écran. Le Colonel persuadait le King de chanter dans ses films. L’idée s’avérait juteuse. Elvis était au firmament. Mondialement connu et adulé, il s’en allait au pays de Beethoven, simple militaire comme les autres, il rendait à la patrie bons et loyaux services. A son retour, le Colonel, têtu comme une mule, n’en faisait qu’à sa tête de voyou. Hollywood était bien plus rentable que la musique. Dont acte, Elvis arrêterait de se produire. Au demeurant, l’homme coûtait tellement cher que les organisateurs de spectacle ne pouvaient aucunement s’offrir le mythe. Les producteurs de films rapportent que négocier avec Parker était plus difficile que de traiter avec le diable en personne. Ils étaient prévenus; Heine n’avait de cesse de le répéter depuis 1834: Si négociant, d’ailleurs, qu’en 1967, Parker convainc Presley d’augmenter sa part à 50% sur certains deals. La belle affaire. Quelques mois plus tard, après son mariage, et le , Elvis était de retour à Memphis, la ville nourricière. En cuir noir, et soutenu par un orchestre dépenaillé, le comeback de la star est un succès absolu. 1968. Les wagons de la gloire entraînent Elvis à Vegas. Il porte la tenue des grands soirs, prêche comme Zarathoustra, entretient le feu de son soleil noir. : le Colonel saigne la bête. Il propose à RCA de racheter le catalogue d’Elvis pré-1973 pour 5,4 millions de billets verts. Conséquence logique: plus de royalties pour Presley et ses héritiers. ! Le manager préfère les espèces sonnantes et trébuchantes. Il est Till l’Espiègle. Cash, encore et toujours. Le couple se dispute, comme beaucoup avant eux, ils se détestent mais ne se quittent pas. Elvis se morfond, fond, n’est plus qu’une flaque de torpeur, il a la maladie du siècle, dans son Graceland où les trophées côtoient les téléviseurs, il entrevoit la porte du paradis, le dernier ghetto.

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