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Chronique carolingienne T.03 Le grimoire d'Anubis
Chronique carolingienne T.03 Le grimoire d'Anubis
Chronique carolingienne T.03 Le grimoire d'Anubis
Livre électronique345 pages5 heures

Chronique carolingienne T.03 Le grimoire d'Anubis

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À propos de ce livre électronique

La sombre saga se poursuit et se fait plus ténébreuse que jamais !

Les frontières du royaume ayant été pacifiées, les sinistres dangers écartés, Charlemagne et sa suite débarquent à Rome pour le sacre impérial tant attendu. Malheureusement, c’est durant cet épisode empreint de paix et de festivités que réapparaît un ancien ennemi assoiffé de vengeance. Alors que les habitants de la ville sont confrontés à la magie maléfique du dangereux personnage et à son armée d’assassins hautement fanatiques, notre groupe d’aventuriers se verra dans l’obligation de se lancer à sa poursuite pour tenter de le mettre hors d’état de nuire une bonne fois pour toutes. Avec l’aide de pillards scandinaves et d’un prince africain, Stuff et ses amis devront traverser les eaux de la Méditerranée, lesquelles sont infestées de pirates, pour atteindre les tréfonds du désert égyptien. En quête d’un puissant traité de nécromancie, leur impitoyable adversaire s’octroiera l’appui d’un mystérieux allié à l’aura diabolique, ce qui mènera à une confrontation mortelle aux allures apocalyptiques.
Tome 1: Le mage de Baël   Tome 2: La vierge noire
LangueFrançais
Date de sortie21 sept. 2023
ISBN9782925178934
Chronique carolingienne T.03 Le grimoire d'Anubis
Auteur

Martin Chaput

Historien, Martin Chaput signe ici son deuxième roman. Il a auparavant écrit Dieppe, ma prison: récit guerre de Jacques Nadeau, publié par les éditions Athéna. Grand voyageur épris d'aventures, il parcourt le globe, à la recherche d'émotions fortes qui sont l'essence même de son inspiration littéraire. L'écriture étant l’une de ses grandes passions, il la partage donc ici avec vous.

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    Aperçu du livre

    Chronique carolingienne T.03 Le grimoire d'Anubis - Martin Chaput

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    Table des matières

    Remerciements 11

    Chapitre I 13

    Chapitre II 19

    Chapitre III 24

    Chapitre IV 31

    Chapitre V 36

    Chapitre VI 44

    Chapitre VII 50

    Chapitre VIII 59

    Chapitre IX 64

    Chapitre X 68

    Chapitre XI 75

    Chapitre XII 79

    Chapitre XIII 84

    Chapitre XIV 89

    Chapitre XV 97

    Chapitre XVI 102

    Chapitre XVII 110

    Chapitre XVIII 115

    Chapitre XIX 121

    Chapitre XX 127

    Chapitre XXI 136

    Chapitre XXII 144

    Chapitre XXIII 151

    Chapitre XXIV 161

    Épilogue 166

    Chronique Carolingienne

    Tome III

    Le grimoire d’Anubis

    Martin Chaput

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    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Chronique carolingienne / Martin Chaput.

    Noms: Chaput, Martin, 1969- auteur. | Chaput, Martin, 1969- Grimoire d'Anubis.

    Description: L'ouvrage complet comprendra 9 volumes. | Sommaire incomplet: tome 3. Le grimoire d'Anubis.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20200084917 | Canadiana (livre numérique) 20200084925 | ISBN 9782925178910 (couverture souple : vol. 3) | ISBN 9782925178927 (PDF : vol. 3) | ISBN 9782925178934 (EPUB : vol. 3)

    Classification: LCC PS8605.H365835 C47 2020 | CDD jC843/.6—dc23

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.

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    Conception graphique de la couverture: Nathalie Daigle

    Illustration: Requin Blond

    Direction rédaction: Marie-Louise Legault

    ©  Martin Chaput, 2023 

    Dépôt légal  – 2023

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

    Imprimé et relié au Canada

    1re impression, août 2023

    En hommage à mon grand ami Sylvain

    Vik de Thär Mouthier, dit le Clown.

    Remerciements

    Un grand merci à mon compagnon d’armes Cédric «tueur de monstres», pour son support indéfectible. À Pat «Norbert» Nadeau, Annick «Jess» Chaput pour l’inspiration, Alexandra Chaput pour ses encouragements incessants et Samuel «Jax» Chaput, pour son aide dans la création de la couverture.

    Un salut particulier à ces grands disparus à qui cette série est dédiée, soit Sylvain «Vik» Mouthier, Pascale «Salomée» Chenoix, et Stéphane «Stuff» Chaput.

    Pour toute question concernant la série, pour être informé des dernières nouvelles ou simplement pour obtenir plus de détails sur cet univers d’épées et de sorcellerie, il suffit de vous abonner à la page Facebook de Chronique carolingienne. Vous pouvez aussi me joindre par courriel à: mchaput@live.fr

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    Chapitre I

    Le prisonnier

    Le voyage vers la ville éternelle avait été long et ardu. Le train de bagages du souverain s’étendait sur plusieurs kilomètres, ce qui avait considérablement ralenti l’avancée du cortège. De plus, certains personnages de la suite impériale, de par leur nature turbulente, avaient provoqué de nombreux incidents dans les cités que le groupe avait traversées, non sans accentuer leur retard et causer des maux de tête, tant à l’empereur qu’aux membres de son entourage.

    - Les lettres d’Éginhard

    L’humidité du caveau était fort désagréable. Mais cette atmosphère néfaste n’était rien comparée à l’odeur nauséabonde qui emplissait l’endroit. Les bagnards, dont les chaînes limitaient les mouvements, avaient l’habitude de faire leur besoin dans le fond de la pièce ou même, directement à côté d’eux, ce qui expliquait la puanteur régnante. Certains prisonniers, minés par la maladie et la privation, pleuraient en délirant, tandis que d’autres, rendus fous par le désespoir, hurlaient des invectives à l’encontre des dieux.

    Ces miséreux enchaînés étaient recouverts de vêtements aussi crasseux qu’en lambeaux. Tous, sauf un, dont l’allure de noble endimanché contrastaient radicalement avec celle des autres. Ses vêtements soignés et sa luxueuse armure en cuir attiraient les regards, faisant qu’il se retrouva rapidement entouré d’une poignée de forcenés qui le fixaient avec convoitise. Ceux dont la longueur des chaînes le permettait se rapprochèrent du personnage aux luxueux atours qui dormait paisiblement. Alors qu’ils étaient sur le point de se jeter sur lui dans le but évident de voler ses vêtements, il réagit d’une étonnante façon. D’abord, il roula sur lui-même pour se soustraire des mains de ses détrousseurs. Puis, après s’être relevé rapidement, il se propulsa dans les airs à l’aide d’un bond formidable, pour aller s’agripper aux barreaux en acier de la fenêtre du donjon, sise à plusieurs mètres de hauteur. Leur stupéfaction passée, ses agresseurs revinrent à la charge et agrippèrent ses jambes pour tenter de le faire tomber. Toujours pendu à la fenêtre, l’homme se mit à se balancer. Tandis que les grelots de son pardessus à capuchon battaient la mesure, il exécuta d’agiles coups de pied. Touchant ses adversaires à chacun de ses mouvements, c’est avec de petits cris de douleurs que ces derniers retraitèrent à l’autre bout de la pièce.

    Devant cette victoire, le visage juvénile de l’acrobate s’illumina d’un sourire. Bien que sa petite moustache et ses cheveux longs coupés à la mode des jouvenceaux lui donnassent des airs de la noblesse des cités, son langage quelque peu grossier qui s’éleva soudainement dans la cellule l’identifiait plutôt comme le genre de ruffian qui aurait sa place dans ce lieu.

    —Eh, les connards, vous manquez grandement de vitesse et de plus, avec vos haleines de merdouilles, on vous sent venir de très loin! Mais faut quand même pas vous gêner si vous avez envie de remettre ça… J’ai besoin d’exercice, bourses molles!

    Stuff redescendit de son perchoir en restant sur le qui-vive. Mais les détrousseurs, visiblement affaiblis par la privation, s’étaient déjà avoués vaincus et reculèrent aussi loin que le permettaient leurs chaînes. Encore éméché à la suite de sa beuverie de la veille, le citadin se recoucha au sol, à même ce lit de paille malodorant. L’incident l’ayant rendu prudent, il garda un œil sur ses compagnons d’infortune.

    Les souvenirs de sa dernière escapade étaient vagues. Tout ce dont il se remémorait se résumait aux nombreuses prières et invocations à l’endroit de Bacchus. Le fait d’avoir déjà subi deux fouilles depuis le début de la matinée prouvait qu’on lui reprochait un quelconque larcin. Mais les soldats et le prévôt, qui n’avaient pourtant rien trouvé d’incriminant, le gardaient tout de même enchaîné dans leur geôle. Loin d’être inquiété par la tournure des événements, Stuff se disait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’on ne le libère. Du moins, l’espérait-il. Depuis son plus jeune âge, il avait beau avoir l’habitude de la vie de cachot, reste que le faste dans lequel il avait vécu au cours des derniers mois détonnait grandement avec la vie d’un taulard. De quoi rendre ce petit moment plutôt pénible.

    Le temps passé à la cour de l’empereur s’était déroulé d’une façon hautement agréable. À vrai dire, la seule difficulté rencontrée avait consisté à se tenir loin des problèmes, une tâche plutôt ardue dans son cas. Par contre, l’atmosphère festive qui prévalait au palais avait fait de sa vie un véritable rêve; chaque jour, il avait l’impression de vivre dans le paradis de Bacchus. Charlemagne, malgré sa grande piété qui le tenait loin des excès, était un joyeux luron. On ne manquait jamais de vin à sa table. C’est pour cette raison que lorsqu’on lui avait proposé de suivre le Magnus imperator dans son voyage à Rome, Stuff n’avait pas hésité une seule seconde. Il n’avait jamais préconisé la vie de baroudeur sur les routes de l’Empire, mais l’opportunité de suivre les chariots de barriques de vin qui accompagnaient le souverain n’était évidemment pas à dédaigner.

    Le trajet à travers le royaume franc avait été particulièrement monotone, principalement en raison de la longue procession des wagons de vivres et de vêtements de la famille impériale. Le souverain et son entourage ne voyageaient pas léger. L’arrivée sur le sol italien avait obligé tous les membres de l’escorte royale à faire preuve d’un peu plus de vigilance, plus précisément dans les environs de la cité de Pavie, où Charlemagne avait défait le roi des Lombards quelque vingt-cinq années plus tôt. Bien que la région eût été depuis pacifiée, un certain mécontentement demeurait encore palpable, comme semblait le prouver l’incarcération du citadin. Ce n’était donc pas étonnant si ce dernier se retrouvait injustement emprisonné, lui qui la veille avait été retrouvé endormi sous le parvis de la basilique de Pavie, juste à côté du palais épiscopal. Il se souvint soudainement que les soldats l’avaient accusé d’avoir volé le joyau de l’évêché, un diamant aussi énorme qu’onéreux. Il avait eu beau protester et se proclamer aussi innocent que Bacchus, on l’avait quand même enchaîné et enfermé dans le donjon de la forteresse en compagnie de la truandaille des ruelles.

    Heureusement, maintenant qu’il était un personnage important de la cour, il serait étonnant qu’on le laisse pourrir encore bien longtemps dans ce trou. C’est pourquoi il ne fut aucunement surpris lorsqu’un garde s’amena en criant son nom. Aussitôt, son regard se porta sur ceux qui marchaient à sa suite. Apercevant un robuste ecclésiastique à la coiffure tonsurée et portant une armure en cuir par-dessus sa soutane de moine, il n’eut aucune peine à reconnaître le père Kaross. Ce dernier était accompagné d’une femme à la longue chevelure blonde. Aussi belle qu’une déesse, elle revêtait des atours princiers aux couleurs chatoyantes. Lorsqu’il vit Salomée se diriger vers lui avec un air sévère, Stuff laissa échapper un soupir de découragement, persuadé que cette pimbêche allait encore lui casser les oreilles. Il se dit que le mieux serait de l’ignorer. Au moment où ses compagnons arrivèrent près des barreaux, il sourit en lançant d’un ton rempli d’entrain:

    —Comment allez-vous, ce matin, mon père? Ne me dites pas que vous venez me rejoindre dans mon palais pour prier Bacchus avec moi?

    Le chapelain lui sourit gentiment avant de lui répondre avec une certaine gravité dans la voix:

    —Vous me semblez très enthousiaste, mon fils, pour quelqu’un à la veille d’être pendu.

    La jeune femme, qui regardait le prisonnier avec du feu dans les yeux, s’écria d’une voix courroucée:

    —Tu peux être fier de toi, maraud!

    Stuff l’ignora tout en jetant un regard inquiet à l’ecclésiastique.

    -Pendu? s’exclama-t-il. Vous n’êtes pas sérieux, mon père?

    —J’ai exagéré un peu dans mes propos… rigola le père. Disons que l’empereur a intercédé en votre faveur. Aussi, le fait que les prévôts n’aient pas trouvé le diamant volé ni sur vous ni dans vos bagages les incitent à vous innocenter. On peut donc dire que vous êtes sauf pour le moment. En contrepartie, vous serez sous ma responsabilité jusqu’à notre départ, et heureusement, nous repartons demain.

    —Vous devriez y aller mollo avec vos exagérations, mon père! J’ai bien failli vider tout le contenu de mes boyaux dans mon pantalon neuf. Alors, faites-moi ouvrir cette herse afin que l’on puisse faire la fête ensemble!

    —J’ai un petit dilemme concernant votre remise en liberté, mon fils. Votre détestable habitude au festoiement décuple votre incroyable disposition à attirer les ennuis. Alors, je me demande s’il ne serait pas mieux de vous laisser ici pour la nuit, histoire d’éviter les problèmes!

    Le voleur resta bouche bée, tandis que la magicienne ricanait. Ce fut avec une certaine anxiété dans la voix qu’il répliqua:

    —Vous ne pouvez pas me faire ça, mon père, ce ne serait pas chrétien de votre part. Et n’oubliez pas mon importance dans la bonne marche des affaires du royaume. 

    —Ton importance dans la bonne marche des affaires du royaume? Non, mais tu veux rire, Stuff aux doigts rapides! lâcha l’elfe avec mépris. Tu ne fais que t’occuper de mettre en place les tentes des cuisines et de vider les pots de chambre de l’empereur.

    —Justement, mamzelle la princesse toute neuve! Si je suis enjôlé, est-ce toi qui vas ramasser la sainte pisse de notre royal empereur? s’écria le citadin en bombant le torse d’un air digne.

    —Grossier personnage! riposta Salomée en faisant la grimace.

    —Fornicateuse de barbares! lui retourna Stuff du tac au tac.

    L’elfe figea sur place, puis rouge de colère, lança son bras à travers les barreaux pour tenter de gifler le voleur, qui recula aussitôt d’un pas pour éviter le coup de justesse. Kaross s’interposa, tandis que le citadin prenait un air amusé.

    —Faut te calmer, ma sœur! Je ne crois pas que le Tueur rouge approuverait que tu t’en prennes à moi de la sorte.

    —Me calmer? Te rends tu compte que ton comportement d’ivrogne et ton emprisonnement sont préjudiciables à notre souverain? Il est en chemin vers Rome pour son couronnement impérial et toi qui fait partie de sa cour, tu agis en imbécile irresponsable! Et c’est sans compter que tu me couvres d’insultes pour ensuite me demandes de me calmer?

    —Salomée a raison, mon fils! renchérit l’ecclésiastique.

    —Mais mon père, c’est elle qui a commencé, morte couille! continua d’argumenter Stuff en affichant une moue boudeuse.

    —Salomée a, disons…euh… une manière directe et particulière de dire les choses, mais elle n’a pas tort quand elle affirme que ta conduite a nui à la visite du Grand Karolus dans cette ville. Comprends bien que seuls les exploits que tu as accomplis t’ont préservé d’un châtiment plus sévère. Alors, je crois qu’une nuit de plus pour réfléchir à tes frasques te sera bénéfique. Et même si tu ne te sens pas mûr pour une introspection sur la teneur de tes actions, nous serons au moins certains que durant le temps que tu seras ici, tu ne mettras pas Charlemagne dans l’embarras. Cela dit, à demain! Nous viendrons te chercher à l’aube.

    Le prêtre s’en retourna, tandis que Stuff, stupéfait, cherchait ses mots pour qu’on le fasse libérer sur-le-champ. Ravie de voir que pour une rare fois, son compagnon était sans voix, Salomée ricana en disant:

    —Bon, nous allons souper! C’est que toutes ces émotions m’ont creusé l’appétit, ce qui tombe bien, car notre grand empereur organise un royal festin, ce soir. Mais ne t’inquiète pas, petit ruffian, nous te garderons quelques restants!

    Faisant un clin d’œil à l’ecclésiastique qui riait de bon cœur elle ajouta:

    —C’est étrange, j’ai envie d’un bon verre de vin! Heureusement, grâce à notre rang privilégié à la cour, nous aurons droit aux meilleurs crus!

    Puis, jetant un dernier regard au citadin enjôlé elle enchaîna en disant:

    —Du vin maraud, tu sais c’est quoi?

    Toujours pantois, Stuff fixait ses amis avec une expression d’abattement. Le prêtre prit la parole en s’efforçant tant bien que mal de garder son sérieux.

    —Vos moqueries frôlent la cruauté, ma chère.  

    Leurs rires retentirent si fort dans la prison, qu’on pouvait encore les entendre résonner lorsqu’ils disparurent au bout du couloir. Au comble du désespoir, le voleur tenta vainement de se glisser entre les barreaux. En proie à un profond désarroi, il se mit à hurler:

    —Ne me laissez pas ici, ça pue! Les bagnards puent, et ils ont essayé de me détrousser! Je resterai sage, c’est promis. Père Kaross? Salomée? Je veux du vin, je dois prier! Laissez-moi prier Bacchus avec vous, pour l’amour de Sainte-Brigitte et du petit Jésus!

    ***

    Depuis près d’une heure, l’homme en haillons se tenait immobile derrière les colonnades lorsqu’enfin il vit la figure encapuchonnée se frayer un chemin parmi les blocs en marbre fracassés. Par la grandeur démesurée du personnage, il n’eut aucune peine à le reconnaître. Aussitôt, il fit signe à ses deux acolytes pour les prévenir de la présence du nouvel arrivant tout en les priant de se tenir cois. En tant que chef de la guilde des voleurs de la cité éternelle, son emprise était telle, que même les mécréants aussi indisciplinés que ceux qui l’accompagnaient lui obéissaient au doigt et à l’œil. Pour les plus récalcitrants, il devait quelques fois recourir au bâton ou à la lame aiguisée pour s’assurer de leur docilité. Il était peu scrupuleux quant à la méthode employée, seul le résultat comptait. Il en était de même quand venait le temps de dépouiller les passants et à ce chapitre, celui qui venait d’apparaître entre les murs ravagés de la basilique semblait des plus prometteurs.

    Depuis quelques semaines, des rumeurs circulaient au sujet d’un homme étrange qui errait au milieu des ruines du forum. On le voyait souvent la nuit en train d’arpenter le vieux chemin pavé des premiers empereurs. La qualité exceptionnelle du manteau qui le recouvrait ainsi que la broche dorée qui le retenait eurent vite fait d’attirer l’attention. Sachant cela, le ruffian s’était empressé d’envoyer des gamins pour l’épier, mais ces derniers, persuadés qu’il s’agissait d’un fantôme, n’avaient rapporté que très peu d’informations tant l’homme était insaisissable. Voilà qui rejoignait les propos de certains racontars qui prétendaient qu’il était un esprit maléfique. Tout ce que le chef avait pu apprendre au sujet de l’étrange individu se limitait à son penchant pour les nids de pigeon qui surplombaient la vieille basilique. C’est pourquoi ses comparses et lui s’étaient embusqués à cet endroit. Sachant que ces oiseaux constituaient un mets prisé des grands de ce monde, il était convaincu que l’étranger devait être un de ces exilés de la haute noblesse qui s’étaient réfugiés dans la cité. Le fait qu’il errait la nuit tendait à prouver qu’il cherchait, outre un repas réservé aux fins gourmets, l’assouvissement de quelques plaisirs pervers et illicites.

    Les brigands attendaient donc que le géant encapuchonné termine sa visite de la colonie de volatiles. Après quoi, ils entendaient le suivre jusqu’à son repaire pour le détrousser de ses richesses. Mais pour le moment, le trio se contentait de le regarder arpenter l’escalier, qui passablement détruit, menait vers les hauteurs de la coupole.

    Le bâtiment étant dénudé de son plafond, les voleurs purent voir la figure spectrale apparaître sous la voûte étoilée et se diriger au bout d’une esplanade où se rassemblaient les oiseaux. Le chef fut surpris de le voir non pas tenter de capturer les pigeons, mais bien de rester immobile jusqu’à ce qu’un volatile vienne se percher sur lui. Ensuite, il le vit retirer quelque chose d’accrocher à la patte de l’oiseau, quelque chose qui ressemblait à un minuscule bout de parchemin que l’homme rangea sous son manteau. Les agissements plutôt étranges du mystérieux personnage venaient renforcer l’idée voulant qu’il fût un membre de la noblesse en exil, ce qui raffermissait sa volonté à trouver son refuge.

    Pendant qu’il tergiversait sur l’étendue de son trésor, l’homme encapuchonné redescendit de son perchoir et ressortit du bâtiment en ruine. Tandis qu’il s’engageait au cœur des reliquats du forum romain, les trois brigands le prirent en filature à pas feutrés, pour le voir déambuler parmi les restes vacillants des temples païens élevés par les anciens rois. Certains de ces vestiges d’une hauteur démesurée trônaient majestueusement, telles les empreintes d’une gloire millénaire qui s’effaçait lentement, mais irrémédiablement, sous les ravages du temps. Le pavé vétuste sur lequel avaient marché les armées triomphales des Césars se voyait aujourd’hui envahi par les hautes herbes qui servaient de pâturage aux bovins des habitants.

    À deux doigts de perdre sa prochaine victime dans la densité ce cette végétation, le chef de la guilde, au risque de se faire repérer, accéléra le pas. Ses amis et lui eurent juste le temps de voir leur cible entrer dans une anfractuosité faisant face à l’ancienne curie romaine dont il ne restait que quelques murailles. Le gouffre qui s’ouvrait dans le sol donnait sur les souterrains du Tullianum, une ancienne prison bâtie avant même l’époque du Christ dont il ne restait qu’un enchevêtrement de couloirs. Sachant que l’homme risquait aisément de disparaître dans les dédales de ces oubliettes, les bandits se mirent à courir pour pénétrer à leur tour dans ce puits de ténèbres. L’individu ayant eu la judicieuse idée de se procurer une torche, ses poursuivants n’eurent qu’à suivre le halo de la flamme. Malgré la facilité avec laquelle se déroulait l’opération, les filous ressentirent simultanément le même malaise. Cette ancienne geôle était loin d’avoir bonne réputation. Il courait des histoires selon lesquelles les couloirs étaient hantés par les anciens ennemis de Rome qui à travers les siècles, avaient été faits prisonniers en ce lieu. Aussi, certains affirmaient que l’esprit de Jugurtha, un roi de Numidie enjôlé ici un millénaire auparavant, errait toujours dans les souterrains. D’autres prétendaient que c’était plutôt l’âme tourmentée de Vercingétorix, ancien chef gaulois, qui voulait venger son exécution ordonnée par le tribun Jules César. Mais pour le trio qui se mouvait en silence dans la noirceur, peu importait l’identité des revenants qui infestaient l’endroit, toutes ces ombres dansantes avaient l’air menaçantes. Ils s’engouffrèrent tout de même plus profondément au cœur de ces sinistres catacombes, jusqu’à ce qu’ils observent la figure encapuchonnée s’arrêter en bas d’un escalier. Sous la lumière blafarde de la torche, ils purent voir l’homme se pencher vers la muraille pour enlever quelques blocs de pierre et ouvrir un passage qui y était dissimulé. Les détrousseurs attendirent quelques secondes en hésitant avant de s’y engager, nonobstant le malaise du chef qui allait en grandissant. D’un signe de la tête, il ordonna à ses deux complices de le suivre. Bien qu’il ne leur fût plus possible de distinguer celui qu’ils poursuivaient, ils étaient toujours en mesure de voir le halo lumineux de sa torche qui se déplaçait au fond d’un long couloir où ils avançaient à tâtons. Après une minute de cette pénible marche, ils atteignirent l’entrée d’une large pièce illuminée par de nombreuses chandelles. Il s’agissait d’une ancienne cellule au plafond bas et voûté. Le chef fut surpris d’y trouver un autel adossé au mur, un peu comme si l’endroit fut jadis une chapelle. Voyant une croix fixée à l’envers sur le mur, le malfaiteur se remémora l’histoire du supplice de Saint-Pierre. Se jugeant indigne d’être crucifié comme le Christ, ce dernier avait demandé à ce que sa croix soit placée dans l’autre sens. Puisqu’il avait été emprisonné dans le Tullianum tout au long des jours précédant son exécution, sa prison était devenue un endroit de dévotion pour les chrétiens, jusqu’à ce qu’elle tombe dans l’oubli. Pieux comme pas un malgré sa vie de vil pêcheur, le voleur se signa face à cette étrange croix, pour ensuite avancer furtivement vers sa cible. Même devant le symbole religieux du prince des apôtres, il ne pouvait s’empêcher d’étancher sa soif de richesse. Pour se faire pardonner son manquement au commandement de Dieu voulant que le vol soit un péché, il n’hésitait pas à se confesser à profusion. Après s’être approché considérablement de sa victime, il put l’apercevoir distinctement au fond de son repaire, face au petit autel en pierre. Puis la voix de l’homme encapuchonné s’éleva dans la pièce.

    —Vous devriez savoir que c’est d’une grande impolitesse de pénétrer dans la demeure de quelqu’un sans y être invité.

    Même si les paroles n’étaient aucunement hostiles, elles résonnèrent dans la cellule avec une sinistre intonation moqueuse qui glaça le sang du voleur. Le fait que le personnage encapuchonné ne se soit jamais retourné pour prendre compte de leur présence, à ses amis et lui, l’inquiéta au plus haut point. Après un petit moment d’hésitation, il fit signe à ses sbires de se jeter sur leur proie. Comme si ce dernier avait ressenti la menace, il fit volte-face et se mit à psalmodier des mots incompréhensibles. À la dernière parole prononcée, les deux hommes s’enflammèrent tels de vulgaires fétus de paille. Terrifié tout autant par ce dénouement inattendu que par les terribles cris de souffrance de ses amis qui se consumaient littéralement devant ses yeux, le chef de la guilde paralysa sur place. Puis, son instinct de préservation reprenant le dessus, il se mit à reculer vers le couloir en abandonnant ses compagnons qui agonisaient dans les flammes. Au bout d’un moment, l’étrange voix s’éleva à nouveau dans la pièce.

    —Manant! Vous ne semblez pas aimer mon hospitalité. Que diriez-vous d’un traitement de faveur? 

    Paniqué, le ruffian accéléra le pas, tandis qu’il entendait encore ce même langage inconnu. Au moment où il se retourna pour sortir de la pièce, des éclairs bleutés jaillirent des mains de l’homme au capuchon, éclairs qui se rendirent jusqu’à lui en grésillant. À leur contact, son corps fut parcouru de violents soubresauts. S’ensuivit une douleur atroce qui explosa dans chaque parcelle de son être. Du coup, il se mit à hurler à pleins poumons. Devant les yeux de son bourreau qui scintillaient d’une lueur malicieuse quasi surnaturelle, il comprit qu’il était condamné.

    Chapitre II

    L’escorte royale

    Même si le moment du sacre impérial avait été décidé un peu tardivement, les cadeaux en provenance des peuples alliés affluaient en masse vers la capitale et contribuaient à augmenter la fortune déjà colossale du Magnus imperator. Nonobstant les réticences de l’impératrice de Constantinople, qui jetait sur le nouvel empereur un regard envieux, les félicitations fusaient d’aussi loin que de l’Afrique et des terres des sarrasins. De son côté, le calife de Bagdad avait fait parvenir un message de paix et d’amitié, en plus présenter tout son respect à Charlemagne. Pour la plus grande joie de ce dernier, les royaumes barbares du Nord n’étaient pas en reste, puisque certains rois de ces territoires n’avaient pas hésité à exprimer leur fidélité envers l’alliance qui les unissait en confirmant leur présence à l’événement.

    -Mémoires d’Adalard de Corbie, grand conseiller de l’empereur. Chronique de Noirmoutier.

    De sombres nuages remplissaient le ciel au-dessus de la cité portuaire de Quentovic. Ce n’était que la fin de la matinée et pourtant, la pénombre qui s’était installée donnait l’impression que c’était le milieu de la soirée. En raison d’un vent du nord vif et glacial, la pluie qui tombait sans relâche depuis quelques jours venait de se transformer en neige. Les flocons tourbillonnaient au gré de la brise pour finir leur course contre les vagues, qui elles, allaient se fracasser sur la jetée dans une explosion d’écume.

    Deux hommes se tenaient immobiles sur le large quai en pierre qui s’avançait dans la mer déchaînée. Le regard de chacun semblait se perdre dans cette immensité grisâtre qui remplissait l’horizon, et tous deux demeuraient impassibles devant la fureur des éléments. Le plus robuste d’entre eux portait une large épée scindée dans son dos et revêtait un kilt aux teintes foncées qui l’identifiait comme un guerrier du nord de l’île de Britannia. Il avait défait son vêtement à la hauteur des épaules pour se recouvrir la tête d’une large bande de tissu qui laissait voir une partie de son visage aux nombreuses

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