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Besoins d’ailleurs: Mes chroniques maliennes 2003-2008 et 2015-2022
Besoins d’ailleurs: Mes chroniques maliennes 2003-2008 et 2015-2022
Besoins d’ailleurs: Mes chroniques maliennes 2003-2008 et 2015-2022
Livre électronique205 pages2 heures

Besoins d’ailleurs: Mes chroniques maliennes 2003-2008 et 2015-2022

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À propos de ce livre électronique

Pendant 19 ans, Didier Veller exerce hors des frontières de son pays natal. Il est d’abord chef du service économique de l’Ambassade de France au Mali, puis conseiller commercial auprès du consulat de France au Kazakhstan, et officie enfin au Mali comme chef du bureau Afrique de l’Ouest de l’ONG Sikana. Récapitulatif d’une longue et riche carrière professionnelle, Besoins d’ailleurs - Mes chroniques maliennes 2003-2008 et 2015-2022 a pour objectif de présenter le Mali dont il a eu l’occasion d’observer l’évolution durant une période charnière.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Pour Didier Veller, la littérature est une compagne incontournable. Il est ainsi auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels Bercy m’a longtemps bercé, paru aux éditions Edilive en 2017, et de Eugène Escoffier : l’Ardéchois-tirailleur sénégalais publié par Cauris Éditions en 2018.
LangueFrançais
Date de sortie19 janv. 2023
ISBN9791037777959
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    Aperçu du livre

    Besoins d’ailleurs - Didier Veller

    Introduction

    Comme on ne séjourne pas impunément 12 ans dans un pays étranger, l’idée de ce livre est née d’une conversation avec une amie éditrice, intéressée par les particularités de mon parcours au Mali. Il aurait d’ailleurs dû paraître dans le courant du premier semestre 2020, ce qui l’aurait amputé des récentes turpitudes de la vie politique malienne et de mes dernières aventures ; mais cela aurait eu pour effet de banaliser ce manuscrit, en le plaçant hors du temps. J’ai donc décidé que ce livre collerait à l’actualité, devenant ainsi la chronique de la descente aux enfers de l’un des principaux partenaires de la France au Sahel.

    Comme de nombreux expatriés, j’ai eu la chance, ayant exercé mes fonctions d’attaché commercial en Ambassade dans huit pays différents (de l’Autriche au Kazakhstan en passant par le Guatemala, la Yougoslavie, le Maroc, l’Irak, le Kenya, la Turquie et le Mali), de vivre autant de vies où le professionnel et le personnel étaient le plus souvent étroitement mêlés. J’y ai goûté les délices d’une existence fortement décalée par rapport à notre mode de vie occidental, mais j’ai aussi côtoyé une large collection de personnages atypiques.

    Au-delà du quotidien original qu’elles révèlent, ces tranches de vie traduisent sans doute aussi une recherche forte de l’Inconnu et de la Différence, même si je me refuse à expliquer cet enchaînement d’expériences par une quelconque philosophie de la vie. Lorsque je me suis lancé dans cette aventure, je n’avais pas d’autre objectif que de m’éloigner de la France. J’ai, en effet, vécu à Paris jusqu’à l’âge de 26 ans, malgré des échappées fréquentes à l’étranger, mais limitées dans le temps ; dans mes souvenirs d’enfance et d’adolescence, j’ai toujours ressenti la vie parisienne comme un enfermement dont on ne pouvait s’extraire qu’au prix de violents efforts.

    Un beau jour de février 1976, nous sommes donc partis, la fleur au fusil, sans nous soucier le moins du monde que cet éloignement ne ferait pas forcément plaisir à nos proches, d’autant plus que l’expatriation était, beaucoup plus que maintenant, synonyme de coupure en termes de télécommunications : pas d’internet, pas de messagerie et des frais de téléphone exorbitants. J’ai certainement ma part de responsabilité dans ce malentendu puisque, ayant peu d’attachement familial, je suis à l’origine de ce projet.

    Je me suis donc juste laissé porter, durant ces 39 ans de service (rythmé tous les trois à cinq ans par un changement de poste), par la diversité des affectations que j’avais choisies dans la liste qui nous était transmise, et par la nécessité de m’intégrer au plus vite, personnellement et professionnellement, dans mes pays de séjour ; je ne m’étais toutefois imposé que deux règles que j’ai toujours été en mesure de respecter : disposer sur place d’un établissement scolaire français dispensant un niveau d’enseignement correspondant à celui atteint par mes enfants et d’un environnement sanitaire acceptable, mais aussi changer de continent à chaque mutation.

    Mon besoin d’expatriation avait essentiellement pour objectif d’établir mon indépendance par le biais de mon éloignement géographique ; il s’agissait d’une soif inextinguible aussi bien personnelle que professionnelle, car je ressentais, plus ou moins confusément, que seul l’accès aux grands espaces pouvait être pour moi synonyme d’épanouissement.

    De ce rythme de vie j’ai retiré un puissant besoin de bouger qui me tenaille encore ; à ce titre, je suis très impressionné par la trajectoire de Julien Gracq, mort à l’âge de 99 ans dans le petit village où il est né. Même s’il a beaucoup voyagé, y compris à l’étranger, durant sa longue vie, il avait su s’enraciner dans une bourgade où ses ancêtres paternels étaient installés depuis plusieurs siècles.

    À 26 ans, j’ai donc quitté Paris, ma famille et mes amis, mais aussi ma routine, pour m’enrôler dans la grande armée des serviteurs de l’État ; je pense que je me suis comporté comme un bon soldat, puisque j’ai accepté de nombreuses mutations vers des pays où personne ne voulait aller, mais j’ai finalement transformé cette orientation en spécialité. Avant même ce départ, j’avais déjà la tête ailleurs car, en 1974, je collais des affiches pour une cause qui ne mobilisait pas les foules ; il s’agissait alors de sensibiliser les Parisiens à l’égard des immenses difficultés que vivaient les habitants des pays du Sahel (dont le Mali) en raison de la sécheresse persistante qui sévissait déjà dans cette région.

    La vie hors de France constitue un moyen de brassage social, d’une efficacité inégalée, qui m’aura permis de fréquenter des CRS, des agents techniques, des gendarmes, des enseignants, des militaires, des diplomates français de tous niveaux, mais aussi de tous pays, et de m’enrichir de leurs différences. En un mot, c’est une vie infiniment ouverte, très libre, conviviale, et d’autant plus passionnante que chaque expatriation conduit à une réelle remise en cause personnelle et professionnelle (puisque tout change lorsque l’horizon et l’environnement sont différents), alors que la société française reste très cloisonnée et hiérarchisée. L’existence et l’identité d’un expatrié s’assimilent principalement à un parcours géographique qui traduit son degré d’ouverture, alors qu’un salarié franco-français n’existe le plus souvent que par sa fonction au sein d’une entreprise.

    L’approche devient naturellement différente, y compris en face de l’homme de la rue. Le hasard a voulu que nous vivions dans des pays, où les êtres humains ont pris l’habitude de se saluer lorsqu’ils entrent dans une boutique ou se croisent dans les transports en commun ou même dans la rue, alors que lorsqu’elle est transplantée sur les bords de la Seine, cette pratique s’apparente au comportement d’un zombie.

    Je dois également reconnaître que mes ancêtres avaient déjà tracé la voie. En effet, petit-fils d’un immigré russe installé en Occident juste avant la Première Guerre mondiale, et petit-neveu d’un sergent combattant dans un bataillon de tirailleurs sénégalais, mort à la fin de cette même guerre, les bouleversements du vingtième siècle et la « mondialisation » étaient, bien avant ma naissance, profondément inscrits dans mes gènes.

    En dehors de l’évènement très modeste qu’a constitué mon retour au Mali, l’année 2015 a été marquée par une puissante tendance à l’internationalisation des mouvements de migration. Le Mali et la France sont, bien entendu, concernés, notamment parce que la communauté malienne de France est la plus nombreuse d’Afrique de l’Ouest (à cause de la pauvreté de ce pays ?). Je suis reparti à Bamako avec quelques idées de formation professionnelle à distance (ciblé sur les métiers en manque de main-d’œuvre) ; la formation me paraît être un des éléments de la réponse qu’attendent les jeunes maliens, car s’ils sont mieux formés, il y aura moins de chômage et d’émigration, même si chacun sait que cet outil ne résoudra pas tous les problèmes.

    Dans ce livre, je tente notamment de comprendre et de faire comprendre quelques-uns des ressorts de ce pays, où j’aurai passé douze ans, c’est-à-dire qu’il s’agit de mon plus long séjour hors de la France ; mais mon objectif n’est ni de tout expliquer de la situation ni d’apporter des solutions toutes faites. Cet ouvrage s’adresse aussi aux familles des 58 soldats français morts au Mali ; il peut peut-être les aider à comprendre le contexte de cet engagement.

    Le Mali est actuellement plongé dans un climat de profonde instabilité après avoir préservé, au-delà du raisonnable, l’image de vitrine de la démocratie que les bailleurs de fonds appréciaient tant ; mais, la situation présente conduit à se demander si les Maliens ont, d’une manière ou d’une autre, tiré un quelconque profit de cette belle réputation internationale.

    Cette question me paraît essentielle ; on dirait que la jeunesse malienne est en train d’y répondre. Il semble même que cette image flatteuse auprès de l’étranger ne présente plus aucun intérêt pour les jeunes maliens, puisqu’elle n’a pas fondamentalement ni durablement changé leur vie.

    Mais pourquoi retourner au Mali ? Pourquoi retourner dans un pays qui, depuis 2013, ajoute la guerre à la pauvreté ? C’est une question qui suscite depuis sept ans, chez mes amis et ma famille, l’incompréhension accompagnée d’un soupçon d’inquiétude.

    En fait, ma dernière affectation dans un service déconcentré de l’état à Dijon m’a permis de réaliser que la société française était particulièrement figée (beaucoup trop pour moi, en tout cas) alors que, malgré les lourdes contraintes auxquelles elle est confrontée, la société malienne est restée très ouverte et dynamique, au moins jusqu’en 2020.

    En outre, l’arrêt forcément brutal de ma vie professionnelle m’avait laissé avec un trop plein d’énergie qu’il m’importait de canaliser au plus vite. Je me réjouis d’avoir su garder jusqu’au bout ma capacité de remise en cause.

    Alors, pourquoi ne pas me mettre au service d’un pays où tout est à faire ? Et le départ pour Bamako devient une évidence, puisqu’au lieu de continuer à me laisser porter par les évènements, je vais pouvoir enfin prendre ma vie en main, en construisant des projets utiles aux autres, voire à mon développement personnel. En partant à la retraite, le salarié débordant d’activité n’est pas forcément destiné à devenir subitement ni un mort-vivant, ni un grand-père transformé en bonne d’enfants, mais tout simplement un homme libre de tout, qu’il s’agisse de ses intentions, de ses mouvements, et de ses initiatives ; encore faut-il l’assumer. Toute phase de la vie doit en effet permettre à chacun de se réaliser en fonction de ses capacités, tout en subissant un minimum de contraintes extérieures.

    Depuis sept ans, mon quotidien est donc entièrement tourné vers différents projets de formation professionnelle, qui ont beaucoup de mal à voir le jour au Mali, et l’écriture de plusieurs livres, portant sur les carnets de guerre de mon grand-oncle, tirailleur sénégalais pendant la guerre de 14, les souvenirs de mes deux séjours au Mali, les relations entre la France et l’Afrique ainsi que les mémoires de mon grand-père, émigré russe au début de la Première Guerre.

    Ces activités m’ont apporté le sentiment que la formation professionnelle pouvait être, l’incontournable point de départ du développement du Mali, et que la liberté du chercheur constitue un bonheur inépuisable puisqu’il choisit lui-même le sujet de ses ouvrages, et construit son emploi du temps autour de leur rédaction et des investigations préparatoires qu’elle nécessite ; cette immense découverte pour un retraité, dont toute la vie professionnelle s’était organisée autour du service public, est devenue pour moi une source de réelles satisfactions. Au bout du compte, je ne regrette rien de ma vie de fonctionnaire ni de ma vie de retraité, même si la seconde, tout aussi passionnante que la première, sera sans doute beaucoup plus courte. En tout cas, l’une n’aurait pas existé sans l’autre.

    Nouveau départ

    Après avoir appris ma nomination au Mali, j’ai été informé que le président Chirac se rendait à Bamako, pour une visite officielle, à la fin du mois d’octobre ; j’ai donc décidé d’arriver sur place dès la mi-août 2003. L’objectif était de disposer d’un maximum de temps pour prendre mes marques. Mais revenons d’abord sur la séquence qui précéda ce séjour au Mali, car l’un est l’exact contraire de l’autre. Je vais donc passer, quasiment du jour au lendemain, de l’ombre limousine à la lumière malienne.

    Après avoir passé quatre ans à Limoges, en poste auprès d’un service déconcentré du ministère de l’Économie, nous repartons donc vivre à l’étranger, pour la première fois, sans enfants puisqu’ils sont entrés dans le cycle de l’enseignement supérieur ; donc pas de Tanguy chez nous, mais c’est un grand classique d’expatrié.

    Même si, à titre personnel, la vie en Limousin n’a pas toujours été rose, pour des raisons financières notamment, je ne garde pas un trop mauvais souvenir professionnel de mon passage dans cette région (en terre de mission, devrais-je dire, puisque l’exportation n’a jamais figuré parmi les priorités des entreprises locales).

    Le fait d’avoir parcouru cette contrée dans tous les sens pendant quatre ans, et d’avoir eu maintes occasions d’en apprécier la gastronomie, compte évidemment pour beaucoup dans cette opinion.

    J’ai donc apprécié à sa juste valeur l’espace de liberté que je me suis construit tout seul, en m’imposant de fréquents déplacements tant à l’intérieur de la région que vers des espaces nettement plus éloignés. J’avais déjà besoin d’ailleurs.

    J’ai pu découvrir de superbes paysages ainsi que des villes et villages qui comptent parmi les plus beaux de France ; ces échappées solitaires m’ont aussi permis de prendre l’air quand j’en avais besoin, et de me soustraire à la rancœur des ronds-de-cuir et autres petits chefs dont la floraison reste prospère, y compris sur ce territoire dont le caractère terrien laissait supposer que ses habitants sauraient se tenir éloignés des cercles du pouvoir et de leur venin.

    J’ai expérimenté à quel point les enjeux de pouvoir peuvent prendre le pas sur les projets professionnels, ou même devenir des enjeux en soi. Arrogance et hiérarchie sont les mamelles du syndrome de Napoléon, et l’adrénaline est le lait maternel de ceux qui en sont atteints.

    Finalement, cette expérience appartenant au passé, je

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