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Foucks la Défense: Un quartier mythique de la Pointe-Noire
Foucks la Défense: Un quartier mythique de la Pointe-Noire
Foucks la Défense: Un quartier mythique de la Pointe-Noire
Livre électronique325 pages4 heures

Foucks la Défense: Un quartier mythique de la Pointe-Noire

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À propos de ce livre électronique

Dans ce recueil, il a été mis en exergue le paradigme vital de plusieurs jeunes africains qui, à l’instar de l’auteur, sont à la recherche d’une vie meilleure, mais aussi d'autres jeunes africains qui ne se laissent pas dévier de leurs objectifs par les tracas de tout genre. Ils sont parfois obligés de « mouiller le maillot » à plusieurs reprises, avant d’atteindre les mêmes objectifs que leurs « alter egos » dans d’autres contrées du monde et de sortir la tête de l’eau. Dans ce processus, personne n’est épargné. Mais ce parcours, semé d’embûches, s’avère aussi un enseignement pour la vie, la vraie vie !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Le Dr. Anselme Loemba, est titulaire d’un doctorat en génie mécanique obtenu à l’université technique de Berlin. Ancien maître-assistant et enseignant-chercheur de ladite université, le Docteur-Ingénieur (Dr.-Ing.) est également auteur et co-auteur de plusieurs brevets sur les solutions techniques. Actuellement manager des projets industriels chez SKF en Allemagne, il est le président de l’Association des Congolais d’Allemagne (ARCB e. V.) et de l’association MUDES. Membre de plusieurs cercles de réflexion sur le développement en Afrique, il s’est illustré dans l’aide au développement.
LangueFrançais
Date de sortie29 juin 2020
ISBN9791037709646
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    Aperçu du livre

    Foucks la Défense - Anselme Loemba

    Préface

    Dieu seul savait que le jeune enfant de chœur d’alors, notre benjamin du Tiéquar, accomplirait un parcours de vie prolifique et riche de promesses, à double titre. D’abord parce que l’échec scolaire était et demeure une marque de fabrique de Foucks et de ses alentours, au regard du faible pourcentage de ses « fils » qui ont su tirer leur épingle du jeu social malsain qui y règne. Ensuite parce que, d’origine modeste et condamné à la débrouille comme la majorité de ses pairs, rien ne le prédestinait à devenir docteur en mécanique et un exemple de réussite quasi parfait.

    Mais, Dieu seul savait aussi que, inspiré par la foi religieuse de son père, il a su vivre sa passion du Christ, malgré l’ivresse de la jeunesse et l’environnement de plus en plus sulfureux du Tiéquar, notamment avec la montée en puissance du « manianisme ».

    Dans ce recueil, Anselme Loemba nous fait don de sa personne, par l’exemplarité, en exaltant les vertus de la résilience, une alchimie réussie entre les exigences du devoir de mémoire et un clin d’œil lyrique du destin. Un retour réussi vers l’enfance, un ferme souci du détail et une volonté manifeste de donner du rêve pour colorer le réel des nouvelles générations du Tiéquar. Le cœur de l’auteur se vide de sa poésie, au fil des pages qui racontent des époques différentes et décrivent en même temps la réalité sociale.

    On voit, en effet, au travers du parcours de vie raconté, le miroir d’une société en mouvement, d’un contexte social en évolution perpétuelle. D’abord, la société d’abondance des années 1970-1980 avec la générosité de la nature, l’école du peuple, la promesse étatique d’abolir les distances sociales et l’insouciance d’une jeunesse heureuse et débrouillarde.

    Ensuite, les ruptures multiformes des années 1980-1990, sur le plan social avec la montée de la sape et de la « tentation de Paris », sur le plan économique avec le glissement rapide vers le « tout pétrole », et sur le plan politique avec les répercussions tous azimuts de la pérestroïka « gorbatievienne » sur le monde.

    Enfin, la société de pénurie des années 2000 à nos jours, avec la décrépitude des services publics, la dépravation des mœurs, les antivaleurs, l’agonie du « trop d’État » et le poids des pesanteurs sociologiques.

    Tel un poète qui tire son inspiration d’une histoire d’amour personnelle, l’auteur plonge dans son être profond pour raconter ce que la vie lui a offert comme festin. Il raconte comment les échecs affermissent, l’humilité élève, la sociabilité sauve, le doute fait avancer, la connaissance enrichit et l’abnégation paie toujours.

    On voit, au travers de cette écriture, comment le tempérament inné et les choix essentiels de l’enfance déterminent le parcours de vie, à quel prix la soif de réussir et le dépassement de soi sont un carburant et dans quelle mesure vouloir faire de ses faiblesses et de ses manques une force n’est pas un vœu pieux.

    L’idéal de justice, l’amour du prochain, la fidélité à ce que l’on est intimement et la conviction que Dieu n’abandonne jamais ses enfants sont le fil d’Ariane de ce que le désormais cinquantenaire nous présente. Un Hymne à la vie ? Le désir assumé de goûter enfin aux fruits de l’effort ? Le verbe est parfois haut, la mélancolie est souvent là et une sourde colère trahit à chaque instant le refus de l’ignominie.

    Que ce recueil enchante, égaie, enthousiasme et subjugue comme je l’ai été en le parcourant, tantôt un sourire aux lèvres, tantôt les larmes aux yeux. Joyeux anniversaire, cadet, et bienvenu au club des cinquantenaires.

    Alfred Florent Bissingou,

    Docteur ès sciences économiques,

    Lille, avril 2019

    Introduction générale

    Ce recueil résume les étapes de ma vie à l’orée de mon demi-siècle d’âge. Loin de faire l’apologie des péripéties rencontrées lors de ma « vita », il sied ici d’édifier les lecteurs sur certaines difficultés auxquelles font face les enfants d’Afrique pour avoir une place au soleil. Les très émouvantes étapes de ma vie, comparables à celles de nombreux fils et filles d’Afrique, ont requis beaucoup d’énergies et de ressources. Une énergie qui devrait être, à mon avis, investie autrement pour vite progresser et changer nos conditions de vie.

    En effet, cette dépense excessive d’énergie dans nos parcours est en vérité du plomb dans nos ailes, dans le sens où cela nous empêche souvent de prendre l’essor nécessaire pour améliorer nos conditions de vie en un temps record. Elle est comme un accessoire contraignant dans nos parcours. Il en est ainsi parce que, nous faisons face, en Afrique, à certaines difficultés, provoquées parfois par nous-mêmes, qui sont de nature à torpiller notre évolution rapide dans la société. Des difficultés, qui nous amènent à utiliser différentes voies et divers moyens pour survivre. Ce qui est le lot quotidien des filles et fils de Foucks, enfants abandonnés de leurs parents, obligés de recourir à des moyens peu orthodoxes pour se débrouiller.

    Ces difficultés, exprimées en truculentes aventures, croisées lors de nos parcours ici et là, ne sont pas toujours normales, comme dans d’autres contrées. Elles sont souvent provoquées par notre entourage et par nos dirigeants aussi bien du fait du manque d’organisation que de la velléité de certains de nuire à autrui.

    Mais comme le dit si bien l’adage russe : « difficile dans les exercices, facile dans la bataille ! », ces difficultés se révèlent parfois salutaires, dans la mesure où elles nous forgent le moral pour affronter certains défis dans nos vies privée et professionnelle.

    Les impacts de ces truculentes aventures, connues depuis notre enfance, sont restés gravés dans nos mémoires et ont laissé des blessures. Certaines nécessiteraient une assistance psychologique dans certaines contrées, mais en Afrique cela reste une normalité.

    En effet, les difficultés ainsi rencontrées depuis le jeune âge se sont exacerbées au fil des années et ont eu de sérieuses répercussions sur la santé de nos proches. Une sorte « d’effet boomerang », car ce qui a été donné de malsain en éducation et en valeurs sociétales aux populations durant des années se reflète dans la société congolaise d’aujourd’hui. On en veut pour preuve le fait que les accidents vasculaires cérébraux et autres pathologies soient devenus monnaie courante, même chez les jeunes. Des pathologies qui, jadis, étaient rarissimes dans la société congolaise, et qui sont aujourd’hui devenues récurrentes, populaires et exacerbées.

    Parmi les raisons de cette explosion de maladies de tout genre et notamment des AVC, il y a les soucis de survie. À la recherche de solutions pour leurs progénitures, même devenues majeures, nos parents sont gravement rongés de l’intérieur.

    En effet, jadis, les progénitures quittaient la maison familiale relativement tôt, avec une bonne éducation, pour aller former une famille ailleurs. Aujourd’hui, elles continuent de vivre chez leurs parents à des âges très avancés, voyant leurs propres enfants naître là où ils sont eux même nés et manquant parfois de l’essentiel comme de quoi acheter une lame de rasoir pour enlever une barbe touffue.

    Une désolation qui hante les parents, car ils assistent en même temps à la dépravation des mœurs de leurs filles, que certains nouveaux riches viennent chercher devant leurs parcelles sans pudeur aucune. Un déshonneur qu’ils acceptent du bout des lèvres, puisque ces privilégiés de la société nourrissent leurs filles et eux-mêmes aussi. Ce qui d’ailleurs amène ces nouveaux riches à se croire tout permis, bafouant les règles d’éthique, définies dans nos traditions africaines lorsque la main de la fille n’a pas été demandée officiellement à sa famille. Ainsi, la précarité accentuée est devenue une normalité et surtout une cause de dégradation des valeurs qui faisaient la fierté de nos traditions.

    Mais nos parcours, semés d’embûches, restent un enseignement dans sa globalité et doivent faire école, en donnant aux nombreux fils et filles d’Afrique, confrontés à la même problématique, la volonté d’accepter d’affronter certains obstacles de la vie. Aussi, le message qu’il faut ici véhiculer est que « tout est possible ! ».

    Que nos frères, nos sœurs et nos progénitures, trouvent donc, dans cette contribution, rien que la velléité d’exprimer une motivation au progrès et de distiller l’idée que « rien n’est donné gratuitement dans la vie ! »

    J’espère que les lignes, présentées ici, donneront une inspiration à nos enfants, petits-enfants, mais aussi à nos « alter egos », qui sont à la croisée des chemins pour des décisions ou choix de vie nécessitant un profond discernement. Ces lignes doivent susciter l’optimisme et l’espoir chez tous ceux qui croient en eux-mêmes. Une volonté de réussir que résume bien l’adage allemand selon lequel « l’espoir meurt le dernier ! »

    Enfin, pour mieux comprendre la philosophie que prône ce recueil, un autre adage africain m’a inspiré : « les moutons se promènent ensemble, mais lorsqu’on les vend, chacun à son prix ! ». Ce qui veut dire que chacun de nous a une vertu qu’il peut exploiter, mais encore faut-il être assez-vigilant pour l’identifier et la développer. Nous avons tous une valeur dans la société, mais nous devons faire des efforts pour l’identifier et la vendre au prix fort, en dérivant d’elle une plus-value, car les concurrents sont nombreux dans ce monde d’intérêts et d’ambitions !

    Il sied par ailleurs de souligner que ce recueil relate mon vécu dans ce quartier Foucks, mythique et cosmopolite, que je n’arrive pas à quitter, même après plus de trois décennies de « divorce » saccadé. J’y reviens volontiers, presque chaque année, après une longue absence. Ce qui est d’ailleurs aussi le cas de la plupart de ces « enfants » de Foucks à qui la débrouille a permis de trouver une place au soleil sous d’autres cieux. Un amour indescriptible de vieux couple, qui est toujours là malgré des querelles épisodiques. Je reviens rituellement à Foucks partager des moments de vie avec les miens, revivre des émotions du passé, me ressourcer, me reposer, mais aussi parce que, ici, je suis en sécurité et protégé comme un lionceau près de sa mère !

    Ici au « Tiéquar », une anagramme du mot quartier, utilisée communément pour designer notre quartier Foucks, rien ne m’arriverait, disais-je encore récemment à mes amis ! Car je pourrais fuir partout en cas de…, me faufiler dans nos petites ruelles, connaissant les petites pistes encore figées dans ma mémoire, comme si c’était hier que j’ai quitté ce vieux quartier dont je connais encore chaque raccourci.

    Je reviens toujours en ces lieux de ma naissance par soif de ce lait maternel qui m’a été sevré abrupte. Cet endroit où j’ai puisé la force qui m’a permis d’aller chercher loin une vie meilleure, rêvée par mes parents et que mon défunt père fit la prophétie avant notre séparation en 1989 en ces termes : « celui qui plante un arbre n’est pas obligé de jouir de ses fruits ! ». Et oui, cela s’est révélé une réalité pour lui !

    Malgré, un vide spirituel qu’il a laissé et que je ressens toujours, je trouve ici aussi une source d’inspiration à côté des miens, si bien que je pourrais même dormir dans la rue sans m’inquiéter, car ici je suis chez moi, un endroit où les gens me connaissent et m’identifient comme un des leurs, malgré les années écoulées.

    Dans cet élan d’amour pour ce quartier énigmatique qui m’a vu naître, j’ai bien voulu aussi comprendre la signification du nom qu’il porte : « Foucks ». J’ai été surpris par l’origine germanique de cette appellation, « Fuchs », qui signifie renard en allemand, comme si ceux qui ont donné cette dénomination à ce vieux quartier de « Ponton-la-Belle » surent que ses habitants auraient des comportements semblables à ceux de cet animal très malin et rusé. Et en l’occurrence, ne conviendrait-il pas plutôt de parler de « vieux renard ? » Non, loin des considérations imaginaires, cette appellation vient en effet d’un magasin qui se trouvait juste à côté du marché de nuit de Foucks et de la station-service X-Oil en face de la CNSS non loin de l’hôtel OKEN Palace, que gérait un Hollandais M. FOUCKS, qui donna son nom à sa boutique. C’est donc par référence à ce magasin que ce quartier hérita de ce nom.

    Avant cette appellation, le quartier s’appelait le « Camp des Saras ». Dans ce camp y vivaient les travailleurs, venus de quelques pays de l’AEF (l’Afrique Équatoriale Française), notamment du Tchad et des autres contrées d’Afrique centrale comme la République Centrafricaine, déportés pour la construction du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO). Ce « Camp des Saras » occupait une grande partie du quartier Foucks et s’élargissait sur un territoire allant du rond-point de Foucks jusqu’après le Temple de l’église protestante du Congo. Pour les ravitailler en eau, un château d’eau fut construit à deux pas de l’Église protestante. Ce château d’eau, érigé par le colon existe encore de nos jours.

    Par ailleurs, le caractère des Foucksois laisse aussi penser à un résistant communiste juif, Moise FOUCKS. Ici aussi une similitude semble être de mise, à savoir le caractère communautaire et résistant des natifs de ce vieux quartier qui rime avec le vécu de Moise. J’y crois !

    Partie I

    Notre vie au Tiéquar

    1

    Généralités

    Une de mes sœurs, Adrienne « Lasité », m’a dit un jour : « si la vie était l’armée, elle serait un officier ! ». Par ces mots, elle a voulu résumer les tracas que nous avons subis et subissons au quotidien pour survivre en Afrique. Effectivement, elle ne parlait pas dans cet adage d’elle-même seulement, mais aussi des ami-e-s et parents qui continuent à subir de rudes conditions de vie dans nos contrées d’Afrique.

    Dans certains pays du continent, certains de nos frères et sœurs, pour remédier à la précarité, ont même choisi de prendre le chemin de l’exil d’une manière non conventionnelle, celle de traverser la méditerranée par un bateau de fortune pour l’Europe, pour mieux vivre. Une décision payée parfois au prix fort de leur vie. L’Europe reste à leurs yeux – ne connaissant pas les réalités sur place – un Eldorado.

    Cette nouvelle donne a coûté la vie à nombreux parmi nos frères et sœurs d’Afrique. Cette forme d’immigration peu orthodoxe reste pourtant en vogue dans d’autres régions africaines qu’en Afrique centrale où, à l’instar de leurs précurseurs qui ont essayé par tous les voies et moyens d’atteindre l’Europe y compris en passant par les pays lusophones, et anglophones, les gens préfèrent les schémas classiques d’exil, c’est-à-dire soit par avion, soit par voie navale, en voyageant même dans les cales de bateaux cargo.

    C’est ainsi que les ressortissants de l’Afrique centrale préfèrent parfois utiliser les documents des proches, prêtés ici et là, ou passent par des intermédiaires des services des ambassades pour s’octroyer des visas de court séjour en bonne et due forme pour fouler le sol européen, moyennant des sommes exorbitantes, qui dépassent plusieurs fois leurs revenus mensuels.

    Il sied de mentionner que le départ des premiers Congolais de Brazza et Kinshasa, candidats à l’exil, n’était pas motivé par des raisons économiques. Nombreux sont partis pour les études, d’autres par l’enthousiasme de la mode, etc...

    Les vacanciers, que nous appelons communément « Parisiens », ont contribué à amplifier ce phénomène. « Leurs retours » provoquaient en effet un sentiment d’infériorité chez ceux qui sont restés au bercail et ont alimenté en même temps le phénomène de la sape, des « booms », des « défis » et autres. Pendant les exhibitions de la mode par les « sapeurs », appelées « défis », certains de nos frères et sœurs qui n’avaient rien à proposer aux autres se sentaient comme citoyens et citoyennes de seconde classe. Un sentiment qui a poussé certains, par désir de devenir aussi « Parisiens », de se battre de mille manières, y compris en abandonnant les études et/ou en bradant parfois les biens familiaux comme des parcelles, pour payer un visa d’entrée en Europe et un billet d’avion. D’autres ont été aidés par les parents moyennant des cotisations pour enlever la honte de la famille, puisqu’espérant avoir aussi un des leurs comme émissaire et pourvoyeur de moyens financiers.

    Curieusement, même lorsqu’un Congolais vivait en Amérique, bien que ce soit aussi l’Occident, il n’avait pas la même considération que ceux qui vivaient en Europe en général et en France en particulier, car il n’y avait quasiment pas là-bas des fils du Tiéquar venant en vacances au bercail exhiber les vêtements et vanter les gloires de leur lieu d’exil. Dans notre famille, nous avons eu un cas semblable, celui de notre frère-cousin, neveu de notre père Julien Dinga-Pinto, père du chanteur Niska, qui a commencé sa vie occidentale en Amérique avant de s’installer en Europe.

    Je me rappelle les défis de la sape, organisés à La Cabane, dancing-bar célèbre d’antan, géré par Grand Didas, situé au quartier Foucks en face de l’église Saint-François. Presque tous les samedis, les sapeurs de tout bord venaient s’y confronter, exhiber leur art vestimentaire, l’élégance, l’harmonie des couleurs et l’originalité. Grands moments de fêtes et de beuverie qui attiraient également des « sapeurs » ou « parisiens » venant d’autres contrées du pays, notamment Brazzaville. Et à ce propos, me viennent spontanément à l’esprit quelques participants célèbres comme Jacques Tabazzo, un Brazzavillois, ou Nilafath, un Ponténégrin.

    Dans ce bar se déroulaient aussi des concours de danse « smurf », qui attiraient aussi les enfants de mon âge les week-ends après-midi avant la « bagarre de la forme » (la compétition des habits) des sapeurs. Pour ce concours de danse, deux superhéros faisaient la loi dans la ville. Tout Pointe-Noire venait les voir dans ce « Temple La Cabane », comme l’appelaient les intimes. Un espace qui n’avait de temple que la foule lors des spectacles, avec une surface de moins de deux cents mètres carrés. Il s’agit de Saint-Michel et Zingou-Zingou, deux danseurs chevronnés et concurrents, qui ne se faisaient pas cadeau l’un à l’autre, avec des perfections artistiques hors du commun, et une prouesse traumatisant même les enfants qui se mettaient à imiter leurs pas dans la rue.

    Un troisième concurrent s’est affirmé avec le temps dans cette éphorie de danse, Godé Wapecho, à l’origine un acrobate dans le club de Mâ Nganga, un maître acrobate. Dès son apparition sur scène, les cartes ont été brouillées, parce qu’il s’est révélé plus sportif que les deux premiers et a su profiter des supporteurs qu’il avait déjà dans ses activités acrobatiques.

    Le phénomène de danse « smurf » au rythme des chansons de Michael Jackson nous a troublé dans les années quatre-vingt. Par exemple, lorsque les parents nous envoyaient acheter quelque chose, nous abusions du temps pour démontrer ce que nous avions vu la veille à La Cabane. Ces pas de danse, appris récemment, étaient souvent mis à l’œuvre en pleine route avec des concurrents inopinés, qui étaient nos amis, et cela causait des retards souvent sévèrement punis par les parents lors du retour à la maison. On pouvait voir ces pas de danse de « smurf » se répéter à maintes reprises même sur le chemin de l’école.

    Ce phénomène, mis dans le contexte de l’époque, pourrait être qualifié « d’opium de la société », un peu à l’instar de ce que l’on voit aujourd’hui au tour des matchs des championnats d’Europe de football. Une sorte d’occupation pour éviter l’ennui vu le chômage qui bat son plein.

    En effet, de nos jours, un phénomène comparable est observé dans plusieurs contrées d’Afrique lors des matchs de football européen opposant par exemple Barcelone à Real de Madrid. Des jeunes et adultes abandonnent leurs épouses et, les enfants, leurs maisons parentales, des heures durant voire une journée entière, par manque de moyens de s’offrir un poste téléviseur ou fuyant le délestage de l’électricité, devenu monnaie courante pour aller suivre des matchs de football dans des bars jusqu’à des heures tardives. Certains, parmi eux, ne rentrent pas aussitôt à la maison, après les matchs, continuant ainsi de fêter la victoire de telle ou telle équipe.

    Là-bas, ils mangent et boivent en oubliant souvent d’autres obligations ! Contrairement au temps de La Cabane, ils finissent parfois, sous l’effet de l’alcool, à se battre et subissent parfois des sévices sur leurs corps.

    Résidant sur l’une des avenues principales du quartier Foucks, l’avenue Moe-Pratt, qui traverse d’un côté les quartiers Mawata, le quartier REX et le grand marché de Pointe-Noire, et de l’autre côté les quartiers Mbota et Makaya-Makaya, nous étions dehors comme devant une télévision, voyant tout ou presque !

    Cet axe principal jouait aussi le rôle de couloir de la mode, mais n’avait rien de commun avec les tapis des défilés de mode de CHANNEL et d’autres grands couturiers en Europe. Mais les va-et-vient des « parisiens » (sapeurs) suscitaient autant de spectateurs, jeunes comme vieux. Les Parisiens (sapeurs) y faisaient usage pour exhiber leurs vêtements et chaussures dernier cri, souvent encore non portés, ramenés droit de l’Europe.

    Je me souviens, étant encore très jeune, avoir assisté au passage du « parisien » Kitouka en séjour à Pointe-Noire. Une fois, il était habillé tout en cuir blanc et assis sur la selle d’un vélo Solex noir – un cyclomoteur français emblématique, équipé d’un moteur deux temps et d’un embrayage manuel pour une transmission à galets des roues – il longeait l’avenue Moe-Pratt suivi des jeunes criant sa gloire et sa suprématie dans la mode ! Kitouka se réjouissait du bain de foule offert par les jeunes du Tiéquar. Mais tous ignoraient ce qu’il faisait en Europe, car le secret des Parisiens est jalousement gardé par les « mikilistes » (émigrants en Europe) et n’est révélé aux « non-mikilistes » que lors de leurs arrivées en Europe.

    Ce moyen de transport en cyclomoteur Solex, conçu par Marcel Mennesson, un des fondateurs de l’entreprise, et produit entre 1946 et 1988, était préféré par les Parisiens, parce qu’il offrait plusieurs atouts pour exhiber l’art vestimentaire. Ce motocycle – en rame en feuilles de métal réduit – offrait une vitesse semblable au rythme de marche, puis laissait son conducteur assis en position presque droite assortir son ossature et son habillement, sans oublier sa chaussure JM Weston posée sur la rame en laissant les pédales libres. Les Parisiens (sapeurs) évitaient ainsi d’user leurs chaussures de marque sur nos routes datant des époques coloniales ni de transpirer, même sous les dix-huit degrés de la saison sèche durant le mois d’août, en faisant la marche.

    C’est en arrivant en Europe que les nouveaux « mikilistes » pouvaient découvrir les secrets des « sapeurs », la réalité

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