Boléro: Conte philosohique en vers
Par Régine Morand
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À propos de ce livre électronique
Dans la veine du Vent dans les saules de Kenneth Grahame, ce conte philosophique en alexandrins va confronter nos cinq amis aux grandes questions de l’existence. Une fable écologiste et humaniste qui livre une profonde réflexion sur notre monde contemporain.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Depuis son adolescence, Régine Morand se sent particulièrement concernée par l’écologie et les questions environnementales. En parallèle, elle s’intéresse à la philosophie, aux grandes traditions spirituelles occidentales et orientales et également à la science. En 1985, la rencontre avec le philosophe et métaphysicien François Brousse a joué un rôle décisif dans sa vie. Faisant preuve d’une grande érudition, il a révélé à ses yeux, toute la puissance transcendantale que renferme la poésie inspirée. C’est encore lui qui, naturellement, l’a initiée aux alexandrins, lui donnant le goût du « jeu poétique ». En 2002, elle a publié, son premier recueil de poèmes Sur les Hauteurs de l’âme aux éditions des Écrivains.
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Aperçu du livre
Boléro - Régine Morand
Préface
« Boléro » ! Voilà un mot qui résonne joyeusement mais plus comme une musique que comme la danse espagnole. Boléro de Boieldieu ou plus encore de Maurice Ravel me revient aussitôt en tête !
L’histoire, qui nous est proposée dans ce livre, est écrite en alexandrins ; l’alexandrin, ce vers de douze pieds propre à l’épopée ou aux grands poèmes. Sa musicalité n’est plus à démontrer et c’est en partie pour cela que dès la première page l’auteur nous embarque dans le monde tourmenté et imaginaire de ce sympathique lutin et de ses compagnons inattendus.
Alors conte, épopée ? Épopée, conte ? Qu’importe en réalité le genre littéraire pourvu que le lecteur voyage dans ce pays fantastique où les questions fondamentales pour l’avenir du monde et de l’humanité sont posées clairement dans une simplicité qui les rend incontournables. Où des interrogations d’ordre spirituel et métaphysique font appel à ce qu’il y a de plus grand en l’homme : l’intelligence, la sagesse, le sens du beau et du vrai.
C’est à dessein que l’auteur ne donne aucun rôle à l’homme dans ces péripéties extraordinaires. Il doit avoir le recul nécessaire pour que naisse en lui le questionnement ; pour qu’il intègre le fait qu’il est le maillon d’une chaîne dont il ne peut se désolidariser. Et pour qu’il redécouvre des dimensions oubliées où règnent d’autres formes de vie, de sagesse et d’amour.
Ce récit s’adresse à tous les âges car les niveaux de compréhension sont multiples. La sensibilité gracieuse de l’enfant y sera sollicitée comme la sagesse pénétrante du vieillard.
C’est une longue route qui commence pour toi, cher lecteur (je suis tentée de dire cher auditeur) avec cette histoire sortie de l’imagination rocambolesque mais hautement spirituelle de l’auteure, une amie chère à mon cœur et à mon âme.
Je terminerai en soulignant qu’à l’heure où on allège la littérature pour la rendre plus digeste, quitte à ce que le style de l’auteur soit totalement dénué de saveur, lire des alexandrins prend tout son sens.
Agnès Ginibre
Avant-propos
J’ai rencontré mon maître spirituel à vingt ans alors que je ne le cherchais pas. Et le cours de ma vie en a été changé à jamais. Je n’ai rien connu d’aussi grand depuis.
Lors de ces dix années passées près de lui, il a ouvert mon jeune esprit, le marquant du sceau de la quête. Comme pour toutes les personnes présentes, il m’a initiée à la philosophie, la Kabbale, l’alchimie, la littérature, le Tarot, la métaphysique, la poésie inspirée, la bibliomancie¹…
Lors de ces journées bénies passées sous le soleil engourdissant des Pyrénées, il insufflait de multiples jeux qui stimulaient notre imagination et notre créativité dont celui des alexandrins : il s’agissait, à partir d’un mot, de créer rapidement un vers de 12 pieds. J’adorais ce jeu et j’aurais pu m’y prêter pendant des heures entières !
Une des plus grandes découvertes que je fis grâce à lui, une de celles qui laissent une empreinte indélébile dans son âme, fut celle de Victor Hugo. Il me fut dévoilé avec un regard neuf, bien loin de celui que l’on pose sur les manuels scolaires ennuyeux : celle du Maître visionnaire. Parcourant pendant des heures les pages de cet auteur prodigieux, émerveillée, je m’imprégnais du rythme des alexandrins.
Les premiers vers de Boléro se sont donc imposés à moi avec douceur, suivant naturellement ce même rythme. Je peux même dire que lorsque j’ai commencé à écrire ce conte, je n’ai pas fait consciemment le choix de l’écrire en alexandrin mais je l’ai fait par la suite. Pourquoi ?
Les limites imposées par le rythme des douze pieds ainsi que l’alternance des rimes féminines et masculines imposent un cadre contraignant qui canalise la pensée et l’aide à s’organiser. Mais dans le même temps, la concentration requise par cet exercice stimule l’imagination, permettant à l’esprit des associations poétiques inattendues. C’est pour cette raison que le jeu des alexandrins se révèle, finalement, d’une grande puissance créatrice.
En revanche, suivre un cadre n’empêche nullement de prendre quelques libertés… Je l’avoue tout net : je n’ai pas respecté les i-on ou i-ez et autres diérèses² car j’ai préféré la musicalité des vers à la règle.
À la fin de la première partie, quand, découragée devant l’ampleur que prenait la tâche, j’avais bêtement décidé d’interrompre cette histoire, une amie chère m’a exhortée à poursuivre, la trouvant beaucoup trop courte ! C’est ce que je fis, m’attelant au travail chaque été… pendant dix ans.
Ce livre s’est construit en même temps que moi, vers après vers. Un principe simple mais fondamental que j’ai compris dans cette aventure épistolaire est que notre évolution s’inscrit dans le temps et qu’il est nécessaire de le respecter. Le rythme endiablé et frénétique de notre époque, morcelle et fragmente la pensée plus qu’il ne la structure, et par là même l’affaiblit. Cette dispersion mentale chronique dont nous sommes tous plus ou moins atteints est, hélas, un signe supplémentaire de la décadence de notre société dite avancée…
Ce conte est donc le reflet de cet enseignement magnifique que j’ai reçu, où j’ai appris que le discernement est une qualité essentielle à cultiver sur la voie si l’on se donne pour but la transformation de son être intérieur. Néanmoins, aiguiser son regard sur le monde n’empêche nullement la joie et la légèreté puisque mon intime conviction est que l’univers est pétri de « bon sens ». Donc, dans ce cas, nul besoin de se désespérer…
Sens et bonté de l’univers, est-ce ce que l’on appelle la foi ? Probablement… Et la foi procure la joie. Alors, traversons cette vie comme on voyage, le cœur léger, emportant juste l’essentiel dans son sac, comme l’Arcane du Mat, le regard irrésistiblement braqué sur les étoiles.
Boléro est avant tout un hommage, et en premier lieu à François Brousse. Je lui suis si reconnaissante d’avoir partagé avec nous avec tant de bonté, de générosité et de sagesse, plus que ses connaissances, son rayonnement.
C’est également un hommage à tous les maîtres spirituels qui se donnent la tâche ardue d’élever nos consciences et à tous les poètes qui font le choix de nous offrir les perles ciselées dans le creuset de leur inspiration la plus haute… plutôt que les verreries trompeuses de leur inconscient torturé.
Enfin, je dédie ce conte à tous ceux qui, jour après jour, tentent de se transformer pour mieux changer le monde et ainsi éviter à l’humanité d’errer, tel un navire fantomatique à la dérive, vers un naufrage inexorable.
Pour terminer, je souhaite que ce livre apporte autant de plaisir aux lecteurs que j’en ai eu à l’écrire !
Régine Morand
Je dédie ce conte à tous, à l’humanité,
Qu’à la sagesse, ces vers puissent l’inspirer.
Merci à Serge, Agnès, Claire, Jean, Elodie,
Grâce à chacun de vous, j’ai pu lui donner vie !
Et toi Bilbil lutin poète et facétieux,
Je te dois toutes ces strophes devant mes yeux.
I
La Compagnie des Cinq
Dans la vaste et dense forêt de Mont-Pierrot,
Sautille un gai lutin du nom de Boléro.
Telles des ailes de papillons qui s’affolent,
Ses deux petits pieds se posent et puis s’envolent.
Minuscule, pas plus grand qu’une seule main,
Vif, léger, il virevolte sur le chemin.
Les oiseaux, petites boules parmi les arbres,
L’entendant arriver, arrêtent leurs palabres,
Car il sifflote, Boléro, comme un pinson
Ou chante à tue-tête, fort, plus que de raison.
Et les rares fleurs, penchant leur corolle humide,
Se courbent sous ses pas, d’un air un peu timide.
Qui donc a allumé la lampe de ses yeux
Comme brillent dans l’azur deux soleils joyeux ?
Pourquoi danse-t-il ainsi parmi les brindilles,
Les vieux troncs creux, les herbes folles, les charmilles ?
Et qui a dessiné sur le visage rond
Ce sourire d’enfant, ces rides sur le front ?
Au loin, on dirait un coquelicot qui bouge,
C’est le bonhomme vêtu de vert et de rouge.
Sur les sentiers pierreux qui bordent les champs noirs
Où se lève la brume tel un encensoir,
Il gambade, pressé, et tandis qu’il fredonne
Une paire d’yeux marron l’épie et s’étonne…
*
« Mais où vas-tu donc, petit homme, il n’est point temps ?
Interroge dame chouette, le printemps
N’est pas encore là… » Il découvre sa tête,
Fait une révérence et salue la chouette.
Mais remettant aussitôt son petit chapeau
Le voilà qui repart sans lui dire un seul mot.
Alors que Boléro poursuit gaiement sa route,
Le volatile vexé est en proie au doute.
C’est qu’on a piqué au vif sa curiosité,
À en savoir plus, le voilà bien décidé.
Il descend des hauteurs et de son vol fébrile
Dérange dame marmotte qui dort, tranquille.
Ouvrant un œil, tapis au fond de son terrier,
Le rongeur mécontent d’être ainsi réveillé,
Siffle entre ses dents : « Bon sang ! Maudite chouette,
Pourquoi viens-tu donc en cette heure, tu m’embêtes !
Voyons ! Tu dois respecter le calendrier,
Il me reste encore trois mois pour sommeiller ! »
Mais la chouette qui déjà s’est installée
Hausse les ailes d’une mine renfrognée…
Puis elle prend un air tout à fait mystérieux,
Penche la tête et plissant un peu ses grands yeux,
Confie : « Ah ! j’ai vu une chose fort étrange…
Je ne l’explique pas et cela me dérange ! »
Puis elle raconte au mammifère endormi
Comment elle a rencontré, pas très loin d’ici,
Le coquelicot à l’allure de bonhomme,
Le magicien Boléro ; ainsi on le nomme.
Le rongeur ahuri lève la tête et dit :
« C’est trop tôt ! Que vient-il faire à cette heure-ci ? »
Il est désormais excité et gesticule :
« Je crains qu’il soit devenu fou… ou somnambule !
Si tu dis vrai, il faut vite le rattraper
Et comprendre… Peut-être devons-nous l’aider. »
L’oiseau et le rongeur de décamper sur l’heure,
Abandonnant ainsi la douillette demeure.
*
L’un plane en hauteur et l’autre court dans les prés,
Mais bientôt tous les deux se sentent fatigués.
Distinguant au loin une grosse tache verte,
Ils décident de s’y rendre d’un pas alerte.
C’est, en haut d’une colline, un étang géant,
Qui de loin, semble écarquiller son œil béant.
Parmi les frêles roseaux, ils se désaltèrent,
Tout en devisant sur cet étrange mystère
Qui leur a fait vite prendre la clef des champs.
L’un a ses idées et l’autre ses arguments.
Soudain, ils reçoivent un grand coup au derrière
Et culbutent dans l’eau, la tête la première.
« Ha ! Ha ! Ha ! un âne hilare rit de bon cœur :
Excusez-moi, vous deux, si je vous ai fait peur…
L’aubaine était trop bonne pour être ratée !
C’est que votre hure ici n’est point invitée…
Ignorez-vous que l’hôte, le père Raoul
Lorsqu’on traverse ses champs, en devient maboul ? »
« Pour qui nous prenez-vous ? N’avez-vous plus la tête ?
Nous ne sommes pas de craintives girouettes !
Trop gentil à vous, Monsieur, de nous prévenir
Mais on eût aimé, de face, vous voir venir ! »
Les compères ébrouant poils et plumage,
Ombrageux, traitent l’âne d’animal sauvage.
*
Finalement, tous les trois se lient d’amitié
Tandis que, non loin de là, seul sur un sentier,
Le petit homme énigmatique se repose,
Le dos appuyé contre un orme clair, il cause ;
Qui sait avec qui ? Lui-même ou bien les esprits
Peuplant l’épaisse forêt de fantômes gris.
Tout à coup, apparaît un être translucide
Moitié libellule et moitié fée, être hybride.
De la rose, elle possède grâce et beauté,
De la plume, elle exprime la légèreté.
Et avec beaucoup de douceur, elle se pose
Mais aux yeux de Boléro, elle ne s’expose.
De la branche d’un arbre où elle a atterri,
Elle se dissimule, craintive souris.
De temps en temps, en voyant dépasser une aile,
Le bonhomme dit : « Eh bien que veux-tu la belle ?
Suis-je donc si singulier ? Pourquoi ces façons ?
Me prendrais-tu pour un vulgaire polisson ?
Hé ! je ne suis pas si terrible que je sache ! »
Mais la fée se recroqueville dans sa cache.
Et lui répond : « C’est qu’il s’agit d’être prudent :
Si le sourire est dehors, quel cœur est dedans ? »
Tandis qu’elle pose sur lui un regard timide
Tout en étant de renseignements plus avide.
« Que veux-tu savoir ? Je répondrai si je peux,
Va, questionne-moi… Je passerai aux aveux ! »
Et la demoiselle se sentant rassurée
Sort, mais ô surprise, une lueur colorée
Enveloppe étrangement tout son petit corps,
Bleu, rose, vert, turquoise mêlent leurs accords.
Mais elle garde ses distances, mal à l’aise,
Et se dandine, les pieds comme sur des braises.
Elle dit, dominant sa peur : « Il est trop tôt,
D’hiver, la terre n’a pas ôté le manteau !
Où vas-tu donc sous les feuilles tourbillonnantes ? »
Mais Boléro admire ses