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J'étais un jeune homme étranger…
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Livre électronique225 pages2 heures

J'étais un jeune homme étranger…

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À propos de ce livre électronique

En 1984, Ugo Ferraris-Pesci, mon père, alors dans sa soixante-quinzième année, entreprend d’écrire son histoire de jeune immigré italien. Il tient à laisser le témoignage de ce qu’ont été les vicissitudes de sa vie et les combats qu’il lui a fallu mener.
Pour survivre d’abord. Car il a traversé deux guerres mondiales, et a été très pauvre, à l’époque où la protection sociale n’existait pas. Il a eu faim, il a eu froid, et il a été humilié.
Et puis pour parvenir à se hisser, à force de courage et de persévérance, de sa condition d’enfant de treize ans brusquement arraché à son sol natal, à l’école, et propulsé dans le monde du travail en pays étranger, sans aucune formation, sans même parler français, jusqu’à son statut d’ingénieur, polyglotte et très cultivé, tant d’arts et lettres que de sciences.
Il a été aidé par quelques bonnes rencontres, des tuteurs de résilience, comme le dit Boris Cyrulnik, mais surtout par le Conservatoire National des Arts et Métiers, dont il a suivi avec assiduité les cours du soir pendant les années de guerre, parfois dans les pires conditions.
Son témoignage montre l’ampleur des progrès accomplis, entre sa jeunesse et celles d’aujourd’hui, tant par le développement des sciences et des techniques que par celui de ce qu’il est convenu d’appeler l’État-providence. Mais il met aussi en relief tout ce qui manque encore à notre société, « restée très inégalitaire », disait-il, pour que chacun de ses enfants, natif ou d’adoption, puisse exprimer, comme il l’a fait lui-même, les talents dont il est porteur.
LangueFrançais
Date de sortie31 août 2021
ISBN9782312083810
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    Aperçu du livre

    J'étais un jeune homme étranger… - Ugo Ferraris-Pesci

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    J’étais un jeune homme étranger…

    Ugo Ferraris-Pesci

    J’étais un jeune homme étranger…

    Préface, illustrations, notes et postface de S.L. Francesca Pesci

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    De S.L. Francesca Pesci aux Editions du Net

    L’imparfait du subjectif (dialogue anachronique)

    La mère et les poisons (résurgences et métamorphoses du lien filial en amour de transfert et de contre-transfert)

    N’être plus que naître… (présence de l’enfant disparue)

    Vos désirs font désordre… (lettre ouverte à un prêtre abuseur d’enfants)

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08381-0

    Préface

    En 1984, Ugo Ferraris-Pesci, mon père, alors dans sa soixante-quinzième année, entreprend d’écrire son histoire de jeune immigré italien. Il tient à laisser le témoignage de ce qu’ont été les vicissitudes de sa vie et les combats qu’il lui a fallu mener.

    Pour survivre d’abord. Car il a traversé deux guerres mondiales, et a été très pauvre, à l’époque où la protection sociale n’existait pas. Il a eu faim, il a eu froid, et il a été humilié.

    Et puis pour parvenir à se hisser, à force de courage et de persévérance, de sa condition d’enfant de treize ans brusquement arraché à son sol natal, à l’école, et propulsé dans le monde du travail en pays étranger, sans aucune formation, sans même parler français, jusqu’à son statut d’ingénieur, polyglotte et très cultivé, tant d’arts et lettres que de sciences.

    Il a été aidé par quelques bonnes rencontres, des tuteurs de résilience, comme le dit Boris Cyrulnik, mais surtout par le Conservatoire National des Arts et Métiers, dont il a suivi avec assiduité les cours du soir pendant les années de guerre, parfois dans les pires conditions.

    Son témoignage montre l’ampleur des progrès accomplis, entre sa jeunesse et celles d’aujourd’hui, tant par le développement des sciences et des techniques que par celui de ce qu’il est convenu d’appeler l’Etat-providence. Mais il met aussi en relief tout ce qui manque encore à notre société, « restée très inégalitaire », disait-il, pour que chacun de ses enfants, natif ou d’adoption, puisse exprimer, comme il l’a fait lui-même, les talents dont il est porteur.

    Car ce même Etat-providence, à qui l’on demande toujours plus et qui ne parvient pas plus à répondre à la demande qu’à réduire les inégalités comme on le ferait d’une fracture, se met quelquefois en travers de la dynamique naturelle, propre à tout être humain, qui le porte à aller de l’avant, comme Ugo, en mettant à profit toute occasion d’apprendre.

    On entend dire qu’en France, où l’ensemble des prélèvements obligatoires est un des plus élevés, la redistribution après impôts est la plus grande. Et pourtant la pauvreté et l’ignorance s’y incrustent dans certains milieux, jeunes en particulier, sans qu’on parvienne à les en déloger. Cette impuissance résiduelle interroge sur la petinence d’utilisation des moyens mis en œuvre dans la lutte contre les inégalités, et surtout des critères d’appréciation de la notion d’égalité.

    En lisant ce récit, comme en voyant les films enthousiasmants de la série documentaire d’ARTE, Les chemins de l’école et plus encore Chemins d’école, chemins de tous les dangers, on mesure à quel point, pour ce qui est de l’éducation, de ce qui favorise en l’humain les processus de développement, un milieu qui se veut trop favorable et se rêve omniprotecteur et tout-puissant devient vite un milieu défavorable en engendrant des biais pervers.

    Issu d’une lignée d’enseignants{1}, lui-même passionné de pédagogie et éducateur très soucieux du développement mental de l’enfant, l’auteur de ce témoignage aurait eu beaucoup à redire sur certains de ces biais qui n’ont cessé de s’accroître…

    Une société qui peut vous laisser croire que « si à cinquante ans on n’a pas une Rolex on a raté sa vie », ou que si vous utilisez tel produit cosmétique à peu près inutile ou du moins survalorisé c’est « parce que vous le valez bien » ; une société où les visées financières de certains poussent tous les autres à faire de la consommation un but ; une société qui peut persuader des enfants qu’on vaut par ce qu’on a, plus que par ce qu’on est, et qu’on ne saurait être « populaire » à l’école si l’on n’est pas en mesure de porter « de la marque »… c’est une société qui, au mieux ignore, au pire méprise et piétine ce que l’humain peut avoir de meilleur : son aptitude individuelle et collective à faire de la difficulté un facteur de progrès, et à trouver dans ses capacités de résilience une vraie source d’estime de soi.

    « Je crois aux forces de l’esprit. » affirmait François Mitterrand lors de ses adieux aux Français… Et pourtant qu’avait fait sa double gouvernance pour les en persuader ? Pas même les supposer ayant eux-mêmes assez d’esprit pour comprendre sa maladie et sa double vie familiale, assez de force pour les accepter. La Pyramide du Louvre, la Grande Bibliothèque s’adressent très peu aux plus fragiles et aux plus démunis. L’Arche de la Défense trône dans un monde d’affaires. Quelle sera la trace dans l’Histoire disant qu’on a « changé la vie » ? On voit toujours des foules en liesse pour une victoire de foot. Quoi pour un prix Nobel ?

    La France est un pays à bien des égards exemplaire, et envié, redistribuant beaucoup. Mais c’est un pays qui s’aime mal, qui se juge mal, qui aime mal et juge mal tous ses gouvernants quels qu’ils soient. C’est un pays où l’on frappe à la porte pour y entrer, et où l’on entre même par effraction, quitte à risquer sa vie pour le faire, et où il n’est pas rare qu’à peine entré on le rejette et qu’on cherche à lui nuire. Qu’ils soient ou non « de souche », ceux qui font le peuple de France d’aujourd’hui ne se montrent guère fiers de leur pays, alors même qu’ils en attendent tout, peut-être même parce qu’ils en attendent trop et qu’ils sont forcément déçus.

    « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », disait le tout nouveau président Kennedy à ses compatriotes, les assurant ainsi implicitement de son estime, de sa confiance en leurs talents, et signifiant que pour répondre à cette demande il faut pouvoir aimer son pays comme soi-même.

    Mais comment pourrait-on s’aimer soi-même lorsque dans votre environnement, médiatique en particulier, tout concourt à vous faire ressasser vos insatisfactions et à mettre l’accent sur vos manques supposés, à vous inventer des besoins, à vous pousser à rechercher la complétude d’avoir plutôt que l’accomplissement d’être, à donner aux plaisirs dus aux biens matériels une telle suprématie sur ceux de la pensée qu’ils vous font ignorer ces « forces de l’esprit » qui sont en vous, vous dissuadant d’y avoir recours ?

    Tout devrait commencer par l’éducation. Déjà en juin 1965, la SFIO réunie en congrès prépare la création de la FGDS (fédération de la gauche démocrate et socialiste) et s’engage à faire de l’Education nationale « la priorité des priorités », selon la belle formule de Gaston Defferre, et qui sera reprise officiellement le 30 novembre par François Mitterrand, candidat déclaré à l’élection présidentielle. Lequel, une fois élu en 1981, augmentera de 25 % le budget concerné.

    Mais combien de classes Freinet a-t-on vu se créer, où la pédagogie conjugue plaisir d’apprendre et bonheur d’être soi, solidarité de groupe et respect de la singularité des personnes ? Qu’a-t-on fait pour que les élèves du vingt-et-unième siècle admirent leurs enseignants comme on les admirait jadis, à l’époque des « hussards de la République » ? Quel statut, quelles formations, quels salaires leur a-t-on donnés pour que la profession attire en son sein les meilleurs ? Que fait-on pour que, dans l’environnement médiatique, les représentants du savoir et de la pensée fassent autant rêver la jeunesse que les champions du foot ou les stars du showbiz ?

    L’éducation gagne sûrement à disposer d’un des budgets les plus élevés de la nation, mais elle devrait surtout commencer par l’exemple. Et par la qualité de l’expérience.

    Les enfants des chemins de l’école, tout comme le jeune homme étranger de ce récit, sont avides de savoirs, parce que le monde qui les entoure leur fait éprouver la valeur de ce qu’on leur enseigne et la valeur qu’ils prennent par le fait d’être instruits. Ils n’apprennent pas sous la contrainte. Ils acceptent et surmontent de terribles contraintes pour pouvoir éprouver la liberté d’apprendre. Et la fierté d’eux-mêmes. Le collégien de banlieue qui se pavane en polo Lacoste ou baskets Adidas ou qui s’enorgueillit du smartphone dernier cri, prend pour de la fierté ce qui n’est que de la prestance mais ne le rassure pas sur sa propre valeur.

    A l’opposé, le petit Indien de l’Himalaya, Motup{2}, dix ans, qui vit dans un village de montagne à près de 4000 mètres d’altitude, et qui, pour se rendre à l’école éloignée de 100 km (dont seuls les derniers peuvent se faire dans un vieux car scolaire) doit marcher de quatre à huit jours dans la neige et la glace, en compagnie de son père et de ses petits voisins, longer le fleuve Zanskar sur le « chemin des glaces » et bivouaquer tout habillé à même le sol dans des grottes, par moins 30°, et qui accepte de demeurer loin des siens neuf mois par an pour le seul bonheur de s’instruire, vit comme un privilège cette conquête sur son propre destin, et comme une source de fierté cette victoire sur lui-même. Le prix payé pour qu’il lui soit permis d’atteindre cette sorte de graal qu’est l’école, qu’est l’instruction, est si élevé, et si consenti, qu’il ne peut en ignorer la valeur.

    De même, toutes proportions gardées, le petit Ugo de ce récit, qui à l’âge de sept ou huit ans fugue de la maison familiale en passant par la fenêtre et parcourt en chaussons dans la neige le long chemin qui le sépare de l’école, tant il tient à y aller, et parce que, sa seule paire de chaussures étant au ressemelage, il a été consigné dans sa chambre, ce petit bonhomme se fout pas mal de ce qu’il porte et de quoi il a l’air : il sait déjà que la vraie vie n’est pas dans ce qu’on possède ou dans ce qu’on paraît, mais en soi, dans sa propre dynamique et dans son propre devenir. Sa fierté, il la tire de l’expérience qu’il fait de ses propres ressources, de tout ce qu’il trouve en lui d’énergie, de courage, de détermination et de débrouillardise. Et l’instruction dont il bénéficie, en confortant cette expérience, lui donne une intime conviction de la validité de sa propre existence.

    Si l’on peut croire qu’à cinquante ans il faut posséder une Rolex pour prétendre avoir réussi sa vie, c’est qu’on n’a rien compris à la valeur de l’existence, dont Motup comme Ugo sont l’exaltante incarnation. Mais, pire encore, c’est laisser supposer à la jeunesse que dealer de la drogue peut avoir le même sens et le même intérêt que s’instruire, puisque c’est susceptible de conduire au même résultat… Ce n’est certes pas là, selon toute vraisemblance, ce que visaient ces paroles pernicieuses et qui sans doute ont échappé au grand communiquant qui les prononçait publiquement, mais le fait qu’elles n’aient pas été immédiatement contestées, ou pour le moins interrogées, en dit long sur l’immersion idéologique qui nous submerge à notre insu, et sur l’absence de réactivité « réflexe » de notre pensée collective.

    Comme Ugo, Motup et ses camarades sont extraordinairement entourés et soutenus. Leurs familles, tout leur environnement sont derrière eux, avec eux, partie prenante de leur destin. Leur pays, à travers le Dalaï Lama qui a créé leur école, et à travers leurs enseignants, l’est aussi. Mais, à la différence de nos petits Français (et trop souvent des grands) pour qui « l’école est gratuite » (parce que tout ce qui est payé par la collectivité est dit « gratuit ») ils connaissent, eux, jusque dans leur chair, le prix de l’instruction, et ils expérimentent au quotidien la valeur de la solidarité, du destin collectif. Ils ne disent pas qu’ils ont « droit à… » Ils payent de leur personne comme leur pays ou leur chef spirituel paye de ses deniers. C’est de l’interaction entre les forces collectives et les forces individuelles de chacun qu’ils attendent le progrès, non de la toute-puissance supposée de l’Etat. Pour Motup et les siens comme pour Ugo rien n’est gratuit, tout a du prix. Ils savent qu’ils ont de la valeur parce qu’ils savent que l’on mise sur eux.

    On passe imperceptiblement de la notion de gratuité à celle de l’absence de valeur, à l’idée que ce qui est gratuit, ne coûtant rien, ne vaudrait pas grand-chose, ne vaudrait pas qu’on se donne de peine. (De même que pour beaucoup de nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes, ce qui est à tout le monde semble n’être à personne, ce qui les autorise à dégrader le bien public qui est pourtant aussi leur bien…)

    Aussi, en cherchant à faire de l’Education nationale « la priorité des priorités » du pays, que ne s’est-on appliqué à faire de l’instruction civique la priorité des priorités de l’enseignement, la langue républicaine commune, une discipline scolaire majeure, au même titre que le français et les mathématiques, enseignée dès le plus jeune âge et sanctionnée au bac ? On pourrait même rêver d’un CAPES ou d’une agrégation d’instruction civique qui se nourrirait à la fois d’histoire, de droit, d’économie et de philosophie…

    Ce récit interroge sur l’évolution sociétale qui sépare notre condition de celle de son héros. Il ne met pas seulement en lumière tout le développement accompli tant par la production industrielle que par la protection sociale. Il montre aussi ce que ce développement peut avoir de dysharmonique, tout ce que nous avons perdu en route, de précieux pour l’humain, dans la course au progrès.

    Si, au lieu de suivre sa famille dans son émigration en France, Ugo était resté à La Spezia chez sa tante institutrice et avait poursuivi ses études, il serait sans doute devenu, comme son cousin Arturo, un jeune homme brillant ingénieur. « Sans plus… » est-on tenté d’ajouter. Car toute cette pâte humaine dont son récit témoigne n’aurait pas été ainsi travaillée par toutes les épreuves traversées (et pas seulement au sens de difficultés, aussi au sens de test, de rite initiatique…) Elle aurait levé bien plus vite, trop vite sans doute pour acquérir toute sa richesse et sa complexité.

    Ce parcours exceptionnel, si formateur, dû aux aléas de la vie, fait rêver à ce qui nous manque, à ce que pourrait être un vrai service civique, universel, apte à donner à tous les jeunes l’expérience qui

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