Les enfants expatriés : Enfants de la Troisième Culture: Édition 2020
Par Cécile Gylbert
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À propos de ce livre électronique
Pour leur permettre de s’épanouir en tant qu’enfants puis en tant qu’adultes, le rôle des parents est primordial puisqu’ils sont le seul point de repère fixe dans cette vie si riche mais si complexe. Leur connaissance de la Troisième Culture sera la clé d’un accompagnement réussi.
Ce livre s’adresse à tous ceux qui souhaitent comprendre les fondements de cette Troisième Culture soit pour accompagner leur enfant en expatriation soit pour mieux se connaitre soi-même s’ils ont vécu cette enfance exceptionnelle.
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Aperçu du livre
Les enfants expatriés - Cécile Gylbert
978-2-312-02468-4
Préface
By Ruth E. Van Reken
Co-author of Third Culture Kids :
Growing Up Among Worlds, 3rd ed¹.
Since the day of my birth 74 years ago in Kano, Nigeria, I have been a third culture kid (TCK)… now an Adult TCK. My parents were both USAmerican citizens, but working overseas. That meant I grew up between the cultural worlds of my USA passport land and the dominant Nigerian culture surrounding me daily. It was a neither/nor world. I did not grow up as others did who were living in the USA – my first, or « home », culture. The sports I played, my ways of shopping, and language I spoke to those around me were different than if I had been in Chicago where my mother grew up. At the same time, I did not share many cultural practices with my Nigerian friends in my second, or « host », culture. In my home we spoke English, not Hausa. To my disappointment, my mother insisted that I eat my mostly Western based cuisine with a fork rather than using my fingers as my friends did when eating their tuo-da-mia.
What I didn’t realize in growing up, however, was that I also lived in a third, or « interstitial » culture… a way of life shared by others whose parents, like mine, had taken them to new cultures not as immigrants but to pursue their careers or sense of calling in life. In my era some who shared this life in the third culture were colonialists’ children, international business kids, missionary kids, or those working for governments of NGOs.
We all knew what it was like to live with high mobility – ours or others. All of us in this third culture community frequently travelled back and forth between our passport and host country as our parents took leave to go see their nuclear families at « home » and then returned to the occupation which had brought them to a new land. It was a back and forth life of frequent goodbyes because if we were not going ourselves, our friends often were. When it was our turn, we said goodbye to the world in which we lived and hello to the next world when we arrived. In a few months or years, however, we reversed the process and said goodbye to those we had been with and hello to our other world and sometimes, to a totally new one.
But not only were the chronic cycles of farewells and new beginnings that mobility created a routine part of our lives, these moves were also between places and countries where the cultural norms could be vastly different. As children learning how the world operated and where we belonged in it, we were constantly needing to adjust our interactions and relationships to each community while figuring out how life worked in that place. While this process created some challenges at the time, it was also teaching us many gifts for later living in a rapidly globalizing world. « Code switching » wasn’t a topic we knew by name, but we did it unconsciously as we interacted with our various cultural communities.
Although I experienced this lifestyle from the moment of birth, I never had a name for it until I was 39 years old. In fact, I realized after my father’s death that he had lived and died never knowing his childhood as a USAmerican born and raised in then Persia (now Iran) had vocabulary to explain this type of experience. Yet, looking back I realize how much he understood both the challenges and the gifts of growing up as a TCK that were only later given language. He once said to me, « I never feel like I completely fit in anywhere. » I was shocked as I saw him as a well-respected leader in our third culture community. I immediately remonstrated with him by explaining all the places I saw others honouring his ideas and leadership. He replied, « Yes, I know, but the problem is when I am working in meetings where there are misunderstandings between the expats and local leadership, I can always see both sides… and each side wants me to see only theirs ». Years later, I realized he was explaining both the common challenge many TCKs feel of « belonging everywhere and nowhere », but also exhibiting one of the great gifts of such a childhood which is to be a cultural bridge !
Fast forward from those days of my childhood in the mid-20th century to today’s world of the 21st century. By now this experience of growing up cross-culturally which I never knew had a name, or that anyone else in the world shared the common feelings this lifestyle generated for me (such as not fitting in at all during a painful re-entry to my passport culture at age 13 !), has become the new normal for many in our globalizing world.
When I first learned there was language with which to discuss my cross-cultural childhood at age 39, it changed everything for me. Rather than secretly wondering what was « wrong » with me, I could begin to understand where some feelings and reactions of myself and others had come from. I learned to look at the paradox of the many losses AND gains such a life had given me. It opened countless doors to finding deep relationships with others who had shared a similar experience. I no longer felt alone in the deep places of my heart. I knew I did have a place to belong after all… not so much in a geographical place, but in one of shared experience.
Through the years since I had my own « Aha ! » moment, I have watched countless other adult TCKs experience a similar awakening. But most of the work in this topic has been done in English even though globalization means families from almost every country in the world are raising children in cross-culturally mobile lifestyles.
This is why I am so pleased Cécile Gylbert has written this wonderful work to spread a much needed awareness to a wider world about this important topic. It is critical for TCKs, ATCKs, their parents and others who work with them to normalize the common benefits and challenges that come from this type of upbringing so they can deal well with the challenges and help strengthen the gifts. I am sure Cécile Gylbert’s first edition of this TCK book has already changed and encouraged countless lives. This second edition will continue to do the same as it offers insights and practical strategies for how to be resilient, or raise resilient children, in our changing world. I am sure many of you who read this will find your story or that of someone you love reflected here. Enjoy !
Avant-propos
Après plusieurs années d’expatriation avec nos trois enfants, je me suis aperçue qu’ils ne ressemblaient ni aux enfants français qu’ils étaient par leur passeport ni aux enfants des pays dans lesquels nous vivions. On aurait dit qu’ils développaient leur propre culture, leur propre mode de fonctionnement. Par curiosité, j’ai commencé à m’intéresser à la personnalité des enfants expatriés, à leur façon de s’approprier les différentes cultures qu’ils traversent, à leur développement personnel et à leur identité. J’ai trouvé beaucoup de recherches sur le sujet, beaucoup de rapports et d’ouvrages passionnants, la plupart en anglais. J’ai commencé à prendre des notes pour vérifier les hypothèses sur mes enfants. Ils ont tous les trois des personnalités éminemment différentes et je trouvais intéressant de voir dans quelle mesure leur vie à l’étranger avait un impact sur leur développement personnel et culturel. J’ai ainsi découvert la notion de Troisième Culture. Tout au long de ces années, dans mon « laboratoire personnel », j’ai pu reconnaitre à quel point cette Troisième Culture était la leur : ni la nôtre (française), ni celles des pays dans lesquels nous vivions mais bien une synthèse culturelle qui leur est propre. Ils ne sont ni français, ni espagnols, ni chinois, ni mexicains, ni brésiliens… Ils sont ETC, Enfants de la Troisième Culture avec leurs forces et leurs fragilités.
Comprendre cette situation a beaucoup aidé notre famille dans ses choix de vie, dans ses relations et dans l’acceptation mutuelle. J’ai donc souhaité partager cette connaissance de la Troisième Culture pour que d’autres familles francophones puissent tirer le meilleur de cette aventure extraordinaire qui est de vivre et d’élever des enfants à l’étranger.
La première version de cet ouvrage a été publiée en 2014. Il était nécessaire de le mettre à jour et c’est donc une édition actualisée que je vous propose aujourd’hui.
Introduction
Bienvenue dans le monde
de la Troisième Culture !
On les appelle enfants nomades, enfants multiculturels, enfants transculturels, citoyens du monde. Ils ont passé leur enfance dans 3, 4 voire 6 pays. Ils ont des amis sur les cinq continents mais ne les voient que rarement. Ils regardent les films en VO mais n’écrivent pas très bien en français. Le monde est leur maison mais ils ne savent pas répondre à la question « d’où es-tu ? ».
Qui sont vraiment ces enfants d’expatriés qui ont grandi dans une ou plusieurs culture(s) différente(s) de leur culture d’origine ?
Quelle va être leur identité culturelle ? Vont-ils s’identifier à leur culture familiale ou bien à celle(s) des pays d’accueil dans lesquels ils ont vécu ?
Quels traits de leur personnalité vont se développer à travers ce processus de rencontres et d’expériences multiples dans un environnement instable ?
Quels adultes vont-ils devenir ?
Comme parents expatriés, nous nous attachons à ce que nos enfants retirent de cette expérience hors du commun, ouverture d’esprit, tolérance, multilinguisme, capacités d’adaptation. Toutefois, nous ne mesurons pas toujours les difficultés auxquelles ils font face pendant l’enfance ni les répercussions de cette enfance nomade à l’âge adulte.
Quel est notre rôle ? Comment les aider à se construire dans ce monde en mouvement ? Comment les accompagner dans ces changements culturels récurrents et leur offrir un bagage solide ?
C’est à toutes ces questions que nous tenterons de répondre dans cet ouvrage en expliquant les fondements et les effets de la Troisième Culture : leur culture.
Partie I :
Les Enfants de la Troisième Culture
Chapitre 1 : La Troisième Culture
LesenfantsexpatriésEnfantsdelaTroisièmeCulture_V3_Page_017Les enfants d’expatriés quittent leur pays d’origine, parfois très jeunes, parfois à l’adolescence, pour aller vivre à l’étranger. À une expatriation, souvent, succède une autre expatriation et encore une autre. Ces enfants grandissent dans un monde de changements culturels récurrents et doivent s’adapter chaque fois à une nouvelle culture, à un nouvel environnement. Ils grandissent dans un monde qui n’est ni celui de leur culture d’origine, ni celui d’un pays d’adoption dans lequel on s’installe pour toujours. Ils ne s’approprient vraiment ni la culture de leurs parents, ni celles des pays où ils ont vécu. Ils n’ont pas de culture dominante et naviguent sans cesse entre celle de leur passeport et celle de leur lieu de vie. Ils finissent par développer leurs propres modèles culturels, leurs propres styles de vie et modes de pensée, bien différents des enfants qui ont toujours vécu dans un seul pays. Ils se sentent appartenir à la fois à leurs cultures d’accueil et à leur culture d’origine : ils deviennent membres d’une culture de synthèse appelée la Troisième Culture. Ils ne la partagent qu’avec les autres enfants « nomades » ou expatriés.
1. Qu’est-ce que la Troisième Culture ?
La notion de Troisième Culture est apparue dans les années 50 et a été définie par le Dr Ruth Useem. Enfant d’expatriés américains, elle a également vécu à l’âge adulte dans plusieurs pays accompagnée de son mari et de ses trois enfants. Sociologue et anthropologue, elle s’est particulièrement attachée à analyser le style de vie et le mode de pensée des expatriés. C’est ainsi qu’elle a défini la Troisième Culture et par extension les Enfants de la Troisième Culture (ETC).
Selon Ruth Useem, les personnes qui séjournent un certain temps à l’étranger développent un mode de fonctionnement différent à la fois de celui de leur culture d’origine et de celui de leur culture d’accueil, mais ils partagent ce mode de pensée, cette attitude face à leur environnement, avec les autres expatriés quelle que soit leur nationalité ou leur parcours.
LesenfantsexpatriésEnfantsdelaTroisièmeCulture_V3_Page_0192. Les Enfants de la Troisième Culture (selon David Pollock et Ruth Van Reken)
QUI SONT LES ENFANTS
DE LA TROISIÈME CULTURE ?
LesenfantsexpatriésEnfantsdelaTroisièmeCulture_V3_Page_019 - CopieEn 1999, le sociologue David C. Pollock et l’auteure Ruth E. Van Reken ont défini plus précisément les Enfants de la Troisième Culture et se sont attachés à déterminer leur profil dans leur ouvrage « Third Culture Kids : The Experience of Growing up among Worlds »².
Leur définition des ETC est la suivante :
« Un Enfant de Troisième Culture (ETC) est une personne qui a passé une partie importante de ses années de croissance dans une culture autre que celle de ses parents. Elle développe des relations avec chacune de ces cultures et s’identifie dans une certaine mesure avec elles, mais elle ne se considère pourtant pas comme faisant intégralement partie d’elles. Même si différents éléments de chaque culture s’assimilent à son expérience et influencent son système de valeurs et son mode de vie, son sentiment d’appartenance va vers ceux qui ont un vécu semblable au sien. »
Les enfants expatriés sont avant tout… des enfants ! Ils ont les mêmes nécessités que les autres enfants de leur âge. Ils ont besoin, pour se développer de façon harmonieuse, d’amour, de protection physique, de sécurité, d’expériences collectives et individuelles, de limites. Ces enfants, comme tous les autres, ont besoin de comprendre le monde qui les entoure et d’appartenir à une communauté où ils sont connus et acceptés. Comme tous les enfants, ils ont besoin de relations sociales stables. Ils sont avant tout des personnes qui savent penser, créer, agir, apprendre et faire des choix. Naturellement, comme pour chaque individu, leur personnalité est unique, leur histoire aussi.
LesenfantsexpatriésEnfantsdelaTroisièmeCulture_V3_Page_021L’expérience de vie d’un enfant est marquée par la culture dans laquelle il évolue. Cependant un enfant changeant d’environnement culturel plusieurs fois au cours de la période durant laquelle se construisent sa personnalité et son identité, verra sa vision du monde, sa vision des relations sociales et son identité personnelle affectées. Sa personnalité sera modelée en fonction de l’âge auquel il a quitté son pays d’origine, de son degré d’exposition à la culture d’accueil, du nombre d’années passées dans chaque environnement culturel, de ses relations avec sa culture d’origine et de son expérience personnelle.
Finalement, comme pour tout individu, sa personnalité d’adulte sera l’aboutissement de ses expériences durant l’enfance.
LesenfantsexpatriésEnfantsdelaTroisièmeCulture_V3_Page_022Au lieu de se construire dans un environnement culturel stable, où les codes sont les mêmes pour tous et connus par tous, l’enfant expatrié