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Transition - Tome I: Évolution du mouvement trans et de ses revendications
Transition - Tome I: Évolution du mouvement trans et de ses revendications
Transition - Tome I: Évolution du mouvement trans et de ses revendications
Livre électronique586 pages7 heures

Transition - Tome I: Évolution du mouvement trans et de ses revendications

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À propos de ce livre électronique

Ce livre jette un regard sur l’histoire et l’évolution des droits des personnes trans
au Canada et ailleurs dans le monde. Il dépeint la naissance du mouvement, les
changements de mentalités à travers des témoignages inspirants et les combats
qu’il reste à mener. Pouvons-nous affirmer, en 2017, que tous les droits sont acquis
pour la communauté trans dans les pays où elle est accueillie avec ouverture et libre
d’exister ? Qu’en est-il de l’égalité sociale ? Le mouvement est-il influencé par les
avancées et les reculs qui surviennent ailleurs dans lemonde ?
Au cours des dernières années, le contexte mondial a favorisé l’ouverture à cette
réalité et l’acceptation des personnes trans dans tous les milieux de vie. Même si
certains pays demeurent fermés aux revendications de ce mouvement, on en parle
davantage et des modèles trans s’affichent de plus en plus publiquement. Chaque
jour, l’actualité traite de la réalité trans et de l’identité de genre à l’échellemondiale.
Alors que plusieurs ne s’entendent pas sur le fait de permettre aux plus jeunes de
commencer leur transition en douceur, le Canada fait figure de proue avec l’adoption
d’une loi, au Québec, notamment, facilitant le changement de nom et de genre sur
les documents légaux sans nécessairement avoir subi d’opération de réassignation
du sexe, et ce, dès l’âge de 14 ans. Qu’en est-il ailleurs, dans lemonde ?
En plus de jeter un regard nouveau sur le débat des « toilettes » et des «vestiaires » ainsi
que les clivages intergénérationnels qui existent parfois concernant les revendications
du mouvement trans, l’auteur cisgenre plonge dans des faits marquants de notre
histoire collective et donne la parole à des figures importantes de la communauté
trans afin d’éclairer le public.
Avec TRANSition, Jean-Sébastien Bourré affirme haut et fort qu’il est un allié de la
communauté trans et espère que vous en serez un après avoir lu cet ouvrage.
LangueFrançais
Date de sortie27 oct. 2017
ISBN9782897263003
Transition - Tome I: Évolution du mouvement trans et de ses revendications
Auteur

Jean-Sébastien Bourré

Jean-Sébastien Bourré est maître ès arts et se fait appeler « Monsieur Jean-Sébastien » en enseignant l’art dramatique au primaire à Montréal. Passionné des droits de l’homme, il a écrit le Guide d’information aux parents sur la violence et l’intimidation à l’école et L’émojeu pour deux fondations québécoises, puis a publié son premier livre, un important ouvrage de référence sur les transidentités, intitulé «TRANSition : Évolution du mouvement trans et de ses revendications ». « TRANSition : Une quête de soi » est son deuxième et dernier livre sur le sujet.

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    Aperçu du livre

    Transition - Tome I - Jean-Sébastien Bourré

    À la douce mémoire de Marie-Marcelle Godbout,

    une femme forte du Québec, qui a pris la communauté

    trans sous son aile. On la surnommait affectueusement

    la « grand-maman des trans ».

    Elle fut l’une des plus belles rencontres que j’ai faites

    au cours de la rédaction de ce livre.

    Mon intention était de le lui dédier.

    Je ne me doutais pas que ce serait à titre posthume.

    À Gaëlle Florack, la chanceuse qui habite la région du

    champagne, en France, et qui fait une différence incroyable

    dans son milieu de vie. Te rencontrer a été un merveilleux cadeau !

    Préface

    Il y a dix ans, je tombais dans cette sévère dépression qu’on nomme « la dysphorie d’identité de genre ». Au terme d’un processus diagnostic, on m’indiqua que je resterais en dépression sévère le reste de mes jours (avec des antidépresseurs permettant d’amoindrir mes souffrances), ou que je pourrais changer de sexe pour enfin me sentir bien dans ma tête et dans ma peau. J’ai choisi la solution facile : j’ai changé de sexe. Je suis maintenant une femme, même si à cause de ma visibilité médiatique, je risque fort de demeurer une trans pour le reste de mes jours aux yeux de la population autant que des médias.

    Pour comprendre ce que je vivais, je me suis mise à lire tout ce qui existait sur le sujet. Malheureusement, trop peu de choses ont été écrites en français et à ma connaissance, aucune vision récapitulative d’ensemble n’existait à propos des réalités d’un tel état de fait : identité de genre, combat pour obtenir une reconnaissance légale et une dignité minimale, très nombreux enjeux touchant les personnes atteintes par ces conditions...

    On me dit souvent qu’il semble y avoir de plus en plus de transsexuel(les). Je réponds qu’il y a plutôt de moins en moins de suicides. Tout comme je l’ai moi-même réalisé, il est possible de vivre une vie heureuse même si elle est marginale. C’est grâce à l’appui de mes psychologues, spécialisés dans les questions d’identité de genre et du protocole transitoire de la WPATH et de feu Marie-Marcelle Godbout – la mère Theresa des trans du Québec – que j’ai réussi à voir la lumière au bout du tunnel. Toutefois, bien d’autres ressources sont nécessaires, qui permettraient aux gens de comprendre ce qui leur arrive ; et le livre de Jean-Sébastien Bourré vient à point, exposant judicieusement les différents aspects des questions d’identité de genre.

    Ce livre sera certes très utile pour les praticiens et les professionnels de la santé, de la sexologie et de la santé mentale. Il permettra de mieux comprendre l’historique, le contexte, les tenants et aboutissants du phénomène « trans », mais il permettra aussi aux personnes en questionnement, à leur famille et au commun des mortels de connaître plus avant l’un des derniers tabous et des derniers combats des droits de l’homme.

    La transsexualité est certainement aussi vieille que l’humanité, mais sa compréhension et son acceptation dans nos sociétés occidentales n’en sont encore qu’aux balbutiements. Le livre « TRANSition : Évolution du mouvement trans et de ses revendications » risque fortement de devenir une référence pour la connaissance positive de cette condition, qui n’est rien d’autre qu’une expression différente et moins commune de la nature…

    Michelle Blanc M.Sc.

    Note de l’auteur

    Avez-vous déjà rencontré une personne trans ?

    Si vous répondez non, c’est que vous ne faites pas partie des 9 % de Canadiens ayant côtoyé une personne trans¹.

    À quoi pensez-vous lorsqu’on vous parle d’une personne trans, transgenre, transsexuelle, intersexuée ou travestie ?

    Que cette personne est atteinte d’une maladie mentale ? Qu’elle vit contre sa nature et en marge de la société ? Que cela vous laisse indifférent ?

    Si, au contraire, vous répondez que vous avez déjà rencontré une personne trans, avez-vous été en mesure de voir au-delà de son enveloppe corporelle ? Avez-vous posé un regard bienveillant et exempt de préjugés sur la personne ? Avez-vous tenté de la comprendre en vous mettant à sa place ?

    S’il peut être normal d’aborder la différence avec une certaine prudence, le malaise et le jugement qui perdurent induisent clairement un manque de connaissances et d’empathie par rapport à la réalité d’autrui. C’est la preuve qu’une ignorance doit être transcendée.

    Il appartient à tous d’aller vérifier, de poser des questions sur ce que nous ne comprenons pas. Les personnes que vous percevez comme étant en marge de la société sont généralement ouvertes à vous renseigner et à vous aider à démystifier leur nature. N’oubliez pas que, pour elles aussi, vous pouvez sembler vivre dans un monde parallèle. Cela dit, il n’y a rien d’anormal dans le fait de vivre. Seuls les préjugés et l’incommunicabilité entretenus le sont.

    Comme citoyen, nous avons des droits, mais aussi des devoirs. Si nous sommes libres, nous avons l’obligation de respecter toutes les différences afin de favoriser l’égalité.

    « Nobody’s free until everybody’s free », disait Fannie Lou Hamer. Personne n’est libre tant que nous ne le sommes pas tous.

    Les personnes trans comprennent, un jour ou l’autre, que leur identité de genre diffère du sexe attribué à la naissance. Certaines n’ont pas le choix de faire un « passing », pour reprendre le terme de nos cousins français, cette étape critique qu’est la transition, un processus amorcé pour rétablir la cohérence entre le corps et l’esprit. Pour être bien dans sa peau, comme on dit. D’autres n’en font pas et assument l’expression de leur genre, simplement, comme ils le désirent.

    Je ne suis pas une personne trans, mais un allié de cette communauté.

    Par cet ouvrage, je souhaite informer les gens non trans d’une réalité qu’ils ne connaissent pas beaucoup, surtout s’ils n’ont pas de trans dans leur entourage immédiat. Il importe de le faire pour amener et favoriser une plus grande ouverture à l’égard de cette communauté, dont les droits et la place dans le monde sont en pleine révolution. Il importe de le faire pour favoriser une meilleure inclusion.

    Pour que cesse l’ostracisme, une fois pour toutes, et que commence enfin la trans-normalisation.

    Mon envie d’écrire ce livre était vivante depuis des années. Au collégial, j’ai connu Pascal, un jeune homme en dépression sévère. À la fin de nos études, il a ajouté un « e » à la fin de son prénom et la dépression a fait place à un bonheur contagieux.

    Lorsque j’ai assisté à la journée Fierté trans, en 2017, organisée par Marie-Marcelle Godbout², une pionnière des droits des personnes trans au Québec, j’ai fait le pacte, avec des membres de la communauté trans, d’être un allié. Je me suis donné comme devoir de transmettre ce message à tous ceux qui accepteraient de me lire ou de m’écouter.

    Je suis prêt à parier, après avoir lu ce livre, que vous aborderez le monde avec un regard différent, riche de nouvelles connaissances, où la tolérance et l’acceptation seront naturelles. Vous aborderez quiconque, trans ou non, en lui laissant une chance de se présenter à vous avant même que votre jugement intérieur n’ait catégorisé cette personne dans l’une de ces petites boîtes que nous avons tous dans nos têtes. Car tout le monde a le droit de montrer sa nature authentique sous son vrai jour et de dévoiler ses richesses intérieures avec honnêteté et simplicité.

    Embrasser les différences et être un allié, c’est reconnaître la valeur de chaque être humain, mais aussi la souffrance de chaque communauté fragilisée. Ce travail est important et il doit être fait pour renforcer le vivre-ensemble. Il permet de reconnaître qu’il existe des parcours plus difficiles que d’autres, pour accéder au bonheur.

    Nous souhaitons tous être heureux et nous savons qu’il faut donner aux autres ce qu’on souhaite recevoir.

    Honorez la diversité humaine et permettez à cette mosaïque de s’épanouir. Car le bonheur des autres est intrinsèquement lié au nôtre.

    À vous, cher allié, et à vous, cher ami de la communauté trans,

    Bonne lecture !

    1 Sondage CROP intitulé « Valeurs, besoins et réalités des personnes LGBT au Canada en 2017 », dont les résultats sans précédent ont été dévoilés en août 2017.

    2 Marie-Marcelle Godbout : fondatrice de l’association Aide aux trans du Québec (ATQ).

    Introduction

    En pleine effervescence mondiale, la visibilité et les revendications des personnes trans, qui souhaitent obtenir l’égalité juridique et sociale, sont de plus en plus connues et reconnues dans les pays où les droits de l’homme sont respectés.

    Les médias de partout à travers le monde en parlent, et ce, avec légitimité et beaucoup moins de préjugés qu’il y a à peine une décennie. Pourtant, encore aujourd’hui, le traitement réservé à une nouvelle concernant la communauté trans n’est pas toujours neutre, favorisant un engouement d’opinions personnelles à caractère discriminatoire de la part du public. Néanmoins, quotidiennement, la couverture médiatique amène la société à se poser les bonnes questions sur la meilleure façon de permettre à cette communauté de prendre sa place et de vivre en toute dignité. Certaines situations rapportées ne sont pas toujours positives, mais on nous livre avec davantage de justesse des informations pertinentes à propos de l’évolution des besoins des personnes trans et de leur réalité.

    Toutefois, cette visibilité ne se crée pas du jour au lendemain. Ce n’est pas parce qu’on se dévoile à la face du monde que les gens accordent de l’importance à ce qu’on vit. Selon un sondage CROP³ commandé par la Fondation Jasmin Roy, si 42 % des répondants indiquent que leur entourage a semblé inquiet pour eux et leur avenir lorsqu’ils ont dévoilé leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, 22 % indiquent que leur entourage ne les a pas crus ou a ignoré l’information. De même, 2 % n’ont eu aucune réaction ou n’en ont plus reparlé.

    Il s’agit d’une révolution importante puisque, dans un premier temps, la notion de communauté et de militance au sein du mouvement trans est plutôt nouvelle, et date d’une vingtaine d’années environ. Nous assistons, dans un deuxième temps, à l’émergence d’un nouveau vocabulaire qui permet de définir les réalités trans. Par la suite, l’acquisition des droits s’accélère dans les pays ouverts à cette réalité. Finalement, la place faite à ce mouvement nous aidera sans doute à redéfinir nos rapports humains.

    Pensons à la scission marquée entre les hommes et les femmes dans la large communauté hétérosexuelle. Alors qu’il n’y a jamais eu, dans l’Histoire, et ce, pour l’ensemble des communautés mondiales, autant de mixité entre les sexes, force est de constater que la construction de stéréotypes sociaux garde les hommes et les femmes à l’écart l’un de l’autre, les privant de relations plus égalitaires.

    Les nouvelles revendications, dont je dresserai le portrait dans ce livre, redéfiniront-elles les stéréotypes de genre dans nos sociétés modernes ?

    Parviendrons-nous enfin à rassembler l’espèce humaine dans un ensemble faisant abstraction de toute appartenance sexuelle ? Dans un ensemble plus inclusif pour tous, moins discriminatoire et plus égalitaire ?

    Arriverons-nous à rejeter certaines constructions sociales de genre, voire à les abolir ? À revoir le fonctionnement et les rôles traditionnellement réservés aux hommes ou aux femmes ?

    Nous ne connaissons pas les réponses à toutes ces questions. Nous ne pouvons qu’en proposer des hypothèses basées sur des données étudiées depuis des années.

    Nous verrons tout cela, mais aussi toutes les réalités à l’origine du mouvement trans : les transsexuels, les transgenres, les travestis, les intersexes, la transaffirmation chez les enfants et les communautés appartenant à un troisième sexe. La documentation concernant les diagnostics associés aux conditions trans sera résumée et nous ferons un petit tour du monde pour voir l’état des droits des personnes trans. De nombreux spécialistes seront cités, de même que des personnes trans ayant accepté de m’accorder une entrevue.

    Désormais, on doit assurer une égalité sociale et contribuer au bonheur légitime de tout être humain.

    Pour ce faire, il faut réunir le plus de personnes possible. Car c’est la force du plus grand nombre qui a un impact positif et majeur, quant aux avancées des droits d’une communauté.

    3 Sondage CROP intitulé « Valeurs, besoins et réalités des personnes LGBT au Canada en 2017 », dont les résultats sans précédent ont été dévoilés en août 2017.

    Les définitions du monde sont une chose et la vie que l’on mène concrètement en est une autre. 

    L’on ne peut pas se permettre – que ce soit pour soi, sa famille, 

    ses proches ou ceux qu’on aime – de vivre selon les définitions du monde 

    l’on doit trouver une façon, perpétuellement, d’être plus fort et meilleur que cela.

    James Baldwin

    DEPUIS LA GENÈSE...

    Les droits LGBT

    Quelles sont les origines du mouvement trans ?

    Où, dans le monde, cette réalité a-t-elle été observée et documentée pour la première fois ?

    Était-ce, au commencement, un mouvement issu de quelques individus ?

    Pouvons-nous tracer une ligne dans le temps pour en définir la genèse ?

    Combien y a-t-il de personnes s’identifiant trans, dans la population mondiale ?

    Il est difficile de répondre à toutes ces questions puisqu’il n’y a pas encore eu, à l’heure actuelle, de recensement sur le sujet, à l’échelle mondiale. De plus, il reste encore de nombreux volets à documenter, comme nous le verrons dans les prochains chapitres.

    Des sujets comme celui de la transidentité⁴ – qu’il fallait à tout prix passer sous silence à certaines époques, voire pendant de nombreux siècles et même tout récemment – constituent, encore à ce jour, des tabous dans de nombreux pays. Ceux-ci peuvent être un frein à l’avancement légal et social des personnes trans.

    Une chose est certaine : qu’un collectif se rassemble afin d’être vu, de revendiquer d’être aimé et respecté, outre le fait de demander, simplement, de vivre sur le même pied d’égalité que les autres êtres humains – ceux qui ont eu ce droit « naturellement » avant eux – est un phénomène qui ne date pas de plusieurs siècles, hélas. Néanmoins, les avancées réalisées sont assez importantes sur le plan des droits de l’homme. Jamais de tels droits, voire une telle liberté, n’avaient été gagnés aussi rapidement auparavant, en l’espace de quelques décennies seulement.

    Il a fallu plus de temps qu’à d’autres groupes, tels les gais et les féministes, pour obtenir ces acquis, mais il est fort probable que ceux des membres de la communauté trans ont été rendus possibles grâce à de longs combats menés par d’autres mouvements.

    Une étape à la fois

    Obtenir des droits se fait par étape. On ne peut tout obtenir d’un coup, car il faut du temps pour changer les mentalités. Laurent McCutcheon, militant depuis 1973 et figure de proue dans la revendication de tels droits pour les personnes homosexuelles, au Québec et au Canada, l’exprime ainsi, dans une entrevue qu’il m’a accordée :

    « Ce n’était pas le même combat, [...] l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Puis, socialement, la société ne peut pas tout prendre dans un même morceau. Il y a une progression dans ce qu’une société est capable d’absorber. Une société ne peut pas se transformer radicalement. Je ne crois pas qu’on puisse faire une révolution et changer la culture du jour au lendemain ».

    Voilà une déclaration empreinte de toute la sagesse d’un pionnier qui a compris que pour faire des changements et faire accepter une réalité méconnue du grand public, il faut y aller... un pas à la fois.

    Au Québec, comme probablement partout dans le monde, les personnes trans semblent avoir toujours été à la remorque des personnes gaies dans l’obtention de droits. Elles étaient présentes, mais récoltaient les bénéfices plus tard. On observe que ce sont généralement les hommes gais qui ont amorcé le combat public de ce qui deviendrait, près de deux décennies plus tard, au cours des années 1990, la communauté « LGBT », pour inclure définitivement toutes les réalités qui ne se reconnaissaient pas dans l’expression « communauté gaie ».

    Si elles ont toujours été présentes, les femmes lesbiennes se sont, par la suite, jointes aux hommes gais pour revendiquer sur la place publique, puis quelques personnes trans ont fait de même. Enfin, ont suivi les personnes bisexuelles, souvent éclipsées, encore aujourd’hui, faute de modèles publics⁵.

    Peut-on expliquer les gains tardifs de la communauté trans par la force du lobby homosexuel, menant son propre combat et constituant un noyau plus fort et plus imposant de personnes ? Certaines sources indiquent que la communauté gaie rejetait, dans les années 1970, les personnes transgenres, en raison des stéréotypes qu’elles renforçaient, ainsi que les personnes bisexuelles, qu’on pensait incapables d’assumer leur homosexualité.

    Le bill omnibus de 1969⁶, comportant plusieurs changements majeurs pour le Canada et concernant, entre autres, l’avortement, la loterie et les armes à feu, a permis de décriminaliser l’homosexualité.

    « L’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation », a dit Pierre-Elliott Trudeau, alors ministre de la Justice du Canada.

    Ce bill a donné beaucoup d’espoir à une communauté fragilisée qui devait se cacher pour vivre, sous peine d’être arrêtée ou martyrisée. Marie-Marcelle Godbout indique que les viols de personnes homosexuelles, travesties ou trans dans les commissariats de police étaient fréquents. Les personnes transgenres étaient emprisonnées à la prison de Bordeaux pour hommes.

    « Trudeau a été mon héros », dit Laurent McCutcheon. « Ça a été une révélation incroyable, c’était comme avoir le droit de vivre ». C’est effectivement toute une avancée pour les gens qui se voyaient interdire la location de salles de classe par les commissions scolaires en raison de la nature de leur rassemblement.

    Même son de cloche du côté de Marie-Marcelle Godbout, qui a fêté cette décriminalisation à Vancouver, après s’y être réfugiée lorsque le maire de Montréal a fait le grand ménage en vue de l’Expo 67⁷. À ce moment, elle n’avait pas encore été opérée.

    Dans les années 1960, les personnes trans qui désiraient se travestir pour assumer leur vraie nature devaient le faire discrètement. Elles le faisaient dans les cabarets, où elles entraient et sortaient vêtues dans les habits qui convenaient à leur sexe de naissance, généralement.

    Aux États-Unis, les événements survenus au Stonewall Inn, à New York, dans le quartier de Greenwich Village, le 28 juin 1969, ont été menés par des personnes représentant les différentes lettres de l’acronyme actuel, LGBT. Plusieurs versions de l’histoire rapportent que c’est une femme transgenre, Sylvia Rae Rivera, âgée de presque 18 ans au moment des faits (son anniversaire avait lieu quelques jours plus tard, le 2 juillet), qui aurait lancé la première bouteille aux policiers. Cette nuit-là, les policiers ont arrêté et battu de nombreux transgenres et de nombreux hommes jugés efféminés.

    Au Canada, si le bill omnibus du ministre de la Justice, Pierre-Elliott Trudeau, donne davantage de liberté aux personnes homosexuelles, il ne protège pas pour autant les personnes trans. Toutefois, on associe les travestis et les trans – dont on ne parle pas vraiment à cette époque – aux personnes homosexuelles.

    « Les trans étaient perçus comme des homosexuels, pour la plupart », raconte Laurent McCutcheon. Donc, ça leur donnait cette protection-là, mais ce n’était pas une protection particulière pour les trans ».

    Étant considérés comme tels, cela a-t-il servi de motif de discrimination au sein même de la communauté, permettant ainsi de rejeter pendant longtemps les revendications pour leurs droits ? A-t-on pu penser que ces revendications ridiculisaient le mouvement gai, voire le discréditaient ? Le portrait demeure quelque peu ambigu, même après avoir consulté plusieurs personnes ayant participé ou contribué aux combats de l’époque. Nous avons surtout affaire à des opinions et à des perspectives tranchées des deux côtés (la perspective des gais et lesbiennes et celle des personnes trans). Il semble que bon nombre de personnes trans se soient senties délaissées par la communauté gaie ; pourtant, certaines en avaient longtemps fait partie.

    À la suite du bill omnibus de 1979, les personnes homosexuelles ont continué à militer afin d’obtenir une pleine reconnaissance de leurs droits juridiques ainsi qu’une égalité sociale plus vaste jusqu’au début des années 2000. Au Canada, l’apogée fut l’obtention du droit de s’unir à une personne du même sexe et le droit à l’adoption. Peut-on être un bon allié lorsqu’on n’a pas de droits sur les plans juridique et social ? C’est peut-être ce qui s’est passé et qui a permis, depuis le début des années 2000, aux personnes des communautés gaies et lesbiennes de mieux soutenir la communauté trans et de l’aider à faire avancer son combat.

    Un peu plus tardivement, les personnes trans sont sorties du rang, dans les années 80, pour exposer leur réalité. Auparavant, elles se fondaient dans le groupe et passaient pour des travesties ou des homosexuels efféminés⁸. Sinon, certaines personnes trans passant de l’autre côté, c’est-à-dire devenant membres de l’autre sexe, préféraient cacher leur réalité et faire comme si elles étaient nées avec ce sexe. Ce ne sont donc pas elles qui ont fait avancer le combat, mais en voyant toute la discrimination dont elles pouvaient être victimes, on ne leur jettera pas la pierre d’avoir voulu se protéger. Nous l’avons vu, les lois protégeant les personnes trans étaient inexistantes.

    Lorsque des groupes de personnes trans sont parvenus à s’unir et à solidifier leur communauté, celle-ci a été en mesure de militer pour obtenir des droits juridiques qui les aideraient à vivre plus librement. Ces droits sont tout récents, au Canada et en France, mais aussi dans d’autres pays du monde, dont les États-Unis⁹ ; et selon plusieurs personnes trans, on peut faire mieux. L’égalité sociale doit encore faire son chemin dans les sociétés où de tels droits ont été consentis.

    Néanmoins, les droits concernant l’orientation sexuelle et la transidentité ne font pas partie de la Charte canadienne des droits et libertés. Il faudrait rapatrier la constitution pour les faire ajouter et le gouvernement de Justin Trudeau, le fils de Pierre-Elliott Trudeau, a signifié son intention de ne pas aller en ce sens pour quoi que ce soit.

    Laurent McCutcheon rapporte une conversation qu’il a eue sur le sujet avec le premier ministre Jean Chrétien :

    « On ne pouvait pas mettre ça, on en avait discuté, mais la population n’était pas rendue là ». 

    La première mouture de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, adoptée unanimement à l’Assemblée nationale le 27 juin 1975¹⁰, sous le gouvernement de Robert Bourassa, ne contenait pas de disposition concernant l’orientation sexuelle.

    « La question des droits des gais n’était pas complètement absente, mais ce qui dominait le débat des droits, à cette époque immédiatement post-1970, c’était bien les droits civils et politiques, y compris le droit à l’autodétermination et les droits des nations autochtones. Aussi, certains droits économiques et sociaux, tels les droits des travailleurs et notamment des travailleurs et travailleuses issus de l’immigration », affirme pour sa part Jean-Louis Roy, qui était à l’époque président de La Ligue des Droits de l’Homme, organisme qui a mené la bataille pour la création d’un organisme public comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Celle-ci a été créée en 1975 par le gouvernement de Robert Bourassa.

    Laurent McCutcheon indique que c’est René Lévesque qui a ajouté l’orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination afin de protéger trois de ses députés qui étaient homosexuels. Cette disposition a fait du Québec la première province à interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

    Pour les personnes trans, il faudra attendre les années 2000 avant que des dispositions soient prises – tant par le gouvernement provincial québécois que par le gouvernement fédéral canadien – pour protéger les droits des personnes trans et assurer que soit interdite toute discrimination fondée sur l’identité de genre et son expression¹¹.

    Les minorités dans le monde

    Ainsi, de l’homosexualité à la transidentité, en passant par les origines ethniques et en incluant toutes les autres différences qui font basculer un individu d’un groupe majoritaire à un groupe minoritaire, il faut comprendre que ces réalités ont toujours fait partie de la grande mosaïque humaine.

    Effectivement, dans tous les pays, on retrouve de tout : une mixité des ethnies, des orientations sexuelles et des identités de genre. Cependant, ces diversités ne sont pas également tolérées ni acceptées partout dans le monde. Il ne s’agit pas d’un « mal » qui provient d’un endroit en particulier – même si certains coins du monde pointent l’Occident et sa tendance à la trop grande liberté comme étant à l’origine de tous les maux de la civilisation moderne. Cela a toujours fait partie de l’ADN de l’être humain. Les étiquettes associées aux diversités sexuelles et à l’identité de genre – les LGBT, mais également l’hétérosexualité¹² et le cisgenrisme¹³ – impliquent différentes réalités qui créent une diversité au sein des populations. Comment se porterait le monde si nous étions tous pareils et si nous devions emprunter un parcours semblable ?

    Ces réalités font partie de nous. L’Histoire de l’humanité nous appartient, quelles que soient les frontières que l’on a dessinées autour des pays. Peu importe la distance entre les continents. L’égalité juridique des membres de tous les groupes, qu’ils soient minoritaires ou non, est l’affaire de tous. Les plus petits pas faits vers l’acquisition de droits permettent à tous d’en faire un grand et d’atteindre la liberté. Cette dernière est collective et non pas individuelle, même s’il appert parfois que peu de personnes la revendiquent et qu’elles constituent un infime pourcentage de la population. Ces groupes auront forcément un impact sur l’ensemble de la société en faisant des gains, puisque ceux-ci ne se font généralement pas au détriment des acquis des autres groupes.

    Cette liberté, construite sur des acquis antérieurs mais pas inébranlables, et assurés par l’égalité juridique et sociale – cette dernière n’étant pas toujours garantie malgré l’adoption de lois –, permet à l’humain d’évoluer et de se construire, voire de se redéfinir sur de nouveaux principes, de nouvelles réalités. C’est en élargissant le respect au plus grand nombre que l’on atteint un plus grand équilibre social. Faire la guerre et promouvoir le contraire en restreignant des libertés fait reculer les peuples ; on le voit en ce moment même en Russie, en Tchétchénie, aux États-Unis et dans certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique.

    En Russie

    En Russie, les droits de vivre librement pour les homosexuels ont été restreints il y a quelques années. Une propagande anti-homosexualité a été mise en place et on n’a pas le droit d’aborder de tels sujets avec des mineurs. Donc, on n’enseigne pas de tels droits dans les écoles et on ne s’affiche pas publiquement non plus, au risque d’être victime de discrimination ou d’agression physique. Un article de Slate rapportait ces faits troublants, en 2014 : « Comme le souligne l’étude d’Harvard, la violence contre les homosexuels n’est pas considérée en Russie comme de la vraie violence ; il ne s’agit que d’une façon pour les jeunes hommes de prouver leur hétérosexualité – tout en purifiant la société d’une communauté contre nature et pédophile¹⁴ ».

    Rien n’indique que la situation se soit améliorée puisque les lois sont toujours en vigueur, en 2017. On imagine que les gens de la communauté LGBT se sont adaptés et ont appris à vivre autrement leur vie, sans nécessairement renier leurs propres valeurs pour autant.

    En Tchétchénie

    En Tchétchénie, un camp de concentration homophobe a été observé en 2017, dans lequel des personnes homosexuelles sont détenues contre leur gré, torturées et, semble-t-il, tuées. Ce camp avait été déserté au printemps 2017, peu de temps après sa médiatisation, mais en juillet 2017, on apprenait qu’il aurait repris ses activités. Les noms de quelques victimes ont également été dévoilés sur le Web et, à ce jour, on attend encore une intervention sensée de la part de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et des grands pays.

    Le leader tchétchène, Ramzan Kadyrov – l’un des protégés du président russe Vladimir Poutine, rapporte-t-on dans de nombreux articles – a affirmé, dans une entrevue accordée à HBO sport diffusée le 20 juillet 2017 et partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux, qu’il n’y avait pas de gais en Tchétchénie et que s’il y en avait, ils devraient être envoyés au Canada, afin de purifier le sang du peuple tchétchène.

    Un premier réfugié tchétchène homosexuel a été accueilli en France le même jour que le président russe rendait visite à la France.

    Aux États-Unis

    Aux États-Unis, avant la fin du mandat du premier président afro-américain, Barak Obama, on constatait une montée des violences à l’égard des communautés LGBT et des communautés immigrantes.

    L’actuel président, Donald Trump, a attisé une certaine forme de haine pour parvenir au Bureau ovale de la Maison-Blanche en misant sur une Amérique blanche dominante pour reprendre le contrôle du pays. « Les Mexicains sont tous des violeurs » n’est qu’un exemple de tout ce qu’il a pu dire en campagne électorale, sans compter ses nombreux propos misogynes.

    Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2017, il s’est empressé de démanteler l’héritage de son prédécesseur, dont les dispositions de l’article IX de l’Acte des Droits civils donnant une chance à tous, sans faire de discrimination liée au sexe. L’administration Obama avait fait en sorte que la protection des jeunes trans soit assurée dans les écoles en ajoutant des éléments à cet article. Elle avait tenu compte du taux de suicide plus élevé chez les jeunes transgenres, comparativement aux autres catégories de jeunes. Ces dispositions abrogées empêchent dorénavant l’accès des jeunes aux toilettes correspondant à leur genre ressenti.

    Un jeune trans de l’État de Virginie, Gavin Grimm, continue sa croisade pour maintenir les protections mises en place par le président Obama et sera entendu en septembre 2017 par la U.S. Court of Appeals for the Fourth Circuit. Il est soutenu par l’American Civil Liberties Union dans sa poursuite contre le Gloucester County School Board. On lui refusait cette audience depuis le printemps pour la raison qu’il ne retournerait pas à l’école à la suite de sa graduation, mais il pourra finalement le faire pour les autres jeunes transgenres, dit-il.

    Un autre jeune trans de Floride, Drew Adams, âgé de 16 ans, a intenté une poursuite contre son district scolaire, le St. Johns County schools, le 28 juin 2017, dans le but que l’on permette aux jeunes trans d’utiliser les toilettes convenant à leur genre d’identification. À son école, on l’oblige à utiliser les toilettes créées pour le genre neutre, pas celles réservées aux garçons. L’ennui est qu’il y en a deux : l’une située dans un local d’art, l’autre, à l’administration. Cette dernière est si loin de certains de ses locaux de classe qu’il arrive parfois en retard à ses cours. Ainsi doit-il contrôler ce qu’il boit pour éviter d’aller souvent aux toilettes, un désagrément que les autres élèves n’ont pas. La maman de Drew, Érica, s’est informée auprès des dirigeants de l’établissement et a appris que cette décision venait du district scolaire. Avant qu’on l’oblige à utiliser seulement les deux toilettes non genrées, personne ne le questionnait sur son utilisation des toilettes réservées aux garçons dans son établissement.

    La ministre américaine de l’Éducation, Betsy DeVos, n’a pas fait de cas du manque de protection des jeunes LGBT dans les écoles, même si elle ne voulait pas, au départ, signer l’abrogation des dispositions d’Obama.

    De son côté, Donald Trump a refusé, tout au long du mois de juin 2017, d’accorder une quelconque importance au mois de la Fierté, qui souligne les acquis de la communauté LGBT. C’est toute une rupture avec l’administration précédente, qui le faisait. La fille du président Trump, Ivanka Trump, l’a mentionné sur Twitter pour tenter de sauver la situation.

    Le 26 juillet dernier, le président Trump annonçait sur son compte Twitter qu’il allait mettre fin au service des personnes transgenres dans l’armée américaine, et ce, pour tous les corps d’emploi. Pour justifier sa décision, il a invoqué que la réalité des personnes transgenres représente une distraction de leur véritable mission, le combat, et que les frais encourus pour leurs soins de santé coûtent trop cher aux Américains.

    Or, de nombreux articles de journaux sont venus contredire ses arguments. Un rapport de la Rand Corporation, commandé par le secrétaire de la défense de Barak Obama, estime que les soins de santé des personnes transgenres coûtent entre 2,4 et 8,4 millions de dollars. Le coût total des soins de santé de tout le personnel lié au Pentagone – membres actifs et leur famille, ainsi que les membres retraités – est d’environ 49,3 milliards de dollars.

    Pour les membres actifs de l’armée seulement, le coût est évalué à près de 6 milliards de dollars. En comparaison, les Américains paient 91,1 millions de dollars pour un seul avion F-35 et 478 millions de dollars pour un seul bateau de combat.

    Le Washington Post a révélé qu’une plus grande fraction des 49,3 milliards de dollars servait à payer des produits liés à une dysfonction érectile. En effet, le viagra prescrit représentait un montant de 41,6 millions de dollars en 2014, tandis que toutes les prescriptions relatives à un dysfonctionnement érectile ont coûté 84,24 millions de dollars en 2015.

    Ailleurs dans le monde

    Dans plusieurs pays du Moyen-Orient et de l’Afrique, on ne peut imaginer être homosexuel ou trans et vivre en toute liberté. Des condamnations à mort sont encore appliquées contre des individus qui osent le faire ou se font prendre en flagrant délit.

    Il arrive, dans certaines régions du Moyen-Orient, que des homosexuels soient jetés en bas d’un bâtiment, devant de nombreuses personnes assistant à cette mise à mort. Si la pauvre personne ne meurt pas instantanément, on l’achève en la lapidant. Tout cela au nom d’une idéologie religieuse.

    On peut s’estimer heureux, dans nos beaux grands pays développés, de pouvoir vivre avec une plus grande liberté. Toutefois, il ne faut pas pour autant cesser de se rappeler d’où l’on vient.

    Tous ces groupes minoritaires ne doivent pas tenir leurs gains pour acquis. Un nouveau dirigeant pourrait tout effacer ; les États-Unis en sont un exemple concret, actuellement.

    Qu’est-ce qu’un groupe minoritaire?

    Lorsque je parle de groupes minoritaires, j’entends les groupes dont font partie un plus petit nombre de personnes par rapport à d’autres. Je souhaite redonner à ceux-là leurs lettres de noblesse et leur faire oublier, le temps de crier « Victoire ! » pour les droits acquis et les avancées réalisées dans des pays comme le mien, le Canada, l’oppression dont ils ont été victimes de la part de majorités. Ces majorités sont difficiles à menacer ou à faire fléchir, et ce, depuis les balbutiements de la civilisation humaine. Elles sont parvenues à traverser les siècles, à transmettre victorieusement leur Histoire et leurs règles d’or afin d’en faire LE mode de vie qui prévaut, souvent au détriment des plus petits groupes.

    Il importe que les minorités en fassent autant pour que jamais on n’oublie d’où elles viennent et que soient toujours célébrées leurs différences et leur cohabitation avec les majorités. Il importe que les histoires symboliques des minorités et des majorités soient enseignées conjointement, dans un même cours, pour que les minorités et les majorités ne fassent « qu’un » et développent des compétences relationnelles positives favorisant le vivre-ensemble. Pour que cette union entre minorité et majorité soit LA nouvelle norme.

    L’Histoire ne manque pas d’exemples à propos d’êtres humains qui ont fait partie de groupes minoritaires, alors pointés du doigt comme s’ils étaient les seuls à vivre dans un monde parallèle. « Leur  horrible  réalité », ont sans doute dit de nombreuses personnes... et disent encore certaines autres, comme on peut le constater sur les réseaux sociaux, ce lieu d’échange et de partage d’opinions quelquefois peu réfléchies : cet espace virtuel servant parfois d’exutoire aux gens qui en font partie pour s’indigner dans leur temps libre et vomir leur haine viscérale de tout ce qui ose vivre différemment et en marge d’eux.

    En ce qui concerne ces réalités « particulières », les cas les plus connus sont répertoriés et dépeints comme anormaux par les gens de l’époque. Autrefois, cela était fait selon les mœurs, les règles et les religions qui régissaient les sociétés. Les historiens tentent, avec beaucoup d’empathie et un peu plus d’objectivité, de retracer les parcours de ces personnes qui ont, bien souvent, connu des destins tragiques parce qu’elles évoluaient dans des sociétés n’ayant pas l’ouverture nécessaire pour favoriser leur intégration et les comprendre. Il fallait être semblable aux autres et vivre uniformément pour mener une vie soi-disant normale.

    La culture hétérosexuelle¹⁵ ou l’hétéronormativité¹⁶

    À une certaine époque, pour se conformer aux normes, il fallait être soit un homme, soit une femme. Un vrai de vrai homme ou une vraie de vraie femme, ni plus ni moins. Avec les comportements et les activités associés au genre auquel on appartenait biologiquement, et ce, sans trop d’exception à la règle, selon des constructions sociales stéréotypées que nous aborderons un peu plus loin. Un homme devait épouser une femme et fonder une famille. La femme devait être choisie par un futur époux et lui faire des enfants, autant qu’il en voulait¹⁷.

    L’homme était maître en sa demeure. Il était le pourvoyeur de l’unité familiale. C’était lui qui, en quelque sorte, contrôlait la procréation.

    La femme avait un rôle inférieur à celui de son mari. Elle possédait généralement une force physique ni égale ni supérieure à celle de l’homme – facteur important qui

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