STOP! L'amour N'est Pas Un Jeu De Poker

Par Korine Hazan

Treize petites histoires qui racontent comment nous jouons de nos vies, notre santé, nos ¬nances et notre évolution avec nos histoires de coeur. Le Poker est un jeu de hasard et de stratégie. Pourtant, tout un monde se cache derrière ce jeu, où les joueurs révèlent leur caractère plutôt que leur aptitude à manier les règles. Certains vont jouer en priant que leurs voeux soient exaucés, d'autres convaincus que la chance est de leur coté. Il y aura les calculateurs et les tricheurs, les défaitistes et les rêveurs, et ainsi de suite. Des petites histoires qui parfois nous dévoilent qui nous sommes et comment nous comprenons les règles du jeu. Gagnants ou perdants, victims ou bourreaux? Est-ce vraiment le destin qui lance la mise?

Korine Hazan, femme, mère, artiste, entrepreneur et militante, est animée d'une foi inébranlable pour la grandeur de l'être humain. Elle utilise ces différents aspects de sa personnalité qui cohabitent et s'entremêlent, son expérience de plusieurs cultures dans lesquelles elle a vécu et les pratiques observées chez les autres, pour mettre le tout au service de notre époque en s'exprimant en une seule voix : la sienne. Elle raconte des histoires au rythme de notre temps, souhaitant créer une ré exion simple et surtout utile pour tous ceux qui croient avoir leur mot à dire à propos de l'avenir.

• Langue: Français
• Éditeur: Korine Hazan
• Date de sortie: 23 août 2017
• ISBN: 9781773029955

Aperçu du livre

Chapitre 1

Se laisser choisir

Pierre dit:

Je suis éperdument amoureux de toi. Je te cherche depuis si longtemps, mais bon sang, où te cachais-tu durant toute ma vie? Je n’ai jamais vu une femme aussi belle que toi, tu es une merveille! Nous nous rejoignons sur tous les plans. Nous avons les mêmes goûts, les mêmes rêves… Oh! Ma chérie, mon amour, je te cherche depuis si longtemps.

Quand je suis avec toi, je me sens meilleur et j’ai l’impression que rien ne peut m’arrêter. Tu as un tel effet sur moi, je ne me reconnais plus. Viens, finissons vite notre verre, je veux te faire l’amour encore et encore...

Sarah pense:

Il est merveilleux et il m’aime. Je le rends meilleur. Moi? Je peux vraiment lui apporter ça? On se cherche depuis si longtemps. Enfin, enfin, on me voit, il me voit! Oui, je finis mon verre et je veux me retrouver dans tes bras, je veux sentir ton amour enlacée dans tes bras. Nous ne ferons plus qu’un!

Pierre dit:

Tu sais mon amour, ces quelques heures sans toi étaient d’une incroyable souffrance. Jamais je n’ai ressenti cela avec qui que ce soit d’autre. J’ai toujours été du genre indépendant. Mais avec toi, je n’y comprends rien. Je ne peux pas me passer de toi, tu es ma vie, mon souffle de vie! Je ne sais pas comment l’expliquer, mais j’ai tant besoin de toi, je te l’ai dit, avec toi, je suis meilleur, plus fort, presque invincible.

Sarah pense:

Incroyable! Je lui fais tellement d’effet et pourtant, nous n’avons passé que deux soirées et deux nuits ensemble. C’était bien, mais pas si bien que ça. Il est un peu bedonnant, moi qui aime le style athlète.

Puis, les premières fois, ce n’est jamais évident, on ne se connaît pas et c’est même un peu stressant. Ce soir, ce sera merveilleux. Et puis, elle est toute petite sa bedaine, c’est certain qu’il va la perdre. Il embrasse tellement bien. Oh! Mon amour, c’est vraiment moi que tu veux?

Et puis, il a les bras un peu maigrelets, il n’est pas vraiment le style de mâle qui m’excite tant. Hum…

Je le rends meilleur. On s’en fout de ses bras. Et cette voix, quelle belle voix!

Pierre dit:

Tu le finis ce verre? Ma chérie, je n’en peux plus, je veux t’embrasser partout, te déguster, te regarder. Tu es si belle, ta peau est si douce, j’en rêve. Tu es parfaite, comment fais-tu? Viens, on y va.

Sarah pense:

C’est vrai que j’ai une peau douce, mais lui, il a le dos couvert de boutons, ça m’a surprise. Il embrasse si bien, je fonds dès que ses lèvres approchent les miennes.

Une heure plus tard, ils sont rendus chez Sarah. Elle est complètement nue et il la déguste, à sa façon, avec empressement, sans porter attention à elle. Il est pressé, il en prend autant qu’il le peut.

Il lui répète:

Oh! Mon amour, mon amour, où étais-tu toute ma vie? Oh, oh, oh…

Sarah pense:

Déjà fini? Je crois que ça n’a duré que quelques minutes. À peine cinq! Mais non, quinze... non, en fait, c’est cinq.

Hum! Pas tout à fait ce que je m’imaginais comme nuit torride.

Il est lourd. Sa respiration change. Oh, non! Il s’est endormi. Il est trop lourd, je n’arrive plus à respirer. Allez, je le pousse.

Pierre dit:

Ne crois pas que je m’étais assoupi mon amour, je voulais ton empreinte sur mon corps. Tu es si belle, si excitante, pas facile pour un homme. Je t’aime… Je t’aime… Tu es la femme de ma vie, marie-moi.

Sarah pense:

Bah, moi je ne sais pas si tu es l’homme de ma vie. Tout ce que je sais c’est que là je me sens légèrement frustrée. Cinq minutes de plus, j’aurais bien aimé. Quoi? Tu me marierais? Moi? Alors c’est qu’il m’aime!

IL M’AIME!

Pierre dit:

Bla, bla, bla, bla, je t’aime, avec toi je me sens enfin bien.

Sarah pense:

… il se sent enfin bien, grâce à moi. IL M’AIME.

Pierre dit:

Bla, bla, bla, je t’aime, tu es la femme de ma vie, je ne veux jamais plus vivre sans toi, même pas une journée, marie-moi.

Sara pense:

Il m’aime, il a besoin de moi. Oh! Mon amour, je serai ta femme, la meilleure.

Cinq ans passent…

Pierre dit:

Où est ma chemise bleue?

Sarah répond:

Je ne sais pas. Dans le panier à linge sale, j’imagine?

Pierre dit:

Au lavage? Je n’ai pas le temps moi de m’occuper de ça, je travaille. Puis, ma chemise bleue, j’en ai besoin maintenant.

Sarah, pense:

Moi aussi je travaille et je vais chercher Simon à la garderie, je fais l’épicerie, je fais le souper, je donne le bain à Simon, je nettoie la cuisine, que dis-je, je nettoie la maison et ce soir j’avais en tête de faire un lavage, pour le mettre à sécher juste avant de me coucher.

Mais c’est vrai, c’est de ma faute, j’aurais dû y penser hier. Pierre travaille vraiment fort, son job est très demandant.

Pierre ne dit rien… c’est le silence. 

Sarah pense:

Il n’est pas content. Je n’aime pas ça quand il est frustré. Si seulement j’avais pensé au lavage hier soir. Mais que s’est-il passé hier soir déjà?

Sarah est mal et, avec le temps elle ne se sentira pas mieux. Les années se suivent et Simon aura une petite sœur et ces deux enfants procureront beaucoup de plaisir à leurs parents. Mais la petite Juliette est encore jeune quand Sarah et Pierre entament des procédures de divorce. Sarah, loin d’être épanouie dans son travail et encore moins dans sa relation de couple, se laissera tenter par les bras d’un autre.

Pierre ne lui pardonnera pas.

Sarah était une jeune fille ambitieuse qui voulait accomplir de grandes choses. Elle cherchait comme tout le monde ce compagnon, ce partenaire, cet amour complice, celui avec qui elle pourrait grandir et qui grandirait à ses côtés. Elle le connaissait cet homme, elle avait grandi en pensant à lui. Elle le rendrait meilleur et il la rendrait heureuse.

Dans quel livre avait-elle lu un tel amour? Quel est ce film qui avait raconté une telle histoire qui dit que l’homme qui te choisit est celui que tu cherches?

Si seulement nous pouvions comprendre que le divertissement est là pour divertir et non pas un point de repère pour réaliser nos aspirations, pour notre avenir. Lorsque nous sommes jeunes, nous sommes si facilement impressionnables et ces impressions peuvent nous jouer de très mauvais tours une fois adulte. Apprendre et développer un sens critique le plus tôt possible pourrait certainement nous éviter bien des malheurs.

Revenons à Sarah qui n’a pas vu qu’elle se laissait choisir, se laissait prendre par les besoins de l’autre, ce que lui recherchait, ce que lui voulait. Il lui avait fait l’honneur de la choisir. Automatiquement, elle devait l’honorer en retour.

Et aujourd’hui, où en sont-ils? Il veut sa chemise bleue! Il n’a pas de temps pour elle, n’a plus envie d’elle et il n’est préoccupé que par lui-même.

Pierre est-il mauvais? Pas du tout. Il est simplement attentif à ses propres besoins. Tout comme le premier soir, le deuxième et tous les autres. Il avait donc montré ce qui lui était important, dès le début. Pour lui, c’était tout simple, il a vu ce qu’il convoitait, il a pris ce qu’il voulait, heureux qu’elle se soit laissée faire.

Cette union s’est faite sur de fausses bases. En fait, pire que cela, sur aucune base!

Trop d’unions sont basées sur des pulsions sexuelles ou de belles paroles ensorcelantes. On ne se pose pas de questions et on finit par se demander comment on en est arrivé là. Ne pas avoir peur et savoir poser les bonnes questions peut changer le cours d’une vie. C’est presque un art utile à développer puisque la qualité de notre vie dépend souvent de la qualité des questions que nous nous posons. Pourtant, durant notre croissance, il arrive toujours un moment ou quelqu’un nous dit : « Oh! Mais arrête un peu de toujours poser des questions. »

Aussi, il y a tous ces « je t’aime ». Ces mots tellement importants, mais qui ne sont pas une réponse en soi. Le désir ne devrait pas être confondu avec l’amour. Quand le cœur s’en mêle, on veut oublier de parler des choses importantes, des choses qui cimenteront la relation. Serait-ce la peur qui nous empêche d’étudier qui nous sommes l’un et l’autre lorsque nous sommes amoureux? Ou est-ce simplement le déni refusant de penser aux enjeux? Il se pourrait que ce soit une forme d’ignorance, parce que nous n’avons jamais appris l’importance de se poser et de poser des questions.

Et d’où vient ce besoin de fusionner si vite?

Est-ce encore une fois la peur qui mène? La peur de quoi? La peur de perdre? De perdre quoi?

Question d’estime de soi, probablement. Si Sarah avait eu une estime d’elle-même saine et solide, elle se serait écoutée. Pierre, aussi gentil qu’il en avait l’air, ne correspondait pas à ses besoins. Elle ne s’est pas écoutée parce qu’il lui avait fait « l’honneur » de la choisir. Pourquoi a-t-elle perçu ses attentions comme un honneur? D’où lui est venue cette valeur illusoire?

Lorsque l’estime de soi est présente, nous n’avons pas peur de prendre notre temps pour découvrir l’autre et se laisser découvrir. Pourquoi Pierre était-il si pressé? Et lui, de quoi avait-il peur? Peur que Sarah lui échappe en découvrant tranquillement l’homme qu’il était? Un homme bien ordinaire d’après lui, même trop ordinaire pour une fille comme elle. C’est ainsi qu’il se voyait et c’est son manque de confiance en lui qui lui faisait croire qu’il était très ordinaire.

Évidemment, rien de tout cela n’est pensé, songé, planifié. On vogue dans des émotions humaines bien cachées dans l’inconscient. Si seulement on pouvait prendre des cours de connaissance de soi lorsqu’on est jeune!

Malheureusement, ce n’est pas au programme et cela nous permet de continuer de croire que jeunesse et connaissance de soi ne vont pas de pair. Si seulement on essayait de croire à la capacité de nos jeunes gens de pouvoir absorber ces idées à ce niveau. Qui sait, la majorité aurait peut-être plus de facilité avec les concepts humains qu’avec les logarithmes de nombres.

Si le drame entre ces deux jeunes gens provenait tout simplement du manque de confiance en eux? Quel gâchis, quelle tristesse! Ces vies amoureuses malheureuses, mal démarrées, teinteront le reste de leurs vies, celles de leurs enfants et probablement celles de leurs petits-enfants. Tout cela aurait pu être évité. Voilà pourquoi nos histoires de cœur ont tant d’importance.

C’est complexe comme tout ce qui est important et, comme il est impossible de donner ce qu’on n’a pas, comment s’y prendre dans une société où tout va de plus en plus vite? Qui a le temps de donner le temps nécessaire aux petits, aux jeunes gens et même aux jeunes adultes? Tous les parents veulent le bien-être de leurs enfants mais eux-mêmes ne sont pas arrivés à être bien, alors comment vont-ils donner l’exemple à la génération qui les suit? Comme les enfants apprennent surtout par les exemples qu’ils ont, les mêmes histoires continuent de se répéter.

Des parents misérables et anxieux qui cherchent à procurer équilibre et stabilité à leurs enfants dans un monde éphémère donnent de piètres résultats. Nous inventons même des noms savants pour soigner de nouvelles maladies chez nos jeunes. On leur bourre le crâne de choses inutiles, puis on les occupe avec toutes sortes de relations virtuelles et, s’ils ne se conforment pas dans l’engourdissement collectif, on leur prescrit une petite dose de chimique, présumant que c’est mieux pour eux et que ce mal-être n’est qu’un déséquilibre hormonal ou autre. Folie pure!

Nous passons toute une vie à apprendre à vivre avec soi-même et avec les autres. Alors, imaginons un peu ce qui pourrait arriver si nous enseignions à nos enfants à réfléchir par eux-mêmes, à se poser les bonnes questions et surtout, à apprendre l’amour de soi pour ensuite aimer l’autre de façon généreuse.

Imaginons Sarah comprendre cet état de choses, puis être capable d’exprimer ce qu’elle ressentait vraiment. Pouvoir convenir que Pierre était une belle rencontre, une touchante aventure, mais pas celui avec qui elle se voyait bâtir toute une vie. Une fois ce moment consommé, ils seraient tous deux passés à autre chose sans animosité, sans rancune, emportant avec eux de beaux souvenirs. Ainsi, ces deux êtres se seraient donnés la chance de se développer, de se connaître et d’avoir confiance que le moment venu la personne avec laquelle ils continueraient de grandir se présenterait comme par magie.

Mais attention, la magie n’a rien de magique! C’est seulement l’aboutissement d’une bonne préparation qui distingue un hasard bienveillant. Nous avons tendance à croire au destin parce que c’est tellement plus romantique. Il arrive que certains se reconnaissent et se trouvent tôt dans leurs vies. Mais ce n’est pas la norme. La plupart d’entre nous devons nous développer à travers des expériences et c’est tout aussi bien. Cet empressement est souvent comme un écran de fumée cachant bien des choses. Il est favorable de reconnaître les raisons de nos décisions.

C’est tout simple: se connaître soi-même, se comprendre, savoir s’écouter, et le tour est joué! Nous nous retrouvons alors heureux en amour, en famille, au travail, heureux de contribuer à un monde