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Dieu aime le sexe: Sexe et religion. Malentendu et réconciliation
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Livre électronique530 pages8 heures

Dieu aime le sexe: Sexe et religion. Malentendu et réconciliation

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À propos de ce livre électronique

Entre roman et réflexions, tentez de trouver réponse à cette question : Dieu aime-t-il le sexe ?

Dieu aime-t-il le sexe ? Une question impertinente et pourtant pertinente qui nous interpelle toutes et tous.
Les temps de la haine, du puritanisme et de l’hypocrisie peuvent être dépassés.
Nous pouvons choisir de contribuer à entrer dans une nouvelle ère d’amour, de luminosité et de volupté.
L’histoire romancée d’un homme et d’une femme, en quête d’amour et de sens dans leurs vies, sert de fil conducteur à ce livre atypique. Ils explorent les chemins tantôt divergents, tantôt convergents entre sexualité et spiritualité.
Et si les prédicateurs de nombreuses religions nous avaient menti ? Et s’ils avaient confondu leurs propres frustrations sexuelles avec la véritable volonté de Dieu (dans l’acceptation la plus large du terme) ?
Notre comportement sexuel à tous (croyants, pratiquants, agnostiques ou même athées convaincus) est encore et toujours imprégné par des siècles de fausses croyances et superstitions à caractère religieux. Nous pensons en être débarrassés et pourtant, cela influence encore fortement nos idées sur la sexualité et nos façons de nous aimer !
Ce livre passe en revue les idées reçues sur la sexualité et la spiritualité. Il propose des éclairages inédits et des concepts surprenants à propos des liens entre sexualité et spiritualité à travers l’Histoire de l’humanité. Ce livre réconcilie les sexualités heureuses et les voies spirituelles de chacun pour le plus grand bien de tous.
Dieu aime le sexe est écrit sous la forme d’un roman d’action et conte érotico-philosophique. A la fin de chaque chapitre, il présente des pistes de réflexion pour plus de bonheur amoureux et sexuel, tel un vrai manuel de bien-être.

Découvrez sans plus attendre une réflexion qui mêle sexualité et religion et qui tente de comprendre notre rapport au sexe, dominé par des siècles d'éducation chrétienne.

EXTRAIT

La première étape est que nous réalisions qu’en France en particulier et en Europe en général, nous sommes tous imprégnés de valeurs et croyances judéo-islamo-chrétiennes. Même si nous pensons avoir complètement rejeté la religion chrétienne historiquement prépondérante en Europe, nous continuons à en véhiculer, consciemment ou inconsciemment, de nombreux dogmes. Et les nouvelles générations sont de plus en plus influencées par les valeurs importées par l’islam en Europe.
Il n’y a évidemment pas de mal à adhérer à des dogmes religieux. Mais c’est important d’en avoir conscience.
À titre d’exemple, l’exclusivité sexuelle et amoureuse limitée à un(e) seul(e) partenaire paraît une évidence à la plupart d’entre nous, y compris les incroyants. Et pourtant, il s’agit bel et bien d’un principe purement religieux, typiquement juif ou chrétien. La polygamie est la règle au sein de la plupart des autres religions. Quant à la polyandrie (une femme « mariée » à plusieurs hommes), elle est extrêmement rare, mais existe également.

À PROPOS DES AUTEURS

Julie du Chemin est architecte du désir, écrivain et sexologue. Elle anime des formations et des séminaires dans le domaine du couple et de la sexualité. Elle est la fondatrice de l’Académie des Arts de l’Amour (AAAh). Elle est l’auteur du livre Les douze lois universelles du bonheur amoureux et sexuel.
Pascal de Sutter est docteur en psychologie et sexologue. Professeur invité de plusieurs universités, il a animé diverses émissions de télévision dont L’amour, le sexe et les Français et Mariés au premier regard en France et en Belgique. Il a déjà écrit de nombreux livres dont La sexualité des gens heureux.
LangueFrançais
Date de sortie17 déc. 2018
ISBN9782390092940
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    Aperçu du livre

    Dieu aime le sexe - Julie Du Chemin

    père.

    Introduction

    (la lecture de l’introduction est vivement recommandée pour mieux appréhender et savourer la lecture de ce qui va suivre)

    L’objectif de ce livre est de proposer des pistes concrètes à l’épanouissement amoureux et sexuel de chacun. Dans notre longue expérience clinique, nous avons observé que, même si on propose aux hommes et aux femmes des moyens pratiques pour vivre une sexualité heureuse, cela ne suffit généralement pas. Pourtant, les progrès extraordinaires de la sexologie permettent de surmonter pratiquement toutes les difficultés sexuelles. Chacun peut accéder à l’épanouissement personnel, conjugal et érotique. Hélas, trop souvent, les personnes que nous traitons ou accompagnons n’appliquent pas les recettes du bonheur sexuel que nous leur proposons. Pourquoi ?

    Notre analyse est que l’obstacle majeur à ce bonheur érotique se situe – encore aujourd’hui – au niveau des (fausses) croyances religieuses. Force est de constater que même nos patients peu pratiquants – ou athées militants – appliquent inconsciemment de nombreux interdits religieux dans leur sexualité. Par exemple, ils sont convaincus que certaines pratiques sexuelles, pourtant épanouissantes, seraient « malsaines » ou « perverses ». Ils sont le plus souvent incapables d’expliquer d’où leur vient cette conviction. Et quand ils l’expliquent, elle provient quasi systématiqment d’un non-dit ou d’un interdit familial à connotation religieuse.

    La vérité est que pour l’ensemble des Occidentaux du XXIe siècle, les comportements sexuels sont toujours marqués par des siècles de répression sexuelle. On croyait s’en être libéré après la révolution sexuelle de 1968. Or, non seulement de nombreux tabous sexuels inappropriés subsistent, mais on observe un impressionnant retour de plusieurs formes de puritanisme en France et ailleurs dans le monde.

    À titre d’exemple, pour expliquer la disparition du monokini, nous entendons souvent des athées affirmer que si une femme se promène la poitrine dénudée, elle augmente le risque de cancer du sein. Justifiant ainsi par une faribole médicale une forme de pudibonderie vestimentaire. Nous avons rencontré des responsables de programmes de télévision qui se prétendent complètement agnostiques. Et pourtant, ils n’oseraient plus jamais diffuser aujourd’hui les émissions coquines des années 1980 qui passaient sur la chaîne de télévision la plus regardée avant le journal de 20 h. Paradoxalement, des gens très pieux sont quelquefois capables d’une grande liberté sexuelle, comme en témoignent également les confidences de certains patients en séances. Il n’existe donc pas de lien de cause à effet systématique entre le niveau de croyance religieuse et les blocages sexuels liés à la pudibonderie.

    Nous avons donc mené notre enquête sur les liens entre sexualité, spiritualité et religion. Et nous avons fait des découvertes absolument étonnantes. Car souvent, les textes religieux fondamentaux s’avèrent beaucoup moins puritains qu’on ne l’imagine. N’oublions pas qu’ils ont généralement été rédigés ou inspirés par des hommes de l’Antiquité. Or, durant cette période, il existait une beaucoup plus grande liberté sexuelle qu’aujourd’hui. Ce sont le plus souvent des ajouts ultérieurs, des interprétations farfelues ou des traditions locales apocryphes qui ont fait le lit d’un puritanisme religieux toxique à l’épanouissement sexuel.

    Ces dogmes se sont imposés à nous au cours des siècles et sont désormais enracinés dans nos valeurs, que l’on soit croyant, pratiquant ou pas. Inconsciemment, de nombreux Européens sont plus imprégnés des idées puritaines des conciles du Moyen Âge que des pensées libertaires d’Ovide ou d’Épicure.

    Nous vous proposons donc de réfléchir ensemble à toutes ces croyances, d’en faire le tri, de conserver celles qui sont en accord avec vos choix de vie et de rejeter celles qui vous empêchent de vous épanouir.

    André Malraux aurait affirmé que le XXIe siècle serait religieux, ou du moins mystique, et sa prophétie se réalise. L’immense majorité des habitants de cette planète adhère à une religion ou une autre. En Occident, si les pratiques chrétiennes sont en recul, d’autres religions prennent de l’ampleur. Par ailleurs, même si de nombreux Occidentaux fréquentent moins les églises, les temples ou les synagogues, ils sont toujours en recherche de valeurs spirituelles. En même temps, notre société vit une situation paradoxale au niveau de la sexualité. D’une part, on observe un accès aisé à une énorme quantité de stimuli sexuels dans les médias et sur Internet. Et d’autre part, la population semble souffrir d’une forme de « misère sexuelle ». Diverses enquêtes récentes indiquent que 60 à 90 % de la population adulte souffre de difficultés sexuelles de diverses ampleurs. Les différentes religions et croyances philosophico-spirituelles proposent des comportements à adopter vis-à-vis de la sexualité. Or, comme chercheurs et cliniciens, nous observons très souvent que les personnes croyantes connaissent très mal les prescriptions sexuelles de leurs propres religions. Généralement, les gens religieux confondent les vieilles traditions et les véritables recommandations des textes sacrés. De plus, ces écrits théologiques sont sujets à interprétations sans fin et discussions métaphysiques enflammées. Il est parfois difficile de distinguer ce qui est simplement l’opinion personnelle du représentant religieux (rabbin, imam, prêtre, pasteur, bonze, sage, moine, etc.) et ce qui relève vraiment du spirituel dans son sens le plus large. À entendre certains religieux, la sexualité est davantage d’ordre diabolique que d’essence divine. Que sait-on de ce que pense vraiment Dieu – dans son acceptation la plus large, c’est dire aussi dans le sens de l’« Univers » – de la sexualité ? Dieu aime-t-il le sexe ? C’est à cette question que les auteurs, un homme et une femme, ont cherché à répondre, sans tabou ni préjugé.

    Même si le sujet est sérieux, nous avons souhaité l’aborder avec légèreté. Nous ne voulions pas alourdir la lecture par un recensement exhaustif de textes religieux. Nous avons choisi une approche littéraire ludique où l’on s’informe et apprend en suivant les pérégrinations de deux héros. Nos personnages sont directement inspirés des nombreuses personnes que nous avons rencontrées en consultation. Chacun peut donc s’y identifier aisément.

    Les deux auteurs respectent profondément les opinions, philosophies et religions de chacun. Notre propos n’est ni de choquer, ni de heurter qui que ce soit, mais de proposer une analyse critique des croyances qui circulent à propos de la sexualité dans la spiritualité. Ce livre s’adresse à toute personne qui souhaite mieux comprendre les interactions entre sexualité et spiritualité, peu importe ses croyances ou ses non-croyances. Il n’a pas vocation à apporter une réponse définitive ou un nouveau dogme quelconque, mais à susciter la réflexion tout en savourant une histoire intrigante et sensuelle.

    Nous utilisons à de nombreuses reprises le mot « dieu » dans le texte. Il s’agit de le comprendre dans son acceptation la plus large. Il ne s’agit évidemment pas du dieu d’une religion particulière. Chacun peut mettre sous ce vocable ce qu’il souhaite. Cela va du Manitou, créateur de tout, des Amérindiens au grand architecte de l’Univers des francs-maçons agnostiques. Albert Einstein, qui se déclarait¹ résolument athée, pouvait cependant comprendre le mot « dieu » dans le sens de Spinoza : « Ma compréhension de Dieu provient de la profonde conviction d’une intelligence supérieure qui se révèle elle-même dans le monde connaissable. En termes communs, on peut la décrire comme panthéiste. » Chaque lecteur apposera au mot « dieu » la conception qu’il souhaite. On pourrait même écrire « dieux » au pluriel car les croyances polythéistes qui existent dans de nombreuses cultures sont tout aussi respectables et non moins cohérentes que l’idée d’une grande entité immatérielle unique. C’est une forme d’ethnocentrisme que de croire que le monothéisme est forcément un progrès de l’humanité. À bien des égards, les polythéistes se montrèrent plus tolérants et moins extrémistes que le furent les monothéistes au cours de l’Histoire.

    Notre propos n’est pas de débattre sur l’existence ou la non-existence d’un ou de plusieurs dieux. Mais de montrer en quoi les différentes croyances religieuses et/ou valeurs spirituelles peuvent avoir un impact majeur sur la vie sexuelle de tous les humains, croyants et non-croyants.


    1. « Du point de vue du prêtre, je suis, bien sûr, et ai toujours été un athée » Albert Einstein, juillet 1945.

    CHAPITRE I : « Dieu aime les humains »

    « L’homme sait que le monde n’est pas à

    l’échelle humaine et il voudrait qu’il le fût. »

    André Malraux

    Dieu n’aime pas le sexe, maugréa Mathieu en enfilant laborieusement son préservatif.

    À l’instant même où il prononça cette phrase, Mathieu perçut toute l’aberration de ses paroles. Il en ressentit même une étrange culpabilité. Peut-on rapprocher les mots Dieu et sexe dans la même phrase ? Ces mots, et les concepts qu’ils recouvrent, ne sont-ils d’évidence antithétiques, antinomiques, irréconciliables ? Le zénith de l’esprit peut-il rencontrer le nadir de la chair ? D’ailleurs, Dieu n’a pas de sexe. Et le sexe n’a pas de dieu. Car le sexe est un dieu pour lui-même. Une sorte de dieu de substitution devenu très visible, trop visible même, alors que Dieu est invisible. Invisible et pourtant tellement présent. Si présent que sa simple évocation fit perdre son érection à Mathieu. Dieu semblait manifester sa puissance absolue en rendant le sexe de Mathieu impuissant.

    —Pourquoi dis-tu ça ? Quelle drôle d’idée… minauda Anne-Olivia en lui mordillant sensuellement le lobe de l’oreille.

    —Parce que si Dieu aimait le sexe, on n’aurait pas tous ces problèmes de maladies sexuellement transmissibles, toutes ces défaillances sexuelles et toute cette culpabilité à gérer.

    —C’est toi qui te prends la tête avec des bêtises, moi je n’ai pas de problèmes. Ni avec le préservatif, ni avec la culpabilité, ni même avec Dieu.

    —Oui, pour toi c’est facile, tu ne crois pas en Dieu et tu ne dois pas enfiler cette saloperie de latex.

    Mathieu constata qu’il avait mis le préservatif à l’envers. Il le retira et le jeta. Le temps de déballer un nouveau condom suffit à ce que son phallus fièrement dressé prenne des allures de tour de Pise.

    —Tu vois, Dieu n’aime vraiment pas le sexe. Sinon, il n’aurait pas affublé l’homme d’un organe si mal fichu. Aucun ingénieur sensé ne concevrait un truc aussi moche et aussi capricieux. Fiabilité zéro ! Fonctionne jamais quand on en a besoin.

    Anne-Olivia se lova dans les bras de son amant et lui chuchota tout doucement à l’oreille :

    —Allons, mon beau Mathieu, relaxe un peu. Depuis qu’on se connaît, on s’est déjà envoyés en l’air des dizaines de fois et tu n’as jamais eu la moindre défaillance. Alors, pas de panique. C’est pas vraiment cool de tout mettre sur le dos de ce Dieu auquel je ne crois pas. Pour rappel, les pires épidémies qui ont ravagé l’humanité, comme le choléra, la peste, le typhus ou la grippe espagnole n’étaient pas des infections sexuellement transmissibles. Les principales causes de mortalité en Occident sont les maladies cardio-vasculaires et le cancer. Pas vraiment le genre de truc qu’on attrape en faisant l’amour. Et le sida fait surtout des ravages chez ceux qui sont déjà accablés par la pauvreté, la malnutrition et le manque de soins de santé. Quelque chose échappe peut-être à l’athée que je suis, mais ton Dieu, il n’est pas censé aimer les pauvres et les damnés de la terre ? D’ailleurs, si ton Dieu aux super pouvoirs voulait punir les amateurs de sexe, il lui suffirait de balancer une bombe atomique sur tous les lieux de débauche. Il le fit bien avec Sodome et Gomorrhe.

    —Dieu n’a pas détruit Sodome à cause d’histoires de sexe, mais parce que ses habitants avaient enfreint les règles sacrées de l’hospitalité. Les habitants de Sodome avaient voulu molester les anges envoyés par le tout-puissant. Les exégètes² se sont trompés sur ce…

    —Peu importe ! coupa Anne-Olivia, exaspérée. Tu saisis très bien l’idée. J’en ai franchement marre que les hommes mettent lâchement tous leurs problèmes sur le dos d’un grand barbu qui loge dans le ciel. Si tu as une petite panne, reconnais-le franchement. Ça arrive même aux meilleurs. Mais n’accuse pas le grand Manitou d’avoir mal conçu ta belle mécanique de mâle. Et nous les femmes, qu’est-ce qu’on devrait dire ? Depuis des milliers d’années, on nous pourrit la vie sexuelle avec toutes sortes d’interdits, de culpabilités, de persécutions. On nous enferme, on nous traite comme des êtres inférieurs, on nous cache sous des couches de vêtements, on nous torture avec des modes stupides comme les hauts talons, l’épilation totale ou les corsets. On coupe actuellement le clitoris de milliers de petites filles dans des tas de pays³. Tu te rends compte qu’au XXIe siècle, on lapide encore les femmes, on les brûle, on les fouette, on les décapite si elles ont le malheur de ne pas avoir une vie sexuelle conforme aux diktats masculins ?

    —Et au nom de qui maltraite-t-on les femmes ?

    —Au nom de Dieu ! répliqua du tac au tac Anne-Olivia.

    —C’est exactement ce que je veux dire : Dieu n’aime pas le sexe.

    —Dieu n’existe pas ! Ce sont les hommes qui inventent toutes ces règles pour dominer les femmes. Et je suis persuadée que c’est justement la faiblesse du pénis des hommes qui a contribué aux lois liberticides pour les femmes.

    —Tu exagères un peu, non ? tempéra Mathieu.

    —Pas du tout. Si les hommes inventent des châtiments aussi cruels pour punir les femmes insoumises, c’est précisément parce qu’ils craignent le pouvoir du sexe féminin. Une femme peut assouvir sans problème des tas d’amants. Un homme n’arriverait jamais à combler plusieurs femmes en même temps. Une femme est toujours certaine que ses enfants sont bien d’elle. Un homme n’est jamais sûr de sa paternité. Voilà pourquoi les hommes inventent des lois soi-disant divines pour contrôler la sexualité féminine. C’est quand on se sent faible qu’on crée des lois pour se protéger et se rassurer. Si les hommes se sentaient à la hauteur pour faire correctement l’amour à leur femme, ils ne puniraient pas l’adultère. Ils ne lapideraient⁴ pas les pauvres mal baisées qui cherchent un peu de réconfort ailleurs.

    —Tu sais que tu es très sexy quand tu élabores de belles théories intellectuelles toute nue ?

    Et sur ces paroles, Mathieu attira le corps chaud et svelte d’Anne-Olivia contre lui. Il l’embrassa fougueusement, puis lui murmura :

    —Oui, c’est vrai que cela me plaît de me dire que la jolie fille nue dans mon lit est une femme très cultivée et intelligente. Peut-être que c’est parce que ça me met moi aussi en valeur. C’est flatteur pour moi de me dire que je caresse les belles petites fesses rebondies d’une intello qui me plaît.

    Joignant le geste à la parole, les mains de Mathieu palpèrent les rondeurs fessières de son amante avec une intensité de plus en plus marquée. Anne-Olivia se colla plus près de lui et exprima par de petits gémissements sensuels son approbation. Leurs cuisses s’entrecroisèrent et elle frotta le bas de son ventre contre la jambe de Mathieu. Ce dernier continua à l’embrasser de plus en plus fougueusement tout en sentant sa tour de Pise se redresser. Percevant contre sa cuisse le sexe masculin revigoré, la jeune femme y dirigea sa main pour l’encourager par des caresses habiles. Elle lui chuchota alors :

    —Que vas-tu lui faire maintenant, à ta petite intello ?

    —Mmmhhh, j’hésite. De longs préliminaires très vicieux… à moins que je ne te plaque contre le mur comme un sauvage en te faisant crier.

    —Oui, Mathieu, fais-moi crier très fort… C’est bien mieux que de parler.

    Cette fois, ce fut Anne-Olivia qui prit le préservatif sur la table de nuit, et le plaça elle-même – sans tarder – sur le sexe dressé de son partenaire. Puis, elle s’écarta de lui et fouilla son sac à main pour en extraire ses lunettes. Elle remit ses petits escarpins aux pieds et se dressa debout à côté du lit, en disant d’une voix provocante :

    —Alors, tu as envie de faire sa fête à la petite intello toute nue avec ses lunettes et ses chaussures à talon ?

    La jeune femme se dirigea vers le bureau sommaire de la chambre d’hôtel. Elle se positionna devant le bureau de bois laqué marron et ouvrit l’ordinateur portable qu’elle y avait déposé. Elle l’alluma et se connecta à Internet. Elle ouvrit une session sur un site de recherche et fit mine de s’y intéresser en se tenant debout et cambrée dans une attitude provocante. Mathieu avait déjà bondi du lit. Placé derrière elle, il lui mordillait le cou avec voracité tout en lui caressant les seins d’une manière particulièrement délicieuse. Avec un mélange de douceur et de fermeté. De lenteur et d’avidité. De force et de subtilité. La jeune femme poussa ses fesses en arrière, les bougeant avec volupté. Elle murmura d’une voix entrecoupée de soupirs sensuels :

    —Voyons, Monsieur, j’ai un travail urgent à finaliser, que voulez-vous, c’est la vie d’une intellectuelle…

    —Oui, continuez votre travail, Mademoiselle, je m’occupe de vous, répondit Mathieu en se prenant à ce jeu improvisé très excitant.

    Positionné derrière son dos, Mathieu passa ses doigts sur sa langue, et d’une main humectée, effleura la vulve de la belle intellectuelle. En ouvrant les pétales de son sexe féminin, il constata qu’elle était déjà très lubrifiée et cela redoubla son excitation. Il la stimula de ses doigts experts tout en pressant son sexe entre ses fesses. Anne-Olivia fit mine de continuer à s’intéresser à l’écran de son ordinateur et poursuivit ses provocations :

    —J’ai tapé les mots Dieu et sexe sur Internet, et devine sur quoi je suis tombée ?

    Mathieu ne répondit pas et glissa rapidement son sexe tendu dans la fente humide et accueillante de sa complice de jeux érotiques. Il ne voulait pas prendre à nouveau le risque de perdre son érection. Le fait qu’Anne-Olivia soit revenue sur le sujet de leur discussion et qu’elle ait prononcé le mot « Dieu » le perturbait. Il ressentit à nouveau une forme de culpabilité étrange. Cela le ramena instantanément à une expérience troublante qu’il avait connue à 14 ans. Il était en vacances avec ses parents dans le Finistère. Sa mère, qui était une catholique pratiquante très pieuse, emmena la famille se recueillir dans une petite chapelle. Mathieu y vit une statue de la Vierge Marie allaitant son enfant⁵. Son regard d’adolescent fut capté par les deux seins de la sculpture, exhibés nus hors de la robe. Le sein gauche était tété par l’Enfant Jésus tandis que le droit était soutenu par la main de Marie. Le jeune homme fut envahi d’un émoi voluptueux incontrôlable qui ressemblait furieusement aux coupables pensées que sa mère fustigeait régulièrement. Mathieu eut honte de ressentir pour les seins de la très Sainte Vierge Marie des désirs plus érotiques que mystiques. Ce souvenir d’adolescent fut très bref car Mathieu le chassa immédiatement de ses pensées pour revenir à ses plaisirs immédiats. Et éviter une nouvelle défaillance érectile. Heureusement, Anne-Olivia redonna de l’ardeur à son partenaire en basculant voluptueusement le bassin en arrière. Elle poussait de langoureux soupirs en accompagnant ses mouvements sensuels. Puis elle marmonna :

    —Oh, vous me perturbez dans mon travail Monsieur… Je viens juste de découvrir les premiers textes en lien avec ma recherche « Dieu et sexe ».

    —Cela ne m’intéresse pas ! grogna Mathieu en se concentrant sur les coups de reins de plus en plus amples qu’il prodiguait à sa maîtresse.

    —Pourtant, moi, les lectures… Les lectures bibliques sur Internet... Anne-Olivia avait de plus en plus de difficultés à se concentrer sur ses mots : « …m’inspirent… En particulier cet extrait du cantique des cantiques… Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! Car tes baisers sont meilleurs que le vin⁶… Oh oui, continue Mathieu… Oui, c’est bien meilleur que le vin !

    Anne-Olivia avait maintenant de grandes difficultés à se concentrer sur le scénario. Elle bougeait ses hanches de plus en plus fort et gémissait avec de moins en moins de retenue. Elle appuya alors la main gauche sur le bureau pour ne pas basculer en avant sous les coups de reins virils de son partenaire. De la main droite, Anne-Olivia retira sans ménagement les doigts de Mathieu pour se caresser elle-même. Elle adorait la combinaison des sensations procurées par les poussées du pénis dans son vagin et le touché précis et habile de ses propres doigts autour de son clitoris. De cette façon, le plaisir montait en flèche. Mathieu l’agrippa par les hanches des deux mains. Il empoigna le corps gracile de sa partenaire et la pénétra avec une fougue grandissante. La jouissance ne tarda pas à submerger Anne-Olivia qui l’exprima de façon particulièrement explicite. Ses cris eurent pour effet immédiat de déclencher l’orgasme masculin qui suivit de près l’extase féminine.

    Mathieu et Anne-Olivia regagnèrent le lit. Ils restèrent ensemble l’un contre l’autre quelques minutes, échangèrent deux ou trois paroles aimables, commentèrent positivement leurs ébats communs, puis, Anne-Olivia se redressa et se rhabilla prestement. Après un dernier baiser, elle quitta la chambre avec un petit geste amical de la main.

    Mathieu resta seul. Très seul.

    Ses sentiments étaient mitigés. D’un côté, il était content de sa performance. Après le petit passage à vide, suite au mauvais positionnement du préservatif, il avait pu assurer sans problème. Il éprouvait donc moins d’inquiétude pour ses capacités érectiles. Ce qui dans son cerveau masculin était évidemment la chose la plus importante au monde. Il avait tenu le coup suffisamment longtemps pour qu’Anne-Olivia jouisse. Non par pur altruisme, mais parce que cela le rassurait sur sa virilité. Son égo se portait bien. Hélas, cela ne semblait pas suffisant à son bonheur.

    Car d’un autre côté, Mathieu se sentait triste. « Post coitum omne animal triste est ⁷», songea-t-il. Il lui parut tout à coup qu’il lui manquait quelque chose. Mais quoi ? Anne-Oli était une amie de longue date. Depuis leur première rencontre, il avait raccourci son prénom en « Anne-Oli », en s’amusant du jeu de mot « Anne au lit » qui – à ses yeux – lui convenait parfaitement. Elle était une agréable partenaire sexuelle occasionnelle. Mignonne, délurée, sexy, sympa et de conversation agréable, Anne-Olivia n’était ni envahissante, ni casse-pieds, ni encombrante. Bref, une sex-friend idéale. Alors, pourquoi ce sentiment de vide ? Pourquoi cette sensation de passer à côté de sa vie ? Voulait-il donc une vie comme tout le monde ?

    Se caser avec une gentille fille,

    lui faire deux enfants, de préférence un garçon et une fille,

    acheter un petit pavillon en banlieue,

    adopter un chien qui ne perd pas trop de poils,

    planter des tulipes rouges au printemps,

    balayer des feuilles jaunes à l’automne,

    sortir les poubelles le jeudi,

    laver son monovolume familial le samedi,

    divorcer après sept ans,

    et recommencer la même chose ensuite,

    en plus compliqué avec une famille reconstituée…

    Non, ce n’était pas ce qu’il voulait. Il ressentait l’intime conviction – un peu prétentieuse – qu’un destin beaucoup plus intéressant l’attendait. Quelque chose de plus palpitant. Le problème, c’est qu’il n’avait pas vraiment fait les bons choix pour cela.

    Il avait étudié l’Histoire. Et l’Histoire n’offre pas vraiment des débouchés particulièrement aventureux. D’abord, Mathieu avait rapidement compris que l’archéologie ne ressemblait pas du tout – mais alors pas du tout – à la vie d’un Indiana Jones. Le master en Histoire amenait plutôt à l’existence tranquille et routinière d’un documentaliste, d’un archiviste ou d’un bibliothécaire. Les métiers du patrimoine étaient plus enthousiasmants, mais rares et aléatoires. Il restait alors la possibilité de devenir professeur de lycée. Mais Mathieu n’était pas très motivé à l’idée d’être chahuté par les ados mal élevés des quartiers bourgeois ou les enfants défavorisés des banlieues difficiles. Il n’avait pas l’âme d’un assistant social. Il restait la filière universitaire. Mathieu s’était donc battu pendant des années pour obtenir un poste de professeur d’Histoire à l’Université Paris-Diderot-Paris VII. Une situation qu’il imaginait enviable et prestigieuse. Il croyait que le jour où il obtiendrait enfin ce poste, le bonheur serait au rendez-vous.

    Mathieu approchait les 40 ans et devait toujours se contenter de petits contrats temporaires de chercheur-enseignant ou de donner cours comme remplaçant. Et pourtant, depuis près de quinze ans, il mettait tout en œuvre pour obtenir le poste tant convoité. Encore récemment, un de ses articles avait été accepté dans L’Antiquité classique, une revue d’Histoire prestigieuse. Il avait téléphoné à Anne-Olivia pour fêter sa publication. Ils avaient avalé ensemble trois coupes de champagne et terminé la soirée à l’hôtel. Comme d’habitude. Peut-être le genre de soirée dont rêvent en secret 99 % des hommes mariés ? Surtout ceux dont le labrador dort sur le lit entre lui et une femme qui fait semblant de dormir, trop heureuse que le chien serve de repoussoir anti-sexe. Songer à cela ne consolait pas Mathieu. Le malheur des autres ne fait pas notre bonheur. Savoir que d’autres envient notre vie ne comble personne de joie.

    Surtout pas Mathieu.

    ***

    Si Dieu m’accordait la vie, ce serait une autre vie.

    Telle fut la pensée de Sophie quand la gynécologue prononça le mot à six lettres. Le mot qui ne doit pas être dit. Le mot qui ne concerne que les autres. Le mot que Sophie ne voulait pas entendre. 

    Cancer, le mot était tombé.

    Elle s’était toujours dit que cette affaire-là, ce n’était pas pour elle. Elle réalisait que jusqu’à cet instant, elle s’était sentie invincible devant ce fléau dont les médias nous rabâchent les oreilles. Non pas qu’elle se croyait forte ou en bonne santé plus que de raison. Elle avait bien eu quelques maladies, comme tout le monde, des soucis de thyroïde et même un kyste dont l’enlèvement l’avait soulagée de façon anormale. Surtout au vu du caractère bénin qu’il présentait, d’après le médecin qui l’avait opérée. Sophie avait juste l’intime conviction que cette chose-là, cela n’arrivait qu’aux autres.

    Comme en cet instant, où elle pensa que le médecin s’était trompé. Cela ne pouvait être qu’une erreur. Il avait pris le dossier d’une autre patiente. Dans un instant, il allait s’en rendre compte et tout rentrerait dans l’ordre. Mais cela continuait. Les paroles prononcées par le médecin ne formèrent bientôt plus qu’un chant confus, comme ceux des moines tibétains qui scandent des mantras de leur voix grave. Le cerveau de Sophie ne captait plus les paroles de la gynécologue. Elle n’était déjà plus là. Même si son corps restait immobile face à la spécialiste qui lui balançait des mots qu’elle ne comprenait pas. Ils s’alignaient juste les uns derrière les autres sans former de sens logique. « Boule suspecte. À surveiller. Génétique. Autres cas dans la famille. Faire un mammotest. Traitements efficaces. Espérance de vie… »

    Vie.

    Oui, la vie. Sophie voulait la vie. Pourtant, il n’y a rien de plus terrible que la vie. Sauf la mort, peut-être. Sophie songeait à toutes ces vies qu’elle n’avait pas vécues, ces quêtes, ces conquêtes, ces explorations. Elle aurait voulu se dire à cet instant que sa vie jusqu’à présent avait été extraordinaire. Et que si elle devait la quitter, au moins aurait-elle le réconfort d’avoir vécu intensément. Comme dans ces films où les héros nous entraînent dans leur sillage pour vivre des vies d’aventure, des vies de voyage, des vies romanesques, des vies d’amants passionnés ou de poètes désabusés. Des vies qui font rire et des vies qui font pleurer. Des vies qui s’entrecroisent, se chevauchent et nous font parcourir le globe et l’humanité entière. Or, la vie de Sophie ne ressemblait en rien à tout cela. Elle pouvait se résumer par des mots d’une banalité confondante : un berceau, des cadeaux, un vélo, un studio, un anneau, un boulot, un marmot, une épargne-pension pour faire baisser les impôts. Des mots qui riment avec « rigolo », dans une vie qui pourtant ne l’était pas. Une vie prévisible et ordinaire. Trop ordinaire.

    Sophie travaillait comme architecte dans le service public, au domaine Patrimoine. Elle était fonctionnaire. Elle avait choisi la sécurité. Sophie choisissait toujours la sécurité. Elle était prudente, avisée, raisonnable. Alors pourquoi cette horrible chose lui arrivait à elle ? À 36 ans. Si jeune. Pourtant déjà vieille de trente-six années d’une vie ordinaire. « Vieille avant que d’être », comme le chantait Jacques Brel. Elle allait mourir avant même d’avoir vraiment vécu. Et d’ailleurs, pourquoi Dieu ou le Destin voudraient-ils qu’elle poursuive une vie aussi banale et insignifiante ?

    Pour Lola, peut-être ? Sophie était la maman d’une petite fille de 5 ans, qui comme bien des enfants – encore une vie ordinaire – adorait les chevaux et les Barbies. Une vie d’enfant plutôt heureuse et confortable. Simple. Classique. Sans mystères ni secret. Pas comme sa propre enfance, qui lui revenait à cet instant avec une acuité étonnante.

    Sophie a 4 ans. Son père l’a emmenée avec lui dans sa ville d’origine : Paris. Une ville magique. Avec des avenues larges comme des fleuves et surtout cette grande roue qui lui fait peur et la fascine.

    Sophie et son père arrivent au bac à sable de la Place des Vosges. Lieu prestigieux où son père a vécu autrefois. Quand ses affaires étaient florissantes dans la Ville Lumière. Architecte de renommée, François de la Rosière avait notamment participé à la conception du Centre Pompidou.

    Sophie marche à ses côtés avec ses petites Kickers violettes et sa robe à fleurs Dujardin. Sa mère a toujours voulu qu’elle ressemble à une petite fille modèle. Ils arrivent au square et se dirigent vers un banc. Ils s’apprêtent à s’asseoir, mais son père s’arrête net. Comme s’il avait vu le diable. Ce sont pourtant deux gentils enfants qui jouent à la marelle à quelques pas de là. L’un d’eux a la même couleur de cheveux que Sophie, châtain clair avec des reflets blonds. Leurs yeux se croisent. Elle a un sentiment étrange. Comme une sorte de déjà-vu. Elle n’a pas le temps de se demander où elle a vu ce garçon et cette petite fille avec des couettes qui a jeté son caillou en plein sur la zone « ciel ». Son père la prend par la main d’un geste sec et l’entraîne hors du parc. Elle ne comprend pas. Il lui dit qu’il va lui acheter une glace et qu’ils reviendront demain quand il y aura moins de monde.

    Dans ce moment où le médecin lui asséna l’horrible nouvelle, Sophie repensa à ce garçon dans ce parc parisien. Et la question lui vient. De l’intérieur d’elle. Elle ne sait pas d’où, mais elle le sait. Cette question lui paraît tout à coup vitale et elle doit absolument la poser à son père.

    Ce fut le début de sa nouvelle vie. Ou plutôt de ses nouvelles vies.

    ***

    —Est-ce que j’ai un frère ?

    Il avait sursauté en la voyant, et elle était désolée de lui avoir causé cette frayeur, mais le voir aujourd’hui était une question de vie ou de mort. Ou plutôt une question de vie. Elle devait lui poser la question qu’elle avait voulu lui poser depuis trente-et un ans, depuis cette intuition d’une après-midi d’avril dans le parc de Paris. Il accusa le coup sous la question que lui posait sa fille. Sophie fixait son père droit dans les yeux, à travers ses petites lunettes d’homme qui avait trop travaillé la nuit et avait fatigué ses yeux sur des projets toujours trop ambitieux. Il fut tenté de fuir son regard. Mais elle était déterminée à ne pas le lâcher. Et lui ne voulait pas la décevoir. Pas encore. Pas cette fois.

    —Oui, ma chérie. Oui, tu as un frère. Un demi-frère, plus exactement.

    Son père habitait un immeuble qu’elle trouvait laid, sans charme et sans aucun style architectural dans une commune de la seconde couronne de la capitale, bâtie massivement dans les années 1950. Il habitait seul depuis la mort de son épouse, la mère de Sophie, trois ans auparavant, des suites d’un AVC fulgurant et sans appel. Son appartement était situé dans une de ces barres d’habitations aux entrées multiples portant des initiales pour les identifier tant leur apparence était identique. Ironie du sort, lui qui avait dessiné des projets architecture d’envergure durant toute sa carrière, il se retrouvait aujourd’hui avec une minable retraite d’indépendant, juste à peine de quoi boire son pastis quotidien avec ses amis au café du coin et offrir à sa petite fille des cadeaux bon marché quand il la voyait. Architecte. Sale métier, quand même.

    Une question supplanta les autres qui se bousculaient dans la tête de Sophie :

    — Quel âge a mon frère ?

    —Il approche les 40 ans. Il avait 4 ans quand tu es née. J’étais déjà séparé de sa mère. C’était trop difficile pour moi. J’ai rencontré ta mère et j’ai réalisé que c’était la femme de ma vie. Tu es née de cette union. S’il te plaît, ne me juge pas. J’ai préféré ne rien te dire pour ne pas te perturber. C’était déjà assez difficile comme ça.

    Elle accusa le choc un instant. Elle quitta son père pour aller dans la cuisine se chercher un verre d’eau du robinet. Elle revint et s’assit près de lui, dans le fauteuil.

    —Je ne t’en veux pas. Au fond, je suis soulagée. J’ai toujours rêvé d’avoir un frère. J’aurais juste aimé le connaître plus tôt, c’est tout. Mais je vais rattraper le temps perdu. Je veux le rencontrer. Tu as son numéro, je suppose.

    —Non, je n’ai plus jamais eu de contact avec lui. Je connais seulement son nom. Je ne sais pas où il habite. La dernière fois que je l’ai vu, c’était avec toi, à Paris, Place des Vosges.

    Sophie, loin d’être surprise, fut, au contraire, rassurée par les mots de son père. Cette petite voix au fond d’elle-même avait dit vrai. Elle se rendit compte à ce moment-là qu’elle ne l’avait plus écoutée depuis longtemps. Depuis des années passées loin d’elle où la petite voix n’était plus audible. Loin de cette petite fille qui ressentait si bien les choses. Et les gens.

    La jeune femme n’en avait pas voulu à son père, cet homme sensible et secret. Faible aussi. Devant les femmes, surtout. Comme avec sa mère qu’il avait laissé gérer sa vie, ses affaires, ses comptes en banque, son agenda. Mais pas son cœur. Sophie savait qu’il lui avait toujours caché une part de ses amours. Et elle avait raison. Cet homme avait eu une vie, un amour, un enfant avant elle. Mais comment vivre avec une telle déchirure, un tel choix à faire que de laisser un amour pour un autre ? En se reniant ou en se pardonnant ? C’est cette deuxième option qu’il avait choisie. La jeune femme ne pouvait donc pas faire autrement, elle aussi, que de le pardonner.

    Sophie reprit la voiture, plus calme après son rendez-vous avec son père qu’une heure auparavant, en quittant le cabinet de sa gynécologue située à l’autre bout de la ville.

    Sophie arriva dans son quartier de la banlieue verte. Encore pétrie de toutes ses émotions de la journée, Sophie eut envie de prendre une douche. Elle monta dans sa chambre et se déshabilla. En passant devant le grand miroir en pied, elle ne put s’empêcher de se regarder.

    Son reflet l’exécrait.

    Sophie ne supportait plus de voir les bourrelets que formaient son ventre et ses cuisses. Elle se trouvait vulgaire, épaisse, boudinée. Lorsqu’elle était habillée, la jeune femme pouvait encore se trouver un certain charme. Grâce aux tenues noires qui l’amincissaient et aux bijoux dont elle aimait se parer. Elle en oubliait le reste. Mais nue, c’était un enfer qu’elle revivait chaque jour, face au tribunal de ce miroir sans pitié. Sophie avait bien essayé de s’insensibiliser en ne regardant plus que le haut de son corps, à partir du cou. À ses yeux, son visage était resté mignon, mutin, séduisant même. Cela avait fonctionné quelques jours. Hélas, tels des inquisiteurs impitoyables, ses yeux commencèrent à scruter avec mépris le bas de son corps. Et à comparer la triste réalité actuelle avec le souvenir magnifié de sa prime jeunesse. Le fantôme de son corps jeune et mince la hantait.

    À 20 ans, Sophie était dans les jolies filles de sa promotion, mais elle n’avait pas conscience de sa beauté et de l’effet qu’elle provoquait sur les représentants de la gent masculine. Elle était bien faite, et tous les étudiants de sa génération – et bien des hommes plus âgés aussi – voulaient sortir avec elle. Pas grande, mais bien proportionnée. Des seins proéminents, mais pas trop, ronds et fermes. Un bonnet C. L’idéal pour les yeux et les mains d’un homme. Et ses fesses ! Des fesses de rêve, bien rondes et rebondies. Mais sans excès. Juste cette courbe idéale qui dessine ce que l’on nomme une « cambrure vertigineuse ». Comme les mannequins de sous-vêtements féminins. Au toucher, ses fesses de jeune femme offraient ce parfait mélange de moelleux et de fermeté.

    Mais là, c’était fini.

    Depuis la naissance de Lola, rien n’allait plus. Sophie avait pris vingt-cinq kilos pendant sa grossesse, et huit d’entre eux n’avaient plus jamais voulu la quitter. Pire, depuis lors, chaque année, un nouveau kilo venait s’ajouter à ce tableau désastreux. Résultat : des vergetures et des amas disgracieux au niveau des hanches, du ventre et des fesses. Un jour de janvier, dans l’euphorie des bonnes résolutions, elle prit même un abonnement pour une salle de sport branchée de son quartier. À 450 euros l’année, ça faisait cher la résolution. Elle y alla trois fois puis abandonna. Le sport, ce n’était pas pour elle. Elle laissait ça aux autres.

    Comme le cancer.

    Alors qu’elle se regardait dans le miroir, cette pensée lui revint d’un coup. Son corps la dégoûtait encore plus depuis qu’elle réalisait qu’il hébergeait peut-être cette chose, ce monstre, ce crabe,

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