Le sursaut
()
À propos de ce livre électronique
Le Mali ne mérite-t-il pas mieux que l’image attendrissante qu’il renvoie au reste du monde
depuis au moins une décennie. Alors, pourquoi les Maliens ne prennent-ils pas le destin de leur pays en main ?
Refonder ou s’effondrer ? Réapparaître ou disparaître ? Rebondir ou périr ? Se régénérer ou
dégénérer ? Sans faux-fuyant et avec des éléments factuels, cet ouvrage fait le diagnostic sans
complaisance de la situation du Mali. Il transcende le fait partisan et s’inscrit au-delà des agendas personnels et des arrangements circonstanciels. C’est donc un livre à visée thérapeutique destiné à enrichir la réflexion commune et qui ambitionne d’intégrer le protocole de soins qui va définitivement guérir le Mali des multiples maux qui l’assaillent. Au-delà, cet ouvrage est un pari sur l’avenir. Il se propose de fédérer les ambitions individuelles en une seule et véritable cause commune, celle du Mali. Un Mali « arc-en-ciel » où toutes les sensibilités comptent, où toutes les différences s’expriment.
Cheickna Bounajim Cissé
Cheickna Bounajim Cissé, l’émergentier, est un spécialiste des marchés bancaires africains. Économiste et essayiste, il exerce dans le monde de la finance depuis 30 ans au Mali et à l’étranger. Expert principal en charge de la thématique « Economie & Finances » du Dialogue National Inclusif (DNI) au Mali, il est titulaire d’un MBA de l’Université de Paris Dauphine et de l’IAE de Paris (Université Paris Sorbonne), est détenteur d’un Master professionnel en Sciences Politiques et sociales – option Journalisme de l’Institut Français de Presse (Université Panthéon-Assas), possède un diplôme d’études supérieures en Banque (ITB Paris) et a une Maîtrise en gestion des entreprises de l’ENA de Bamako. Il est contributeur pour plusieurs médias et est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Les défis du Mali nouveau » (Amazon, 2013), « Construire l’émergence, un pacte pour l’avenir » (BoD, 2016), « FCFA : Face Cachée de la Finance Africaine » (BoD, 2019).
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Aperçu du livre
Le sursaut - Cheickna Bounajim Cissé
Le Mali est une grande question,
la réponse est avec les Maliens.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Chapitre 1 : Les clés pour comprendre le Mali
I. Monographie du Mali
Économie malienne : Forces et potentialités
Économie malienne : Faiblesses et contraintes
II. Mali : enjeux et défis
Sur le plan de la gouvernance
Sur le plan économique
Sur le plan financier et bancaire
Sur le plan politique
Sur le plan sanitaire
Sur le plan sécuritaire
Sur le plan social, humanitaire et culturel
Sur le plan écologique et climatique
Chapitre 2 : L’échec du modèle de développement du Mali
I. Le modèle de développement du Mali
Le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD)
Les Objectifs de Développement Durable (ODD)
Le programme avec le FMI
II. Les résultats de la mise en œuvre du modèle de développement
III. Les critiques du programme avec le FMI
Une idéologie néolibérale survendue et pourfendue
L’austérité, la potion magique devenue tragique
La lutte contre la pauvreté, du rêve de chœur au crève-cœur
L’addiction et la malédiction de l’aide étrangère
La croissance économique, la grande supercherie
La dette, un vrai faux problème
Conclusion
Liste des sigles et abréviations
Bibliographie
Introduction
« Nous sommes tous appelés à mourir,
ce qui ne meurt pas, c’est le pays, pensez alors au pays. »
Mamadou Konaté.
Le Mali est un pays en crise. Il va très mal. C’est un euphémisme de le dire, presque tautologique de le répéter et même d’y insister. Aucun groupe de personnes, encore moins aucun homme providentiel, ne peut venir à bout de la crise multidimensionnelle dans laquelle le Mali est plongé depuis, au moins, une décennie. Paradoxalement – sinon fort heureusement –, dans cette situation complexe et protéiforme, le diagnostic semble relativement simple à partager. Le plus petit dénominateur commun à tous les maux qui minent aujourd’hui le Mali se résume en quelques mots : la mauvaise gouvernance, le manque de patriotisme et de civisme, l’absence de vision et de leadership. Et ces fléaux ne datent pas d’aujourd’hui, même si des circonstances malheureuses les ont propulsés récemment au-devant de la scène. Il ne faut donc pas se voiler la face. L’année 2012 ne fut pas une chute inattendue, tout comme 2020 et son excroissance 2021 n’ont pas surpris par leur soudaineté. Chacun de ces soubresauts de l’histoire récente du Mali a été le point de bascule d’une tendance lourde.
Le Mali est un pays en guerre. Il est devenu le grand corps malade du Sahel¹, au chevet duquel tous les « toubibs » du monde entier, sachants et non sachants, accourent pour prodiguer soins et foin. « Il n'y a pas de citadelle inattaquable, il n'y a que des citadelles mal attaquées », écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Point de bouc émissaire ! Les Maliens sont les premiers responsables de la situation désastreuse de leur pays. Ce sont nous, les Maliens, qui avons tourné le dos au développement de notre pays. Nous devons donc assumer notre responsabilité, sans chercher à nous en dégager ni à en faire supporter la charge à d’autres pays, encore moins à des êtres mystérieux qui peupleraient un autre monde. « Avant d’en vouloir à là tu es tombé, il faut plutôt t’en prendre à là tu as trébuché », nous conseillent les sages. Aussi, nous ne devons pas nous enfermer dans notre passé, aussi pesant et déplaisant soit-il, en ressassant les vieilles formules. Aussi, il est de peu d’intérêt de s’investir – et d’y insister – dans un requiem du populisme et dans un poncif du dogmatisme. Est-il utile de continuer à remâcher que, pendant plusieurs siècles, l’esclavage et la colonisation ont été des atrocités, des crimes commis contre nos populations ? Non ! La page doit être tournée sans être déchirée. La présence des forces internationales sur le sol malien est-elle une forme de survivance de ce passé douloureux ? Peut-être ! Estelle à l’origine de la mauvaise gouvernance et du creusement du retard économique et social du Mali ? Absolument pas !
Il peut être aisé de tomber sous le charme du raccourci, mais nous devons veiller à ne pas nous tromper d’adversaires, encore moins d’ennemis. Au lieu de continuer à remuer les méfaits du passé et à s’époumoner avec des slogans dogmatiques et idéologiques, agissons pour l’avenir, de façon coordonnée et concertée, alors qu’il en est encore temps, pour éviter à nos braves populations, déjà soumises à une vie d’ermite et d’ascète, une énième épreuve qui pourrait bien leur être fatale. L’heure n’est plus aux accusations et aux ambitions personnelles. Entre ce qui doit être et ce qui est, il y a la vie de millions de Maliens en très grande difficulté qui requiert qu’on puisse en prendre grand soin. Le « dégagisme » n’est pas la solution. La vulgate nationaliste a ses limites. On ne joue pas à l’allumette dans une station d’essence. Les enjeux sont ailleurs. La rupture, même nécessaire, se prépare ; elle ne s’improvise pas. On n’y adhère pas par surprise ni par simple envie. Elle ne se décrète pas non plus, sous la dictature de l’émotion et de la pression, de l’idéologie et de la démagogie, du populisme et de l’extrémisme.
Voici, à ce sujet, le point de vue décomplexé de l’écrivaine Fatou Diome : « Je sais bien qu’il y a des torts que nous devons reprocher à l’Europe. Mais trois siècles de reproches ne changeront pas notre destin. Donc, chercher un coupable extérieur ne changera pas notre destin. Si ma maison brûle et je reste là et je dis : Quelqu’un a jeté une allumette, ma maison brûle !
Quelqu’un a brûlé ma maison !
Quelqu’un a brûlé ma maison !
, trois saisons après, je serai encore sous les étoiles. Oui, l’Afrique peut reprocher des choses à l’Europe. Mais les défaillances de nos dirigeants, nous ne pouvons pas les justifier et les légitimer uniquement en accusant l’Europe. Ce sera nous mentir à nous-mêmes². »
L’ennemi du Mali n’est pas ailleurs. Il a un nom. Et il est connu de tous. C’est le non-développement à l’origine de toutes les instabilités que notre pays a connues et qui prend racine, entre autres, dans la corruption, l’injustice et l’impunité.
La publication de ce livre intervient à un moment crucial de l’histoire du Mali, « un pays qui a cumulé plusieurs crises et qui est passé d’une crise à une autre sans que la précédente n’ait été résolue³ ».
Malgré un effort de concision, le présent ouvrage peut paraître épais et épineux. Ce n’est qu’une apparence. En réalité, il ne l’est pas ; c’est le sujet qu’il traite qui l’est et qui n’autorise, à ce niveau, ni contournement ni compromission. Aimé Césaire disait : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot. » Le célèbre poète n’est plus de ce monde, cet ouvrage rend hommage à son engagement, et à celui des millions d’illustres et d’anonymes maliens qui se battent au quotidien pour plus de liberté et de prospérité dans leur pays.
Le Sursaut est un essai. Son auteur n’a pas d’ambition politique, encore moins de prétention particulière. Cet ouvrage transcende le fait partisan et s’inscrit au-delà des agendas personnels et des arrangements circonstanciels. Point de méprise ! Ce n’est donc pas un plaidoyer pro domo ni un livre de marketing destiné à flatter la rétine d’un homme politique, encore moins à caresser les tympans d’une chapelle politique. Comme le dirait l’autre, « celui qui s’attend à des paroles mielleuses, genre sédatif ou anxiolytique, il peut rapidement fermer ces pages et oublier son existence ». Pour les tenants du pouvoir et leurs prétendants, ce ne sera donc pas un marchepied, ni un chausse-pied, ni un essuie-pieds, et encore moins un casse-pieds. Pour tous, une expérience à partager. Sans chercher à plaire ou à déplaire. Ni avec condescendance ni avec arrogance.
Ce livre est la contribution d’un citoyen engagé, d’un panafricaniste convaincu, dont la hardiesse n’a d’égal que son amour viscéral pour sa patrie et son attachement intégral à son continent. Sans faux-fuyant et avec des éléments factuels, documentés sur la base de sources fiables et vérifiables, il fait le diagnostic sans complaisance de la situation du Mali. Il questionne le Malien sur son rapport à la patrie. C’est, pour ainsi dire, un livre à visée thérapeutique qui ambitionne d’intégrer le protocole de soins qui va définitivement guérir le Mali des multiples maux qui l’assaillent depuis de nombreuses années.
Cet ouvrage est donc un essai destiné à enrichir la réflexion commune, avec ses apports et ses limites, avec son esprit critique et ses propositions. Comme le dirait le regretté Seydou Badian Kouyaté : « Je propose. Je n’impose pas. Et puis, je n’ai aucun moyen d’imposer quoi que ça soit⁴. » Dans une société démocratique, la critique est souhaitable ; dans un État en reconstruction⁵ (State Building), comme le Mali, la critique constructive est indispensable ; et dans un État aspirant à l’émergence, la critique constructive assortie de propositions concrètes est recommandable. Le défunt premier ministre britannique Winston Churchill, à la fermeté éprouvée et au raisonnement rigoureux, disait : « La critique peut être désagréable, mais elle est nécessaire. Elle est comme la douleur pour le corps humain : elle attire l’attention sur ce qui ne va pas⁶. » En 1750, face à l’énorme tollé provoqué par son livre De l’esprit des lois, l’écrivain français Montesquieu prit le parti de s’expliquer : « Nous ne devons regarder les critiques comme personnelles, que dans les cas où ceux qui les font ont voulu les rendre telles. (…) Si le critique et l’auteur cherchent la vérité, ils ont le même intérêt ; car la vérité est le bien de tous les hommes : ils seront des confédérés, et non pas des ennemis⁷. »
Cet ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité, encore moins à la perfection. Il tente de fournir des éclairages sur certains points de compréhension et d’apporter des apaisements sur quelques points d’appréhension. Il lève le voile sur les réalités et les enjeux du Mali actuel.
Cet ouvrage tord le cou à certaines contrevérités, à des vraies fausses idées adossées à des données parcellaires et partielles présentées de manière partiale. Sachant qu’un mauvais diagnostic ne peut que mener à une fausse prescription et donc à une mauvaise solution. D’où l’intérêt de poser un bon diagnostic à travers de bonnes questions soutenues par des données factuelles. Ce n’est donc pas un livre à charge.
Le Mali est confronté à « une double faillite : trop tard, et pas assez » (l’expression est empruntée à Jacques Attali). Certains ragoteront sourdement, dans les replis de la perfidie, que c’est déjà trop tard pour le Mali, et qu’il n’y a rien à rectifier, encore moins à refonder. D’autres objecteront que la situation du pays relève de la quadrature du cercle, tant les actions jusque-là entreprises sont molles, « pas assez » pour inverser durablement la trajectoire. Pour notre part, au-delà de tout esprit de clocher, nous estimons que toutes les audaces se justifient tant est que la vie (tout au moins la survie) de 20 millions de Maliens est en jeu.
Aujourd’hui, plus qu’hier, il y a trop d’enjeux autour du Mali. Et les Maliens doivent savoir qu’ils ne sont plus les seuls à décider de ce qui doit se passer au Mali. Les armées d’une soixantaine de pays, parmi les plus puissants au monde, sont présentes sur son sol. L’objectif de cet ouvrage est donc d’interroger et de faire entendre. Il s’agit d’un « donner à lire », d’un « lire à comprendre », d’un « comprendre pour agir ». Il prépare et accompagne le changement nécessaire à la refondation du Mali.
Pour les dirigeants du pays, ce livre pourrait nourrir la réflexion pour mieux guider l’action. Pour les quêteurs du pouvoir qui se préparent pour la première fois à faire le grand saut dans les eaux troubles et turbulentes de la vie politique, cet ouvrage pourrait être un canot de sauvetage pour leur éviter une noyade certaine. Le romancier brésilien Paulo Coelho, auteur du best-seller L’Alchimiste, écrivait : « Ce qui noie quelqu’un, ce n’est pas le plongeon, mais le fait de rester sous l’eau. » Ce livre pourrait être un nouvel éclairage pour les « nageurs professionnels » – ces acteurs politiques aguerris – qui ont toujours su braver les eaux de fond pour rebondir en surface. Au-delà du cénacle des spécialistes, cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui ne sont pas à leur premier essai infructueux et qui peinent à faire prospérer leur projet de société. Ils pourront y trouver un nouveau souffle, histoire de revisiter leur « boîte à outils », en saisissant l’occasion pour réfléchir à leur trajectoire et ainsi repartir de plus belle. À tous les autres, ambitieux et superstitieux, qui attendent patiemment et vaillamment un « miracle » qui n’est pas de ce monde, la réalité se chargera de les ramener à un état plus lucide.
Ce livre est donc un paravent de responsabilité et de redevabilité pour qu’aucun candidat au suffrage universel, une fois élu, pour qu’aucun dirigeant, une fois nommé, ne puisse se prévaloir d’une méconnaissance partielle ou totale de tout ou partie du Mali, de ses défis et de ses potentialités. En clair, pour que chaque responsable élu ou nommé ait une pleine conscience de sa charge avant de l’exercer.
Cet ouvrage est aussi une base à partir de laquelle nous faisons un appel du pied aux chercheurs, universitaires et étudiants pour un meilleur partage d’un savoir qui n’est que loué.
Au-delà, ce livre est un pari sur l’avenir. Il se propose de fédérer les ambitions individuelles en une seule et véritable cause commune, celle du Mali. Un Mali « arc-en-ciel » où toutes les sensibilités comptent, où toutes les différences s’expriment. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest. Sans distinction de couleur de peau, de confession, de statut social et d’opinion politique. Un Mali, lavé à grande eau, qui avance et qui ne regarde pas seulement dans le rétroviseur.
Qui disait que, pour cacher quelque chose à un Africain, il faut le mettre dans un livre ? Osons former le modeste vœu que cet ouvrage puisse parler au cœur des Maliens, non pour leur révéler seulement ce qui est ignoré ou pour insister sur ce qui est su, mais surtout pour les inciter à faire ce qu’ils doivent faire. Et si, à sa lecture heureuse et approfondie, l’élite politique et intellectuelle malienne prend la juste mesure des enjeux, nous en serons tous heureux et fiers pour notre pays, le Mali.
¹ Extrait du Discours d’investiture du 2 avril 2021 du président nigérien Mohamed Bazoum : « S’agissant de l’EIGS, ce groupe criminel dirigé par des ressortissants des pays du Maghreb a ses principales bases en territoire malien, dans les régions de Ménaka et de Gao. Le combat contre lui sera très difficile aussi longtemps que l’État malien n’aura pas exercé la plénitude de sa souveraineté sur ces régions. La situation actuelle du Mali a un impact direct sur la sécurité intérieure de notre pays. C’est pourquoi notre agenda diplomatique sera centré sur le Mali dans le cadre d’une coordination étroite avec les pays du G5 Sahel, l’Algérie, la France, les États-Unis et les autres membres permanents du Conseil de sécurité notamment. Nous devons aider nos frères maliens à s’entendre, à mettre en œuvre l’accord d’Alger, à le dépasser même, à reconstituer pleinement leur État en vue de lutter efficacement contre le terrorisme. » Source : https://www.lesahel.org/discours-dinvestiture-du-president-de-la-republique-sem-mohamed-bazoum-avecvous-pour-vous-je-serai-un-president-de-la-republique-au-service-de-la-paix-du-progres-et-du-bonheur/
² https://www.youtube.com/watch?v=AHRTfCCj65E
³ L’expression est de l’homme politique malien Soumeylou Boubèye Maïga.
⁴ Mondafrique, Seydou Badian: l'aide au développement est ridicule (12/15), Entretien avec Seydou Badian Kouyaté, homme de lettres, auteur des paroles de l’hymne national et ancien ministre de l'Économie rurale et du Plan du gouvernement du président Modibo Keita, 16 juillet 2018, https://www.youtube.com/watch?v=RtJMe5Gi8DI
⁵ Selon l’analyse de l’homme politique malien Soumeylou Boubèye Maïga, ex-ministre de la Défense, ancien directeur général de la Sécurité d’État et secrétaire général de la présidence de la République : « Nous avons un pays où l’État a pratiquement disparu dans beaucoup d’endroits. Même quand il est présent, la question de son utilité sociale se pose. Donc, nous sommes confrontés à la nécessité de reconstruire l’État, c’est-à-dire de renouveler la légitimité de l’État vis-à-vis des citoyens. […] Quand on dit que les attentes sont nombreuses, cela veut dire que les frustrations peuvent l’être aussi. Parce que le rythme des solutions ne suit pas toujours le niveau des attentes. Parce que les solutions sont quelques fois plus difficiles à élaborer, à mettre en œuvre, à diffuser, à disséminer. Donc, il peut y avoir de l’impatience, beaucoup de déception. » Source : Interview de Soumeylou Boubèye Maïga, 11 avril 2016, https://www.maliweb.net/interview/soumeylou-boubeye-maiga-apropos-autorites-interimaires-regrette-gouvernement-nait-communication-tres-pertinente-1521442.html
⁶ http://evene.lefigaro.fr/citation/critique-peut-etre-desagreable-necessaire-douleur-corps-humain-34917.php
⁷ http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/defense_esprit_des_lois/defense_esprit_des_lois.pdf
Chapitre 1
LES CLÉS POUR COMPRENDRE
LE MALI
« Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel. »
Jean Jaurès.
I- Monographie du Mali
Située au cœur de l’Afrique de l’Ouest, la République du Mali est un pays continental au territoire très vaste (le 8e d’Afrique et le 22e au monde), dont les deux tiers sont désertiques. À preuve, la ville de Ménaka, située au nord du pays, est éloignée de la capitale Bamako de plus de 1 500 km, presque autant que la distance qui la sépare de Taoudeni, une autre ville du nord du pays. Le Mali partage 7 420 km de frontière avec sept pays limitrophes, à savoir l’Algérie au nord, la Mauritanie au nord-ouest, le Niger et le Burkina Faso à l’est, le Sénégal à l’ouest, la Guinée et la Côte d’Ivoire au sud. Indépendant depuis le 22 septembre 1960, le Mali s’est engagé dans un système démocratique et pluraliste avec l’adoption de la Constitution de 1992. Il est répertorié parmi les pays pauvres les plus endettés (PPTE) et les moins avancés (PMA) du monde. Pourtant, il dispose d’importantes ressources agricoles, minières et énergétiques non exploitées ou sous-exploitées. Le Mali est membre du Fonds monétaire international (FMI) depuis le 27 septembre 1963 et est en programme avec cette institution financière internationale.
Le Mali est à la croisée des chemins. Depuis 2012, il traverse une crise multidimensionnelle sans précédent, la plus grave de son histoire contemporaine.
Malgré la signature en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation, et à sa suite, la tenue de la Conférence d’entente nationale en avril 2017, du Dialogue national inclusif en décembre 2019 et des Concertations nationales en septembre 2020, le Mali peine à se stabiliser avec la recrudescence des attaques terroristes et des affrontements communautaires. Dans ce contexte, la relative résilience de l’économie malienne, observée au cours des cinq dernières années avec un taux de croissance moyen de 5 %, s’explique en grande partie par le fait que les principales zones de production (essentiellement situées dans l’ouest et le sud du pays pour les mines d’or, et dans le sud et le centre pour les zones cotonnières et rizicoles) sont relativement moins touchées par la crise sécuritaire dont l’épicentre est situé au nord du pays avec des ramifications dans certaines localités du centre. D’ailleurs, les zones de conflits au nord du Mali, particulièrement la région de Taouedeni, sont plus proches des côtes européennes que des zones de productions minières et agricoles au sud et à l’ouest du pays.
1- Économie malienne : Forces et potentialités
Le positionnement géographique du Mali lui confère une place stratégique en Afrique de l’Ouest et lui offre des opportunités importantes. Le pays n’est certes pas prospère, mais il est surtout peu prospecté. Sa première richesse, c’est son capital humain, à majorité très jeune (près de la moitié de la population a moins de 15 ans), qui double tous les 20 ans en raison d’un taux de croissance démographique de 3,6 % l’an. Sa diaspora, premier contributeur du pays en devises, est un réel atout pour son rayonnement et son développement.
Le Mali est la troisième économie de la zone UEMOA. Il regorge d’importantes ressources agricoles, minières et énergétiques qui restent faiblement explorées et exploitées.
Un potentiel agricole impressionnant
De vastes terres cultivables : 17,4 millions d’hectares de terres sont de très aptes à faiblement aptes à l’agriculture. Les terres cultivées tournent actuellement autour de 4 millions d’hectares soit 23 % du potentiel des terres aptes à l’agriculture. Il y a 2,2 millions d’hectares de terres aménageables pour l’irrigation dont seulement 18 % sont aménagées.
D’importantes ressources en eau : Parcouru par deux grands fleuves, le Niger long de 4 184 km (le 3e d’Afrique et le 9e au monde) et le Sénégal long de 1 750 km, le Mali dispose d’importantes ressources en eau estimées à 148 milliards de m3 contre des besoins annuels estimés à 6,12 milliards de m3, soit seulement 4 % du potentiel.
Un riche cheptel : Avec 10 millions de bovins et 32 millions d’ovins et de caprins, le Mali a le 1er cheptel de l’UEMOA et le 2e de la CEDEAO, après le Nigéria.
Des potentialités minières et énergétiques exceptionnelles
De nombreuses ressources minières : Près de 1 million de km² de bassin sédimentaire, d’importants gisements de gaz et d’uranium, plus de 2 milliards de tonnes de réserves en minerai de fer, des réserves de bauxite estimées à 1,2 milliard de tonnes et des réserves de manganèse de plus de 20 millions de tonnes. En 2017, les réserves aurifères du Mali étaient estimées à 830 tonnes soit environ 16 ans de production annuelle.
D’importantes potentialités énergétiques : Seuls 250 MW d’énergie hydro-électrique sont exploités à ce jour sur les fleuves Niger et Sénégal dont le potentiel s’élève pourtant à 1 GW. Le Mali pourrait devenir un grand producteur d’énergie solaire car il bénéficie de 7 à 10 heures d’ensoleillement par jour toute l’année (avec une irradiation moyenne, de 5 à 7 kWh/m2/J contre une moyenne mondiale estimée à 4-5 kWh/m2/J).
Une intégration régionale prometteuse et attractive
UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) : 119 millions de consommateurs avec un PIB cumulé de 125 milliards de dollars US. Actuellement, le Mali est importateur net de cette union sans barrière douanière. Ce qui aussi pose