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La compétition mondiale, quel esclavage !: Oserons nous l'abolir ?
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La compétition mondiale, quel esclavage !: Oserons nous l'abolir ?
Livre électronique389 pages4 heures

La compétition mondiale, quel esclavage !: Oserons nous l'abolir ?

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À propos de ce livre électronique

Comment parler de progrès au sujet de l'économie mondialisée quand la grande majorité de la population en pâtit ?

La mondialisation de l’économie devait engendrer pour tous une ère de liberté et de prospérité sans précédent. En fait, elle est la cause du chômage de masse et les chiffres le confirment.
Or comment peut-on oser prospérer avec une économie qui exclut une personne active sur dix ?
La compétition mondiale est le creuset de profondes inégalités et injustices, qui s’étendent largement au-delà de la sphère économique. Après l’emprise matérielle, nous voici entrés dans l’ère du remodelage des individus.

En démontrant l'incompatibilité de la mondialisation avec la prospérité pour tous, l'auteur appelle à la justice, la vérité, et la solidarité.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pierre Chombart de Lauwe est diplômé d’études supérieures de Sciences Economiques. Il a exercé son activité professionnelle comme consultant en organisation dans une grande institution publique, puis dans l’industrie automobile.
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie21 sept. 2021
ISBN9791023621204
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    Aperçu du livre

    La compétition mondiale, quel esclavage ! - Pierre Chombart de Lauwe

    9791023621198.jpg

    Pierre Chombart de Lauwe

    La compétition mondiale,

    quel esclavage !

    « Nous pourrions être si heureux sur cette terre, sur cette petite planète. Mais nous avons créé un monde de la compétition, de la performance. Pour survivre il faut être le meilleur, le plus fort, il faut gagner. Cette dictature de la compétitivité, c’est assurément le plus grand joug de l’humanité et c’est nous qui l’avons créé. Créer un monde plus fraternel, c’est se libérer de cette volonté de domination. »

    Frédérique Bedos, journaliste

    « Cette compétition active et intense finit par dominer toute la pensée humaine et n’ouvre pas le moins du monde la voie de la liberté. »

    Alexandre Soljenitsyne

    « À long terme, on peut prédire en toute certitude que tant que les structures monétaires et financières actuelles seront maintenues, le monde ne cessera de constater des crises, qu’elles seront de plus en plus fortes, et que leur déclenchement restera toujours aussi imprévisible. »

    Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie

    « Jusqu’où irons-nous dans l’amour du néant et la course au mensonge ? »

    D’après le Psaume 4, la Bible

    Avant-propos

    Ce livre s’adresse aux hommes de bonne volonté : ceux qui veulent la paix, la justice, la vérité ; ceux qui s’efforcent réellement de construire un monde meilleur : plus juste, plus respectueux, plus solidaire, plus fraternel.

    L’histoire de ce livre démarre avec une intuition que je porte depuis de nombreuses années : la compétition économique mondialisée qui se déroule sous nos yeux ne porte pas de bons fruits, dans les pays pauvres comme dans les pays développés. Dans nos pays riches, elle est la source du chômage de masse. Et ce chômage de masse aurait dû nous interpeller depuis longtemps.

    Pour écrire ce livre, j’ai commencé par écrire mes intuitions fondamentales. Puis j’ai cherché à confronter ma pensée à celle des autres. J’ai lu des livres plaidant pour la mondialisation, d’autres plaidant contre. Certains m’ont déçu, d’autres m’ont passionné, d’autres enfin m’ont interpellé. Mes intuitions initiales sont restées, mais ma pensée a évolué, elle s’est enrichie et précisée.

    Cet ouvrage n’est donc pas composé par ma seule main, mais avec l’aide de toutes ces intelligences.

    J’ai admiré la justesse de propos de certains de ces auteurs, leur courage, leur lucidité, leur recherche de vérité sans compromission. Je tiens à leur rendre hommage et à leur exprimer ma profonde reconnaissance pour ce travail qu’ils ont accompli, souvent avec beaucoup d’abnégation, pour rechercher et proclamer ce qui leur paraissait juste et vrai.

    Je ne manquerai pas de mentionner leur nom et leur apport dans les divers chapitres concernés. Néanmoins, je veux en citer quelques-uns dès maintenant.

    Maurice Allais : En découvrant ses livres, j’ai eu la grande joie d’être conforté dans mon intuition initiale : il démontre, chiffres à l’appui, que la mondialisation, par les délocalisations qu’elle a entraînées, est la cause fondamentale du chômage de masse.

    Michel Geoffroy pour son travail minutieux et fort bien documenté et Olivier Piacentini pour sa synthèse simple et lumineuse, qui apportent un éclairage capital sur les impacts sociétaux de cette mondialisation. J’ai apprécié en particulier leur justesse de ton, car le sujet est épineux.

    Yves Perez, qui, par son étude du protectionnisme français sur une très longue période, apporte une analyse bienvenue, bousculant bien des idées reçues.

    Joseph Stiglitz et son expérience en tant que haut responsable de la Banque Mondiale sur le processus de diffusion de la mondialisation dans les pays pauvres. J’ai apprécié son humanité, sa sagesse, au-delà de son expérience considérable d’économiste.

    Je ferai également souvent référence à la pensée sociale de l’Église Catholique, car j’y ai trouvé une forte concordance avec ma propre pensée.

    Introduction

    Tant de pauvres dans le monde !

    Tant de personnes sans travail !

    Et en même temps, tant d’argent…

    Tant d’argent concentré entre quelques mains.

    Face à la montée de l’injustice et face à la souffrance de millions de personnes, peut-on rester indifférent ?

    La réalité nous montre que fondamentalement quelque chose ne va pas, et dans des proportions gigantesques. Certains ont dénoncé à juste titre des « structures de péché ».

    Comment bâtir un monde plus juste et plus fraternel ?

    Or notre monde est de moins en moins juste et de moins en moins fraternel. Nous en sommes tous témoins.

    Est-ce un processus inexorable, face auquel il est vain de lutter ? Je ne le crois pas. Mais ce sera difficile, tant nous nous sommes enfoncés !

    Le prix à payer sera important.

    Justice et respect de soi, de l’autre, des autres, de la nature : autant de principes à la base de ce livre.

    - Justice : des règles du jeu claires et respectées.

    - Respect de soi : sans respect de soi, pas de respect de l’autre.

    - Respect de l’autre : jusqu’à respecter l’autre comme un autre soi même.

    - Respect des autres : ma liberté s’arrête où commence celle de l’autre, des autres.

    - Respect de l’environnement aussi, par respect des générations futures.

    La justice et le respect de soi et de l’autre, de tout autre, quel qu’il soit, sont le soubassement d’un monde plus fraternel.

    Première partie

    La compétition mondialisée :

    quelques faits et effets

    « Je me refuse à croire que l’humanité contemporaine, apte à réaliser des prouesses scientifiques et techniques, soit incapable de trouver des solutions justes et efficaces au problème essentiel qu’est celui de l’emploi »¹.

    Chapitre 1

    La mondialisation : cause

    du chômage de masse

    Voici une conviction bien présente dans le bon sens populaire : l’ouverture des frontières a provoqué une mise en concurrence mondialisée qui a entraîné une marée de délocalisations et l’apparition du chômage de masse. Mais dans le monde des économistes et des responsables politiques, tel n’est pas le cas : cette croyance est rejetée et combattue. L’idéologie dominante vante au contraire les vertus du libre-échange. Le titre d’un livre d’Alain Minc résume bien la pensée qui a prévalu dans ce milieu : « La mondialisation heureuse ». Pendant longtemps, ce fut même la pensée unique. Aujourd’hui, devant les ravages évidents qu’elle a provoqués, peu oseraient encore une telle affirmation. Mais le credo libéral demeure, il est à la source de la mondialisation engendrée par la suppression des entraves au libre-échange. Alors qu’en est-il ? Qui a raison, qui a tort : la compétition économique mondiale a-t-elle engendré chez nous le chômage de masse ?

    I. De 1973 à 1984 : le raz de marée du chômage

    1- En France et en Europe

    Voici deux chiffres essentiels sur le chômage en France :

    630 000 chômeurs en 1974²

    2 350 000 chômeurs en 1984

    Un accroissement de 270 % en 10 ans !

    On pourrait rajouter : 3 100 000 chômeurs en 1994, soit 11 % de la population active, ce qui représente un nouvel accroissement de 32 % par rapport à 1984. Mais concentrons-nous sur les deux premiers chiffres.

    Ces chiffres sont-ils spécifiques à la France ?

    Voici la courbe du chômage en France et en Europe depuis les années 1949 à 2009. Il s’agit toujours du chômage au sens du BIT³.

    Résultat de recherche d'images pour "évolution du taux de chomage en france depuis 1950"

    Évolution du chômage en France et en Europe, en % de la population active 

    On peut constater que les deux courbes sont quasiment identiques : le chômage en France suit la même évolution que le chômage en Europe, avec la même survenance d’une ascension vertigineuse entre 1974 et 1984 ! Même explosion qu’en France et sur la même période !

    Le problème du chômage n’est donc pas un problème franco-français. Chercher les causes de notre chômage de masse dans les spécificités du marché de l’emploi français est une fausse piste.

    Voici schématisée pour la France seule, la courbe d’évolution du chômage de 1949 jusqu’à 2017, toujours en % de la population active⁵ :

    On peut constater :

    Un premier plateau bas, très long, car il date de 1949 et même d’avant, et se termine en 1974. 630 000 chômeurs en 1974, soit environ 2,5 % de la population. Cela correspond à un chômage résiduel⁶, selon le qualificatif utilisé par les économistes.

    Puis un raz de marée de 1 720 000 chômeurs de 1974 à 1984.

    Enfin un plateau haut, avec quelques variations, mais globalement avec 9 % de la population active au chômage. Et en 2020, nous avons toujours 9 % de la population active au chômage (au sens du BIT).

    En termes d’effectifs, où en sommes-nous ? Le rapport de la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du 25 octobre 2020 indique pour la France métropolitaine : 5 783 800 personnes en situation de sous-emploi au troisième trimestre 2020. Parmi elles, 3 673 400 sont sans emploi (catégorie A) et 2 110 400 exercent une activité réduite (catégories B, C).

    2- Dans l’ensemble des pays développés

    Il en est de même dans d’autres pays industrialisés hors Union européenne.

    Ce tableau de Maddison résume le taux de chômage pour plusieurs pays riches, européens mais aussi non européens, depuis 1950 :

    Tableau chômage

    On observe la même explosion, et toujours à partir de la même année : doublement du chômage en 10 ans (1974-1984) ; plus d’un triplement en 20 ans (1974-1993).

    3- Un fait majeur qui nécessite notre attention

    Avec ces quelques données, nous sommes donc en présence de deux faits capitaux :

    1) De 1974 à 1984, le chômage a vécu un véritable raz de marée dans l’ensemble des pays développés.

    2) Après ce tsunami, le chômage reste sur un plateau haut. Donc, même si l’onde de choc initiale est passée, les conséquences de ce tsunami perdurent.

    Il y a donc eu sur cette période de 10 ans, 1974 à 1984, une dislocation brutale de l’emploi dans l’ensemble de ces pays. Il nous faut absolument en identifier la cause si l’on veut comprendre l’apparition du chômage de masse. Sans connaitre la racine du mal, inutile d’espérer élaborer les remèdes appropriés pour l’éradiquer.

    Il faut donc concentrer notre analyse sur cette période-là uniquement : 1974 à 1984. Analyser les périodes suivantes serait se tromper de cible. Or beaucoup d’analyses sur le chômage de masse ne portent pas sur cette période, mais sur les périodes suivantes. Elles ne permettent donc pas d’identifier la ou les raisons de cette ascension vertigineuse.

    II. Pourquoi cette explosion du chômage entre 1974 et 1984 ?

    Seuls des changements majeurs peuvent entraîner un tel afflux de personnes vers le chômage en 10 ans à peine, en France comme dans l’ensemble des pays développés. Il nous faut rechercher un ou plusieurs évènements ayant impacté l’ensemble des pays développés sur cette période délimitée : 1974 à 1984.

    On pourrait soupçonner le développement du progrès technique ou du travail des femmes. Mais manifestement, il ne s’agit pas de cela. Le progrès technique est un processus qui certes a une incidence forte sur l’emploi, mais qui n’a pas occasionné de rupture majeure durant cette période. Il en est de même avec le travail des femmes : c’est un processus en progression constante mais sans rupture majeure sur cette période.

    Deux phénomènes seulement répondent à cette double caractéristique :

    Les deux chocs pétroliers en 1973 puis en 1979.

    L’ouverture massive des frontières décrétée par les Organisations Internationales (GATT) et par l’Union européenne, à partir de 1974.

    Les deux chocs pétroliers sont-ils la cause de l’apparition du chômage de masse ?

    Certains économistes en attribuent la cause à l’augmentation soudaine des cours du pétrole. Certes ces deux chocs ont profondément perturbé l’économie mondiale et généré des pertes d’emploi. Mais sont-ils la cause de la survenue du chômage de masse ?

    Voici la courbe depuis 1970 des cours du baril de pétrole WTI⁸  en dollars (moyennes mensuelles) (Source : France-Inflation.com)

    Graphique evolution petrole wti

    Pendant quatorze ans (de 1986 à l’an 2000), les cours du pétrole ont diminué de moitié par rapport au choc pétrolier de 1979 (retour de 40 à 20 sur le graphe). Alors, si les chocs pétroliers étaient la cause du chômage de masse, pourquoi celui-ci n’a-t-il pas baissé aussi sur cette période ? Or le chômage a augmenté de 50 % sur cette seule période (cf. tableau de Maddison : montée de 6 % à 9,2 %.) De même, pourquoi n’y a-t-il pas eu une autre vague de chômage de masse, lors du choc de 2008, quand les prix du baril ont flambé jusqu’à 147 dollars ?

    De toute évidence, la courbe du chômage n’est pas corrélée à celle du pétrole. En revanche, les deux chocs pétroliers ont bien sûr eu un impact très important sur notre balance des paiements. Le renchérissement du prix du baril a creusé notre déficit extérieur, notre dette. On pourrait d’ailleurs logiquement penser que ces deux chocs auraient pu avoir un effet positif sur le chômage. En effet, le seul moyen de combler le poids grandissant des importations de pétrole, n’est-il pas d’exporter davantage, et donc de travailler davantage, pour équilibrer notre balance extérieure ?

    Mais la variable « Exportation » n’est pas une variable aisément maîtrisable. Exporter plus dépend par définition des autres pays. Il faut qu’ils décident d’importer davantage de nos biens ! Or ils ont subi eux aussi le choc pétrolier, avec les mêmes conséquences, ils ont eux aussi cherché à exporter plus et non à importer plus. Les deux chocs pétroliers ont donc accentué les tensions commerciales internationales. Mais, je le redis, l’apparition du chômage de masse ne provient pas des deux chocs pétroliers. La cause fondamentale est ailleurs.

    Et pourtant, encore aujourd’hui, cette idée est largement répandue. Pourquoi cette erreur persiste-t-elle ? Parce que cela évite d’aller chercher ailleurs et de dénicher une autre raison que certains veulent absolument cacher. Nous y reviendrons dans un chapitre ultérieur…

    1- Alors pourquoi cette explosion du chômage de masse depuis 1974 ?

    Maurice Allais, premier Prix Nobel d’Économie français, qui a longuement étudié cette question et y a consacré plusieurs ouvrages, parle de la « cassure de 1974 ». Il apporte une réponse très claire à l’apparition du chômage de masse :

    « En fait, une seule cause peut et doit être considérée comme le facteur majeur et déterminant des différences constatées entre les deux périodes 1950-1974 et 1974-2005 : la politique à partir de 1974 de libéralisation mondialiste des échanges extérieurs du GATT et de l’Organisation de Bruxelles et de libéralisation des mouvements de capitaux dont les effets ont été aggravés par la dislocation du système monétaire international et l’instauration généralisée du système des taux de change flottants.

    Incontestablement, l’évolution très différente de l’économie française à partir de 1974 résulte de la disparition progressive de toute protection du Marché Communautaire Européen, de l’instauration continue d’un libre-échange mondialiste, de la délocalisation des activités industrielles, et de la délocalisation des investissements financiers »⁹.

    Voici en note les faits historiques.¹⁰

    Il conclut ainsi : « À partir de 1974, on constate pour la France, une croissance massive du chômage, une réduction drastique des effectifs de l’industrie et une réduction très marquée de la croissance.

    - Le taux de chômage au sens du BIT : De 1950 à 1974, le taux de chômage est resté constamment inférieur à 3 %. De 1975 à 2005, il s’est progressivement élevé pour atteindre 12,5 % en 1997 et 10 % en 2005.

    - Emplois dans l’industrie : De 1955 à 1974, les effectifs dans l’industrie s’étaient accrus d’environ 50 000 par an. Ils ont atteint leur maximum d’environ 6 millions en 1974. Puis, ils ont décru de 1974 à 2005 d’environ 50 000 par an.

    - Le taux de croissance : De 1950 à 1974, le taux de croissance moyen du PIB réel par habitant a été de 4 %. De 1975 à 2005, il a été de 1,6 % (baisse de 2,4 %, soit une diminution de 60 %) »¹¹.

    À partir de 1974 : destruction des emplois, destruction de l’industrie et de l’agriculture, destruction de la croissance…

    Ce constat de Maurice Allais vient donc corroborer ce que dicte le simple bon sens populaire et que nous constatons depuis tant d’années, à savoir les fermetures d’entreprises à cause de la concurrence des pays à bas coût et de leur relocalisation dans ces pays, ont entraîné la disparition de pans entiers de notre économie et une explosion du chômage.

    Toutes les usines ou entreprises qui ont fermé depuis tant d’années, à cause de la concurrence internationale, n’auraient aucun impact sur le chômage ou qu’un impact marginal ? Allons donc ! Il faut être aveugle pour ne pas le constater !

    2- Impuissance des politiques de lutte contre le chômage

    On peut alors comprendre les raisons de l’impuissance des politiques mises en œuvre pour lutter contre le chômage.

    Nous avons cherché des causes françaises au chômage de masse : coût prohibitif du travail non qualifié ; rigidités du marché de l’emploi ; arbitrage en faveur des systèmes d’aide aux dépens du travail¹² ;  choix en matière de politique industrielle : inertie (voir encouragement) des responsables politiques face au dépeçage de l’industrie, considérant que l’avenir était dorénavant dans les services ; lourdeur de la fiscalité des entreprises ; choix d’une exposition toujours plus large à la concurrence internationale ; etc.

    Certes, s’attaquer à ces rigidités du modèle français n’est pas inutile. De même, il n’est pas inutile de comparer nos résultats avec ceux de nos voisins : par exemple, pourquoi, dans le tableau précédemment présenté, la France a-t-elle 12 % de sa population active au chômage fin 1998 lorsque l’Allemagne n’en a que 9 % ?

    Toutes ces politiques de lutte contre le chômage essaient de soulager, voire d’atténuer l’âpreté du phénomène. Mais en aucun cas, elles ne s’attaquent au fond du problème. L’Allemagne, considérée souvent comme le bon élève de la classe, n’évite pas plus que les autres, le chômage de masse : il passe de 2 % à 9 % sur la période 1974 - 1984. Si nous nous contentons de ces politiques, nous sommes en marge du sujet central ! Rappelons que le chômage de masse touche tous les pays développés. Donc, rechercher des causes dans les spécificités françaises ou dans les écarts entre pays, c’est se détourner de l’essentiel du problème. C’est même être hors sujet ! Les causes majeures sont au niveau mondial. Nous ferions mieux de nous attaquer sérieusement à la racine du problème.

    C’est d’ailleurs ce que confirme Maurice Allais, qui déclare même qu’il s’agit d’une évidence : « Personne ne veut reconnaître cette évidence : si toutes les politiques mises en œuvre depuis vingt-cinq ans ont échoué, c’est que l’on a constamment refusé de s’attaquer à la racine du mal, la libéralisation mondiale excessive des échanges et la déréglementation totale des mouvements de capitaux. Telle qu’elle s’est développée, la mondialisation est le facteur majeur du chômage et de la réduction de la croissance… La politique libre-échangiste mondialiste, aggravée par le système des taux de change flottants et la déréglementation totale des mouvements de capitaux, n’a fait qu’engendrer destruction des emplois, réduction de la croissance, désordres, instabilité et misères de toutes sortes¹³ ».

    Conclusion personnelle

    En étudiant la littérature vantant la mondialisation des échanges, je ne vous cache pas que j’ai parfois éprouvé un certain malaise. Beaucoup de ces discours sont des discours théoriques où le coût humain, la souffrance des millions de chômeurs, y tient bien peu de place, voire même n’en a aucune. Parfois, l’argumentaire frôle la mauvaise foi ou comporte une bonne dose de cynisme : certains ont l’outrecuidance de qualifier les délocalisations « d’avatar » de la mondialisation¹⁴. Les millions de chômeurs entraînés par les délocalisations seraient un avatar ! Quelle insulte et quel mépris pour toutes ces personnes !

    Au final, je n’ai trouvé dans toute cette littérature aucune réponse valable à la question : pourquoi l’explosion du chômage de masse à partir de 1974 ? En fait, c’est normal. Maurice Allais a donné la réponse et il n’y en a pas d’autres : l’ouverture totale des frontières à la concurrence mondiale à partir de 1974 ! Mais cette réponse contredit tellement le discours ambiant et omniprésent qu’elle n’est pas acceptée. Elle remet en cause tout le fondement de notre société actuelle.

    Or avons-nous le droit de tolérer que des millions de nos contemporains soient au chômage ? Certes un chiffre, aussi alarmant soit-il, n’a jamais fait pleurer personne ! Mais nous devrions quand même nous laisser interroger par ce fléau majeur qui détruit en profondeur la personne confrontée au chômage de longue durée, qui ruine le tissu social et familial et fait peser des charges considérables sur la société et ses secteurs viables. Cette situation est inadmissible, humainement, socialement, politiquement et économiquement. Cette profonde désagrégation du tissu social mènera inéluctablement à une grave explosion qui mettra en cause la survie même de notre société.

    Hélas ! Cette situation ne fait qu’empirer. Certes le raz de marée des années 1974-1984 est terminé, mais le chômage de masse persiste, avec de faibles variations. Cela signifie une charge très handicapante pour l’économie nationale face à la concurrence internationale.

    C’est un vrai nœud coulant qui s’est installé à partir de 1974, avec l’instauration du libre-échange mondialisé, et ce nœud ne desserre pas son étreinte.

    Cette situation de chômage massif révèle un dysfonctionnement très profond de notre système économique, qui nous oblige à une remise en cause radicale… à moins d’être insensibles à la souffrance qui nous entoure.

    Ce fléau du chômage s’accompagne d’un corollaire: la fracture sociale qui va grandissante dans notre pays comme dans la plupart des pays développés. Cette montée des inégalités est extrêmement préoccupante et menace la stabilité de notre société. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, lance un cri d’alerte et y consacre un ouvrage fort intéressant, même s’il concerne surtout les USA¹⁵.

    La richesse des 1 % les plus riches de la planète est supérieure à celle de 90 % de la population mondiale, soit 6,9 milliards de personnes. Les 2 153 milliardaires du monde entier possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60 % de la population mondiale. Dans le même temps, près de la moitié de la population mondiale, soit près de 3,8 milliards de personnes, vit toujours avec moins de 5 dollars par jour. Le rythme de réduction de la pauvreté s’est ralenti de moitié depuis 2013¹⁶. Ce qui est en cause, déclare l’Oxfam, c’est l’exploitation sans limites des travers du modèle néolibéral ainsi que les solutions d’évitement fiscal mises en place par les ultra-riches pour contourner l’impôt.

    Nous assistons aujourd’hui, après plus de 40 ans de chômage de masse, à un étrange paradoxe : presque 6 millions de chômeurs et, en même temps, des entreprises qui cherchent à embaucher sans y parvenir. Comment expliquer ce paradoxe qui n’est qu’apparent ? L’un est la conséquence de l’autre. Le chômage sur longue durée a engendré une destruction profonde des personnes et du tissu social. Après des années de chômage, il est très difficile à quelqu’un de se réadapter à un emploi. Malgré l’aide de multiples associations bénévoles, certains n’y arrivent pas. De même, quand dans une même famille, plusieurs générations n’ont pu trouver un emploi, le goût et le sens du travail ont disparu. Enfin, l’assistanat n’a pas eu que des bons cotés : pourquoi travailler quand les aides financières reçues sont quasiment équivalentes à un salaire ..? Nous sommes dorénavant empêtrés dans des problématiques humaines et sociales complexes.

    Chapitre 2

    La désillusion de la compétition

    mondialisée dans les pays développés

    L’objet de ce chapitre n’est pas d’effectuer un descriptif exhaustif ou détaillé des effets de la concurrence mondiale dans les pays développés. Beaucoup de littérature a déjà été consacrée à ce sujet. À partir de quelques faits, il consiste plutôt à dresser un constat : la mondialisation n’a pas apporté les fruits escomptés dans les pays riches (ni dans les pays pauvres : chapitre suivant).

    I. Un tableau éloquent

    À partir de 1974, le GATT (prédécesseur de l’Organisation Mondiale du Commerce) et l’Organisation de Bruxelles ont procédé à la libéralisation mondiale des échanges extérieurs et à la libéralisation des mouvements de capitaux. Très rapidement, les effets ne vont pas tarder à apparaître.

    Le tableau ci-dessous date de 1981, donc 7 ans après l’ouverture des frontières françaises au commerce international. Il montre la pénétration déjà considérable des produits étrangers dans notre pays.

    Part des produits étrangers en France, 1981 (Source : Ministère du Commerce extérieur) :

    •magnétoscope et magnétophone : la quasi-totalité

    •moto : idem

    •appareil de photo : idem

    •armes de chasse et de tir : 75 %

    •tapis : 70 %

    •céréales transformées (Corn Flakes, etc.) : 59 %

    •bateaux : 57 %

    •chandail, bonneterie : 53 %

    •soierie : 53 %

    •lampes électriques : 53 %

    •électroménager : 52 %

    •outillage à main : 50 %

    •jus de fruits et de légumes : 50 %

    •produits photo et cinémas : 50 %

    •jeux, jouets : 48 %

    •faïence, céramique : 47 %

    •bijouterie, joaillerie : 45 %

    •appareils radio et télé : 43 %

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