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Réinventer la politique avec Hanna Arendt: Préface d'Edwy Plenel
Réinventer la politique avec Hanna Arendt: Préface d'Edwy Plenel
Réinventer la politique avec Hanna Arendt: Préface d'Edwy Plenel
Livre électronique153 pages1 heure

Réinventer la politique avec Hanna Arendt: Préface d'Edwy Plenel

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À propos de ce livre électronique

Et si on réinventait la politique du XXIe siècle « avec » l’aide d’Hannah Arendt ?

La condition humaine se limite-t-elle aux chaines, de moins en moins dorées, du travail et de la consommation ? Quelles forces sans contrôle ont déchaîné l’action de l’homme sur la nature ? Savons nous encore distinguer les domaines privé et public ? Comment développer – ou retrouver– notre capacité à « rénover et remettre en place le monde »? Existe-t-il encore aujourd’hui des risques de totalitarisme ? Où se situent-ils ? Comment s’appuyer sur la distinction faite par Hannah Arendt entre le travail (nécessité), l’œuvre (utilité) et l’action (pluralité) pour nous aiderà développer notre capacité à penser et juger par nous-mêmes ?

Cet ouvrage s’adresse à ceux qui en ont assez de la politique cantonnée au pouvoir et à la gestion des intérêts privés. C’est aussi un premier accès à l’œuvre d’une femme beaucoup citée mais peu lue, hors des milieux universitaires. On y découvre, à travers ses œuvres majeures, l’itinéraire d’une pensée politique d’une liberté et d’une audace sans pareil. Une bibliographie guide la lecture des ouvrages publiés en français et en anglais et des repères biographiques permettent de situer l’œuvre dans la vie et l’époque d’Hannah Arendt.

L'auteur retrace et réactualise l'itinéraire d'une pensée politique incontournable du XXe siècle.

EXTRAIT

Existe-t-il encore aujourd’hui des risques de totalitarisme ? Où se situent-ils ? Quelles formes prennent-ils ? Comment y faire face ? Comment puiser dans les possibilités et les risques de l’action humaine les conditions du politique et retrouver le chemin du vivre ensemble ?
La condition humaine se limite-t-elle aux chaînes, de moins en moins dorées, du travail et de la consommation ? Comment construire un monde durable où
naissent et vivent hommes et femmes dans toute leur pluralité ?
Savons nous encore distinguer les domaines privé et public ? Qu’est ce que le « social » ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Thierry Ternisien d'Ourneville est ingénieur et physicien de formation. En parallèle à sa vie professionnelle (chercheur dans le domaine des circuits intégrés, responsable ressources humaines) il s’est passionné pour l’œuvre de Hannah Arendt. Il a créé et anime deux blogs consacrés à l’actualité de sa pensée.
LangueFrançais
ÉditeurUtopia
Date de sortie20 févr. 2018
ISBN9782919160754
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    Aperçu du livre

    Réinventer la politique avec Hanna Arendt - Thierry Ternisien d'Ouville

    2008.

    1.

    Apprendre de l’itinéraire d’un penseur des « temps sombres »

    Rien ne prédisposait une brillante étudiante en philosophie et en théologie à devenir un des penseurs politiques les plus originaux du XXe siècle. Ce chapitre vise à donner un aperçu de cet itinéraire où, dans ces « temps sombres¹ », Hannah Arendt manifeste le souci constant de comprendre et de penser l’évènement. Le fil rouge choisi est la chronologie de publication de ses ouvrages majeurs (Les Origines du totalitarisme, Condition de l’homme moderne, La Crise de la culture, Essai sur la révolution, Eichmann à Jérusalem, La Vie de l’esprit)². Elle est précédée de quelques repères sur des éléments fondateurs de sa pensée et de sa démarche politique.

    Dès l’âge de 14 ans, Hannah Arendt lit Kant. La philosophie s’impose alors à elle, déclare-t-elle en 1964 dans un entretien télévisé³ où elle revient sur les moments essentiels de son itinéraire d’actrice et de théoricienne du politique. Elle y raconte, pour la première fois, l’enchaînement d’évènements qui l’ont conduite à s’intéresser à la politique et à l’histoire à un moment où « on ne pouvait plus s’en désintéresser », et provoqué son départ d’Allemagne en 1933 : incendie du Reichstag le 27 février 1933, engagement dans l’action illégale au service du mouvement sioniste, arrestation par la Gestapo, libération, puis départ clandestin pour la France.

    Privée de sa nationalité, elle n’en retrouve une (américaine) qu’en 1951, dix ans après son arrivée aux États-Unis. Tout au long de cette période, entre 1933 et 1951, s’entremêlent actions politiques (le plus souvent) et travaux intellectuels (plus difficilement). Son œuvre en sera, tout à la fois, retardée et profondément marquée. La pensée y restera toujours attachée à l’évènement « comme le cercle à son foyer ».

    Le lecteur désireux d’approfondir la connaissance de cette période fondatrice trouvera repères bibliographiques et biographiques dans les chapitres trois et quatre de cet ouvrage.

    Deux des enseignements retenus de cette période de sa vie par Hannah Arendt paraissent essentiels à notre propos.

    Le premier est tiré de l’attitude, qui l’a profondément marquée, des intellectuels allemands face au nazisme.

    « Le problème, le problème personnel, n’était donc pas tant ce que faisaient nos ennemis que ce que faisaient nos amis. Ce qui se produisit à l’époque dans cette vague d’uniformisation qui était d’ailleurs assez spontanée et qui en tout cas ne résultait pas de la terreur, c’était qu’un vide s’était en quelque sorte formé autour de nous. »

    « Je vivais dans un milieu d’intellectuels, mais je connaissais également d’autres personnes et je pouvais constater que suivre le mouvement était pour ainsi dire la règle parmi les intellectuels, alors que ce n’était pas le cas dans les autres milieux. Et je n’ai jamais pu oublier cela. »

    « Les intellectuels se sont laissé prendre au piège de leurs propres construction : voila ce qui se passait en fait et que je n’avais pas bien saisi à l’époque. »

    Le second enseignement porte sur son « métier ».

    « (…) je n’appartiens pas au cercle des philosophes. Mon métier – pour m’exprimer de façon générale – c’est la théorie politique. (…) Comme vous le savez, j’ai étudié la philosophie, mais cela ne signifie pas pour autant que je sois demeurée philosophe. »

    Elle ne veut pas, précise-t-elle, participer à l’hostilité que les philosophes, à de très rares exceptions près (Kant), manifestent, depuis Platon, pour la politique.

    « Je veux prendre en vue la politique avec des yeux purs pour ainsi dire de toute philosophie. »

    Après s’être consacré presque exclusivement, pendant une décennie, aux affaires du monde, Hannah Arendt rédige en cinq ans l’ouvrage qui lui apporte la renommée internationale : Les Origines du totalitarisme, publié en 1951 en anglais, langue apprise depuis son arrivée aux États-Unis. C’est un livre à nul autre pareil, qui mêle histoire, philosophie et politique et où les références littéraires sont nombreuses.

    Arendt est convaincue très tôt que les régimes nazi et stalinien représentent une « forme de gouvernement totalement nouvelle », ne ressemblant à aucune des catégories construites par Aristote ou Montesquieu, une forme entièrement bâtie sur la terreur et sur une fiction idéologique et animée d’un mouvement de destruction perpétuelle. Pour Arendt, la terreur n’est pas un moyen de prendre le pouvoir et de le garder, comme il est habituel dans les tyrannies, mais bien l’essence même des régimes totalitaires qui font une institution centrale des camps de concentration et d’extermination. Cela soulève deux questions : premièrement, comment un régime dont l’essence même est la terreur peut-il prendre le pouvoir ? Sur quoi se fonde sa puissance d’attraction sur les masses ? Deuxièmement, comme se fait-il que ce soit la culture européenne, la culture occidentale, qui ait donné naissance à ces expériences pathologiques de ce qu’Arendt appelle la « domination totale » ?

    Les réponses à ces deux questions restent particulièrement pertinentes pour décrypter notre XXIe siècle et alimenter action et réflexion vers une autre société.

    Pour Arendt la puissance d’attraction du totalitarisme se situe dans son idéologie. Pour des millions de personnes brutalement déracinées de leur place habituelle dans l’ordre social par la Guerre Mondiale, la Grande Dépression et les Révolutions, la notion qu’une simple idée puisse, à travers sa « logique inhérente », révéler les mystères de l’ensemble du processus historique – les secrets du passé, les méandres du présent et les incertitudes du futur –, est extrêmement réconfortante. Une fois acceptés les prémices de l’idéologie – c’est-à-dire, l’idée que toute l’histoire est l’histoire de la lutte des classes (marxisme) ou le développement naturel résultant du combat entre les races (nazisme), chaque action du régime peut logiquement être « déduite » et justifiée en termes de « Loi » de l’Histoire ou de la Nature. Les régimes totalitaires peuvent alors affirmer une autorité qui transcende toutes les lois simplement humaines et tous les accords, une autorité directement dérivée des « lois du mouvement » qui gouvernent le processus naturel ou historique.

    La réponse d’Arendt à la seconde question est complexe et comporte de multiples facettes : tout résumé risquerait de la simplifier au point de la déformer, mais c’est son traitement qui permet de caractériser l’originalité de sa démarche. Elle ne recherche pas les hypothétiques causes du totalitarisme, mais repère et examine dans leur contexte historique les « éléments » qui se cristalliseront plus tard dans la forme du totalitarisme. Éléments et cristallisation sont les deux concepts clés qui orientent sa recherche et gouvernent sa méthode. L’antisémitisme, l’impérialisme et le racisme sont les trois principaux éléments pré-totalitaires qui se sont cristallisés dans le régime nazi – mais ces éléments, qui se sont mis en place au cours des trois derniers siècles, n’ont rien de totalitaire avant cette cristallisation. Pour Arendt, il n’existe pas de loi de causalité en Histoire.

    « Par eux-mêmes, des éléments ne sauraient causer quoi que ce soit. Ils ne deviennent les origines d’évènements que s’ils se cristallisent soudainement en des formes fixes et définies, et à ce moment-là uniquement. L’évènement éclaire son propre passé, mais il ne saurait en être déduit. »

    La cristallisation de ces éléments sous la forme du totalitarisme a été rendue possible par la délégitimation des institutions politiques aux yeux de millions de personnes isolées et rendues vulnérables par la crise économique et sociale qui a frappé l’Europe. La principale responsable de cette délégitimation est la bourgeoisie, qui a honteusement exploité les institutions publiques à des fins d’intérêts privés ou de classe. Émancipée politiquement et renforcée par l’impérialisme de la seconde moitié du XIXe siècle, cette bourgeoisie a manipulé les instruments publics pour accroître sa richesse et son pouvoir. Le résultat a été un affaiblissement durable de l’idée de citoyenneté et un cynisme croissant à l’égard des institutions publiques. À l’inverse, les mouvements totalitaires, bien qu’ils se soient attaqués à la nature et la dignité humaines au nom de la création d’un « homme nouveau », ont su séduire les masses par une idéologie « confortable » (une clé de l’Histoire) et un but présenté comme facile à atteindre.

    Cette analyse de la nature et des origines du totalitarisme laisse Hannah Arendt avec un constat et une insatisfaction.

    Le constat est celui des dangers de la vie moderne et de l’importance cruciale de l’existence d’un domaine public stable, garanti par les lois et les institutions. Cela l’amène à mettre l’accent à la fois sur la fragilité et le caractère « artificiel » de la vie civilisée et sur sa conséquence, la nécessité de « prendre soin du monde », monde menacé d’être englouti par les forces de la barbarie ou dévasté par l’intensification des rythmes de production et de consommation.

    L’insatisfaction ne concerne pas son analyse de la nature des deux totalitarismes, mais celle de leur développement. L’ouvrage, né de sa propre expérience comme rescapée de la terreur nazie, a largement été écrit en pensant à l’Allemagne. Arendt est consciente qu’elle ne traite pas du développement du totalitarisme stalinien. Et elle est particulièrement troublée par un fait : alors que le nazisme est une idéologie « née dans la rue », qui représente une rupture radicale avec la tradition occidentale, la généalogie du marxisme peut être associée à une œuvre philosophique importante qui va des philosophes français des Lumières à Karl Marx, évidemment. Mais comment une telle « école de pensée », qui exprimait les espoirs humanitaires les plus forts de la gauche européenne, a-t-elle pu servir de base à une idéologie totalitaire fondée sur le déni de la liberté et de la dignité humaines ? Arendt commence à soupçonner que la pensée de Karl Marx ne peut être si facilement séparée de sa déformation stalinienne. Cela l’amène, en 1951, alors qu’elle est sur le point de finir Les Origines du totalitarisme, à concevoir un projet de recherche sur « les éléments de totalitarisme dans le marxisme ».

    Arendt est convaincue que s’il y a des éléments de totalitarisme dans le marxisme, ils sont à trouver dans les idées centrales et dans l’appareil conceptuel de Marx : par exemple, dans sa conception de la liberté comme produit de la nécessité historique ; dans l’idée que l’espèce humaine « fait l’histoire », d’abord de façon inconsciente puis plus tard volontairement ; dans son idée que la violence est « accoucheuse de l’histoire » ; dans sa conception de l’action politique révolutionnaire qui, comme l’œuvre (la fabrication), consiste en un travail violent sur un matériau brut pour créer quelque chose de nouveau ; enfin, dans sa

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