Les Cahiers de Science & Vie

La révolution de la raison

Leurs œuvres ? Pour la plupart réduites à l’état de fragments. Semblables à des statues mutilées dont il ne resterait qu’un pied. Leurs noms ? Quasi évanouis dans la mémoire collective, sauf exception. L’importance de leurs spéculations ? Inversement proportionnelle au nombre de leurs écrits sauvés de l’oubli. En un mot : immense ! Et décisive pour l’histoire de la pensée philosophique et scientifique. Si, depuis la Renaissance, la physique tient la corde dans nos contrées pour percer les secrets de l’Univers et de la matière, c’est que de brillants esprits, entre le VIIe et le Ve siècle avant notre ère, ont proposé une autre manière de penser la Nature, le cosmos, le temps, le mouvement…

ILS REJETTENT LA REPRÉSENTATION DU MONDE DONNÉE PAR LES RÉCITS MYTHOLOGIQUES

Nombre de physiciens actuels, sans toujours en avoir conscience, prolongent les méditations de Thalès, Anaximandre, Anaximène, Anaxagore, Xénophane, Empédocle, Héraclite, Parménide, Leucippe, Démocrite et autres « savants-philosophes » dits « présocratiques », c’est-à-dire « d’avant Socrate » (v. 470-399 av. J.-C.), même si certains de ces pionniers sont des contemporains du père de la maïeutique, l’art de -VI siècle av. J.-C.) et classique (V -IV siècle av. J.-C.) n’ont eu de cesse de (se) poser des questions rappelant certaines des interrogations les plus brûlantes de la physique des particules et de la cosmologie : à quoi ressemblait l’Univers avant la formation de la Terre ? Quelle est son étendue ? Est-il fini ou infini ? Quel arrangement permet à chaque chose de trouver sa place au sein du Tout ? De quoi sont faits les choses et les êtres qui peuplent cette totalité ? La matière connaît-elle des états successifs ? Tous les corps peuvent-ils être divisés indéfiniment en parties toujours plus petites ? Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? L’être peut-il naître du non-être ? Le vide existe-t-il ? Etc. Ces présocratiques, dont il faut le plus souvent reconstituer la pensée à partir des témoignages ou des citations d’auteurs ultérieurs, tel Aristote, « explique Arnaud Macé, professeur d’histoire de la philosophie ancienne à l’université de Franche-Comté. logos ». Plus question pour ces sages, par conséquent, d’invoquer l’intervention d’entités divines pour éclairer le pourquoi et le comment des phénomènes physiques. Fini d’affirmer, par exemple, qu’une secousse sismique se produit chaque fois que Poséidon fait vibrer le sol afin de châtier l’humanité, ou qu’une éclipse a lieu quand un monstre dévore le Soleil. Sans nier catégoriquement l’existence des dieux, les présocratiques rejettent la représentation du monde donnée par les récits mythologiques, contestent le discours théologique et substituent une pensée individuelle argumentée à une pensée collective sans auteur. Tournant le dos à Homère et Hésiode (poète du VIII siècle avant notre ère dont la retrace l’histoire des dieux), ces protophysiciens « développe Anne-Laure Therme, maître de conférences en philosophie ancienne à l’université de Paris-Est Créteil. ». Ce qui s’appelle une révolution intellectuelle, voire la première (courant de pensée allemand souvent comparé aux Lumières) de l’Histoire. La pensée présocratique peut être considérée comme « confirme Arnaud Macé. ».

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