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Inti
Inti
Inti
Livre électronique171 pages2 heures

Inti

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À propos de ce livre électronique

Après le Grand Bouleversement, l’humanité a instauré des villes où intelligence artificielle et manipulations génétiques permettent une existence sans guerres ni maladies. Pourtant, certains ont préféré vivre dans des villages en marge de ces institutions. Inti, né dans l'un de ces lieux, apprend lors d’un conseil réunissant tous les habitants qu’ils sont nombreux à faire des rêves étranges en lien avec la Cité 13. Avec Tao, le fondateur du hameau, il décide de se rendre à cet endroit interdit. Guidés par une impérieuse nécessité, ils vont affronter une succession d’épreuves sur les chemins des deux mondes…

À PROPOS DE L'AUTEURE

Après des études de Lettres modernes, Maud Girard partage ses lectures sur les ondes dans le cadre d’une chronique littéraire. Nourrie d’expériences multiples, son écriture s’inscrit dans un présent sensible pour explorer les futurs potentiels. C’est ainsi qu’elle nous livre Inti, son tout premier roman.



LangueFrançais
Date de sortie24 nov. 2022
ISBN9791037774880
Inti

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    Aperçu du livre

    Inti - Maud Girard

    Maud Girard

    Inti

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Maud Girard

    ISBN : 979-10-377-7488-0

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    À ma fille Jade,

    À toutes les âmes dont la route a croisé la mienne,

    À toutes celles et tous ceux qui marchent

    sur les pas de leurs rêves…

    Il l’avait croisé en sortant de chez Mado, où il apprenait la musique sur une vieille guitare acoustique. Le manche était usé par les dizaines de mains qui l’avaient serré et le temps avait laissé sur la caisse le souvenir des gestes maladroits des élèves de Mado.

    Mado était fille de luthier : elle aussi avait grandi au hameau, mais elle n’y était pas née, et elle gardait en mémoire les souvenirs des premiers temps de la communauté.

    C’est donc en sortant de chez Mado, alors qu’il se dirigeait vers le potager pour récolter les tomates (c’était la pleine saison, et les pieds pliaient sous leur poids), qu’il l’avait croisé.

    À l’instant même où il avait reconnu la silhouette de Tao (il marchait à contre-jour, et à cette distance, il était impossible de distinguer les traits et l’expression de son visage), à cet instant donc, une boule s’était formée dans la poitrine d’Inti. Elle s’était formée si subitement que l’effet de surprise l’avait figé sur place.

    Tao avait continué à avancer dans sa direction. Quand il fut à quelques pas du jeune garçon, il esquissa un sourire pour lancer :

    « Alors Inti ? Como està la musicà ? »

    Mais Inti avait tout de suite compris que ce sourire était forcé. D’instinct, il savait que cette question était posée pour faire diversion. Il ne répondit pas, sourit lui aussi d’un sourire forcé mais sincère, et observa son malaise s’estomper à mesure que Tao s’éloignait de lui.

    Inti savait que ce malaise ne lui appartenait pas : il avait été traversé par l’angoisse qui écrasait Tao et cette dernière était telle qu’il en avait ressenti une vive impression.

    Qu’est-ce qui pouvait inquiéter Tao à ce point ? Et pourquoi Tao faisait-il semblant de rien ? Ignorait-il que son malaise était à ce point perceptible ? Ou, bien au contraire, était-il anormal de percevoir si vivement l’émotion d’un autre ?

    La mère d’Inti lui avait appris dès le plus jeune âge à nommer ses émotions, à les observer et à les laisser filer comme une idée qui ne ferait que passer, presque par hasard, dans son existence. Mais Inti était tout aussi capable d’observer et de nommer les émotions des autres.

    Et il pouvait aussi terminer leurs phrases (ça lui arrivait souvent de le faire, quand quelqu’un lui parlait en cherchant ses mots). Parfois même, il devinait précisément ce que les autres avaient en tête. Il ne cherchait pas vraiment à le deviner : c’était comme s’il prenait en route un raisonnement étranger à lui-même, comme si s’imposaient subitement à son esprit les mots produits par un autre.

    Mais cette fois-ci, il ne s’agissait pas de mots, ni même d’une émotion, mais plutôt d’une intense angoisse… Qu’arrivait-il à Tao ?

    Tao faisait partie des fondateurs de la communauté. Il faisait partie de ceux qui avaient creusé le système d’irrigation et les canalisations, instauré la permaculture et donné au hameau les moyens de s’autosuffire ; il faisait aussi partie de ceux qui avaient choisi de supprimer tout contact entre le hameau et les grands centres urbains.

    Leur communauté, finalement, ce n’est qu’un petit hameau perdu. Perdu dans une vaste étendue semi-désertique, une vallée entourée de montagnes caillouteuses parmi lesquelles circulent encore de rares petits cours d’eau… Plus de contact avec les grands centres urbains depuis des décennies. Une histoire de Traité de Libre Circulation qu’ils auraient refusé de signer. Depuis, tous les habitants du village sont interdits de Cité. Mais la vie au village offre largement de quoi nourrir corps, cœur et esprit et personne ici ne semble se soucier d’entrer dans la Cité. Inti éprouve bien plus de curiosité pour les autres zones autonomes, d’où arrivent parfois quelques nouvelles portées par les visiteurs occasionnels. Vivement la prochaine Rencontre ! Il lui tarde de rencontrer de nouvelles personnes et il est curieux de découvrir ce que les autres ont pu créer et fabriquer depuis la dernière fois. Il avait 5 ans de moins lors de la dernière Rencontre, son petit frère venait de naître et la fête se déroulait trop loin du village pour qu’il puisse s’y rendre avec sa famille.

    Inti ne s’était encore jamais interrogé sur l’âge de Tao. Probablement l’âge d’être grand-père. Ses grands-pères à lui, il ne les avait jamais connus. Ils vivaient probablement encore en zone urbaine, mais ses parents n’avaient plus aucun contact avec eux et ils en parlaient rarement. Inti avait beaucoup d’affection pour Tao. Il aimait surtout lui parler, et Tao avait toujours du temps pour l’écouter. Écouter c’est certainement ce que Tao faisait de mieux, Inti le savait, et les autres habitants du hameau aussi.

    Plongé dans ses pensées, Tao cueille machinalement quelques tomates, sans même s’apercevoir de la présence d’Isis.

    « Adiù Tao ! Qu’est-ce qu’il y a comme tomates cette année ! Tu veux venir les cuisiner avec moi ce soir ? La dernière fois qu’on a préparé une sauce tous les deux, elle était délicieuse… Et je parie qu’il y aura beaucoup d’enfants en cuisine ce soir. Les adultes participeront tous au conseil. Ce serait amusant de leur apprendre notre recette, pas vrai ? »

    — Il y a un conseil ?

    Inti s’est redressé et il regarde Isis. Penchée vers le sol, à trois rangées de lui, elle dépose délicatement les tomates gorgées de soleil dans un grand panier tressé. Inti distingue sa silhouette à travers le rideau de branches et de feuilles qui les sépare. Une sensation étrange et troublante l’envahit lorsqu’il devine ses seins naissants sous la robe. Surpris par ses propres émotions, il a du mal à saisir le sens des paroles d’Isis :

    « Oui, Tao a fait passer un message à tout le monde ce matin. Comment se fait-il qu’il ne t’ait rien dit ? Il mobilise un conseil extraordinaire, je me demande bien de quoi il s’agit ! »

    Pendant un instant, Inti s’interrogea. Pourquoi Tao ne lui avait-il rien dit ? Le considérait-il encore comme un enfant ? Mais il se ravisa. Au moment où il l’avait croisé, Tao était submergé par l’angoisse, et personne, pas même Tao, n’est capable de réfléchir correctement dans cet état-là. C’était bien ça le plus inquiétant.

    « Alors pourquoi veux-tu aller faire la cuisine, au lieu d’aller au conseil ? »

    Isis relève la tête. Dans ses yeux, Inti devine aussitôt l’émotion contradictoire qui l’envahit : la honte de s’être elle-même cantonnée au rôle d’enfant et la joie de ne plus être considérée comme telle. Quel âge a-t-elle en fait ? 12 ans passés, bientôt 13 en réalité : elle est née à la fin de l’été, Inti se souvient avoir fêté son anniversaire juste au moment des dernières récoltes de concombres.

    Elle a balbutié quelques mots, laissé éclater un petit rire d’enfant et planté ses grands yeux dans ceux d’Inti :

    « Tu as raison, quelle idiote ! On ira ensemble alors ?

    — Oui, je veux y aller. Je crois que Tao se fait du souci…

    — Du souci ? Il t’a dit quelque chose ?

    — Non… j’ai juste… enfin, j’ai remarqué que quelque chose n’allait pas quand je l’ai croisé tout à l’heure… »

    En l’espace d’une seconde, les yeux d’Isis sont devenus graves. Inti regrette de l’avoir inquiétée, il a envie de la rassurer mais il n’ose pas lui proposer de passer le reste de la journée avec lui. Il ne parvient pas à détacher son regard, mais il ne trouve rien à lui dire.

    C’est la première fois qu’il se sent mal à l’aise avec Isis, ils se connaissent depuis toujours et pourtant, aujourd’hui, il se sent vaguement honteux devant elle.

    « Tu as des choses à faire après ?

    — Oui, je dois refaire les moustiquaires des chambres de la maison et celle des classes… On se retrouve à la fontaine pour aller au conseil ?

    — Oui », répond Isis.

    Sur quoi elle dépose une dernière tomate dans son panier, le soulève, tourne les talons et part sans gambader parce que le panier lui tire les bras vers le sol.

    « Attends ! je vais t’aider. »

    Inti a retrouvé ses esprits. Il court jusqu’à elle, attrape son panier et y dépose les tomates qu’il a cueillies :

    — Tu me prêtes ton panier et en échange je te le porte !

    Isis laisse de nouveau éclater son petit rire d’enfant et s’en va en gambadant.

    ***

    « Qui d’autre ? »

    Le visage de Tao est grave alors qu’il interroge l’assemblée.

    Inti et Isis se glissent sans bruit au fond de la pièce. Isis repère une niche vide dans le mur : elle s’y dirige et Inti s’assoit auprès d’elle.

    « Moi aussi… oui, moi aussi cette nuit j’ai eu des rêves agités. »

    L’assemblée se tourne vers Leyla. Elle reprend :

    « Je n’y ai pas prêté attention, parce que Félix s’est réveillé en hurlant. Il fait des cauchemars en ce moment. Je pense que ce sont les dents. Il a de la fièvre aussi. »

    Mado lève un sourcil et jette un bref regard à Tao avant d’interroger Leyla :

    « Te souviens-tu de ton rêve ?

    — Non, pas vraiment. J’en ai fait plusieurs, je crois. Ils étaient courts et ils s’arrêtaient brutalement parce que le stress me faisait reprendre conscience. Je ne me souviens pas des détails… mais c’était désagréable. Et j’étais en nage quand Félix m’a réveillée.

    — Concentre-toi, Leyla, te souviens-tu d’une situation, d’une personne, d’une parole ?

    — Non, non… je suis désolée, je suis si fatiguée en ce moment. Je serai plus attentive maintenant, je sais que c’est important. »

    Tao lève les mains en signe d’apaisement :

    « Ne sois pas désolée Leyla, ton attention est mobilisée par le bébé, c’est normal. Et puis ce n’est peut-être qu’une simple coïncidence… Mais j’en doute. Ce ne serait pas la première fois que nous rêvons ensemble n’est-ce pas ? »

    Son visage s’était éclairé d’un sourire en prononçant ces derniers mots, et il avait planté dans les yeux de Leyla un regard complice. On pouvait voir à quel point leurs deux âmes étaient proches.

    « En ce qui me concerne, mon rêve était net, reprend Tao.

    J’ai senti que je m’élevais vers le ciel. Je volais et je me dirigeais vers la Cité. J’entendais un appel, un appel au secours. Cependant, je ne savais pas exactement d’où il venait. J’ai survolé la Cité et c’était comme si j’étais entré dans un nuage épais et sombre. J’ai ressenti une grande détresse et ça m’a réveillé. Ce qui me trouble, c’est que Mado ait aussi rêvé de la Cité. »

    Les regards se sont tournés vers Mado.

    « En réalité, cela fait quelques jours que mes rêves sont visités par les personnes que j’ai connues lorsque je vivais encore là-bas, dit Mado. Au début, je n’y ai pas prêté attention, mais mes nuits sont devenues de plus en plus agitées. Je ne me souviens pas vraiment de mes rêves, tout juste le souvenir des visages que j’y croise, mais je me réveille chaque matin trempée de sueur et fatiguée… »

    Les yeux mi-clos, Tao reprend la parole.

    « Nos rêves semblent se faire écho. Peut-être devrions-nous tous y être plus attentifs. Si vous n’avez pas l’habitude d’interroger vos rêves, posez de quoi écrire à côté de votre lit et dès que vous vous réveillez, que ce soit au milieu de la nuit ou le matin, notez les bribes de souvenirs qui vous restent avant qu’elles ne s’effacent.

    Même un détail à première vue absurde ou insignifiant peut avoir de l’importance. Dans trois jours, nous ferons un nouveau conseil pour partager nos notes et réfléchir ensemble. »

    Du regard, il fait le tour de l’assemblée. Il incline la tête et s’arrête sur Koni qui prend aussitôt la parole :

    « Une minute ! Je ne comprends pas : nous n’avons plus de contact avec les centres urbains depuis des années. Nous n’avons d’ailleurs plus le droit d’y entrer depuis que nous avons refusé de signer le Traité de Libre Circulation et de nous laisser injecter leurs foutues puces médicales… Alors, je me demande bien ce que nous pouvons y faire s’ils ont des problèmes là-bas. Et même, je ne vois pas bien pourquoi on devrait s’en préoccuper !

    — Si nous n’étions pas concernés, nos rêves n’y feraient pas écho, lui répond doucement Mado.

    — Sauf que Tao, Leyla et toi, vous avez déjà tous mis les pieds là-bas : aucun natif du village n’est

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