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Hydroponica: Un roman moderne empli d'espoir
Hydroponica: Un roman moderne empli d'espoir
Hydroponica: Un roman moderne empli d'espoir
Livre électronique169 pages2 heures

Hydroponica: Un roman moderne empli d'espoir

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À propos de ce livre électronique

Tout part d'un mot étrange...

[Fausse piste ?] Hydroponica : n.f. instrument de musique, dérivé de l’harmonica...

Un curieux objet, en vérité, dans lequel raisonnent souffles et soupirs. Souffle de fatigue, parce que, la vie ici est méchante et inquiétante. Soupirs de tendresse, parce que porter attention à un enfant qui grandit est un engagement et aussi un baume. Souffle de révolte, parce que la société tourne (en) rond, mais à côté de vous. Soupir de soulagement parce que rien n’est réglé mais qu’on réalise qu’on n’a pas perdu l’essentiel. La Fraternité. Ce mot gravé dans la pierre de 36 568 linteaux - sans compter les écoles - et qu’on voudrait surtout pétillant dans tous les esprits.

Ce mot galvaudé, moqué, ânonné. Ce mot qui désigne précisément une belle manière d’être humain.

L’Hydroponica que vous tenez dans vos mains vous susurre l’harmonie saccadée des souffles et soupirs d’Isa, d’Enzo, de Jean-Jacques, d’Idriss, de Jamila...

Le récit d’un quotidien en marge du monde et une analyse implacable de la violence sociale et économique.

EXTRAIT

Hydroponico, c’était écrit sur une barquette de fraises pas chères qui venaient d’Espagne, elle a cherché le sens de ce mot qu’elle trouvait très rond. Cela signifie tout simplement que la plante n’est pas enracinée dans la terre, elle est arrosée d’une eau fertilisée et elle pousse comme ça, hors du sol. Elle aussi maintenant. Dans sa coque de noix à roulettes posée au milieu d’un camping de nowhere land. Hydroponica.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Hydroponica lu ! Sentiments complexes, enchevêtrements d’émotions, de sensations tous empreints d’une très belle profondeur. Magnifique roman. À lire, relire et offrir comme autant de messages de vie, d’amour et d’espoir. - Heloïse

À PROPOS DE L'AUTEUR

Brigitte Comard est née à Casablanca en avril 1961. Sa famille, rapatriée, s’installe dans une ferme du sud de la Gironde.
Chanteuse et auteure, la scène devient le pré-texte de rencontres, genèse de ses spectacles et de son écriture. La création est pour elle un acte politique et de résistance, un prolongement du quotidien à l’épreuve de la poésie.
Femme de convictions, Brigitte Comard ne cesse de croiser et de tisser serré les chemins de la création et ceux de l’engagement.
LangueFrançais
Date de sortie22 déc. 2017
ISBN9791092173369
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    Aperçu du livre

    Hydroponica - Brigitte Comard

    Couverture : Brigitte Comard Hydroponica Roman L'IRE DES MARGESPage de titre : Hydroponica Brigitte Comard L'IRE DES MARGES

    Hydroponico, c’était écrit sur une barquette de fraises pas chères qui venaient d’Espagne, elle a cherché le sens de ce mot qu’elle trouvait très rond.

    Pour leur soutien,

    leur patience, leur aide, toute ma gratitude à :

    Denis Quinqueton, Jean-Pierre Conty, Bérengère Pabœuf,

    Jean-Christophe Cabut, Jean-François Lepetit, Jeff Puech,

    Jean-Paul Baritaud, Christine Amadio, Luc Pabœuf,

    Gyslaine Costey, Hélène Lapeyre, Sophie Robin,

    Ahmed Seraj, Carina Louart, Maguy Maruejouls,

    Brigitte Bloch,Wilfried Grounon, Brigitte Harrari Messager,

    Christiane Maridat, Isabelle Mamère,

    Laurence Mullaly, Béatrice Périn, Danielle Depierre,

    Henri Martin, Nicole Lestrade, Michel Lestrade,

    Liliane Bourdin, Monique Ferrand, Jeanne Faivre d’Arcier.

    À Philippe, Léa et Nathan, mon cœur, mes yeux.

    Elle est assise sur la banquette, penchée en avant sur la minuscule table sur laquelle ils mangent, font les devoirs, les comptes et les papiers des administrations qui remplissent sa vie. Et des fois ils jouent, mais de moins en moins. Elle est penchée sur un cahier et elle écrit. Elle va avoir quarante ans. Le quatorze juillet elle aura quarante ans. Le feu d’artifice pour son anniversaire, elle en plaisante encore mais il y a un voile. Au-dessus de la joie qu’il y avait avant en elle de vivre, il y a un voile.

    Ses longs cheveux sont relevés en chignon, une torsade en un geste qu’elle pique d’un vieux pinceau pour la fixer. Ce geste a toujours fasciné le petit.

    Ce geste peu à peu est devenu une arabesque tracée à la surface de ses jours, un signe identifiant, comme l’est devenu l’autre qui ôte le pinceau et libère la cascade de cheveux. Ce geste n’a pas toujours existé dans sa vie. Avant, il y a un avant, elle avait les cheveux plus courts, c’était une préoccupation. Il fallait planifier ça, les cheveux, la longueur, la couleur, le balayage plus ou moins blond suivant l’humeur, les saisons, les conciliabules avec la coiffeuse, les rituels du grand tablier blanc que l’on ne met pas soi-même, de la serviette nouée en turban après le shampooing. C’était important. Dans le budget c’était une ligne importante aussi. C’était normal. Dans la position sociale, c’était déterminant. Comme l’était tout autant de dire aux copines en gloussant que ce mois-ci, le coiffeur, c’est un peu raide. Quand elle y pense…

    Peu à peu, il a fallu faire baisser les lignes. Et puis elles ont fui, les lignes. Disparues, lignes de fuite, comme sa vie qui fuyait.

    Peu à peu elle a laissé pousser ses cheveux. Peu à peu elle a pris l’habitude de faire sa couleur elle-même, les cheveux gris ce n’est pas possible ; s’il y a des degrés dans la chute, un jour, ce sera peut-être inévitable. Pour l’instant, ce n’est pas possible. Elle est entrée dans son ère personnelle de l’inévitable ; elle croyait que la vieillesse seule était ce temps de l’inévitable, la jeunesse, la force de la jeunesse faisait forcément rempart. Mais non. Pour elle l’inévitable n’est plus un long processus de métamorphose, c’est un basculement ; un basculement vertigineux, déjà advenu et mortellement menaçant. Elle a appris aussi qu’il y a deux façons d’avoir les cheveux longs, choisie et sensuelle ou contrainte par la force de l’indigence économique et parfaitement débarrassée de toute puissance érotique. Sa féminité ne passe plus par là. Sa féminité ne passe plus.

    La plus petite dépense qui n’est pas vitale comme la nourriture, les vêtements indispensables, la crème pour son visage, tout fait l’objet d’un marchandage impitoyable avec elle-même. Le peu qui reste, elle le garde pour Enzo. Il a huit ans.

    Elle lève la tête et par la vitre du mobil home le regarde un moment jouer dehors. Il y a d’autres enfants ici, il n’est pas seul. Lorsqu’il a fallu partir de l’appartement, elle lui a expliqué que l’on reverrait les amis, que ses copains ne disparaîtraient pas, que ça ne durerait pas toujours, qu’elle allait retrouver du travail et qu’on allait vivre avec Tatie. Ça n’a pas marché, ni chez Tatie, ni de trouver du travail. Ils sont repartis, c’était rigolo, on allait camper. Il pourrait inviter ses copains s’il voulait. Elle y croyait peut-être, aujourd’hui elle ne se souvient plus. Il avait quatre ans. Il y a quatre ans. Les copains ont disparu, on en a parlé, on s’est un peu écrit, on s’est promis des visites mais tout de même ça fait loin et le temps a passé. Cela fait quatre ans déjà que le provisoire dure et que leur vie s’enfonce sans bruit dans le magma indifférencié de la vie des ombres. Hier elle a décidé d’acheter un cahier. Son ordinateur portable a lâché il y a un an. Elle ne s’en servait pas beaucoup, elle faisait ses comptes, les lettres administratives, des choses sans importance. Il datait d’avant, du temps de la banque.

    Quand elle a décidé d’écrire leur vie, de tout consigner pour lui laisser une trace, elle s’est aperçue que cet ordinateur allait beaucoup lui manquer. Elle s’est renseignée pour un disque dur. Cent euros, avec la main-d’œuvre, cent vingt. Une somme comme celle-là, tu ne peux pas négocier de la payer en dix fois. Il faudrait qu’elle en parle à son AS¹. Une aide, dans le cadre de son RMI² peut-être.

    Elle est assujettie à des sigles comme d’autres à l’impôt sur la fortune, une fatalité qu’elle arrivera à déjouer, un jour. Il y a des choses qui sont laides quoiqu’il arrive. Revenu Minimum d’Insertion c’est absurdement laid. On s’habitue à la fonction sociale de cette laideur institutionnelle. On en est gluant, poisseux mais on s’habitue. Et puis un jour le langage technocratique fait sa mue et on bascule dans le RSA³. Elle va bientôt basculer. Elle attend avec intérêt qu’on la balance dans les pattes d’un agent de socialisation. Ça changera d’assistante sociale mais ça ne changera pas la relation entre elles. Une relation très légèrement perverse, très subtilement entachée d’un soupçon de domination.

    Elle cherche la beauté dans ce désert. Isa pense que la poésie ne déserte pas, elle, tant qu’elle se sent accueillie, désirée.

    Elle se dit ça souvent, pour tenir. La poésie a besoin d’un désespoir plus subversif que les autres, plus fêlé, avec des petites lézardes pour s’infiltrer dedans. Elle se fixe sur la moindre parcelle de singularité, même cachée, même abîmée. La singularité est toujours un peu abîmée, proche de l’abîme, au bord du vertige. C’est là qu’elle peut mieux se glisser, la poésie c’est une plante qui peut même faire du hors-sol. Hydroponico, c’était écrit sur une barquette de fraises pas chères qui venaient d’Espagne, elle a cherché le sens de ce mot qu’elle trouvait très rond. Cela signifie tout simplement que la plante n’est pas enracinée dans la terre, elle est arrosée d’une eau fertilisée et elle pousse comme ça, hors du sol. Elle aussi maintenant. Dans sa coque de noix à roulettes posée au milieu d’un camping de nowhere land. Hydroponica.

    Plus aucune marge, elle n’a plus aucune marge. Plus de marge économique. Plus rien n’est possible en dehors de ce qui est vital. Elle émarge aux minima sociaux, plus de marge. Alors elle est revenue au cahier. Ces choses-là chez Lidl, c’est encore possible. Des petits jouets aussi, pour Enzo.

    Sur son cahier, elle veut tout noter désormais, elle sait qu’elle fait partie de cette génération qui a beaucoup appris. L’égalité des chances, c’était normal. Comme voter à gauche et faire confiance au progrès. Elle a lu, beaucoup. Lutter c’était pour les autres, avec une très légère méfiance. Se conformer discrètement et tirer son épingle du jeu sans heurt, sans révolte. Tous les motifs de révolte lui paraissaient géographiquement lointains, teintés d’irréalité, c’était assez facile de s’insurger devant les misères planétaires. Elle était encore une enfant quand l’Espagne est devenue une démocratie. Aucun souvenir des derniers garrottés de Franco. Elle n’a connu que la Movida et les tapas à Barcelone. Elle peut comparer avec ses parents. Paysans, l’école jusqu’au certificat d’études et une vie d’ouvriers agricoles. Pas un livre en dehors des manuels scolaires. Aucun mépris pour le savoir – ils étaient fiers qu’elle étudie – mais le savoir ce n’était pas pour eux. Et elle, lisant Bourdieu et assez aveugle pour croire qu’en une génération les barrières de classe, les interdictions de castes sont abolies. Dissoutes dans son désir à elle de fonder sa vie sur le bonheur. Eux, jamais propriétaires, jamais libres. Éreintés sur huit hectares de tabac et de maïs. Sa mère nourrissait les poules et quelques canards. Son argent à elle. Le père n’y touchait pas, n’y mettait pas son nez. Les foies et les magrets chez elle on n’en a jamais mangé un seul. C’est à la fac qu’elle en a goûtés pour la première fois. Un copain des Landes, sa grand-mère bourrait sa valise de foies en pots et de confitures de poires. Elle s’en est gavée à cette époque.

    Quinze jours avant Noël, à la ferme, la propriétaire venait chercher la viande précieuse. Elle payait bien, sa mère faisait dans l’excellence, ce n’était pas discutable. Ce n’était pas la misère, il y avait la dignité. La rancune contre les propriétaires, durs, de droite, méprisants, mais on ne se rabaissait jamais. Chacun chez soi, chacun à sa place, mais la dignité. Et elle, partant en fac de sciences éco et trouvant cela parfaitement normal, complètement adapté. Elle dans le siphon de la baignoire et se disant que vraiment la plage est belle. Elle a le temps en ce moment de s’extasier de cette naïveté de petite paysanne triste et docile. De s’émerveiller de la grâce avec laquelle l’éternelle bourgeoisie monte les murs de ses réserves d’Indiens.

    Son père était un peu communiste, silencieux surtout. Sombre, pas idéaliste, la terre est trop rude pour laisser pousser l’idéalisme. Dans le Sud Gironde, dans les années soixante, il n’y avait pas beaucoup de paysans communistes ; mais quand on se retrouve à vingt ans dans les Aurès, à nettoyer du douar au lance-flammes, il faut avoir la chance d’avoir dans son bataillon un militant qui vous délivre du suint insupportable de la honte et de la culpabilité. Il n’a pas été un héros et il est revenu. Il en est revenu silencieux, communiste et silencieux. C’est une chance au fond, elle le sait. Certains, qu’elle connaît, ont eu des pères fous, avec des colères qui détruisent et des silences de pierre tombale. Dans cette génération de pères chtarbés elle a écopé du moins pire ; du silence qui laisse quand même de l’espace. Chacun sa place, chacun ses fantômes mais pas d’interdiction de vivre. Juste une mise en garde en filigrane, quelque chose d’à peine discernable, fais-toi petite, ne te fais pas remarquer, méfie-toi de tout ce qui bouge trop. L’amour n’était pas une hypothèse.

    Elle est de cette génération qui est arrivée au bac sans trop de problèmes avec même le sentiment que c’était normal. Les convulsions s’annonçaient, on n’y croyait pas encore. Personne ne voulait voir les ombres portées sur son avenir. L’Angleterre de Thatcher c’est aussi loin que Jupiter et ça ne peut pas les concerner. Plus tard elle verra Lady Bird de Ken Loach et, secouée de sanglots devant les images de cette mère à qui l’assistante sociale arrache un bébé juste né, elle continuera de penser que ça ne peut pas être son histoire ici, en France, jamais. Elle ne sait pas encore que pendant des semaines, quelques années plus tard, il lui faudra défendre comme le mammifère qu’elle est devenue, avec la nausée de l’angoisse, avec le désespoir, le droit de garder son petit avec elle, juste parce qu’elle est devenue pauvre. Et seule.

    Elle a décidé d’écrire désormais tout ce qui leur arrive. C’est venu quand elle a compris que le provisoire pouvait durer l’éternité, que plus rien n’était sous contrôle, que la vie qu’ils vivaient était en marge, à la lisière du monde des vivants. Oui, c’est de cela qu’elle a pris conscience un jour, très récemment. Elle s’est aperçue que son fils n’était jamais invité. Ça s’est passé exactement comme après un cambriolage, d’abord on fait le compte de ce qui manque, et puis on pense avoir fait le tour. Pendant des semaines ensuite, jour après jour, on sursaute à la conscience soudaine d’un manque. Et l’on prend acte d’une disparition de plus. C’est un constat, comme pour un accident : aucun enfant de l’extérieur

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