Jamais trop tôt pour aimer

Suzanne se précipita pour sortir le cake du four. Il était temps, il avait bien failli être trop cuit. Elle avait l’esprit ailleurs ces derniers temps, toutes ses pensées étaient pour Edouard. Ses nuits, ses rêves, ses petits matins lui appartenaient désormais. Elle aurait aimé pouvoir l’oublier, mais l’homme qu’elle avait embauché depuis un mois pour l’aider aux champs était devenu une obsession.

Quand on frappa à la porte, elle sursauta.

Ce n’était que son amie Odette, mais elle avait sans cesse l’impression d’être prise en flagrant délit de pensées interdites. – Entre, Odette !

Elle avait déjà poussé la porte. Ces deux-là se connaissaient depuis l’enfance, mais en ce moment Suzanne n’avait envie de voir personne. Sauf Edouard.

– Tu as fait un cake, quelle bonne idée ! Si j’étais raisonnable je n’y toucherais pas, il faut que je fasse un régime. Mais c’est tellement difficile avec toutes ces bonnes choses ! Et puis Thomas s’en fiche, c’est à peine s’il me voit.

– Prends un amant, laissa échapper Suzanne.

Odette ouvrit de grands yeux étonnés puis elle partit d’un éclat de rire. – Je l’aime bien, mon Thomas ! Même s’il n’est pas le mari dont je rêvais quand j’étais une jeune fille.

– Je plaisantais, mentit Suzanne en posant le cake sur le bord de la fenêtre. Mais pourquoi ferais-tu des efforts pour un homme qui n’en a jamais fait pour toi ?

Odette hocha la tête, un peu décontenancée.

Ce n’était pas le genre de Suzanne de parler avec tant de désinvolture de ce genre de chose.

Penchée sur le plan de travail, tournant le dos à Odette, elle versa le café dans les tasses.

Elle éprouvait un terrible sentiment de culpabilité au point que ses nuits étaient devenues un enfer.

Elle avait embrassé Edouard alors qu’elle n’était veuve que depuis trois mois. Ou plutôt c’était lui qui l’avait embrassée… elle ne savait plus très bien lequel des deux avait fait le premier pas mais c’était arrivé une semaine plus tôt, au beau milieu