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La CITE DE SANG TOME 2: L'Antidote
La CITE DE SANG TOME 2: L'Antidote
La CITE DE SANG TOME 2: L'Antidote
Livre électronique513 pages5 heures

La CITE DE SANG TOME 2: L'Antidote

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À propos de ce livre électronique

Depuis le jour maudit où Brynn a échappé à une mort certaine, les soldats de la Garde la pourchassent sans relâche dans tous les secteurs de la cité. Après une mission à la Centrale durant laquelle Tanner a été capturé, Brynn promet de tout faire pour le délivrer.
À ce jour, personne ne sait s’il est encore vivant…
Alors que l’alliance des rebelles refuse de repartir au front, Brynn se met en quête de nouveaux alliés. Lorsque la vie de ceux qu’elle aime est menacée, la jeune femme est prête à tout. Même à s’allier aux criminels les plus redoutables de la cité.
Ensemble, ils devront réaliser l’impossible et tenter de dévoiler la vérité sur l’Antidote au reste de la population.
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie23 févr. 2022
ISBN9782897923136
La CITE DE SANG TOME 2: L'Antidote
Auteur

Kathleen Thibault

Kathleen Thibault est une autrice québécoise qui a découvert sa plume à l’adolescence. Depuis, son plus grand rêve était de se faire publier, ce qu’elle a accompli avec La Cité de sang. Espérant rendre hommage à ses héroïnes préférées de la littérature, elle tire son inspiration de son imaginaire débordant. Bien que diplômée en psychologie et en criminologie, elle dit souvent qu’elle a tout oublié de ses études. Dans ses temps libres, elle aime chanter des extraits de comédies musicales pour sa fille et jouer à des jeux vidéo avec son mari.

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    Aperçu du livre

    La CITE DE SANG TOME 2 - Kathleen Thibault

    Trois mois plus tôt

    Brynn

    2 H 04 — Nedra

    Je me fraye un chemin à travers la nuée de corps grouillants les uns contre les autres dans l’espace réduit de la Tanière Rouge. Désespérés d’obtenir le moindre contact humain, les gens s’agrippent et se tortillent en rythme avec la musique envoûtante de la boîte de nuit, suffisamment désinhibés par l’alcool frelaté et la morphine pour cette danse perverse.

    Je reste en périphérie de la foule. La plupart des gens se sont agglutinés autour du ring de boxe dans lequel une bataille à mort se déroule. Je suis trop loin pour discerner les combattants, mais je parviens à entendre les exclamations de la horde de clients avides de violence et de sang, alors qu’un des adversaires se fait buter.

    Je joue des coudes pour me faufiler jusqu’au bar. Une sulfureuse barmaid s’affaire à étancher la soif de boisson et de sexe de ses consommateurs décharnés. Lex, une grande blonde aux courbes prononcées, est en poste ce soir.

    Bien.

    J’ai des choses à régler avec la traîtresse.

    Redoublant d’audace en plantant mes doigts dans les côtes des gens ivres pour qu’ils s’écartent de mon chemin, je suis décidée à lui dire deux mots et à lui enlever son sourire aguicheur. Me penchant au-dessus du comptoir où sont visibles quelques flaques d’une substance collante que je suppose être de l’Héma, l’alcool frelaté de la cité, j’essaie d’attirer l’attention de Lex en envoyant rouler une fiole d’Antidote jusqu’à sa main manucurée.

    Intéressée à découvrir la source de ce pot-de-vin, Lex détaille la foule devant son bar, cherchant à quel client richissime offrir ses faveurs. Lorsque son regard se pose enfin sur moi, je lui adresse un signe. Elle se renfrogne avant de venir à ma rencontre, une moue de dédain sur ses lèvres, mauves ce soir.

    — Regardez ce que le videur a laissé entrer, fanfaronne-t-elle en se penchant assez pour que personne d’autre ne l’entende. Je t’ai dit de ne pas revenir ici, chaton. Maintenant que Tanner n’est plus là pour te protéger, je me demande comment tu vas réussir à ressortir avec ta dignité intacte.

    Je lui balance une gifle en pleine figure.

    Les discussions autour de nous s’éteignent, tous appréhendant la prochaine effusion de sang. Lentement, Lex porte une main à sa joue, fraîchement colorée de rouge. Ne lui laissant pas le temps de comprendre ce qui vient de se produire, je l’agrippe par un poignet et la tire brutalement vers moi, de sorte que nos visages soient à quelques centimètres l’un de l’autre. Je lui crache, avec toute la hargne dont je suis capable :

    — Ça, c’est pour ta trahison la dernière fois que nos chemins se sont croisés. Tu as averti les gardes que Tanner et moi allions traverser la barrière. Nous sommes presque morts par ta faute ! Estime-toi chanceuse que je ne te tue pas pour ça.

    Surprise, Lex cligne des yeux plusieurs fois. Elle examine mon visage, avant de se reprendre et de déclarer fièrement, en s’arrachant à ma poigne.

    — Oh, pitié ! Si j’avais essayé de te tuer, tu ne serais pas ici pour te venger. Si tu ne me crois pas, sois certaine que je n’aurais jamais risqué la vie de Tanner. Pas même pour me débarrasser d’une vermine dans ton genre.

    Je considère les propos de Lex, essayant de déceler le mensonge dans ses paroles. Après avoir vu l’étonnement dans ses yeux, je suis convaincue qu’elle dit la vérité. Ce n’est pas elle qui nous a trahis. Ça me préoccupe, compte tenu du nombre limité de gens à avoir été au courant de notre plan de traverser la frontière entre Nedra et Eryl pour rejoindre l’ARME H.

    — Est-ce qu’il y a un problème, ici ?

    — On a assurément un souci, déclare Lex en prenant le rôle de la victime pleurnicharde. Cette poufiasse a levé la main sur moi ! Fous-la dans les ordures, tu veux bien ?

    Exaspérée par cette scène, je me tourne vers Victor, un énorme videur au crâne rasé qui est aussi le bras droit du Baron du crime organisé. Je lève les yeux au ciel. Descendant de mon perchoir nonchalamment, je passe devant le dangereux homme de main en disant :

    — Ne t’en fais pas, Vic. Je n’ai pas l’intention de frapper d’autres employées, ce soir. Promis, je vais être gentille.

    Aucunement affecté par mon humour, Victor se contente de croiser ses immenses bras et de me regarder sévèrement, avant de répliquer d’un ton bourru :

    — Par ici. Il t’attend.

    Lui adressant un large sourire, je m’éloigne à grands pas de la barmaid outrée que je ne sois pas réprimandée pour ma conduite. Avant d’être engloutie par la foule, j’entends Lex protester à qui veut l’entendre.

    Satisfaite du déroulement des événements, je laisse le mercenaire m’escorter jusqu’au patron des criminels.

    2 H 12 — Nedra

    Il y a maintenant une semaine que Tanner est prisonnier du gouvernement. Personne ne sait s’il est encore en vie ou s’il a préféré se tuer plutôt que de finir par craquer sous la torture et dévoiler l’emplacement de l’ARME H. Même Delta, la capitaine de la Garde, et aussi membre de l’alliance de rébellion, ne peut tenter d’obtenir de l’information à son sujet. Après la mission à la Centrale pour sauver ma sœur d’une mort certaine, pendant laquelle Wayde et moi avons délivré tous les prisonniers, le major a restreint l’accès à l’étage de détention aux soldats des forces spéciales uniquement.

    Je ne compte pas abandonner.

    Il y a une chance que Tanner soit encore en vie, et je me suis juré de le secourir. Après avoir vu les tortures infligées aux détenus pendant des mois avant de les laisser mourir, je ne peux me résoudre à me dire qu’il est mort et à peut-être l’abandonner à d’atroces souffrances. Tanner s’est sacrifié pour que je sois en mesure de sauver Paisley, ma petite sœur. À mon tour de lui rendre la pareille. Je vais le sortir de là, peu importe ce qu’il m’en coûtera pour y parvenir.

    Les premiers jours suivant sa capture, j’ai tenté de convaincre Gregory, le directeur de l’alliance, de mener une mission pour le récupérer. Sans succès. J’ai dû me battre contre Wayde, le meilleur ami de Tanner et soldat émérite, qui se borne à dire qu’il est mort. J’ai crié, j’ai hurlé, j’ai tempêté, en vain. Personne n’a voulu m’écouter, tellement tous sont figés par la peur et les protocoles.

    C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de prendre les choses en main.

    Et pour cela, j’ai besoin du Baron.

    Alors que j’entre au cœur de la marée de corps qui se referme autour de moi comme une vague engloutissant un récif, je laisse Victor me précéder. Il me guide jusqu’à une alcôve réservée, au fond de la Tanière Rouge. Les voiles apportant d’ordinaire une illusion d’intimité sont relevés, et je suis surprise de découvrir la banquette de cuir courbée occupant l’espace entier, au lieu du matériel médical servant aux amputations et aux prélèvements de sang qu’on retrouve dans tous les autres espaces intimes du bar clandestin. La pièce est vide pour l’instant.

    C’est en m’assoyant sur la banquette confortable que je comprends la raison d’être de l’alcôve, qui offre une vue imprenable sur l’ensemble du bar et de ses occupants. De cet emplacement méticuleusement choisi, il est possible d’observer tout ce qui se passe dans la Tanière Rouge, de scruter les clients et les transactions.

    Il s’agit probablement de la table privée du Baron.

    Certaine qu’il a délibérément voulu me faire patienter, j’abaisse le capuchon de ma longue veste permettant de camoufler ma chevelure dorée et profite de cette place de choix pour détailler les alentours.

    Les barmaids, toutes habillées de manière plus indécente les unes que les autres, sont affairées derrière leur comptoir à verser l’Héma aux consommateurs assoiffés ou à offrir leurs faveurs sexuelles aux plus fortunés. Des soignantes vêtues de blouses de laboratoire noires vont d’alcôve en alcôve, recueillant les paiements – en liquide ferreux et en chair – des clients comateux. Pour ce qui est de la foule réunie pour les festivités, les gens dansent frénétiquement au rythme de la musique électrique ou, assoiffés de violence, encouragent l’effusion de sang dans le ring.

    L’acclamation générale pour un des combattants ramène mon attention vers l’arène, dressée au centre de la Tanière Rouge. Contrairement à ma précédente visite, le Baron n’est pas installé sur le trône de velours pour commenter la bataille. Cette fois, il est au milieu de l’action, en train de battre à mort son opposant sous les encouragements de la foule déchaînée.

    Malgré la taille de son adversaire, un homme imposant aux cicatrices révélant une vie de luttes dans les rues du marché noir, le Baron a clairement l’avantage. D’ailleurs, le combat est sur le point de finir, à voir le visage défait de l’autre et le rouge maculant le plancher.

    La foule crie de plus belle, alors que le Baron assène un violent coup de poing à son opposant et qu’un filet de sang jaillit de sa bouche. Déstabilisé par la force brute de ces coups, le perdant tombe lourdement au tapis.

    Incapable de se relever, il implore la clémence du Baron. Disposé à lui offrir le pardon, ce dernier regarde la masse de monde assemblée autour du ring, posant ainsi sa question implicite. Aussitôt, tous lui répondent en levant le bras.

    Main ouverte pour la clémence.

    Poing pour la mort.

    C’est avec horreur que je regarde la totalité lever un poing fermé pour réclamer la mise à mort d’un des leurs sans la moindre hésitation. Réalisant le sort qui l’attend en même temps que moi, l’homme au sol se met à couiner et à pleurer, demandant pitié à son bourreau. Mais le Baron n’a d’autre choix que de donner à la foule ce qu’elle réclame.

    Lorsque le perdant comprend que ses supplications ne seront pas entendues, il se tourne sur le ventre et tente de ramper jusqu’en dehors du ring. Les gens autour rient cruellement. Exécutant sa tâche froidement, le Baron avance jusqu’à son adversaire et l’attrape par les cheveux pour lui casser le cou sous les applaudissements. Au moins lui accorde-t-il une mort rapide et sans douleur.

    Je vais vomir.

    — Qu’est-ce que je fais encore ici ?

    Ce n’est pas la première fois que je vois quelqu’un mourir, mais cette fois, c’est différent. Il s’agit d’une exécution. Ce n’était ni pour se défendre ni sous l’effet d’une menace. C’était un meurtre. Froid et calculé. Pour répondre à la soif de sang et de violence des disciples du Baron.

    C’est ce qui me terrifie le plus.

    Laissant le corps retomber sur le tapis, le Baron lève les bras et s’adresse à la foule d’une voix forte, profitant de sa victoire pour rappeler à tous leur position au sein de la hiérarchie.

    — Qui d’autre pense que je suis devenu faible ? Qui d’autre croit que je suis trop jeune pour être à la tête de mon empire ? Qui d’autre souhaite monter dans le ring et me défier ?

    Les mots du Baron résonnent dans la Tanière Rouge, désormais plongée dans un silence de mort. Personne n’ose parler, de peur de s’attirer les foudres du dangereux criminel. Même le personnel de la boîte a cessé de remplir les commandes des clients et attend que le patron ait fini sa diatribe.

    Tournant autour du ring en irradiant de puissance, le Baron vocifère :

    — Personne ? Bien. Que ce soit clair : je tuerai quiconque remettra mon autorité en question. Je n’aurai aucune clémence pour les traîtres qui ne connaissent pas leur place dans ma demeure.

    Le Baron termine son effrayant discours et Victor lui adresse un signe discret. Descendant du ring pour écouter son bras droit, sous les regards médusés des clients, le patron invite ses employés à reprendre leurs activités. Je me doute de ce que Victor lui dit, puisque le Baron se tourne dans ma direction, un sourire s’étirant sur ses lèvres pleines. Juste avant de s’éloigner de l’arène et de la dépouille, il grogne à l’intention des hommes de main derrière lui :

    — Enlevez-moi cette charogne d’ici !

    Je me force à soutenir son regard pénétrant et à refouler ma terreur, alors qu’il vient vers moi de sa démarche envoûtante. Ses cheveux longs plaqués vers l’arrière par la sueur et sa poitrine se soulevant au rythme de ses inspirations profondes, il émane de lui pouvoir et virilité. À son passage, les gens s’écartent avec déférence. Je m’efforce de détourner le regard de son pantalon reposant bas sur ses hanches et du tatouage qui disparaît sous sa ceinture, me laissant seulement imaginer où il se termine.

    À son air moqueur, le Baron semble deviner les pensées que la vue de son corps dénudé m’occasionne. Avec ses cheveux châtains tirant presque sur le brun, sa barbe de quelques jours, son physique à couper le souffle, de même que ses tatouages contrastant avec sa peau dorée, le patron du crime organisé est très séduisant.

    Et il le sait, ce qui peut s’avérer extrêmement dangereux.

    Je me rappelle la première fois que nos chemins se sont croisés, l’audace et la possessivité avec laquelle il a posé sa bouche contre la mienne, chose que personne n’avait faite jusqu’alors. Je me souviens de son offre scandaleuse de partager son lit. Pour être honnête, si je l’avais rencontré avant d’apprendre tout ce que je sais aujourd’hui, j’aurais peut-être accepté. Je rougis à cette pensée, honteuse de me demander ce que ses grandes mains sont capables d’accomplir…

    Je me refroidis vite en pensant à ceux que je l’ai vu tuer avec ces mêmes mains : son employé ayant commis une simple erreur, le caporal Jensen qui ne faisait que son travail, ainsi que cet inconnu dans le ring qui réclamait sa clémence. La réalité, c’est que le Baron est quelqu’un d’imprévisible. Pour l’heure, il me trouve intéressante, ce qui me donne un statut d’intouchable auprès des criminels de la Tanière Rouge. Mais cela peut changer aussi vite que son humeur, et je dois être prudente. En fait, j’aurais évité cet endroit comme la peste si je n’avais pas eu besoin de son aide pour sauver Tanner.

    Il ne me reste plus qu’à le convaincre.

    Dans quelle merde me suis-je embarquée ?

    — Quel plaisir de te revoir, Brynn.

    Je me lève de la banquette lorsqu’il s’arrête devant moi, désireuse qu’il conserve sa prédisposition joviale à mon égard. Je le laisse même déposer un baiser sur le dos de ma main, réprimant l’envie de la soustraire à sa poigne de fer. Avalant ma salive, je lui réponds respectueusement :

    — Merci de m’accorder de votre temps, Baron. Il s’agit d’une question de vie ou de mort.

    J’attends qu’il me signifie de me rasseoir. À peine a-t-il pris place en face de moi qu’une somptueuse serveuse au teint d’ébène nous apporte des boissons. Portant une robe fendue jusqu’en haut d’une cuisse et décolletée jusqu’au nombril, elle entreprend de passer une serviette mouillée sur le torse musclé de son patron, pour nettoyer les gouttelettes de sang accumulées pendant le combat. Je détourne le regard de ses gestes beaucoup plus langoureux qu’efficaces, sous l’œil amusé du Baron, conscient de mon malaise.

    Une fois les traces nettoyées, la femme se penche pour susurrer à l’oreille du propriétaire de la Tanière Rouge. Je n’entends pas ce qu’elle lui propose, et ça me convient parfaitement. Sans me lâcher des yeux, le Baron lui répond :

    — Avec plaisir, Asha. Reviens quand j’aurai terminé avec elle.

    Satisfaite, la serveuse s’éloigne en se déhanchant, pensant probablement aux privilèges que lui apportera le statut d’amante du Baron du crime organisé. Lorsqu’elle a disparu dans la foule, je reporte mon attention sur mon interlocuteur. Celui-ci prend une gorgée de son verre avant d’énoncer :

    — Je dois avouer que ton message a piqué ma curiosité. C’était… intéressant, comme manière de réclamer une rencontre. Mais j’espère que tu ne crois pas que ça efface ta dette.

    — Pas du tout, dis-je avec aplomb, ayant été préparée à la question. C’était un cadeau. Pour vous remercier de m’accorder une entrevue.

    La vérité, c’est que je n’ai rien fait du tout, mais je ne le lui avouerai jamais. Mieux vaut qu’il pense que je suis l’unique responsable, même s’il s’agissait plutôt de la main entraînée de Drek. Ce dernier savait où trouver un homme recherché par le Baron. Un traître. Il est revenu d’une rencontre avec son oreille tatouée. Je n’ai pas eu le courage de lui demander ce qu’il était advenu du reste de son corps. Nous avons payé un revendeur de morphine pour la livrer au Baron, avec une note indiquant l’heure de cette charmante réunion. J’avais absolument besoin de ce rendez-vous.

    — Je suis un homme très occupé, reprend le Baron, ramenant mon attention au présent. Mais puisque tu m’as si gentiment débarrassé d’un problème, je peux bien t’accorder quelques minutes. Je t’écoute. Qu’est-ce qui est si important pour que tu te risques jusqu’ici alors que tu es recherchée dans toute la cité ?

    En effet, il n’était pas simple de venir. Pas avec la sécurité renforcée à toutes les barrières permettant la circulation entre les différents tiers. C’est d’ailleurs ce qui explique mon ensemble noir des pieds à la tête, ainsi que le maquillage macabre qui me donne l’impression d’avoir du goudron collé au visage.

    — J’ai besoin d’hommes, annoncé-je sans tourner autour du pot, convaincue que le Baron apprécie l’honnêteté de mon discours. De mercenaires. Pour récupérer un soldat prisonnier des forces spéciales.

    — Ah ! L’amouuuuur, se moque-t-il en s’enfonçant dans la banquette moelleuse, prenant ses aises maintenant qu’il est au fait de ma demande. Tu veux récupérer ton prince charmant. Comment s’appelle-t-il, déjà ? Trevor ? Tristan ?

    — Tanner.

    Le Baron s’accorde une pause pour m’observer et, réalisant que je n’ai pas touché à mon verre, me signifie de boire. Ne voulant pas m’attirer ses foudres, je prends une gorgée du liquide infect.

    Je m’étouffe alors qu’il me brûle la gorge, car c’est plus fort que ce à quoi j’ai déjà goûté. Le Baron, à peine plus âgé que moi, rit de mon inexpérience et vide son verre d’une traite.

    — De combien d’hommes souhaites-tu disposer ?

    — D’autant que possible.

    — Quand comptes-tu agir ?

    — Dans trois mois. Lorsqu’ils amèneront les prisonniers au nouveau bâtiment de détention. Il faudra frapper lors du transport dans Nedra.

    Le Baron me détaille, visiblement surpris de ma réponse. Je suis moi-même étonnée de la brèche dans son masque de désinvolture. Reposant son verre vide sur la table, il formule lentement, les sourcils froncés :

    — Tu es consciente que ton chéri ne va pas tenir le coup jusque-là ? Trois mois en compagnie du major tueraient la plupart des hommes. S’il n’est pas déjà mort à l’heure qu’il est…

    Je le coupe, plus sèchement que je ne le devrais.

    — Tanner est fort. S’il ne s’est pas suicidé lors de sa capture, il sera encore en vie dans trois mois et… c’est la seule option que nous avons, avoué-je, évitant de regarder mon interlocuteur en face. Ils ont renforcé la sécurité de la Centrale depuis la dernière attaque de l’ARME H. Ce serait trop risqué de retenter une infiltration. Il faut attendre le transport vers la nouvelle prison.

    Certes, je n’aime pas ça. Mais il s’agit réellement de la seule option. Après avoir exploré toutes les possibilités avec Kate et Drek, nous avons conclu qu’il serait imprudent d’essayer de sortir Tanner de la Centrale après la mise en place des nouvelles mesures de sécurité.

    Trois mois.

    Par l’Antidote, j’espère qu’il va tenir le coup !

    — Dis-moi, reprend le Baron, son expression ayant perdu sa lueur amusée. Que comptes-tu m’offrir pour une faveur de cette envergure ? Mettre la vie de mes hommes en jeu et risquer les représailles du gouvernement, ce n’est pas une mince affaire, Brynn. Mes mercenaires ne prendront pas part à une telle mission sans raison suffisante. Leur paie devra être substantielle, et je n’ai aucune raison de vouloir Tamlin en vie. Que peux-tu me donner en échange ?

    Il fait exprès de changer le nom de Tanner pour m’énerver. Pour tester ma patience. Pour déterminer à quel point je suis désespérée d’obtenir son aide. Ainsi, je me force à conserver une expression détachée lorsque je lui réponds :

    — Ne me prenez pas pour une idiote. Vous êtes le Baron. Ordonnez, et vos hommes agiront. Même sans raison, ajouté-je, sûre de moi. Pour ce qui est de ce que je peux vous offrir… Eh bien… Je vous devrai une autre faveur.

    — Hummm… J’ai bien peur que ce ne soit pas suffisant.

    Je m’étais préparée à cette éventualité. Je savais qu’il m’en coûterait de quémander l’aide du Baron du crime organisé. Déterminée, je prononce les mots qui me mèneront sans doute à ma perte :

    — Dites-moi ce que vous voulez.

    Le sourire qu’il m’adresse me terrifie. Je viens de lui donner exactement ce qu’il désire. Je ravale ma salive pendant qu’il réfléchit, la nervosité croissant à l’intérieur de moi. Je m’efforce de ne rien laisser paraître, tandis qu’il décide du prix à payer en frottant distraitement ses jointures écorchées, les chiffres romains y étant tatoués à peine discernables sous le sang. Lorsque enfin il reprend la parole, il m’annonce, d’une voix grave :

    — Tu auras des hommes pour ta mission si tu acceptes de travailler pour moi pendant un an. Tu vivras dans un appartement fourni et tu m’obéiras. Si je te dis de tuer quelqu’un, tu le feras. Si j’ai besoin d’une barmaid en décolleté, tu le feras. Et si je te somme d’être dans ma chambre pour me masser les pieds tous les soirs, tu le feras aussi. Suis-je assez clair ?

    J’acquiesce lentement, comprenant ce que le sacrifice implique. Vendre mon âme pour sauver la vie de Tanner. Je m’étais déjà préparée à payer un tel prix. Je pose mes coudes sur la table et me penche vers le Baron pour négocier.

    — Six mois. C’est ma meilleure offre, contré-je, tâchant de ne pas m’étouffer sur les prochains mots. Et aucune faveur… sexuelle. Le temps commence tout de suite après la mission, pas avant. C’est à prendre ou à laisser.

    — C’est raisonnable, mais je me permets d’ajouter une clause non négociable, réplique-t-il en se penchant lui aussi au-dessus de la table, si près de moi que je suis envahie par son odeur de bois et de sueur.

    Aussi proche de lui, je n’ose pas bouger. J’ignore si c’est ma peur ou ma fascination perverse qui m’en empêche. Quoi qu’il en soit, je retiens mon souffle jusqu’à ce qu’il formule sa dernière condition, me fixant droit dans les yeux.

    — S’il s’avérait que ton cher et tendre ne soit pas dans le transport, le marché tient quand même. Tu devras passer à travers ton deuil en travaillant pour moi, et je ne suis pas très patient envers les veuves éplorées.

    — Marché conclu.

    Maintenant

    Brynn

    13 H 19 — Fedora

    — Cesse de baisser ta garde si tu ne veux pas te faire défoncer le crâne, me réprimande Drek pour la centième fois de la matinée.

    — J’essaie, grincé-je entre mes dents serrées, tout en bloquant le coup de poing dirigé vers mon visage.

    Je réplique avec un coup de pied circulaire, visant les côtes laissées sans défense de mon professeur de combat. Anticipant mon attaque, il attrape facilement ma jambe au vol et la tire vers lui pour me déstabiliser. Je m’effondre maladroitement sur le tapis d’entraînement et émets une série de jurons colorés.

    Trois mois.

    Il y a trois mois que Tanner a été fait prisonnier par la directrice lors de la mission pour sauver ma sœur et pour récupérer mon dossier médical qui, finalement, s’est avéré inutilisable. Nous ignorons ce que Tanner y a vu la première fois. Nous pensons que les véritables données ont été substituées entre-temps, sans doute lorsque je suis devenue une fugitive. Aussi, il y a trois mois que j’ai demandé à Drek de m’enseigner à me défendre. Je me débrouille bien, même si je suis loin d’être devenue une combattante exceptionnelle.

    — Après tout ce temps, tu n’as toujours pas réalisé que si je laisse un trou dans ma garde, c’est pour tendre un piège à mon adversaire ? Si tu veux me battre, tu dois frapper où je ne m’y attends pas, m’admoneste Drek en me tendant la main pour m’aider à me relever.

    Fâchée, je m’exécute par mes propres moyens.

    — Encore.

    D’une patience infinie, Drek me rappelle de monter ma garde, ignorant mon humeur de chien. Nous échangeons quelques coups, et je finis par me retrouver au sol de nouveau.

    — Tu es distraite, aujourd’hui.

    — Avec raison, grogné-je en retour. As-tu oublié quel jour nous sommes ? Je crois avoir amplement raison d’être nerveuse, étant donné ce qui se prépare.

    — Tu ne peux pas laisser tes émotions affecter ton combat, Brynn. Tu dois analyser la situation froidement et trouver les failles chez ton adversaire. Lorsque tu devras te battre pour ta vie, tu auras peur. Tu seras en colère. Si tu laisses tes émotions guider tes mouvements, tu commettras une erreur qui risque de t’être fatale. Allez, debout. Encore.

    J’obéis. Drek corrige ma position avant de recommencer à échanger des coups avec moi. Je tente de mettre en pratique ce qu’il m’a dit et de frapper à des endroits inattendus, mais il semble être doté d’un sixième sens et anticipe chacune de mes attaques.

    Un plan se forme dans mon esprit lorsque j’aperçois Delta passer dans le couloir près de la salle de combat du Quartier Général, ses cheveux flamboyants reconnaissables de loin.

    Changeant subtilement ma position de manière à ce que la capitaine entre dans le champ de vision de Drek, je me prépare à frapper. Dès qu’il apercevra Delta, il oubliera de porter attention à mes coups l’espace d’un bref instant, et je pourrai me servir de sa distraction pour lui rendre la monnaie de sa pièce.

    Encore un peu…

    Effectuant un pas de plus vers la droite, je vois le regard de Drek dériver par-dessus mon épaule. Il a remarqué la présence de Delta. Sa distraction est quasi imperceptible, mais c’est tout ce dont j’ai besoin. D’une jambette, je l’envoie au tapis.

    — Victoire !

    Sonné, Drek passe une main sur son visage, l’air de se demander ce qui vient d’arriver. Le regardant de haut, je lui offre un sourire moqueur avant de le narguer :

    — As-tu dit « identifier les failles de son adversaire » ? Ai-je besoin de mentionner que tu ne dois pas perdre ta concentration en voyant passer une jolie femme ?

    Sur le coup, les yeux de Drek s’arrondissent. Probablement son unique faiblesse. Se laissant retomber sur le tapis, il éclate d’un rire tonitruant qui se réverbère contre les parois d’acier et de béton du système de tunnels dans lequel nous nous trouvons.

    — Je pensais plutôt à « donner un coup de pied dans les bijoux de famille », mais ton interprétation fonctionne aussi, réussit-il à articuler à travers son hilarité. Je ne suis pas très bon pour le cacher, hein ?

    — La seule personne qui ne semble pas s’en rendre compte, c’est Delta, réponds-je en m’étendant à côté de lui.

    La séance d’entraînement terminée pour la journée, je savoure un rare instant de quiétude, allongée près de Drek. Dans les trois derniers mois, ce soldat plus âgé est devenu un mentor et un ami. Tous les jours, il m’a entraînée à me battre et à utiliser un fusil en prévision de ce que nous nous apprêtons à faire, mais aussi pour que je ne devienne pas folle à tourner en rond pendant que Tanner est maintenu prisonnier.

    S’il est encore en vie…

    Déterminé à payer sa dette, puisque Tanner lui a sauvé la vie lors de la mission pour retrouver ma sœur, Drek a même participé à l’élaboration du plan, au risque de s’attirer les foudres de Delta et de Gregory s’ils apprenaient ce que nous projettions. Malgré sa loyauté envers l’ARME H et ses sentiments pour Delta, il risque tout pour m’aider à sauver Tanner. Je lui en serai éternellement reconnaissante.

    Évidemment, Drek n’est pas le seul à être au courant de mon projet. Kate, ma meilleure amie et génie informatique, a été la première à l’apprendre, et ce, pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle est la personne en qui j’ai le plus confiance dans cette fichue cité sous-marine. Ensuite, parce que jamais nous ne pourrions accomplir cette mission sans son expertise avec les caméras de la cité.

    Nous avons aussi dû

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