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Sur la piste du troisième homme
Sur la piste du troisième homme
Sur la piste du troisième homme
Livre électronique203 pages2 heures

Sur la piste du troisième homme

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À propos de ce livre électronique

Paris 3 septembre 1933. Un visiteur singulier sonne à la porte de mon agence de détec-tives : Marcel Bucard, qui s’apprête à lancer le Parti Franciste.

L’homme est inquiet : « un de mes collaborateurs vient de disparaitre. Il ramenait de Rome un traité d’accord avec le parti de Mussolini. Aucune trace de ce document ! Si on dé-couvre que nous sommes financés par l’Italie je ne résisterai pas au scandale. Vous êtes un ancien officier. À ce titre je vous demande de m’aider. Il faut faire vite : l’inauguration a lieu dans 15 jours. »

Bucard est un militant d’extrême droite. Pas trop mon truc ! Mais il est sympathique et condamne l’antisémitisme. Et puis j’ai besoin d’argent… J’accepte, sans savoir que mon enquête va me mener à affronter un assassin sadique et que je vais être victime d’une ma-nipulation dont je ne sortirai pas indemne.

Basé sur des faits historiques, mené sur un rythme rapide, le roman plonge le lecteur dans une époque sombre et violente marquée par l’antisémitisme.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Claude Vermot - Docteur en droit, avocat de formation, l’auteur a cumulé différents métiers : enseignant, agriculteur, banquier, restaurateur d’un château. Aujourd’hui il passe la majeure partie de son temps à naviguer. En solitaire.

Sur la piste du troisième homme est son quatrième roman.



LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie22 janv. 2024
ISBN9791038808041
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    Aperçu du livre

    Sur la piste du troisième homme - Claude Vermot

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    Claude VERMOT

    Sur la piste du troisième homme

    Policier

    ISBN : 979-10-388-0804-1

    Collection : Rouge

    ISSN : 2108-6273

    Dépôt légal : janvier 2024

    © couverture Ex Æquo

    © 2024 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

    Toute modification interdite

    Éditions Ex Æquo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières Les Bains

    www.editions-exaequo.com

    I

    Certaines images s’accrochent à nos tripes. Qu’on ait été acteur ou simple spectateur, leur évocation nous ronge et nous fait vieillir. Peu importe les circonstances, elles nous montrent toutes la même scène : la mort ou la souffrance de l’autre.

    Quelques-unes expriment la violence absolue. Comme la plupart des combattants de 14-18, il m’est impossible d’effacer les corps déchiquetés et les visages mutilés. Cette horreur-là revient toujours aux heures sombres de la nuit.

    Mais la guerre n’est pas la seule pourvoyeuse de nos cauchemars. Même en temps de paix il suffit parfois d’assister à un accès de fureur soudaine, à une injustice ou un simple accident pour en être marqué à jamais. Surtout si on pouvait l’éviter !

    Ce qui peut apparaître comme un simple fait divers devient alors un boulet que l’on traîne sans espoir de rémission.

    Ainsi je ne parviendrai jamais à oublier ce que j’ai vu le dimanche 10 septembre 1933 devant l’église Saint-Ferdinand. Je me souviens de chaque détail.

    La messe va bientôt se terminer. Il fait beau, quasiment une journée d’automne, tiède et humide.

    Les feuilles recroquevillées des marronniers tamisent la lumière et un vent d’ouest diffuse sa fraîcheur. La place est presque vide, quelques passants, deux Camelots du roi qui discutent, leurs paquets de journaux jetés sur le trottoir. Et elle !

    Elle se tient étrangement, debout, devant les marches, la tête penchée vers le pavé comme une implorante. Totalement immobile, les bras croisés, elle garde, serré contre sa poitrine un petit sac à main.

    Je connais cette femme.

    Elle est allemande même si elle n’a pas du tout l’allure des walkyries que nous imaginions pendant les interminables attentes dans la boue des tranchées : des blondes, avec des nattes et des seins lourds, qui servent de la bière à des hommes en culotte de peau. La dame est menue, effacée, grisonnante et déjà bien voûtée. Rien qui puisse émoustiller des braillards de comptoir.

    Elle s’appelle Greta Berstein.

    Je l’ai rencontrée à trois ou quatre reprises dans sa boutique. Elle aide sa cousine, l’épicière de la rue Laugier.

    Cela fait cinq mois qu’elle vit à Paris. L’élection du 5 janvier 1933 l’a décidée à fuir l’Allemagne.

    — Dieser Hitler ist ein Tyrann{1}.

    À ma première visite elle a balancé sa phrase comme on éjecte un crachat, en pinçant les lèvres et en sifflant. Elle l’a répétée plusieurs fois au point que j’ai douté de son état mental. Je me suis contenté de hocher poliment la tête. C’est ce qu’on fait souvent en écoutant les racontars d’une personne âgée, surtout lorsqu’on croit qu’elle divague.

    Il a fallu qu’elle ajoute : « J’étais commerçante. Tous les magasins juifs ont été vandalisés par les chemises brunes. », pour qu’enfin je devine son histoire.

    Je la connais, mais j’ignore ce qu’elle attend sur la place. Surtout je suis loin de me douter que dans quelques minutes elle va mourir.

    Les cloches maintenant carillonnent, la foule se presse pour sortir. L’église Saint-Ferdinand est toute petite. Beaucoup trop, les fidèles y étouffent. On parle régulièrement de l’agrandir.

    Les Deux Camelots du roi se sont installés sur les marches et commencent à crier, brandissant leurs journaux :

    — Demandez l’Action Française ! Dernières révélations sur la banquière Hanau{2} !

    Des hommes jeunes, pas plus de vingt-cinq ans, habillés de façon identique comme s’il s’agissait d’un uniforme : le même costume gris clair, une cravate bleue, un chapeau melon. Des employés de bureau ou des coulissiers d’agents de change, mais surtout des militants royalistes. De choc !

    Je regarde de loin cette femme immobile.

    Brusquement des cris éclatent, venant de l’avenue des Ternes.

    — Fascistes assassins ! Fascistes assassins !

    Ils sont sept, en veste de toile et casquette de travers, la tenue des ouvriers endimanchés. Des costauds, agressifs et hargneux. Certains brandissent le poing au niveau de la tête, les doigts tournés vers les vendeurs de journaux. Ils avancent vers l’église au pas de course. Le pavé claque et les gens s’écartent.

    Elle ne bouge toujours pas.

    Tout se passe ensuite très vite. Les deux Camelots du roi sortent chacun une courte canne de leur veste. Trois autres, que je n’avais pas vus, les rejoignent.

    Greta Berstein semble enfin réagir. Elle recule.

    C’est déjà l’affrontement. Violent. Rapide. Heurts des cannes, bois contre bois, bois contre chair. Un craquement, un hurlement.

    Le bras d’un des assaillants semble brisé et forme un angle bizarre. Un autre porte une main à sa tête et s’effondre.

    Moulinets, coups de pied jetés… Les Camelots du roi maîtrisent la savate et prennent le dessus.

    Nos regards se croisent. De la peur chez elle. La bousculade l’entraîne. Elle trébuche, vacille. Je crie.

    — Venez par-là !

    Trop tard !

    Elle tombe en arrière. Sa tête cogne le sol. Un ruisselet de sang serpente du coin de sa bouche vers le cou, son regard se voile.

    Les assaillants s’en vont, emmenant leurs blessés. La foule applaudit.

    — C’étaient des communistes.

    Les vainqueurs sont congratulés. On applaudit.

    — Bravo les garçons !

    On leur serre le bras. On commente.

    — À cinq contre sept, ils les ont bien reçus !

    Il manque juste la Marseillaise.

    L’affrontement politique devient un sport quand on massacre l’adversaire. Du moins, lorsque celui-ci est un rouge.

    * * *

    Personne ne s’est encore rendu compte du drame.

    Elle ne bouge plus, même si ses yeux semblent fixer le ciel. Le filet de sang s’est figé autour de la croix de David qu’elle porte en sautoir. Je cherche son pouls. Rien, juste de la peau flasque. Un homme se penche : « Un médecin habite à côté. Je vais le chercher ». Je hoche la tête « Oui bien sûr allez-y !» Mais je connais trop bien la faucheuse. Quatre ans de voisinage immédiat, j’ai eu le temps de l’observer ! C’est une visiteuse brutale, mais très franche qui ne laisse aucun doute après son passage. Dès qu’elle a tourné les talons, on peut mettre en boîte !

    Un Camelot du roi s’approche. Il me tend le sac à main.

    — Ce sont eux qui l’ont frappée.

    Celui-là est très jeune, peut-être dix-huit ans, presque un gamin pour moi et bouleversé à l’évidence. Ses lèvres tremblent, ses mains s’agitent et ses yeux cherchent le sol. Je hausse les épaules :

    — Je ne sais si elle a été frappée, mais quelle importance ?

    Je n’ai pas envie de lui accorder une excuse, de l’apaiser, de lui dire qu’il n’y est pour rien. Trop facile.

    Il recule en répétant : « Je suis désolé. »

    Le brouhaha s’estompe. La foule a enfin compris et fait cercle. En dehors du champ de bataille, la mort produit toujours le même effet, elle amène le silence.

    Un agent de police s’approche en repoussant les curieux avec son bâton blanc. Je lui donne le sac et m’écarte. Un dernier regard vers elle. Ses cheveux oscillent avec le vent comme si la nature voulait lui accorder un semblant de vie. Elle paraît vraiment toute petite, perdue au milieu de tous ces gens. Mon esprit divague un instant. Où est-elle maintenant ? Est-ce qu’elle sait qu’elle est perdue ? Et puis la culpabilité qui vient, qui me mord. J’aurais dû être plus rapide, j’aurais dû…

    * * *

    Plus tard lorsque je le lui raconterai la scène, Chabert me dira que je suis trop sensible.

    — Tu es un sentimental. Tu t’apitoies sur un simple fait divers alors que nous avons vu des milliers de cadavres. C’est ridicule, tu vieillis.

    Je ne répondrai pas. Lui rétorquer que la mort d’une seule personne peut nous marquer bien davantage qu’une hécatombe justement parce que le souvenir du disparu est plus précis ? Lui rappeler qu’immergés dans l’horreur nous devenions insensibles ? C’est inutile. Chabert le sait. Le cynisme n’est chez lui qu’une coquetterie.

    Mais peut-être a-t-il a raison. Je vieillis.

    * * *

    10 septembre 1933 — Midi.

    Au retour l’enveloppe était posée contre ma porte, à moitié cachée par le paillasson. À l’intérieur on avait glissé un simple bristol, sans en-tête.

    Je ne parviens pas à vous joindre au téléphone. Je passerai vous voir cet après-midi à 15 heures. L’affaire qui nous préoccupe est très urgente.

     Pas de nom et un gribouillis illisible en guise de signature. La patte de nouveaux clients ! La plupart d’entre eux avancent en crabe. Ils se cachent, se méfient. Avant de me confier leur problème ils veulent me tester, apprécier si je suis capable de les aider.

    Pire : juger si je suis digne de leur confiance.

    Ils ne me laissent jamais le choix. Je dois les recevoir. Leur dire en entrebâillant ma porte : « Je ne veux pas vous voir ? » Difficile et idiot, surtout que rendre service à ces gens constitue mon gagne-pain. J’exerce un métier où la notion de vie privée n’existe pas, où l’on me sollicite sans vergogne à n’importe quelle heure au prétexte de l’urgence. Même un dimanche, même un jour de soleil et de paresse.

    Le plus souvent c’est pour me demander de fouiller des tiroirs sales et de dénicher le sordide. Leur requête est au fond toujours la même. On peut la résumer ainsi : « Je patauge dans la boue, aidez-moi à en sortir ! » Et moi je dois alors troquer mon petit coin de tranquillité contre leur fange. Pas sûr que je sois gagnant dans l’échange, même si mon portefeuille peut s’en trouver épaissi : à haute dose la crasse des autres finit toujours par étouffer.

    * * *

    Ma sonnette grince, pile à l’heure indiquée sur le carton. Ils sont trois.

    Des anciens combattants, aucun doute ! Ils se tiennent sur le palier, raides comme la justice, du moins celle qui n’est pas pourrie. Comme le répète souvent Chabert par les temps qui courent avec les affaires Hanau et Oustric{3} la distinction est importante.

    Il est facile d’identifier les participants à la Grande Guerre même s’ils ne portent pas l’uniforme. Le cheveu grisonne, mais le torse reste bombé et le menton relevé. Le dimanche les bérets sont ajustés et les décorations alignées. Après la messe ils commémorent partout : sur les Champs-Élysées, sur les lieux de mitraille et sur chaque place de village. Quinze ans après l’armistice, la France est devenue le pays des défilés et du souvenir organisé. Claquements de talons, minute de silence, immobilité pendant La Marseillaise. Le jour du Seigneur, on salue les morts dans une posture bien sanglée.

    Ces trois-là sont des officiers.

    Pour les distinguer des simples soldats, il faut en revanche avoir servi sous les drapeaux et surtout avoir combattu. Les gestes sont un peu plus lents, le débit plus mesuré. Ils ont une façon particulière de fixer le subalterne, la tête en arrière et le sourcil relevé. Des silences souvent, quelquefois un peu de morgue et puis, de temps en temps, une pointe de sadisme.

    Enfin pas toujours. Je le sais, j’ai été moi-même officier.

    Le plus grand attire l’attention. Mince, plutôt élégant, son costume sort manifestement d’un faiseur de la rue Saint-Honoré. Surtout il arbore deux rubans : un noir sur l’œil gauche et un rouge à la boutonnière. Un hommage curieux à Stendhal ? Plus sûrement la marque d’un dandysme vaguement guerrier. Il est paraît-il des dames que cela émoustille.

    Les deux autres se tiennent en retrait. Des costauds, le visage inexpressif, la rosette en évidence et le corps immobile. L’un très sec, buriné, une gueule de combattant. L’autre le visage rond, le cheveu brun tiré en arrière et un ventre de planqué.

    Je m’attends presque à ce que le borgne claque les talons, mais il se contente d’une légère inclinaison du buste.

    — Colonel Demorand.

    Il ne me présente pas les deux autres qui me saluent simplement d’un signe de tête. Le palier semble brusquement un peu trop encombré. Je n’ai pas vraiment le choix.

    — Entrez s’il vous plaît.

    Je n’ai pas l’habitude de recevoir autant de monde. La première visite à mon cabinet s’apparente en fait souvent à un échange intime, presque feutré, plus proche du chuchotement au confessionnal que du rappel des ordres devant la troupe. Du coup, je suis obligé d’aller chercher une chaise dans ma chambre afin que chacun puisse s’asseoir. Demorand tique en voyant la porte s’ouvrir sur le lit.

    — Vous vivez là ?

    Connard ! Le ton est un peu trop méprisant, un peu trop colonel de cavalerie. Je ne peux m’empêcher de lui filer la réplique :

    — Certains de mes clients sont tellement insupportables que j’éprouve parfois le besoin de m’allonger après leur départ.

    Il lève un sourcil. Visiblement la critique lui échappe ou alors il n’aime pas qu’on lui réponde autrement que par Oui ou par Non. C’est le propre de beaucoup de petits chefs à l’armée. Ils rêvent tous de carrières éclatantes, de promotions rapides et la frustration se transforme souvent en sadisme avec les subordonnés. Mon interlocuteur reste un moment silencieux.

    — J’ai essayé de vous joindre plusieurs fois au téléphone. Vous ne décrochez jamais.

    Je fais un geste évasif de la main.

    — Ma secrétaire est malade.

    Une onde de scepticisme traverse son visage. Sa bouche s’ouvre et se referme sans qu’un son n’en sorte. Il finit par fixer ma médaille militaire{4}.

    — Vous n’êtes pas officier ?

    Voilà donc tout ce qui l’intéresse ! Je ne peux m’empêcher de sourire.

    — Si, mais je suis sorti du rang.

    — Ah très bien…

    Un vrai

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