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Marielle: ou le Retour aux sources
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Marielle: ou le Retour aux sources
Livre électronique233 pages3 heures

Marielle: ou le Retour aux sources

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À propos de ce livre électronique

Marielle n’aurait jamais cru que ses recherches pour un mémoire de sociologie l’entraineraient si loin dans les années 70 et aussi profondément dans l’histoire de sa propre famille.
Pendant plusieurs mois, elle poursuit sa quête à travers toute l’Europe, rencontrant des témoins de l’histoire des communautés utopiques qui peuplaient ces années folles, recueillant leurs témoignages qui lui révèlent les vécus différents d’expériences similaires.
Mais en même temps, c’est l’histoire de sa mère et de sa grand-mère, héroïnes malheureuses de ce passé qu’elles voulaient oublier qui remonte peu à peu à la surface et précipite Marielle dans un tourbillon d’émotions qu’elle ne maitrise plus. Cette « road movie » trimbalant Marielle de Berlin à Dannenberg à la frontière de l’ancien rideau de fer tout en passant par Lyon et l’ile de Groix, est aussi l’histoire de 3 générations de femmes et de leurs expériences parfois extrêmes dans ce passage du XXème au XXIème siècle.
A travers cette fiction, l’auteure Jacqueline Fedy fait revivre sous une forme romancée sa propre expérience de vie communautaire tout aussi bien dans une communauté hippie en France que dans la « Kommune » en territoire germanique.
LangueFrançais
Date de sortie29 mai 2018
ISBN9791029008436
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    Aperçu du livre

    Marielle - Jacqueline Fedy

    cover.jpg

    Marielle

    ou le Retour aux sources

    Jacqueline Fedy

    Marielle

    ou le Retour aux sources

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2018

    ISBN : 979-10-290-0843-6

    Préface

    Toute ressemblance avec des personnes existantes ne serait pas totalement fortuite.

    Bien que tous les personnages, les événements et les lieux soient fictifs, ils sont le produit de mon expérience.

    J’ai assemblé ces bouts de verre de couleur, glanés au cours de ma vie, dans ce kaléidoscope à travers lequel je vous invite à regarder.

    I

    Marielle courait.

    La sueur lui collait aux tempes et les muscles lui faisaient mal, mais elle continuait, dents serrées. Depuis l’âge de 13 ans, elle avait pris cette habitude quand ça allait mal. Le chemin s’enfonçait dans la garrigue, devenait de plus en plus étroit, pierreux et escarpé. Les ronces et les cailloux faisaient partie du programme d’endurcissement…

    Marielle courait. Elle était de petite taille, bien brune et plutôt jolie. « Mignonne » comme disaient certains – ce qu’elle détestait –, faisant sans doute allusion à la régularité de ses traits, son petit nez un peu en trompette, sa bouche charnue aux lèvres bien dessinées. Une mini-beauté grecque. Diane chasseresse, comme l’appelait Dennis. Tout avait commencé par son coup de téléphone ce matin, lui annonçant qu’il ne pouvait pas l’accompagner à la Bastide. Et puis ce soir, cette scène avec Marie… Elle n’avait jamais vu sa grand-mère dans une telle rage ! Le soleil rouge inondait l’horizon, laissant des vaguelettes de bleu sombre et d’indigo après avoir léché le maquis. Marielle ne voyait pas le paysage, attentive seulement à ses pieds chaussés de Nike ultralégères volant au-dessus des pierres, au rythme de son cœur et de ces images de la soirée qui défilaient. Marie et José étaient à table dans la salle à manger de la Bastide. La grande table en bois massif que José avait fabriquée de ses mains calleuses, avec des assiettes creusées à même le bois. Marie ne voulait pas les utiliser parce que ce n’était pas hygiénique mais José s’obstinait soir après soir à y verser sa soupe et à en louer le goût particulier, comme un bon vin « élevé en fûts de chêne ».

    Marie avait fait du taboulé ce soir : couscous, citron, menthe, beaucoup de tomates du jardin et de petits oignons frais… Elle posait le plat sur la table, essuyant son visage osseux, bronzé et plein de rides, aux cheveux blancs coupés très court. Marie ne faisait pas ses 63 ans. Mince, élancée, avec des jambes aux muscles fermes, tannées par le grand air. José se faisait servir comme il convient à un macho espagnol. Marielle s’était toujours demandé pourquoi sa grand-mère jouait ce jeu, elle qui était connue pour être féministe et ne pas se laisser marcher sur les pieds. José portait ses cheveux blancs, longs, serrés dans un catogan. Il avait un visage large et des pommettes hautes, une carrure impressionnante malgré sa petite taille. Il fumait la pipe et l’écoutait.

    Marielle leur avait déjà souvent parlé de son projet à la fac de socio. Elle cherchait depuis des semaines un sujet pour son mémoire de fin d’année. Quelque chose qui serait dans l’air du temps : gender study, identité linguistique, les droits de la terre et l’appropriation du vivant…

    Et puis maintenant, elle avait trouvé un thème qui lui semblait spécialement fait pour elle : les utopies après mai 68, que sont-elles devenues ?

    – Tu as vécu toute cette époque, Marie ! Tu pourrais me donner un coup de main pour orienter mes recherches ?

    La réaction de sa grand-mère était bien prévisible.

    – C’est une vielle histoire qui n’intéresse plus personne. On était des gamins, des enfants gâtés qui ne voulaient pas travailler et vivre comme leurs parents, leurs vieux, comme on disait. Après quelques années passées avec des excès de toutes sortes – sex, drugs and rock’n roll –, ils sont tous managers, fonctionnaires ou politiciens, de gauche pour la plupart ! Regarde Cohn-Bendit, le révolté « sponti » qui siège aujourd’hui au Parlement européen ! Et Joschka Fischer : en mai 68, un squatter, un radical qui lançait des cocktails Molotov sur les flics, un ministre vert qui prônait la guerre contre la Serbie et maintenant il conseille les multinationales comme Siemens et BMW !

    Il n’y a rien de nouveau à dire là-dessus. Cherche-toi un autre sujet.

    Marielle restait silencieuse, se demandant ce qui pouvait hanter Marie. Des fantômes du passé qu’elle craignait de réveiller si elle parlait d’eux ?

    Elle savait que Marie avait longtemps vécu en communauté dans les années soixante-dix, qu’elle avait fait Maleville, le Larzac, les manifs contre la guerre du Vietnam et pour le droit à l’avortement, fumé du hasch et pratiqué l’amour libre mais que, loin d’en parler avec la nostalgie ou la fierté d’anciens combattants, elle était toujours très caustique et brève sur ces thèmes. Toutes ces informations sur le passé de sa grand-mère, Marielle les tenait d’autres personnes, de José quand il avait bu un coup de rouge ou de sa tante Marie-Jeanne qui racontait toujours les exploits de son aînée avec enthousiasme.

    Mais jamais Marie ne parlait de ces années folles. Si on la questionnait, elle grommelait que « ça n’intéressait personne » et passait à un autre sujet. Avec le temps, Marielle avait compris que ça ne servait à rien d’insister sinon à s’attirer la colère de sa grand-mère qui pouvait être terrible si elle en croyait ses souvenirs d’enfant…

    – Écoute, Marie, je sais que tu ne veux pas donner une interview, mais tu pourrais m’aider dans mes recherches. Tu as sans doute des documents de l’époque, des photos, des adresses de personnes qui pourraient témoigner, elles !

    – Il y a longtemps que j’ai rompu les ponts avec ces gens-là. Je ne sais même pas s’ils sont encore vivants !

    Et j’ai brûlé tous mes souvenirs !

    Marie jeta un regard aigu dans la direction de José, attendant une confirmation de sa part, qui ne vint pas immédiatement. Marielle se rappela tout à coup une scène où José transportait des cartons du grenier au sous-sol en jurant que c’était du travail de singe et que tous ces papiers allaient pourrir à la cave, la voix off de Marie disant qu’il n’avait qu’à en faire un autodafé ! Il en avait brûlé la plupart, mais il avait gardé un carton plein de cahiers et de revues jaunies par le temps et demandé à Marielle si elle ne voulait pas les mettre en sécurité tout en bougonnant que ce n’était pas la seule propriété de Marie mais aussi le passé de sa fille.

    Marielle revoyait ce carton. À l’époque, le contenu ne l’avait pas intéressée. Elle n’avait pas la patience de déchiffrer ces pattes de mouche et les photos l’avaient plutôt rebutée : trop de gens à la fois, faisant des grimaces ! Et si ses souvenirs étaient bons, les journaux n’étaient pas écrits en français… Où pouvait-il être maintenant, ce carton ? Prise d’une impulsion malsaine, Marielle répondit à la place de José qui détournait le regard, gêné :

    – Tu n’as pas détruit tous tes souvenirs et si tu ne veux pas m’aider, je m’aiderai toute seule à retrouver tes traces.

    La scène qui s’ensuivit ira s’inscrire dans les annales de la famille comme une grande colère de Marie, Marielle s’enfuyant dans la garrigue après avoir crié sa frustration, José restant stoïquement comme un rocher s’offrant aux vagues, l’écho de la voix de Marie résonnant à travers la maison :

    – Je te le défends, tu entends. Je te le défends !

    Si elle avait hérité quelque chose de sa grand-mère, c’était bien cette persévérance – José dirait même en provençal cette « testardise » – à continuer dans une direction choisie, particulièrement quand tout allait contre. Elle était maintenant persuadée qu’elle tenait le sujet de son mémoire et elle allait commencer ses recherches sans tarder. Tout d’abord les années soixante-dix : tour d’horizon politique, France et international, économique, sociologique. La révolte des étudiants, le mouvement hippie, les grandes lignes et un zoom sur une expérience particulière, ses buts, ses espoirs, son devenir du XXe jusqu’au XXIe siècle à travers des interviews d’acteurs vivants. Marielle était assez raisonnable pour juger que l’histoire personnelle de sa grand-mère n’était probablement pas la plus typique de l’époque et qu’elle allait probablement être déçue. Il y avait certainement des tentatives plus intéressantes mais tout avait déjà été écrit, mâché et remâché comme un vieux chewing-gum…

    Que peut-on écrire de nouveau sur la Kommune I de Berlin ? Ou sur la communauté de l’Arche de Lanza del Vasto ? Ou sur Longo Mai ?

    Et la réaction de Marie avait réveillé son instinct de chasseur et encore accru sa curiosité. Où était ce carton ?

    II

    Claude tournait et retournait l’enveloppe qu’il venait de trouver dans sa boîte aux lettres. Il avait posé ses lunettes sur son nez en bec d’aigle. Depuis quelques années, il ne pouvait plus lire sans lunettes, lui qui avait toujours été fier de sa vue perçante ! Claude savourait toujours le plaisir de recevoir une lettre (si l’on excepte les factures et la publicité qui étaient malheureusement les plus nombreuses dans sa boîte…). Une lettre écrite pour lui avec son nom sur l’enveloppe, c’était de plus en plus rare en ce temps de nouvelles rapides par e-mail ou téléphone. Il n’utilisait pas d’ordinateur dans sa vie privée et il écrivait toujours à la plume les lettres à ses amis qui lui répondaient incidemment, ce qui entretenait une correspondance de base dont il connaissait les acteurs. Mais il ne reconnaissait pas l’écriture sur l’enveloppe. Qui cela pouvait-il être ? Après l’avoir tournée et retournée (il n’y avait pas d’expéditeur) et même reniflée (non, elle ne sentait rien), il se décida à l’ouvrir. Résistant à la tentation de passer tout de suite à la signature, il commença sa lecture.

    Cher grand-Père,

    Passant en revue ses petits-enfants les plus connus, Claude réussit à en éliminer la plupart. Non, Jasmine n’écrit jamais même pour lui souhaiter la bonne année. Elle envoie des SMS. Chantal est en Australie. Le timbre et le cachet de la poste en feraient foi. Marc est trop petit. Qui reste-t-il ? Marielle ! Un regard sur la signature pour confirmer. Bingo !

    Je sais que nous n’avons jamais eu beaucoup de contact jusqu’à maintenant et je crois savoir que c’est à cause de ma grand-mère, Marie. Elle ne m’a jamais raconté votre histoire mais j’ai compris qu’elle ne tenait pas à te voir et ne m’a jamais encouragé à prendre contact.

    De ton côté, tu ne t’es jamais vraiment manifesté…

    J’ai trouvé tes coordonnées dans un vieux carnet d’adresses et je t’écris en espérant que tu habites toujours à Colmar.

    J’aurais envie de te connaître aujourd’hui et j’aurais peut-être besoin de ton aide pour démêler les fils embrouillés du passé. J’ai 22 ans.

    Claude prit sa plume et se mit en devoir de répondre, se demandant en son for intérieur s’il se réjouissait de cette rencontre ou si un début de panique le gagnait…

    III

    9 h 30 gare de Colmar.

    Ça n’avait pas été facile de retrouver les traces de son grand père – enfin, du géniteur de sa mère. Il s’appelait Claude et il n’existait pas dans ses souvenirs d’enfant. Son grand-père avait toujours été José, aussi longtemps qu’elle pouvait se rappeler : c’était lui qui lui racontait des histoires de brigands au grand cœur et de monstres marins avec son accent espagnol en fumant sa pipe.

    Elle avait entendu parler de Claude par hasard et Marie lui avait appris qu’elle avait été mariée il y a bien longtemps, et que Claude était le père de sa mère. Il ne semblait pas avoir cherché le contact toutes ces années. Ou bien était-ce Marie qui l’en avait empêché ? Obnubilée par ce besoin de rompre avec le passé, de se faire une vie bien à elle ? Marielle se disait qu’elle avait bien des choses à lui demander. Le passé de sa grand-mère lui apparaissait de plus en plus comme un puzzle dont elle ne connaissait que quelques morceaux posés à la va-vite et qui ne s’emboîtaient pas les uns dans les autres.

    Claude Amaret : un nom gravé sur une plaque en cuivre. Son cœur battit plus vite, elle appuya sur la sonnette, la porte s’ouvrit presque instantanément. Il devait l’attendre.

    C’était lui, Claude. Les cheveux un peu trop longs ne donnaient pas le change, la calvitie s’étendait impitoyablement. De petits yeux vifs derrière des lunettes en métal, un sourire interrogateur.

    – Oui, c’est moi, Marielle. Je vous ai téléphoné il y a une semaine.

    – Rentre. Tu peux me tutoyer aussi.

    Claude semblait content de la voir. Il avait fait du café et acheté des gâteaux tout frais.

    – Alors, c’est toi, ma petite fille Marielle ! dit-il d’un ton mi-moqueur, mi-intéressé.

    Marielle percevait dans ses prunelles une lueur qui lui plaisait, un mélange d’espièglerie et de douce mélancolie.

    – Tu sais que je n’ai appris ta naissance que par hasard. Ni ta mère ni ta grand-mère n’avaient jugé bon de m’informer ! J’ai appris ça par un collègue dont la famille habitait à Montpellier. Il savait que Marie et Ondine s’étaient installées dans le coin et qu’Ondine attendait un bébé.

    Mais raconte-moi plutôt pourquoi tu es venue me voir et peut-être d’abord ton histoire… ajouta-t-il avec un sourire chaleureux.

    Au bout d’un moment, Marielle se sentit plus à l’aise. Elle avait raconté sa vie à ce grand-père sorti de l’ombre. Claude savait écouter, plaçant de temps en temps une petite remarque pour recentrer la conversation, toujours attentif et intéressé.

    – J’ai de plus en plus l’impression de ne pas savoir grand-chose sur la vie passée de ma grand-mère.

    Marielle se tut brusquement, fixant Claude.

    – Et puis ?

    – Je pense que tu peux m’aider à y voir plus clair.

    – Es-tu bien sûre de vouloir tout savoir ?

    Enfin, comme Marielle le regardait sans faire mine de répondre :

    – Marie a sûrement ses raisons de ne pas parler de certaines choses. Tu devrais lui demander directement, je crois.

    Marielle ne disait toujours rien, bien résolue à laisser le silence travailler pour elle.

    – Comme tu veux, soupira Claude. Je peux te raconter comment j’ai vécu cette période-là. C’est très subjectif, tu sais ! C’est très loin tout ça, nous étions jeunes.

    Claude se tut et jeta à Marielle un regard comme pour s’excuser. D’avoir été jeune ? Ou d’employer des lieux communs ?

    – Et c’était dans l’air du temps : le retour à la nature, fumer de l’herbe, les communautés. On n’était pas des hippies comme en Amérique. Plutôt des répliques européennes, pas si radicaux… On se sentait forts tous ensemble d’oser tourner le dos au vieux monde et à ses institutions sclérosées, de vivre tout de suite selon des principes qu’on inventait. On n’avait pas d’enfants au début. C’était plus facile de passer toute la nuit à faire de la musique en fumant des joints ou discuter pour refaire le monde. Le principe de réalité, c’était de savoir qui allait faire la vaisselle ou peler les patates. On avait loué une ferme pourrie dans les Vosges. Au début, on était quatre copains et nos nanas (petit regard en coin pour vérifier l’impact de ce terme un peu suranné qui lui avait échappé). On était étudiants pour la plupart. Moi, j’étais déjà instit. Je suis resté longtemps un des seuls à ramener de l’argent à la maison. Marie était encore à la fac de médecine, c’est là que je l’avais rencontrée six mois auparavant. C’était elle qui m’avait poussé à sortir des rangs et de mon

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