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Tsavo, le résilient
Tsavo, le résilient
Tsavo, le résilient
Livre électronique527 pages6 heures

Tsavo, le résilient

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À propos de ce livre électronique

Depuis des millénaires, l’Homme se répand sur toute la surface de la Terre, de manière incontrôlée et sans un regard pour les autres formes de vie qu’il massacre, le sourire aux lèvres. Aujourd’hui, la planète identifie ce comportement comme celui d’un parasite qui colonise et détruit son hôte, et face à sa mort prochaine elle décide d’éradiquer ce fléau. L’antidote s’appelle Tsavo, un lion aux proportions démesurées et aux capacités tout à fait singulières.
A ses côtés, un immense groupe d’êtres humains que la vie et les Hommes eux-mêmes ont broyé de leur violence sans limite : les résilients, tapis dans l’ombre de nos civilisations depuis une éternité, en attente de l’Appel de Tsavo et prêts au sacrifice de cette incontrôlable Humanité pour sauver la planète et toutes les autres espèces.
Pour la première fois depuis son apparition, l’Homme devra s’adapter à une vie sans violence ou mourir. Pour la première fois, il n’aura plus le choix et devra respecter cette Terre qui lui a donné la vie. Ou disparaître, des griffes et des crocs de Tsavo et de son armée.
C’est la résilience même de l’Humanité qui sera sondée.
LangueFrançais
Date de sortie15 févr. 2017
ISBN9782312050362
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    Aperçu du livre

    Tsavo, le résilient - Thomas Da Rovaré

    cover.jpg

    Tsavo, le résilient

    Thomas Da Rovaré

    Tsavo, le résilient

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05036-2

    À Lucia, mon empire

    À mes Grands Lions

    Prologue

    Il était assis au bord de la falaise, le regard posé sur l’horizon. Il dominait l’ensemble du cratère éteint et contemplait les derniers rayons du soleil embraser les cimes face à lui, alors que dans la plaine, en contrebas, au cœur même du vieux volcan, l’obscurité commençait à s’étendre. Tout était calme, paisible. Le vent même, par sa douceur, sa chaleur, semblait caresser amoureusement cet écrin. Six cent mètres plus bas, l’écosystème vivait à plein régime. Les animaux se nourrissaient, jouaient, dormaient ou chassaient, chacun remplissant à la perfection la tâche qui lui était dévolue.

    Cela faisait de longues heures qu’il contemplait ce spectacle naturel, immuable, les mêmes rituels répétés depuis la nuit des temps. Le lac apportait les sédiments pour que naisse l’herbe, le soleil la réchauffait pour qu’elle grandisse. L’antilope s’en délectait élégamment, les carnivores se régalaient du résultat de cet appétit délicat et les hyènes et les vautours nettoyaient les lieux pour que l’herbe puisse y repousser plus verte encore. Le cycle était parfait, tout avait été minutieusement calculé.

    Mais le jour, et ce temps même, touchait à sa fin et il contracta l’ensemble de son corps puissant. Il se leva et plus bas, un frisson balaya le cratère. La gracieuse antilope leva la tête, l’hippopotame cessa sa bruyante baignade, le serval dressa ses oreilles. Le lion assoupi ouvrit brusquement les yeux, les oiseaux s’étaient déjà posés, silencieux. Éléphants, gnous, zèbres, buffles, rhinocéros, girafes, tous se figèrent. Les chasses s’arrêtèrent net, chasseurs et proies s’immobilisant et regardant dans la même direction. Des milliers de pupilles se dilatèrent pour mieux observer la forme sombre et gigantesque au sommet de la montagne. Le vent même sembla tomber. Le soleil venait de se cacher derrière la crête.

    Un grondement d’abord, sourd, rauque, remplit le cratère, s’y déposa, presque liquide. Il dura une éternité, comme suspendu entre les parois abruptes. Puis vint le rugissement, et chaque pierre se mit à trembler, chaque oreille s’abaissa, les pattes arrières fléchirent en une inconsciente et immédiate soumission. La silhouette se mit en mouvement, plongea presque à la verticale depuis le sommet de la caldeira. Elle descendait à une vitesse vertigineuse en rugissant et les animaux comprirent que les temps nouveaux, les temps d’après, étaient advenus. Après deux millions d’années d’apaisement, le cratère se réveillait. Et sa colère était d’une toute autre nature que la lave et les cendres.

    Le Roi des Rois était de retour sur ses terres.

    PARTIE 1

    Résilience

    1

    New-York

    De nos jours

    Cela faisait onze mois qu’Amy était à l’agence. Plus qu’un seul à tirer. Non pas qu’elle ne s’y plaisait pas, mais elle savait que d’ici peu, elle refoulerait les trottoirs sales de Piccadilly et les quais bondés de Victoria Station, et cela la réjouissait. Elle n’arrivait pas à poser ses valises, elle était rentrée de Malte un an plus tôt et elle repartait déjà. Ses parents avaient du mal à la suivre mais acceptaient ses perpétuels départs et ses retours trop rares. Ils avaient vraiment pensé en la voyant intégrer une des plus grandes agences de communication du monde qu’elle y ferait sa carrière et qu’à bientôt trente ans, ses années d’itinérance étaient derrière elle. Qu’ils allaient enfin pouvoir profiter de leur fille unique, la voir plus souvent, partager des moments simples en famille. Mais après une année à Malte, puis une autre seulement à New-York, elle repartait déjà pour une nouvelle vie à Londres.

    Après l’obtention de son doctorat en science et technologie de l’eau, de l’énergie et de l’environnement, Amy avait vite compris que pour faire bouger les lignes, elle devrait disposer de vecteurs capables de véhiculer les potentiels messages qu’elle voudrait passer. Elle s’était donc logiquement tournée vers la communication et les médias pour parfaire son cursus.

    Elle avait décroché un contrat d’un an à World Media Solutions, renouvelable si tout se passait bien. Et tout s’était parfaitement bien passé. Elle était assistante du comité de rédaction de la chaine de télévision principale de l’agence et avait démontré un potentiel impressionnant pendant cette année. En peu de temps, elle avait compris tous les mécanismes de la multinationale, analysant finement les audiences et les attentes du public, produisant des notes et des synthèses de grande qualité. En de nombreuses occasions, ses supérieurs lui avaient clairement témoigné leur satisfaction et elle était aujourd’hui un relais important pour les présentateurs-vedettes. Mais encore une fois, elle avait l’impression que quelque chose l’attendait ailleurs et avait choisi de ne pas poursuivre l’aventure.

    WMS avait été créée il y a vingt ans. La société était structurée en nombreux départements, chacun spécialisé dans un média. Télévision, presse, réseaux sociaux, sites Internet, radio, l’agence était omniprésente, avec des relais dans presque tous les pays. C’était une organisation tentaculaire, composée de plusieurs milliers de collaborateurs et qui jouissait d’une influence dans tous les domaines, de l’économie à la politique en passant par les nouvelles technologies et l’énergie.

    Amy était inscrite sur de nombreux réseaux professionnels et quand elle avait reçu l’annonce de recrutement par mail, lors de son séjour à Malte, elle y avait répondu sans trop y croire. C’était comme répondre à une offre d’emploi chez Google ou Apple, le fait même d’y postuler était un peu flatteur mais sans grand espoir. Mais son contrat sur l’île méditerranéenne touchait à sa fin et elle y avait répondu, comme à de nombreuses autres annonces à New-York. Elle se sentait coupable de ne rentrer que si rarement chez elle, coupable de rendre si peu à des parents qui lui avaient tellement donné. Elle s’imposait donc de revenir chez elle entre deux expériences à l’étranger. Ces retours lui pesaient parfois, mais cette année, elle avait été contente de quitter Malte et de revenir dans la civilisation.

    Un an en tant que directrice de la communication d’une chaîne de télévision maltaise, cela faisait une belle ligne à son CV, mais il fallait relativiser. Les médias maltais étaient parfois comparables à la bienséance Viking et elle s’était plusieurs fois surprise à se demander ce qu’elle faisait là. Malte lui avait plu, elle avait un bel appartement près de la place des Tritons et elle s’était rassasiée de l’empilement culturel de cet incroyable archipel. Elle s’était pâmée devant les chefs-d’œuvre du Caravage, à La Valette, avait visité la grande majorité des trois-cent-soixante-cinq églises de l’île, fait de la plongée sous-marine à Gozo et arpenté Comino en solitaire un nombre incalculable de fois. Elle avait un peu honte de le penser, comme si cela insultait l’Histoire, mais après une année entière, elle avait l’impression d’avoir fait le tour de l’île. Et comme à chaque fois, après une période de quelques mois, elle devait partir. Ailleurs.

    À sa grande surprise, World Media Solutions lui avait répondu dès le lendemain. Elle était convoquée la semaine suivante, à New-York, pour un entretien avec Tim Arden, le DRH de l’agence.

    2

    – Amy Patterson ? Entrez, je vous en prie ! Un café ? Un verre d’eau ? Vous allez bien ? Vous avez fait bon voyage ? Prenez une chaise !

    Tim Arden avait dit cette phrase d’un ton enjoué, plein de chaleur, et d’une sympathie qui aurait voulu qu’il se lève, tende une main énergique et dévoile toutes ses dents blanches en regardant Amy droit dans les yeux. Mais il n’avait pas bougé d’un seul millimètre et gardé les yeux rivés à son écran.

    Elle était un peu déstabilisée. Ses oreilles avaient perçu ce salut plein d’entrain qui lui donnait confiance, mais ses yeux voyaient cet homme, immobile, aux traits flous d’un mannequin de cire et son cerveau refusait qu’il y ait le moindre rapport entre les deux. Devait-elle se sentir en confiance ou craindre cette immobilité trompeuse ? Il semblait plutôt grand, même assis, avait le teint pâle et ses yeux bleus étaient agrandis par des lunettes à écailles qui devaient être revenues à la mode à New-York, mais encore bien has-been à Malte (et probablement dans le reste du monde). Son costume bleu foncé semblait parfaitement taillé, une grosse chevalière trônait sur sa main gauche. L’ampleur de son bureau faisait tout de suite comprendre à ses visiteurs qu’il était un cadre important à WMS. Et il était absolument impossible de lui donner un âge. Amy décida de ne pas décider et se mit sur le même mode, comme par mimétisme : elle demeura immobile.

    Au bout d’une courte éternité, les yeux de Tim Arden quittèrent l’écran à contrecœur et se posèrent sur Amy qui sursauta presque. Pour la première fois, il regarda la jeune femme, blonde aux cheveux lisses et longs, élancée, à la taille fine mise en valeur par une robe noire élégante et près du corps. Ses traits étaient fins et son maquillage discret. C’était encore une très belle femme, même si elle n’avait plus vingt ans. Les yeux de Tim étaient restés plantés dans ceux d’Amy, mais elle sentit qu’il l’avait jaugée. Et étrangement, pas seulement physiquement. Ça lui donnait une drôle d’impression. Comme si l’entretien était déjà fini.

    – Mademoiselle Patterson, consentirez-vous exceptionnellement à faire cet entretien assise ? Je crains que la nature ne m’autorise plus à me lever pour vous saluer et j’espère que vous me pardonnerez cet inélégant accueil. Il avait prononcé cette phrase doucement, un seul sourcil levé et sa bouche s’étirant enfin, révélant effectivement de belles dents droites et blanches. Amy découvrit alors les poignées de son fauteuil-roulant, à hauteur de ses épaules, et s’assit un peu plus rapidement qu’elle ne l’aurait voulu. Ça commençait mal.

    L’entretien dura exactement trente minutes. Pas une minute de plus, pas une de moins. Une demi-heure pour un entretien d’embauche à WMS ? Tim Arden avait finalement été très sympathique et bienveillant, il lui avait expliqué la mission et les attentes mais n’avait posé que peu de questions. Ça avait laissé une étrange impression à Amy. Pas désagréable, mais étrange. Et Arden lui avait dit qu’il lui rendrait une réponse dès le lendemain. De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête : pourquoi avait-elle été reçue par le DRH de WMS en personne ? Il devait bien y avoir d’autres responsables chargés du recrutement, non ? Et pourquoi lui avait-il posé si peu de questions, comme si cela ne l’intéressait pas vraiment ? Et pour quelle étrange raison revenait-il vers elle aussi tôt, le lendemain ?

    Enfin, dans un sens, tout cela était plutôt positif, elle avait l’impression que ça allait marcher, le poste semblait intéressant et sacrément bien payé. Elle serait fixée demain.

    3

    Afrique du Sud

    Province du Dinokeng

    Quelques années plus tôt

    Robert Kent dirigeait la Lions Academy of Dinokeng depuis plus de trente ans. Le soleil de l’Afrique du Sud avait brulé son visage et le vent y avait creusé de profonds sillons. Il était né dans la banlieue de Johannesburg, y avait mené de brillantes études en zoologie, avait connu l’Apartheid et ses souffrances et avait vite choisi, dès ses trente-cinq ans, de s’exiler loin des Hommes et de leur folie. Il avait terminé son cursus à Cap Town et était directement rentré à Johannesburg. Il avait travaillé dans différentes réserves et assez vite, il avait compris que le combat de la Terre et de ses animaux contre l’homme et son expansion était déjà perdu. Il n’avait pas cherché à se battre, ce n’était pas dans sa nature, il avait vu trop d’horreurs dans son enfance, mais il s’était retiré dans le bush sauvage pour se consacrer à sa passion des grands félins.

    Sa réserve, la LAD, était située au nord de Pretoria, à deux heures de piste de la capitale administrative. Elle s’étendait sur cent-vingt hectares et abritait trente-sept lions. Dix-sept personnes travaillaient à plein temps avec lui et la réserve n’était pas ouverte au public. Il n’aimait pas les touristes et l’héritage de son père, qui avait été un grand chirurgien de renommée internationale, lui assurait sa survie, celle de ses employés et surtout celle de ses animaux. Nourrir une quarantaine de fauves, les soigner et leur offrir de gigantesques enclos coûtait une fortune. Mais Robert Kent dépensait sans compter, il n’était pas marié, n’avait pas d’enfant et son héritage s’éteindrait avec lui. Ça lui allait très bien.

    La LAD avait recueilli, depuis trois décennies, les lions maltraités à travers le monde. L’humanité était prompte à s’émouvoir d’un lionceau battu dans un cirque mais une fois arraché à ses tortionnaires, personne ne pouvait assumer la garde d’un animal mortellement dangereux à nourrir pendant quinze ans. Les gouvernements, les ONG, les réserves ou les zoos, personne n’en voulait, sauf lorsqu’un décès libérait une place. On sollicitait souvent la réserve de Robert mais il refusait la plupart du temps. La cohésion d’une réserve est très fragile, des clans sont établis dans les enclos et y intégrer un nouveau membre était un processus long, complexe et très risqué. Si le nouveau venu n’était pas intégré, on ne pouvait pas fabriquer – et entretenir – un nouvel enclos à chaque arrivée.

    Il connaissait tous ses lions et ses lionnes comme des membres de sa famille. Leur aspect physique étant proche, il est difficile de distinguer, pour le commun des mortels, un lion d’un autre. La distinction s’arrête bien souvent au sexe et à la couleur de la robe. Les lions blancs et les lions fauves. Mais pour Robert Kent, qui avait passé la moitié de sa vie à leurs côtés, chaque individu était unique. Physiquement, il connaissait leurs traits, leur mimiques, leur manière de se déplacer et de communiquer, mais il distinguait aussi chaque caractère : l’un était un gentleman, l’autre brutal mais affectueux ou dangereux, soumis, joueur, tous étaient différents. Exactement comme les Hommes, finalement. Il les avait tous recueillis lionceaux, les avait vu grandir, s’affirmer et devenir les magnifiques mâles et femelles dont il s’occupait aujourd’hui. Son clan.

    Robert avait joué avec tous ses lionceaux. À six mois, un « bébé » lion pèse environ soixante-dix kilos. À deux ans, il peut en atteindre cent-cinquante et adulte, plus de deux-cent cinquante pour les mâles les plus forts. Si Robert avait pu suivre leur évolution et rester à leur proche contact même une fois adulte, les rapports avec ses protégés n’étaient pourtant pas toujours les mêmes. Un lion reste un lion. C’est un monstre sacré, une machine dotée d’une puissance effrayante et Robert gardait toujours à l’esprit qu’un simple coup de patte pouvait détacher sa tête de son corps. Il était devenu ce que ses employés appelaient un lion-walker.Un marcheur. L’un des seuls hommes au monde à pouvoir jouer et marcher aux côtés d’un lion adulte consentant, sans clôture, sans défense, sans bâton ni arme, simplement parce qu’il était l’un deux. Sans que l’animal n’y soit contraint d’aucune manière. Parce qu’il avait su créer des liens basés non pas sur la domination mais sur la confiance et, parfois même, l’amour. Certains lions le considéraient depuis toujours comme un frère, un autre lion, et pouvaient jouer avec lui sans égards particuliers, au risque de lui briser une côte en se roulant sur lui. D’autres le toléraient au sein du clan mais le considéraient comme un étranger « acceptable ». Cela avait parfois du bon car ce type de rapport entrainait une certaine attention des félins à son égard, et les jeux étaient souvent plus doux. Enfin, certains lions connaissaient – ou ressentaient – sa nature et n’acceptaient pas sa promiscuité. Les lions dictaient les règles, et Robert savait que s’il pénétrait dans certains enclos, il n’en ressortirait pas vivant. Et même avec ses lions « amicaux », il était toujours à l’affut de signes, observant leur langage corporel, écoutant l’intonation de leurs grognements, grondements, sifflements, gémissements, miaulements et rugissements. Il comprenait ainsi si le félidé acceptait sa présence à l’intérieur de l’enclos ou si le danger couvait. Toute erreur d’interprétation pouvait être mortelle.

    Robert ne tirait aucune gloire particulière à marcher aux côtés de ses lions. Il aimait poser sa main sur ces corps surpuissants, passer ses doigts dans les crinières emmêlées, sentir le vent chaud du crépuscule Africain qui caressait les herbes brulées, contempler avec ses frères-lions le temps qui s’écoulait sur les montagnes du Dinokeng. Personne ne le filmait, il n’avait presque aucune photo de lui en présence de ses lions. Il n’en avait simplement pas besoin, il ne menait sa vie pour personne, pour aucune lutte, il n’avait aucune revendication. Il souffrait simplement parfois de sa nature, de n’être plus tout à fait un homme sans être vraiment un lion.

    4

    C’était fin décembre et l’été austral s’approchait en Afrique du Sud. Le soleil commençait à prendre son temps dans le ciel et l’herbe jaunissait de jour en jour. Bientôt, tout serait brûlé, aride et les averses se feraient rares. C’était l’un des premiers manjano mchana, un jour jaune, un jour doré, pour les Massaïs du Kenya, et ce terme s’utilisait à présent dans toute l’Afrique. Un moment de perfection. Au crépuscule, lorsque le soleil est bas dans le ciel, les grandes herbes prennent une couleur jaune orangée, entre cuivre et or. Les plaines semblent s’embraser et les milliers d’insectes et de particules à peine visibles se mélangent à la poussière pour former un ballet éblouissant. La lumière explose et l’air semble s’épaissir, le monde devient éclatant, lourd, brûlant mais apaisé. Un peu plus tard, le ciel virera à l’ocre, à l’orange, au rouge puis au violet. Les jours jaunes sont des moments d’exception, comme suspendus en dehors du temps. Les légendes Massaïs disent qu’à leur création, les lions étaient entièrement blancs mais que la nature les a créés un jour jaune et que leur robe a pris cette couleur de feu.

    Robert aimait marcher avec ses lions dans ces fins d’après-midi si spéciales. Rien ni personne ne pouvait troubler cette plénitude. Il longeait la rivière déjà presque sèche et comme lors de la plupart de ses marches, il s’asseyait près d’un grand acacia avec un compagnon pour savourer la magie de l’instant et contempler l’embrasement de la plaine. Ce jour-là, l’élu était Vayetse, assurément le plus élégant de ses compagnons. Et probablement celui dont il était le plus proche. C’était un mâle fauve de neuf ans qui pesait deux-cent dix kilos pour une taille d’un mètre vingt au garrot. Il était magnifique et monstrueusement puissant. Certains animaux semblaient prendre la réelle mesure de leur force et de leur beauté et il émanait d’eux une puissance immuable, la certitude que si les hommes n’avaient pas d’armes, rien ne pourrait les détruire. Que si les mêmes règles avaient étés respectées par tous les animaux, à armes égales, ils seraient les rois de cette Terre. Vayetse étaient l’un deux. Mais il ne démontrait pas sa puissance en menaçant Robert, il n’en avait pas besoin. Chacun d’eux connaissait sa place, les codes à respecter, et le vieil homme ne s’était jamais senti en danger avec lui. Il ne l’aurait jamais avoué ouvertement par respect pour ses autres protégés, mais il était bien possible que Vayetse soit son lion préféré. Bien plus qu’un animal. Un ami intime. Un fils.

    Mais Robert n’était pas dupe, il connaissait son lion mieux que personne et il restait un seigneur de guerre, un monstre capable d’abattre un buffle en furie d’une demi-tonne s’il le décidait. Il pouvait tuer Robert d’une seule griffe, d’un seul croc. Au cours d’une marche, deux ans auparavant, Vayetse s’était arrêté subitement. Le vent lui faisait face, il avait levé son museau et avait subitement disparu. Une gazelle de Thomson, dix secondes plus tard, pendait de chaque côté de sa gueule ensanglantée. Tout s’était passé en un éclair. Du mauvais côté du vent, elle n’avait pas senti le chasseur. Un bond gigantesque, une seule morsure, et la chasse était terminée. Robert n’avait pas bougé, n’avait pas regardé directement Vayetse lorsqu’il était revenu. Les lions se sentent provoqués lorsqu’on les regarde dans les yeux, alors il s’était assis et avait attendu que le monstre déchiquette patiemment sa proie, à dix mètres de lui, et l’abandonne aux hyènes et aux vautours. Trente ans à leurs côtés et le vieil homme était toujours subjugué par la puissance de ces animaux. C’était un rappel permanent à l’humilité.

    Ce jour-là, Vayetse s’était couché de tout son long à l’ombre d’un grand acacia et Robert avait posé sa tête sur le cœur du lion. Il sentait vibrer chaque muscle de ce corps parfait, ils étaient en paix dans l’ocre crépuscule de ces terres arides. L’homme aimait à penser que ses lions étaient heureux. Une douce torpeur les maintenait dans un état de demi-sommeil, quand le lion émit soudain le premier grondement. Il se redressa brusquement, les deux pattes avant bien à plat sur la terre et tendit son cou au nord, juste devant lui. Le cœur de Robert battait fort dans sa poitrine. Il avait rebondi comme un pantin lorsque le lion s’était redressé et il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits. Il regarda à son tour dans la direction guettée par le lion en cherchant l’animal repéré. Il le vit à environ cent mètres d’eux, qui s’avançait, et son cœur s’arrêta. C’était un homme.

    Les lions ne sont pas des animaux de compagnie. Ils ne sont dominés par personne, ne connaissent pas la peur et se considèrent au sommet de la chaîne alimentaire. L’homme n’est à ses yeux qu’une petite girafe maigrichonne sur deux pattes. Une proie potentielle. Vayetse tolérait ce petit homme qui l’accompagnait depuis son plus jeune âge, comme on se prend d’affection pour un jeune animal malingre et sans défense. Mais c’était une exception. Et devant lui s’approchait une autre de ces petites brindilles animées qu’il n’avait jamais vue. Et il n’aimait pas ça. Robert ne s’était jamais retrouvé dans cette situation, il avait choisi le Dinokeng pour son isolement et s’était tellement enfoncé dans le bush qu’il ne croisait pas les Hommes. Peu de pistes étaient d’ailleurs tracées, il apercevait parfois des 4x4 au loin mais jamais sur les itinéraires de ses promenades lorsqu’il sortait un lion de son enclos. Cette liberté, basée sur la confiance et l’attachement réciproque, ne pouvait être perturbée par aucun événement extérieur qui ne soit naturel. Et depuis trente ans, Robert n’avait jamais croisé personne. Jusqu’à aujourd’hui.

    L’issue était inéluctable, le lion tuerait l’homme. Proie, danger potentiel, il n’y avait aucune chance d’en réchapper. Beaucoup pensent que s’ils croisaient un lion dans la savane, ils auraient un espoir de survie. Peut-être le lion serait-il curieux et viendrait-il simplement renifler leur pantalon. Peut-être serait-il rassasié et préfèrerait-il continuer sa sieste en ignorant le visiteur. C’est une hérésie. Si un lion rencontre un homme et qu’aucune barrière ne les sépare, l’homme meurt, ne serait-ce que pour la domination territoriale. C’est ainsi. Les seules exceptions étaient les lion-walkers, tolérés au prix d’une vie d’attention et d’apprentissage, et ils ne devaient pas être plus d’une dizaine dans le monde. Robert comprit immédiatement qu’il allait voir un lion – son lion – tuer un homme devant ses yeux.

    – Fuyez ! Tout de suite ! cria Robert à l’inconnu, au risque d’effrayer Vayetse et d’en subir les conséquences.

    Sa silhouette était dansante dans le soleil couchant mais le prochain repas de Vayetse sembla ne pas entendre. Il marchait inéluctablement dans leur direction et celle de sa mort imminente.

    – Fuyez ! hurla-t-il de toutes ses forces.

    Mais Vayetse s’était déjà levé en grondant, avait fait un premier pas vers l’homme et replié légèrement ses pattes arrières, signe d’une attaque imminente. Un grondement sourd et continu fit vibrer l’air. Sa queue s’agita violemment autour de ses flancs, et c’était très mauvais signe.

    À dix mètres, l’homme s’arrêta. Robert pouvait distinguer sa grande silhouette. Sa peau était mate mais ce n’était pas un Noir. Il était légèrement vêtu, un short safari, une fine chemise blanche dont les manches éteint retroussées aux coudes et des chaussures montantes. Comment était-il possible qu’un homme marche, seul, dans cette partie déserte de la savane ? D’où venait-il et que diable faisait-il là ?

    – Il y a un lion, il va vous attaquer, fuyez ! dit Robert dans l’ultime et vain espoir que l’étranger saute immédiatement dans le premier arbre (il n’y en avait pas) ou rentre immédiatement dans sa voiture (qu’il n’avait visiblement pas non plus). C’était trop tard.

    Vayetse rugit et prit un pas d’élan pour atteindre sa cible au premier saut.

    – Ahou. Le rugissement venait de cet homme mais résonna comme celui d’un animal. Il était sourd, puissant et trop caverneux pour être produit par une cage thoracique humaine. Pourtant, c’était bien l’homme qui l’avait émis. En une seconde, Vayetse laissa tomber son arrière train et détourna la tête. Le lion semblait soudainement plongé dans une intense réflexion sur l’avenir de ses terres en contemplant l’horizon. L’homme s’avança, passa à un mètre de l’animal sans que celui-ci ne semble le remarquer et s’arrêta devant Robert en lui tendant la main.

    – Bonsoir, Monsieur Kent. Mon nom est Tsavo.

    Vayetse tourna la tête vers l’homme et s’allongea sans le quitter du regard. À quelques kilomètres, dans les enclos, trente-six lions se couchèrent simultanément.

    5

    Banlieue de Londres

    28 mai 1976

    William somnolait à l’arrière du vieux pickup de Dan qui chantait à tue-tête en conduisant, cinq mètres derrière la voiture de Bob. Comment pouvait-on avoir encore autant d’énergie à cinq heures du matin, après six heures enfermé dans une toute petite boite pleine à craquer de post-adolescents à moitié (ou totalement) imbibés dansant sur une musique absurde qui faisait encore couiner les tympans une heure après être sortis ? C’était l’école buissonnière des sens, ça puait la sueur, ça rendait sourd, ça laissait un goût pâteux dans la bouche et chaque pulsion du stroboscope faisait perdre un point de vision. Une soirée au Nightmare Club et c’était à chaque fois l’assurance de quelques années de perdues sur son capital-vie ! William était exténué.

    À ses côtés, Phil ronflait bruyamment depuis qu’ils étaient partis. À dire vrai, il avait même commencé à dormir sur les banquettes puantes et collantes de la discothèque bien avant leur départ. Trop de tout, son corps avait fini par se mettre en veille. Et il ne semblait avoir aucun problème avec l’élégant filet de bave qui coulait sur son menton et faisait déjà une belle tache foncée sur son tee-shirt raidi par la sueur. Et on payait pour ça ! Devant, Kev essayait de chanter avec Dan mais il n’était plus en mesure de comprendre les mots qui sortaient de sa bouche depuis plusieurs heures et avec la fatigue, ça empirait de minute en minute. Ça ressemblait plutôt à de sinistres meuglements un peu plus forts à la fin de chaque phrase, genre je connais les paroles, hein ! Pathétique. Mais c’était samedi soir, ils avaient 18 ans, et c’était cool !

    Dans la voiture devant eux, Meg et son frère roulaient un peu trop vite. William n’aimait pas ça, il était fou amoureux de Meg depuis toujours et il détestait que son grand frère se prenne pour un pilote de rallye quand sa petite sœur était à ses côtés. D’un côté, il refusait que quiconque ne la véhicule et se la jouait grand frère protecteur, d’un autre il conduisait comme un débile et mettait sa vie en danger. William aurait voulu lui dire mais Bob avait vingt-cinq ans et il était sacrément costaud. Il était bien capable, après un verre ou deux, de lui coller une bonne petite tarte devant tout le monde et si William pouvait s’éviter cette humiliation publique, ça lui allait. Il en avait parlé à Meg qu’il lui avait dit de ne pas s’inquiéter, que son frère savait ce qu’il faisait. Bon.

    Ils avaient mis quarante-cinq minutes pour couvrir les cents kilomètres qui séparaient le NightmareClub de leurs petites maisons de la banlieue nord-Londonienne. Ils avaient écumé toutes les discothèques plus proches de chez eux mais rien ne valait l’ambiance psychédélique de ce trou perdu. William se demandait souvent s’il trainerait avec le même groupe de paumés s’il ne sortait pas avec Meg. Son frère, ses potes… et lui. Plus que quelques mois à tenir et ils s’en iraient, sa Meg et lui, en colocation à Londres pour la suite de leurs études, et ça, ça valait tous les sacrifices, et même ces soirées entre abrutis ! Elle était belle, douce, brillante et il se disait parfois qu’ils s’étaient peut-être rencontrés trop tôt. S’aimeraient-ils autant dans vingt ans ? Dans quarante ? Il était néanmoins sûr d’une chose : c’était elle. Et il avait l’intime conviction qu’il était aussi celui qu’il lui fallait, à elle. Alors tant pis s’ils étaient jeunes, tant pis si leur classe sociale n’était pas tout à fait la même, s’il était noir et elle blanche, il était prêt à consentir tous les efforts nécessaires pour la rendre heureuse. Peu importait le prix.

    C’était sans compter un détail.

    Une minute plus tard, elle serait morte.

    6

    Il n’avait pas plu. Ils avaient un peu diminué leur allure et pour une fois, ils étaient même sous la vitesse autorisée. Bob ne buvait jamais. Et le feu était vert. Même pas un peu vert-orange, voire « fin de vert », mais vert-vert. Pas d’erreur, aucun d’eux n’était coupable. Les deux voitures avaient bien ralenti, mis leur clignotant, et tourné de Essex Street sur Grand Avenue, la grande route qui traversait le village. Un patelin minable, sans nom, sans histoire. Même pas un lieu duquel se souvenir, aucune image à garder, aucune raison d’y revenir. Pas de pèlerinage inconscient, pas de futurs flashbacks dévastateurs, que dalle. C’était juste nulle part.

    On n’avait relevé aucune trace de freinage. Le conducteur du camion, un vieux truck Mack de dix-huit mètres de long pour trente-huit tonnes chargé comme une mule, n’avait juste pas vu le feu. C’est tout ce qu’il a dit et c’était peut-être bien vrai. Ça ne change pas grand-chose, si on oublie les douze bières qu’il s’était enfilé. Qu’il était en train de s’enfiler ! Il n’a pas embouti la voiture de Bob et Meg, pas du tout, il est passé par-dessus. Dan, une seconde plus tard, a pilé et la deuxième voiture a dérapé avant de s’encastrer à l’arrière du camion, au niveau des roues. Tout a explosé, dans la voiture, dans la tête de William. Il ne s’est pas évanoui, au contraire, tous ses sens étaient en alerte, l’adrénaline avait envahi chaque cellule de son corps. À sa droite, Phil semblait accroché dans l’encadrement des deux vitres. Dans son semi-coma, il n’avait pas mis sa ceinture et le choc l’avait propulsé comme une marionnette. Ses bras n’étaient même pas repliés pour se protéger, ils pendaient le long de son corps. Il était accroché au montant par la tête, dont William ne voyait que l’arrière. Un arrière sacrément déformé. Devant Phil, Kev n’essaierait plus jamais de meugler des chansons dont il ne connaissait qu’une parole sur deux : on ne voyait plus que ses fesses, le reste devait être quelque part à l’intérieur du camion. Ou ailleurs. Pas de ceinture non plus, éjection automatique, bon vol. Dan avait aussi chanté pour la dernière fois. Il n’était pas passé à travers son pare-brise mais était collé à son volant, comme s’il lui faisait un gros câlin. Ses yeux étaient grands ouverts et sa tête un peu trop tournée vers l’arrière-train de Phil dans une expression d’extrême étonnement : Mais qu’est-ce que ton cul branle à cet endroit, Phil mon pote ? Et où est ta foutue tête ?

    L’épaule de William était en feu et il sentait bien qu’il y avait un problème avec son torse. Chaque respiration déchirait quelque chose. Il réussit à bouger un bras, puis l’autre. Loin d’être anesthésié, il avait une conscience aiguë du moment, des bruits, des odeurs, de la mort tout autour de lui. Il détacha sa ceinture, dégagea ses jambes et ouvrit la portière d’un coup d’épaule. L’onde de choc se propagea dans tout son corps et il crut qu’il allait vomir. Il s’affala sur la route, le visage collé au sol dans un drôle d’angle, ses pieds étaient encore dans la voiture. Il replia son bras – à peu près – valide et il se retrouva allongé sur le bitume, les yeux rivés sur le ciel, un affreux goût de sang dans la bouche. Je suis vivant. Ils sont tous morts et moi, je suis vivant. Mais alors que le soulagement commençait à poindre, un visage emplit subitement, violemment son esprit : Meg.

    Ses yeux avaient vu. Le camion, l’impact, la violence. Les roues du trente-huit tonnes qui s’étaient élevées lorsqu’il passait par-dessus la petite voiture sportive de Bob, et surtout, il avait entendu. Le métal qui hurle, qui se froisse, se tord. Le verre qui explose. Et le camion était redescendu, avait presque rebondi. Comme pour s’assurer que résolument, non, il ne pouvait pas les aplatir plus. Mais le cerveau de William refusait pourtant de faire un lien précis entre Meg et toute cette violence. Il se releva tant bien que mal en crachant du sang, les jambes tremblantes. Il courut maladroitement vers la voiture de Bob, Bob le costaud, Bob le gars sûr-de-lui, le grand frère protecteur. Il voyait son bras, musclé et tatoué. Mais il était tout seul sur la route, comme perdu au milieu du verre explosé, et ce cher Bobby n’y était plus accroché.

    C’était un massacre. William réussit à apercevoir le reste de Bob, encore bien assis dans son siège qui devait à présent toucher la route. Voire en dessous. Sa tête était à moitié rentrée dans son buste, sa bouche et son nez avait disparu et du sang faisait une collerette sur ses épaules et son buste. Ses yeux étaient ouverts et regardaient vers le haut comme pour dire dites-donc, Monsieur, pourriez-vous ôter ce camion de ma tête, je vous prie ? Il y avait ça dans tous les dessins animés. On enlevait le camion et plop, la tête ressortait en entier. Mais pas là.

    Meg avait littéralement explosé. Elle était du côté de l’impact principal et, d’eux six, c’est probablement elle qui avait subi l’impact le plus violent. Son corps était presque démembré. William reconnut ses cheveux sur le tableau de bord mais vit aussi ses yeux et une partie de sa mâchoire un mètre plus loin, ce qui défiait les lois de l’anatomie humaine. Son bras gauche était toujours vaguement accroché à son buste mais dans une position tout à fait improbable. L’autre semblait avoir disparu. On ne voyait presque plus le reste de son corps qui semblait avoir partiellement fusionné avec le métal environnant. Du sang, partout. Des morceaux d’elle. Éparpillés. Son cerveau ayant abdiqué, William prenait à pleine main la matière grise gélatineuse (qui éprouvaient tant de sentiment à son égard quelques instants auparavant) et tentait de la reloger dans la moitié de tête qu’il pouvait atteindre. Il hurlait, hurlait à la mort quand tout vira au noir.

    7

    Zimbabwe

    Province de Harare

    De nos jours

    La famille Palmer était très heureuse. Ces vacances dans la « brousse sauvage », comme disait le petitBryan, étaient un vrai bonheur. Qui a déjà vu de la « brousse domestique » ? Ça faisait rire Hector à chaque fois. Mais là, les enfants gloussaient et tapaient sur les vitres sales du 4x4 depuis dix minutes et ça commençait à exaspérer Molly.

    – Là, papa ! Là ! Il est là ! crièrent Kate et son frère en montrant le lion.

    – Du calme, les enfants, laissez papa tranquille ou ce soir vous n’irez pas à la piscine, dit Molly en fronçant gentiment les sourcils. Les enfants se turent mais ils étaient quand même sacrément excités.

    Ils étaient arrivés au Zimbabwe deux jours avant. Lodge cinq étoiles, climatisation, cuisinier et chauffeur personnels. Pas mal, mais il fallait quand même se méfier des glaçons qui pouvaient rendre un peu malade. Et des moustiques, certains soirs. Hector Palmer, dentiste-star à Beverly Hills, voulait le meilleur pour sa famille et il avait beau soigner (bon, surtout blanchir) les dents de célébrités tous les jours, il avait su rester simple : rien de

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