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Poulet basquaise à Lorient: Polar breton
Poulet basquaise à Lorient: Polar breton
Poulet basquaise à Lorient: Polar breton
Livre électronique294 pages4 heures

Poulet basquaise à Lorient: Polar breton

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À propos de ce livre électronique

Le jeune lieutenant Anthony Herrasteguy s'apprête à vivre des instants difficiles : on l'accuse d'être un assassin !

Lorient, porte ouverte sur l’océan, ses activités maritimes en ont fait sa renommée.
Le pôle « course au large » attire les plus grands équipages. Le team Jantzi ne fait exception à la règle.
Cela permettra à Anthony Herrasteguy de retrouver son ami d’enfance Manuel Livorsky.
Accusé de meurtre, ce sera aussi le début de sa descente aux enfers.
Le commissaire Loïc Garnier va devoir, une nouvelle fois, interrompre ses vacances à Gâvres, pour aider son jeune adjoint à sortir de ce mauvais pas.
Entre les évidences et la représentante de la police des polices, sa tâche ne sera pas des plus aisée mais il fera tout pour rétablir l’honneur du jeune lieutenant.

Le commissaire Loïc Garnier parviendra-t-il à laver son adjoint des accusations de meurtre qui pèsent sur lui ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1966 à Rennes, Guénolé Troudet a passé sa jeunesse dans le Morbihan. Après avoir sillonné une grande partie de la France pour ses activités professionnelles, il s’est établi, avec son épouse et ses trois enfants, à Loudéac.
Professionnel du transport, ses passions, outre son métier, sont axées sur les nouvelles technologies, la lecture et l’écriture de romans policiers. Pour Guénolé, l’adage «  Fier d’être breton » n’est pas une légende.
LangueFrançais
Date de sortie27 mai 2020
ISBN9782374690681
Poulet basquaise à Lorient: Polar breton

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    Aperçu du livre

    Poulet basquaise à Lorient - Guénolé Troudet

    hasard.

    Chapitre I

    Février, Saint Jean de Luz.

    – Et voilà mesdames et messieurs !

    Dans la petite salle de réunion, un léger brouhaha constitué de commentaires échangés entre les personnes présentes, vint en écho de la courte phrase. Il n’y avait pas foule, tout juste une petite vingtaine de personnes. Des hommes pour la plupart mais aussi quatre représentantes de la gente féminine. Tous avec papiers, crayons et appareils photos pour certains. Attirail normal quand, comme eux, on est journaliste.

    Face à eux, assis derrière une table, trois hommes faisaient face. Devant eux, de petites pancartes donnaient leurs identités.

    Tout à gauche, Manuel Livorsky, beau brun ténébreux au regard clair et à la peau hâlée. Au milieu, Pierre Iholdy, cheveux blancs et teint tout aussi bronzé que son voisin. Bien que plus âgé, le temps ne semblait pas le marquer outre mesure. Enfin, tout à droite, Akil Larraldia, presque le jumeau de Pierre Iholdy, les années en moins, les cheveux encore bien noirs en attestaient.

    Derrière eux, sur le mur, une large banderole d’où se détachaient des lettres rouges sur fond blanc, indiquant Jantzi, le nom de la société de Pierre Iholdy.

    Ce dernier reprit la parole.

    – Si vous avez des questions, nous sommes à votre disposition.

    Un léger silence, rapidement interrompu par une première voix. Debout devant sa chaise, un homme se lança.

    – Eric Villefranque de Bateaux de courses. Votre engagement au sein de cette transat peut paraître surprenant. Jamais vous n’aviez participé à ce type d’épreuve auparavant alors pourquoi maintenant ?

    – C’est tout simplement une opération de communication externe très classique. Nous sommes ici à Saint Jean de Luz, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les racines unissant notre beau pays basque à la mer. Nous avons sponsorisé des équipages pour des courses, des régates, mais, vous avez raison, jamais dans de telles proportions.

    – Qu’est-ce qui fait que vous fassiez cette démarche alors ?

    – Parce que nos produits sont positionnés sur le marché du haut de gamme, il nous faut donc une image valorisante pour les promouvoir. Les courses de bateaux sont de ces sports de combats où l’homme défie la nature.

    Il avait lâché ces derniers mots avec presque des trémolos dans la voix.

    Une femme se leva à son tour.

    – Émilie Hégula de Sud Nautique. Ma question s’adresse aux marins. Messieurs, le programme est ambitieux, cela ne vous fait-il pas peur ?

    Livorsky et Larraldia échangèrent un regard afin de savoir qui allait répondre. Akil, après un signe de tête de Livorsky, prit la parole.

    Sa voix légèrement rocailleuse résonna dans la pièce.

    – Bien sûr que c’est ambitieux, mais nous sommes ambitieux.

    – Voilà qui est bien parlé Akil, dit Iholdy en applaudissant frénétiquement la répartie de son skipper.

    Les journalistes se regardèrent, des sourires et des regards amusés s’échangèrent.

    Un homme se leva à son tour.

    – Martin Biaudos, Les Flots du Sud-Ouest. Ne pensez-vous tout de même pas que de vouloir enchaîner plusieurs courses importantes, plutôt que de vous concentrer sur un objectif unique, risque de disperser vos forces et ainsi vous nuire ?

    – Allons, Akil et Manuel sont des marins expérimentés et le défi ne leur fait pas peur, répondit Pierre Iholdy.

    Aucune réaction des deux concernés.

    Iholdy reprit.

    – Je vous invite maintenant à nous retrouver près du buffet. Nous pourrons y discuter moins formellement tout en buvant un verre.

    L’idée suscita quelques approbations non feintes. Sans plus attendre, les bruits de chaises succédèrent aux paroles.

    L’appel du large leur semblait, soudainement, beaucoup moins important que l’appel lancé par les bouchons qui sautaient des bouteilles. Chacun ses priorités.

    Devant la table servant de buffet et qui supportait petits fours, verres et bouteilles, les conversations allaient bon train… des rires fusaient.

    Les journalistes essayaient de récolter des potins, des scoops, de petites choses qui leur permettraient de faire la différence face au collègue. Un peu de sensationnel ne serait pas non plus pour leur déplaire. Pas de quoi en tirer le prix Pulitzer mais au moins suffisamment pour se faire bien voir de leurs rédac’ chefs respectifs.

    C’était bien dans cet esprit que la jolie Emilie Hégula se rapprochait maintenant de Manuel.

    Séducteur dans l’âme, ce dernier prit une coupe sur le buffet et la tendit à la jeune journaliste, accompagnée de son plus beau sourire.

    – Puis-je me permettre ?

    – Je vous remercie.

    Elle prit le verre présenté et le porta à sa bouche, juste histoire d’y tremper ses lèvres. Pas question de se détourner de son objectif premier : recueillir quelques confidences.

    Bien mignonne la petite Emilie. De son mètre soixante-dix, elle plantait ses yeux, aussi bleus que l’océan de sa belle région, dans ceux du navigateur. Un corps de liane aux courbes harmonieuses, de longs cheveux anthracite retombant en cascade sur ses épaules, une peau mate que l’on devinait soyeuse. Le tout mis en valeur par un pantalon en toile claire, la collant comme une seconde peau, et un chemisier blanc décolleté juste ce qu’il fallait pour ne pas trop en montrer mais, néanmoins, attiser les fantasmes.

    Émilie était une journaliste débutante, mais comptait bien ne pas le rester trop longtemps. Elle rêvait de grands reportages, d’enquêtes fouillées, de dénoncer les scandales, en clair de se faire un nom.

    Elle débutait dans le métier et savait que le parcours qui la mènerait à une reconnaissance de ses pairs, et des lecteurs, était encore long et parsemé d’embûches. Pas vraiment de cadeaux à attendre, bien au contraire.

    Son plan de carrière la berçait encore d’illusions. Toute fraîche émoulue de l’EJCM, l’Ecole de Journalisme et de Communication de Marseille, Emilie Hégula était encore auréolée de la joie d’avoir obtenu son Master Journalisme. Après sa licence en Lettres Modernes, elle s’était dirigée vers ce cursus universitaire. Pendant deux ans, elle avait tout appris, en théorie, de l’écriture journalistique, de la presse écrite, de son éthique et de sa déontologie, de la pratique des médias avec notamment des ateliers de spécialisations consacrés à la télévision et à la radio.

    Son but était l’écriture, elle aimait lire, écrire, c’était d’ailleurs ce qui avait motivé ses études à la base.

    À l’issue de sa formation, comme 6 % de ses camarades de promotion, elle s’était dirigée vers la presse magazine. Ne suivant pas ainsi le gros du bataillon, 64 % quand même, qui se répartissaient à parts égales entre la radio et la presse quotidienne régionale, la fameuse PQR.

    C’était surtout un concours de circonstances qui l’avait menée à intégrer les effectifs de Sud Nautique.

    Émilie avait commencé par y faire un stage à la rédaction de Marseille. Parmi les nombreuses demandes envoyées, ils avaient été les premiers à répondre, elle ne s’était donc pas posée de questions existentielles. Il lui fallait un stage pour valider sa première année d’études, l’occasion se présentait, il aurait été stupide de ne pas la saisir.

    Cela s’était plutôt bien passé. Émilie avait su faire remarquer ses compétences. Tant et si bien qu’elle n’eut même pas à chercher de travail après l’obtention de son diplôme. Sud Nautique lui proposa une place qui venait de se libérer à la rédaction de Saint Jean de Luz.

    Une aubaine.

    Elle qui était originaire de Biarritz ne pouvait rêver mieux pour démarrer. Cela lui permettait de rejoindre son berceau familial.

    Bon, d’accord, Sud Nautique ce n’était pas Le Monde mais pour une petite jeune qui arrivait sur le marché ça commençait plutôt bien.

    Pour se faire les dents il valait mieux commencer par le bas que de se griller les ailes tout de suite. Dans l’immédiat elle se contentait d’articles relatifs à la pêche, et les démêlés fréquents des marins locaux avec leurs homologues espagnols donnaient suffisamment de matière, sur la navigation de plaisance et évidemment, sur la navigation sportive. Elle avait d’ailleurs eu, sur ce dernier point, l’occasion de partir couvrir quelques départs de transats depuis la Bretagne et, surtout, le Tour de France à la Voile, depuis la terre et la mer, embarquée sur un bateau de l’organisation.

    Fille de la mer, elle se sentait bien au sein de cette petite rédaction. Outre un rédac’chef et une secrétaire, il y avait, en plus d’elle, un autre journaliste dans l’effectif. Un vieux de la vieille qui avait de la bouteille. Et ce n’était rien de le dire étant donné qu’il était quotidiennement à plus de deux grammes dans chaque poche. Par contre il était introduit dans tous les milieux maritimes de Saint Jean de Luz à La Rochelle, tant auprès des militaires que des marins pêcheurs ou des plaisanciers. Une vraie mine d’informations pour Emilie qui ne perdait jamais une occasion de s’instruire. Elle profitait de ses moments de sobriété pour peaufiner son propre carnet d’adresses.

    Émilie quitterait un jour Sud Nautique. Quand ? Elle n’en savait rien, mais c’était inéluctable, c’était tracé dans sa destinée ou plutôt dans les ambitions qu’elle se prêtait.

    Pour le moment il lui fallait faire son job et elle avait face à elle un Manuel Livorsky tout sourire.

    Elle attaqua.

    – Alors monsieur Livorsky, prêt pour le grand départ ?

    – Je vous en prie, appelez-moi Manuel.

    Et de sortir encore plus, si c’était possible, une dentition éclatante au milieu de son visage hâlé.

    Encore un qui lui faisait du charme.

    Elle finissait par être habituée. Émilie savait depuis longtemps qu’elle était loin d’être repoussante, bien au contraire. Elle était belle, le savait mais n’en profitait pas. Son boulot passait avant tout. Pas question de se lancer dans une histoire d’amour inextricable qui aurait mis un frein à son envie de reconnaissance professionnelle. Entamer une idylle sentimentale voulait dire s’y investir, se donner corps et âme, à tous les sens du terme, et, par voie de conséquence, mettre son travail entre parenthèses. Elle ne se sentait pas la vocation à devenir une ménagère engluée dans les tâches quotidiennes entre ménage et marmots. La cavalcade dans la triangulaire boulot-maison-supermarché ne l’intéressait pas. Pas encore du moins.

    Dans l’immédiat, à une histoire d’amour, elle préférait des histoires de cul. Des passades au gré des rencontres, des humeurs et de ses variations hormonales. Jamais d’attache, des conquêtes d’une nuit, d’un soir ou, plus souvent, de quelques heures complétant les cases vides de son agenda.

    Émilie Hégula était une femme libre et fière de l’être.

    Alors le numéro de charme initié par Manuel Livorsky elle l’avait vécu des centaines de fois. Entrerait-elle dans son jeu ? Même si elle n’avait pas la réponse pour le moment, le temps le dirait.

    – Bien, va pour Manuel si vous m’appelez Émilie, répondit-elle en souriant.

    En terme commercial, une réponse de ce type s’appelait un feu vert. Une ouverture menant vers la voie de la conclusion. Manuel Livorsky n’en espérait pas tant.

    – Avec plaisir… Émilie.

    Ne se laissant pas détourner de sa mission, elle reposa sa question.

    – Alors Manuel, prêt pour cette course ?

    – Pour ces courses plutôt. Nous allons enchaîner deux évènements majeurs dans le monde de la voile.

    – N’est-ce pas un peu beaucoup ?

    – Si l’on y va en touristes, très certainement.

    – Ce qui n’est pas votre cas.

    – Bien sûr que non. Pierre Iholdy a mis les moyens et nous les a donnés. Nous avons aujourd’hui du matériel plus que concurrentiel.

    – Est-ce suffisant ?

    – Le matériel est un facteur important de réussite, mais il est évident qu’une bonne préparation est toute aussi importante. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous allons migrer vers Lorient pour pouvoir peaufiner tous nos réglages et nos automatismes.

    – Mais de votre côté vous n’avez pas l’expérience de ce genre de course.

    – C’est vrai mais mon équipier, Akil Larraldia, est déjà très chevronné sur ce plan.

    – Et vous vous entendez bien ?

    La question de la jolie journaliste n’était pas si innocente. Après avoir commencé dans un cadre général, elle resserrait son étau pour essayer d’obtenir des informations plus personnelles, plus croustillantes. Cette interrogation précise n’était pas lancée au hasard. Comme la plupart des invités, elle avait bien remarqué que le sponsor, Pierre Iholdy, passait beaucoup plus de temps et semblait beaucoup plus proche de l’autre skipper. D’ailleurs, à cet instant précis, Pierre Iholdy avait une main sur l’épaule d’Akil Larraldia et les deux hommes répondaient, dans la bonne humeur, aux questions des collègues d’Émilie. Une complicité semblait les unir.

    – Évidemment que nous nous entendons bien, répondit Manuel. C’est mieux d’ailleurs, vu le temps que l’on va passer en tête-à-tête.

    Bonne réponse, certes, mais pas suffisante pour faire lâcher le morceau à une Émilie Hégula qui savait se montrer tenace.

    – Et pourtant on a le sentiment que vous n’êtes pas forcément le préféré de votre sponsor.

    Allusion perfide à ce qui se passait à quelques mètres d’eux.

    Le sourire de Manuel Livorsky perdit un peu de sa splendeur. L’éclat s’était terni.

    Il répondit tout de même à l’attaque déguisée.

    – Vous qui êtes bien informée, devriez savoir que le skipper principal est Akil. Effectivement Pierre et Akil se connaissent depuis de nombreuses années, leur complicité est donc fort légitime. Sur une transat en double, ou en équipage, il faut un second et c’est moi. Voilà tout.

    Mentalement, Manuel venait de se crier une expression à la mode : Cassée !

    Il avait remis la journaleuse à sa place tout en douceur et n’en était pas peu fier.

    C’était mal connaître Émilie Hégula qui revint aussitôt à la charge.

    – Pourtant il se dit que c’est Youenn Bigot qui devait être le coéquipier d’Akil Larraldia.

    – Comme quoi, entre ce qui se dit et ce qui est, il y a une sacrée marge.

    – C’est vrai et c’est tant mieux pour vous, répondit la journaliste.

    La flatterie n’était en fait destinée qu’à préparer la prochaine question vacharde qui suivit sans délai.

    – Il semblerait que votre sponsor ait fait un pont d’or à Youenn Bigot pour qu’il rejoigne son équipe.

    – À ma connaissance Youenn est sous contrat avec une autre équipe.

    – Tout à fait. C’est d’ailleurs pour ça qu’il a refusé l’offre.

    – Ce qui n’a rien d’étonnant.

    – Par contre, il se dit aussi que d’autres skippers auraient été contactés, auraient refusé et ce serait finalement vous qui auriez été retenu.

    Le sourire de Manuel Livorsky venait de passer définitivement aux oubliettes. Au fur et à mesure qu’Émilie Hégula parlait, son visage se fermait et ses traits se crispaient pour devenir un masque dur au regard plus que noir.

    La réponse ne se fit pas attendre.

    – Mademoiselle, on ne se connaît pas, nous n’avons jamais eu l’occasion de discuter ensemble avant ce jour. Pour moi vous êtes une parfaite inconnue, même si j’ai eu l’occasion de lire quelques-uns de vos articles. Cependant, je ne me permettrais pas de faire une quelconque allusion à vos qualités professionnelles comme vous êtes en train de le faire avec moi. Vous êtes en train d’insinuer que je ne suis qu’une roue de secours, que l’on aurait sorti du coffre, parce qu’il n’y avait pas d’autre solution.

    – Ce n’est pas ce que j’ai dit.

    Émilie sentit qu’il était temps de faire légèrement profil bas.

    – C’est en tout cas ce que vous avez exprimé.

    – Alors vous m’avez mal comprise.

    – Et en plus ça va être de ma faute ! Il faudrait voir à ne pas pousser le bouchon trop loin mademoiselle. Vous savez le milieu de la voile n’est pas aussi ouvert que vous semblez le penser. Il suffit de pas grand-chose pour se retrouver tricard. Croyez-moi, je vais m’employer à vous tailler une réputation sur mesure.

    – Ce sont des menaces ? répondit Emile Hégula d’une voix blanche qu’elle ne reconnut pas.

    – Pas du tout, une simple mise en garde.

    – Mais je ne fais que mon travail.

    – Et quel travail ! Vous ne vous intéressez pas à l’événement, vous êtes une fouille-merde. Vous feriez mieux de bosser pour la presse people, vous y seriez dans votre élément.

    – Je ne vous ai pas insulté que je sache.

    – C’est tout comme. Et dites-vous que vous avez de la chance.

    – Ah bon ? Et pourquoi ça ?

    – Vous auriez été un homme, je vous aurais démonté la gueule depuis longtemps.

    Et Manuel Livorsky de planter là, sans autre forme de procès, une Émilie Hégula qui ne s’attendait pas, au final, à cette conclusion.

    Les rôles s’inversaient. C’était maintenant elle qui se retrouvait mal à l’aise. Les gens situés autour d’elle n’avaient quasiment pas perdu une miette de l’algarade. Des commentaires chuchotés, et de petits sourires, s’échangeaient.

    Pas de quoi devenir parano mais quand même.

    Elle venait de se prendre un camouflet. On lui avait bien enseigné pendant ses études que le poste comportait ce genre de risques. C’était la première fois que ça lui arrivait, elle relativisa en se disant que ça ne serait pas la dernière. Le chemin est long et semé d’obstacles pour celui, ou en l’occurrence celle, qui veut avancer. Si elle commençait à se formaliser pour de petits accrochages, aussi insignifiants, elle n’était pas arrivée au bout. Elle était prête à tout pour réussir alors ce n’était pas ce petit incident qui allait remettre tout en cause. Le jeu en valait la chandelle. Ce n’était là que les prémices de ce qu’elle aurait à affronter tout au long de l’évolution de sa carrière.

    Après tout, il se prenait pour qui ce Manuel Livorsky ?

    Un grand navigateur ?

    Un skipper de classe supérieure ?

    Un marin d’eau douce, oui !

    Il lui faisait finalement pitié avec ses airs de playboy des vagues. Non mais franchement, qu’un de Kersauzon, ou un Peyron, la jette de cette manière ça aurait encore pu passer vu le curriculum vitae de ces hommes, encore que ça n’aurait pas été le cas puisqu’elle n’aurait pas posé ce genre de questions à des interlocuteurs de ce type. Mais lui, Manuel Livorsky, quel était son palmarès pour pouvoir se la jouer star comme il l’avait fait ? Il n’était là que parce que Iholdy n’avait eu d’autre solution, il n’y avait pas à chercher midi à quatorze heures sur ce sujet.

    Sans compter ses menaces à peine voilées, ce qui était le minimum dans ce milieu, sur son prétendu pouvoir de la discréditer. Du grand n’importe quoi. Il se donnait bien plus d’importance qu’il n’en avait, voilà tout.

    Il n’y avait pas trop de mouron à se faire sur le sujet. Même si quelques personnes allaient lui faire la gueule suite aux divagations de Livorsky, cela ne remettrait fondamentalement rien en cause. Les sponsors sont toujours à l’affût d’articles les citant et, ça, c’était le plus sûr moyen de se faire ouvrir les portes des interviews.

    Quoiqu’en pense l’autre demeuré.

    Par cette introspection, elle tenta ainsi de se convaincre et de se rassurer. Chacun ses méthodes.

    Un peu plus loin, Pierre Iholdy posait fièrement pour les photographes, entourant de ses bras ses deux skippers. Larraldia à sa droite et Livorsky à sa gauche.

    Manuel Livorsky regarda en direction d’Émilie Hégula. Il lui adressa un sourire narquois. La réunion des trois hommes semblait donner tort à la jeune journaliste.

    Émilie ne répondit pas à son sourire, elle resta impassible. S’il pensait la toucher de la sorte il en était pour ses frais. Son opinion le concernant était déjà faite.

    Pauvre mec !

    Chapitre II

    Mai, Lorient.

    Le temps était mitigé. Pour beaucoup ce joli mois de mai ressemblait plus à un mois de novembre. Pluie, vent, tout pour rappeler l’automne passé aux bons souvenirs des Bretons. Les tenues légères d’été étaient encore dans les vitrines des commerçants, c’était plutôt le règne du pull et de l’anorak. Pas trop d’épaules dénudées, de jupes virevoltantes dans les rues de la cité morbihannaise.

    Des caprices météorologiques qui n’empêchaient pas une affluence dans la ville et, plus particulièrement, aux abords de l’eau.

    Pas d’envie spécifique des gens de venir respirer l’air iodé, il y avait des endroits sur la côte qui étaient beaucoup plus pittoresques et adaptés pour ça, non, c’était l’attrait des voiliers qui incitait à la promenade en famille.

    – T’as vu le beau bateau !

    Le gamin venait de tirer son père par la manche de sa parka. Il était en admiration devant l’un des nombreux navires qui allaient s’affronter quelques jours plus tard.

    En ce dimanche de printemps, la marée n’était pas seulement le phénomène naturel que tout le monde connaît, non, là, en plus, elle était humaine.

    De partout, ça grouillait de monde. Sur les quais, les pontons, partout où l’homme pouvait poser pied il y avait du monde.

    Le pâle soleil ne parvenait pas à réchauffer l’air. Un vent, léger certes, mais néanmoins froid, soufflait en continu

    Tout ceci n’était rien en regard de l’événement qui se préparait : La transat Lorient – Les Bermudes – Lorient !

    5.780 milles marins, soit plus de 11.000 kilomètres pour les adeptes du plancher des vaches, pour savoir lesquels sortiraient vainqueurs d’un périple réalisé en moins de trois semaines par l’équipage gagnant, sous réserve de conditions météo optimales évidemment. Une course avec des Formule 1 de la mer permettant d’atteindre des performances

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