Romantique Le temps de l’apaisement

Le docteur Barthélemy écarte le rideau.

Tullie est allongée sur son lit, les yeux mi-clos.

– Vous ne voulez pas voir le ciel ? lui demande le médecin.

La patiente tourne lentement la tête vers lui alors qu’il se penche sur elle et soulève une de ses paupières pour observer le fond de son œil :

– C’est le soleil des îles qui vous manque ? Tullie soupire : – Le soleil, c’est bien la seule chose qui ne m’ait pas fait défaut là-bas… Le docteur esquisse un sourire :

– Vous parlez comme mon père ! Vous n’avez jamais eu envie de retourner en Martinique, de rejoindre votre famille ?

La sexagénaire aux membres frêles et aux joues creusées se redresse brusquement avec une vigueur inattendue :

– Je ne veux pas que mes sœurs apprennent que je n’ai été qu’une boniche ! Je ne veux pas que les habitants de mon village se détournent de moi en me traitant de « négropolitaine » !

Le médecin hoche la tête :

– Vous parlez vraiment comme mon père… Vous devriez le rencontrer !

La rencontre improbable a lieu quelque temps après la sortie de l’hôpital de Tullie.

Le docteur Barthélemy accompagne régulièrement son père Aimé à de petites fêtes lors desquelles des Martiniquais de Paris se réunissent, autour d’un punch, pour écouter de la musique en grignotant des acras, pour danser, ou juste pour partager un moment ensemble. Ils viennent aussi pour se confier leurs difficultés, s’avouer d’éventuels échecs et s’efforcer d’y trouver des solutions. Tullie ne s’y est jamais rendue. Elle avait peur d’y rencontrer quelqu’un qui connaîtrait un membre de sa famille. Ses sœurs et son unique frère, même si elle les a aimés, se sont, au fil du temps, effacés de ses pensées.

Quand elle sonne à la porte du spacieux appartement loué pour l’occasion, c’est le médecin qui lui ouvre la porte. Il la guide