BEYROUTH TOUJOURS EN LAMBEAUX
Un champ de ruines, comme si la catastrophe venait de se produire. Il y a un an, le 4 août 2020, une double explosion de nitrate d’ammonium a dévasté la capitale libanaise : plus de 200 morts, 6 500 blessés, 300 000 personnes sans abri… Depuis, on en ignore toujours la cause, et Amnesty International accuse les autorités d’une obstruction « éhontée » à l’enquête. Sans oublier l’incurie généralisée. Paris Match arpente une ville plongée dans un malheur sans fin.
Cette famille de quatre enfants s’est réfugiée dans un deux-pièces. Peu de nourriture, jamais de viande, pas de médicaments antidouleur pour la mère, qui vient de subir une intervention chirurgicale. Le père, voiturier, ne trouve plus de travail. Les survivants du « 4 août » n’ont eu droit à aucune indemnisation. Autrefois si prospère, la « Suisse du Proche-Orient » s’enfonce dans la misère.
Les frigos, les réservoirs d’essence, les comptes en banque... Tout est vide
« Qu’ils dégagent tous ! » Face à la corruption et la surdité de leurs dirigeants, les Libanais en oublient les divisions religieuses. En octobre 2019, de nouvelles taxes mettaient le feu aux poudres. D’abord à Beyrouth, puis dans tout le pays, elles allaient se multiplier au fil des mois. En janvier 2021, le confinement déclenche des émeutes de la faim. L’armée tire à balles réelles. Mais beaucoup n’ont plus rien à perdre.
Zéro reconstruction, zéro indemnité, zéro excuse... Le peuple enragé n’en peut plus
C’est une explosion qui parle. C’est une explosion qui raconte quelque chose et qui a encore beaucoup à dire. Depuis la gueule béante qui l’a vue jaillir, et où les silos ressemblent à des chicots, elle continue de crier en silence. Le port de Beyrouth est une nécropole d’acier. Au milieu des trucks sans mâchoire, le soleil, lourd, triste, jaunasse, chauffe les Renault 12 édentées, les madriers tordus et les charniers de métal froid dont les poutres torsadées ressemblent à des hydres. Le décor, prêt pour tous les films, est un paysage d’apocalypse caniculaire et de guenilles urbaines. Doucement, l’air devient orange. Jaafar, vigile, nous cornaque ; il aurait dû périr ici comme deux de ses amis: il avait, ce jour-là, fini le travail un
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits