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La Neige est Noire à Ravensbrück: Fiction historique
La Neige est Noire à Ravensbrück: Fiction historique
La Neige est Noire à Ravensbrück: Fiction historique
Livre électronique352 pages5 heures

La Neige est Noire à Ravensbrück: Fiction historique

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À propos de ce livre électronique

Hélène, jeune femme de vingt ans, apprentie infirmière est bouleversée quand les troupes allemandes déferlent sur Bordeaux en juin 1940 après avoir bombardé la ville.
Pour elle, la seule réponse est la révolte clandestine.
Mais dans cette période trouble où la trahison et la collaboration avec l’occupant sont l’arme des lâches et des traîtres, elle va tomber dans les griffes de ces renégats et connaître les pires tortures jusqu’au plus ignoble des viols, avant d’être déportée dans le camp de concentration de femmes de Ravensbrück en Allemagne.
Pourtant son courage, sa vaillance et sa pugnacité vont lui permettre de s’évader de cet ignoble bagne féminin.
Pendant des jours et des jours, elle va lutter contre les éléments, le froid, la faim et la fatigue pour arriver sur les bords de la mer Baltique et enfin trouver de l’aide pour revenir retrouver la France et sa ville de Saint-Médard-en-Jalles après la fin de la guerre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dans le monde du textile, en France et à l’étranger pendant plus de quarante ans, revenu dans son Lauragais natal, Jacques Travers se lance dans sa passion de l’écriture, trempant sa plume dans l’encre bouillonnante de l’Histoire. Des romans attrayants vont naître de son Imagination. Des récits qui illustrent, dans de nombreuses époques, du Moyen-Âge à nos jours, les difficiles combats quotidiens des femmes et des hommes de notre pays, pour se libérer d’un oppresseur ou pour survivre.
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie23 nov. 2020
ISBN9782381570587
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    Aperçu du livre

    La Neige est Noire à Ravensbrück - Jacques Travers

    1 – Janvier 1945

    La neige n’a pas cessé de tomber tout au long de cette nuit qui n’en finit pas.

    De gros flocons qui collent aux branches des sapins couvrant tout le paysage d’une couche cotonneuse qui étouffe tous les reliefs.

    Ses pieds, chaussés de sabots de bois s’enfoncent profondément dans l’épaisse couche de poudreuse qui lui arrive déjà jusqu’à ses mollets nus.

    Le froid humide transperce sans peine la toile grossière de ses vêtements de déportée, cette blouse paletot rayée de gris et de bleu qui lui descend jusqu’aux genoux ainsi que sa robe dont les rayures ont presque disparu, usée d’avoir été portée par des dizaines de déportées.

    Elle n’a que ces pauvres oripeaux collés sur son corps nu. Son corps squelettique laissant voir tous ses os au travers de sa peau parcheminée par tous ces mois à ne boire que de la soupe sale avec quelques malheureux bouts de pain noir moisis.

    Dans ce blizzard qui descend en puissantes rafales du nord, ce n’est pas la vieille couverture élimée qu’elle a jetée sur sa tête et les épaules, qui lui procure une véritable protection contre ces tourbillons de vent glacial qui lui fouettent le visage, renforçant ce froid perçant qui la glace jusqu’à la moelle des os, la faisant trembler de tous les muscles de son corps.

    Un pas après l’autre, frigorifiée, gelée, percée de toutes parts par les aiguilles de cette tempête mortelle, elle continue courageusement d’avancer, sans fléchir, sans faiblir.

    Elle n’a pas le choix, elle doit s’éloigner le plus rapidement possible de ce maudit camp. S’éloigner d’une mort certaine, les os brisés sous les coups mortels des sadiques gardiens SS, pour se lancer dans une fuite éperdue qui la conduira peut-être aussi vers une fin tragique, dans la neige et le vent, mais une mort bien plus digne et, elle l’espère… libre.

    Libre, de cette liberté dont elle est privée depuis plus d’un an. De tous ces mois pendant lesquels elle a subi les tortures les plus abjectes, les viols ainsi que les humiliations dont seul, l’être humain est capable de l’infliger à ses semblables.

    Perdue dans une région d’Allemagne qu’elle ne connaît pas et de plus, en pays ennemi elle ne peut pas compter sur l’aide des personnes rencontrées qui la remettraient aussitôt entre les mains des SS. Alors elle s’était orientée vers l’est, en direction de la Pologne où il était possible qu’elle trouve de l’aide, même si cela l’éloignait de son pays natal, cette France qu’elle n’est pas sûre de revoir un jour.

    La France, c’est sa patrie pour laquelle elle s’est battue farouchement, et c’est ce qui lui avait valu d’être arrêtée, trahie par des compatriotes qui préfèrent la collaboration avec l’ennemi plutôt que de résister pour délivrer leur pays envahi par les assassins nazis.

    2 – Juin 1940

    Cette nuit de fin juin est douce malgré les émanations de chaleur montant des murs de pierres blondes des maisons, chauffés par les rayons écrasants du soleil, pendant toute cette journée de juin.

    Les Bordelais dorment paisiblement, malgré la menace croissante de cette guerre que l’on a appelée « drôle » pendant de nombreux mois, mais qui aujourd’hui déferle sur la France avec ses blindés, ses chars et ses avions par milliers semant la mort mais aussi la pire des désolations sur son passage.

    Cette guerre qui massacre même les civils, vidant villes et villages poussant devant elle ces centaines de milliers de gens, jetés sur les routes d’un terrible exode.

    L’ennemi que plus rien ne peut arrêter, avance très vite tandis qu’il s’approche rapidement de la ville.

    Le gouvernement français en exil qui s’y est réfugié depuis quelques jours, vient de la déclarer « ville ouverte » pour éviter à la population de subir des combats aussi inutiles que disproportionnés qui feraient beaucoup de morts civils et militaires dans toute l’agglomération bordelaise.

    L’air est rempli des premières chaleurs de l’été, il fait chaud dans les maisons, alors les fenêtres sont ouvertes pour profiter d’une hypothétique fraîcheur venant du fleuve ou de l’océan, à l’ouest.

    Et puis soudain, par-dessus les toits, dans toute la ville, des sirènes aux accents lugubres se mettent à hurler, réveillant les habitants en sursaut. Les faisant se jeter hors des lits, apeurés.

    Les têtes sortent de l’encadrement des fenêtres, regardant si la réponse est dans la rue.

    Des milliers de voix répercutent la même question, de rue en rue dans toute la ville :

    La réponse ne tarde pas à se faire entendre. Un bruit annonciateur de mort qui grandit de minute en minute.

    Un grondement dans le lointain, comme un orage tragique, qui se rapproche très vite faisant grandir la peur et l’angoisse.

    Et rapidement, le bruit devient effrayant, terrorisant dans cette nuit qui s’annonçait si douce.

    Et les regards se tournent vers le ciel où l’effroyable vrombissement s’amplifie.

    Les bombardiers de la Luftwaffe, l’aviation de guerre allemande, survolent l’agglomération sur laquelle ils lâchent leur chargement de mort au-dessus de Bordeaux.

    Les premières bombes explosent vers le quartier de la Bastide, la gare du Midi puis vers la basilique Saint Michel, faisant les premiers dégâts, les premiers morts et blessés, éclairant le ciel de la sinistre lueur rougeoyante des incendies.

    Le bombardement se poursuit sur d’autres endroits du centre de la ville et sur la ville voisine de Mérignac.

    C’est un acte de guerre totalement inutile, Bordeaux ne présentant pas le moindre objectif militaire justifiant une telle attaque. Les nazis veulent terroriser la population avec une sauvagerie inutile, conforme à l’abjecte personnalité d’assassin d’Hermann Goering, chef de la Luftwaffe.

    Un homme dépravé que ce fou d’Hitler a mis à la tête de l’aviation nazie qui, sans aucune pitié, n’a pas hésité à envoyer ses sinistres avions hurleurs, les Stukas, mitrailler les civils lancés sur les routes par la débâcle, sans la moindre raison tactique, uniquement pour satisfaire son sadisme, le goût de tuer des gens innocents et de répandre la terreur.

    Au matin, hébétés, désemparés, les Bordelais sonnés par cette nuit de désastre et d’horreur, apprennent que la barbarie nazie a fait soixante-trois morts et plus de trois cents blessés.

    La sale guerre vient d’étendre les ailes de la mort dans la capitale de l’Aquitaine.

    *

    À Saint-Médard-en-Jalles, petite ville proche de l’agglomération bordelaise, Hélène Delteil, comme tous les Saint-Médardais ainsi que toute la banlieue bordelaise, avait été sortie de son lit juste après minuit par les explosions des bombes et le vacarme terrifiant des avions.

    Alors sans hésiter, dès le lever du jour, elle avait enfourché son vélo et, pédalant de toute l’énergie de ses vingt ans, elle se dirige vers Bordeaux. Élève en seconde année de médecine, elle veut aller offrir ses services aux hôpitaux pour s’occuper des blessés, assister les infirmières et les médecins débordés par l’ampleur du nombre des blessés. Certains des habitants, ne souffrant pas de blessures physiques visibles, se dirigent vers les hôpitaux et les cabinets des médecins pour leur faire part de leurs angoisses comme de leur désarroi devant ces horreurs.

    Toute la ville est en émoi. Les Bordelais sont dans les rues, perdus, complètement choqués, surtout parce qu’ils se pensaient jusque-là, loin, très loin de la guerre.

    Hélène met près de deux heures pour atteindre l’hôpital Pellegrin qui est le plus proche pour elle. Des bombes sont tombées un peu partout, plusieurs rues sont bloquées par les décombres des maisons bombardées et des chaussées entièrement défoncées qui l’obligent à contourner des quartiers entiers.

    L’établissement a reçu pendant la nuit, la plus grande partie des blessés.

    Les plus gravement atteints ont été conduits dans des chambres, mais la majorité a été laissée dans les couloirs, faute de place, car, ambulances ou voitures privées ne cessent d’amener de nouvelles victimes qui sont déposées dans l’entrée et même soignées à même le sol, dans la cour.

    Une infirmière est à genoux auprès d’un adolescent à qui elle fait un bandage à la cuisse. Hélène se penche vers elle, se présente et lui propose de l’aider. La jeune femme se retourne, regarde son interlocutrice, lui sourit aimablement puis, sans rien dire, lui tend la bande pour qu’Hélène finisse de faire le pansement au garçon.

    Hélène est une jeune fille, très dévouée dans son quartier, ne refusant jamais son aide pour soulager les personnes âgées, malades ou blessées, pour refaire un pansement ou aider à faire une toilette. Sa réputation a fait le tour de Saint Médard où sa gentillesse et son dévouement font l’unanimité dans la ville qui l’a vue naître.

    Toute la journée, sans prendre le moindre repos, elle seconde l’infirmière, nettoyant les plaies, aidant à boire ou à manger, remontant le moral des enfants ou des personnes âgées très choqués par ce qui vient de se passer et cette nouvelle guerre qui commence alors qu’un ministre fantoche, qui était allé lécher les bottes d’Hitler, leur avait promis qu’elle n’aurait pas lieu.

    Avant de partir le matin, elle avait averti sa grand-mère chez qui elle passe deux à trois nuits par semaine, qu’elle ne pourrait certainement pas rentrer le soir même et qu’elle resterait à Bordeaux tant qu’elle serait utile pour aider.

    Elle ne croyait pas si bien dire, car son aide efficace sera nécessaire pendant plus d’une semaine encore, avec juste quelques heures de sommeil prisent sur une chaise ou couchée à même le sol, mais gardant toujours énergie et bienveillance auprès des blessés ou des malades. D’autres apprenties infirmières sont venues en renfort, car leur présence permet à l’hôpital de remplir au mieux son service d’aide à la population bordelaise ainsi qu’aux très nombreux réfugiés du nord de la France, de Belgique et des Pays-Bas.

    Jusqu’à ce sombre matin où des soldats de la Wehrmacht¹ envahissent le hall d’entrée de l’hôpital, exigeant que l’on expulse les blessés légers, puis ordonnent de regrouper les autres de façon à libérer des chambres pour les soldats allemands qui seront désormais prioritaires dans tous les services de l’établissement.

    Cette incursion, qui n’allait pas être la seule, irrite Hélène au plus haut point, et quand un officier SS arrive, l’air hautain, plein de morgue, en vainqueur, elle ne peut s’empêcher de protester :

    En colère, la jeune fille reprend son vélo pour retourner chez sa grand-mère. Dans les rues de Bordeaux, elle croise de nombreux soldats à l’uniforme vert-de-gris, le fusil à l’épaule et marchant au milieu de la rue. Les drapeaux à la croix gammée ont remplacé les drapeaux tricolores. C’est l’armée d’invasion totale.

    Après avoir connu les hordes nombreuses de réfugiés de l’exode, la venue du gouvernement français puis des ambassades étrangères en exil, maintenant la ville était en zone occupée et devait désormais se conformer aux lois de la guerre dictée par les Allemands, mais aussi appliquées souvent avec un zèle félon et imbécile par l’administration française inféodée à l’envahisseur.

    C’est la préfecture du département qui menace les Français mécontents, de les livrer aux autorités allemandes en cas de protestation, de désapprobation verbale ou de lacérations sur les avis de l’armée d’occupation qui peut les emprisonner, les torturer et même les condamner à mort avec l’assentiment des autorités françaises.

    Même l’heure a changé. Le premier juillet 1940 au soir, l’horloge de la Cathédrale Saint-André avance sa petite aiguille d’une heure pour se mettre à l’heure allemande.

    Le règne de l’oppression, des assassinats de masse, de la veulerie et de l’opportunisme commence.

    *

    Dans les mois qui suivent, Hélène, qui avait pris par écrit le message de l’Appel du 18 juin du Général de Gaule, le transcrit sur des feuilles de cahiers scolaires qu’elle double d’un papier carbone pour augmenter le volume de ce qu’elle destine à être des affiches. Puis, à la nuit tombée, plongeant sa grand-mère dans une angoisse telle qu’elle n’ose en parler aux parents, elle part coller ses écrits sur les murs de Saint Médard avec de la colle récupérée chez un ami peintre tapissier.

    Puis, au fur et à mesure de ses sorties nocturnes, ce sont ses propres prises de position qu’elle propose clandestinement à la lecture des habitants qu’elle exhorte à la résistance civile. Ne pas cautionner le gouvernement collaborationniste du maréchal Pétain, ralentir tous les travaux destinés à l’armée allemande et boycotter l’administration française qui demande de rédiger certains papiers en allemand ou qui préconise de ne surtout rien faire qui pourrait gêner l’envahisseur. Un État français toujours plus veule, totalement soumis à la botte du régime nazi.

    Les violences et les exactions de toutes sortes se poursuivent avec les tortures ainsi que les exécutions d’otages au camp de Souge et les emprisonnements à répétition pour n’importe quel motif au fort du Hâ².

    Ces arrestations sont presque toujours l’œuvre de la police française entièrement dévouée à Vichy. Le plus souvent, elles sont exécutées par la Gestapo française composée des plus grands truands de la région qui ont élu domicile dans des villas de la ville du Bouscat.

    *

    Un soir de février 1941, elle vient de coller une de ses affichettes manuelles sur la pompe à essence du garage Peugeot au centre de la ville, puis elle traverse la rue pour aller en coller une sur la devanture du café. Elle plonge le pinceau dans le pot de colle, badigeonne le mur de pierre, puis, sortant une feuille de son corsage, elle s’apprête à l’apposer sur le liquide gluant quand elle entend le bruit caractéristique des bottes d’une patrouille allemande, claquant en cadence sur le bitume.

    Surprise, elle laisse tomber le pot de colle sur le trottoir, qui lui éclabousse les jambes et les pieds.

    Les soldats arrivent du centre par l’avenue Montesquieu, ils se rapprochent rapidement. Elle doit s’enfuir par la place du marché. Mais sa chaussure glisse dans la colle et elle s’étale sur le trottoir, se blessant au genou.

    Rapidement, elle se redresse en serrant les dents, la blessure n’est qu’une écorchure d’où sourdent quelques gouttes de sang, mais le choc a mis son articulation à mal.

    Apeurée par les bruits de bottes qui approchent, elle se met à courir en claudiquant, traversant en biais toute la place du marché déserte et plongée dans l’obscurité de la nuit.

    Un coup de feu claque.

    Hélène entend la balle siffler près d’elle. Aussitôt, elle se penche en avant et se met à courir en direction d’une petite ruelle au revêtement de sable, qui s’ouvre devant elle, lui offrant un abri temporaire.

    Les soldats, au pas de course pour traverser la place, font un raffut d’enfer. Bruits de bottes, hurlements, appels et cliquetis des armes. Ce vacarme derrière elle l’affole, et avec son genou mal en point, les hommes de la patrouille risquent de la rejoindre rapidement. Elle essaie de courir plus vite, mais son genou la fait souffrir et, perdant l’équilibre, elle roule dans le gravier sableux parsemé d’herbe de la ruelle, au pied d’un mur. Elle se relève en une seconde, s’apprête à se relancer en avant, quand une porte s’ouvre sur sa droite et une ombre la saisit par le bras puis l’attire à l’intérieur dans ce qui lui semble être un jardin.

    Immobiles, silencieux, blottis contre le mur, ils écoutent passer la cavalcade de la patrouille, au pas de course dans la petite rue.

    Le bruit s’éloigne entre les murs des maisons et d’autres jardins, enfin, le silence de la nuit retombe lentement dans la ruelle.

    Hélène n’insiste pas et reste figée, obéissant à cette bonne âme providentielle.

    Ce n’est qu’au bout de deux ou trois minutes d’un immobilisme silencieux, que la main qui lui tient toujours le bras, l’entraîne à l’opposé de l’entrée par un chemin de terre entouré de buis, vers une petite habitation plongée dans le noir.

    Un pouce fait rouler la molette, et la flamme qui jaillit d’un briquet, éclaire le visage d’un quinquagénaire avenant et glabre qu’Hélène reconnaît tout de suite :

    Monsieur Sieurac est instituteur à l’école communale de la ville, où il avait eu Hélène comme élève dans son cours moyen. Et, pendant l’année où elle avait été son élève, il s’était pris d’affection pour cette bonne disciple, travailleuse et toujours classée dans les premières.

    Avec précaution, il ouvre la petite porte du jardin. Prudemment, il jette un coup d’œil à droite et à gauche dans la ruelle, puis quand il est certain que les soldats allemands se sont éloignés, il fait sortir Hélène et l’accompagne pour traverser la grande place du marché, jusqu’à l’angle du café-restaurant où elle récupère son pot de colle et ce qu’il en reste à l’intérieur.

    3 – La Résistance

    Pendant les mois qui suivent, Hélène, sous le pseudonyme de Simone, continu de coller ses pamphlets de révolte dans sa ville mais aussi dans les villages environnants, parcourant la région sur sa bicyclette, de jour comme de nuit, au risque de se faire prendre par l’une des nombreuses patrouilles allemandes ou par les traîtres français de la milice ou de l’ignoble Gestapo française.

    L’idée de la Résistance française, qui n’a pas encore adopté ce nom, commence à se répandre dans un pays martyrisé par un occupant tyrannique, sans foi ni loi, soutenu par un gouvernement de Vichy, dirigé par un maréchal inique et raciste, à la solde de l’ennemi. Un militaire revenu comme l’un des héros de la Première Guerre mondiale, après avoir envoyé des centaines de milliers de jeunes Français dans les tranchées pour se faire tuer dans l’ignoble boucherie du front.

    Un immonde traître qui se révélera bien souvent pire que les nazis, pourchassant les Résistants ou organisant les abjectes rafles de Juifs pour les envoyer à la mort dans les camps de concentration, allant bien au-delà des désirs formulés par les nazis, avec l’aide de collaborateurs faisant beaucoup de zèle dans le crime et l’infamie.

    Alors, tous ces Français frustrés, humiliés, qui se sentent souillés par ces armées indignes qui foulent le sol de leur Patrie, veulent se révolter, entraver l’avance de ces hordes de nazis auquel les ont livrés des politiciens sans courage et des militaires séniles, incapables mêmes, de diriger une armée de soldats de plomb.

    Mais sans organisation, toutes ces âmes dignes ne font qu’irriter l’envahisseur qui sans le moindre honneur se venge sur une population innocente.

    Alors les emprisonnements, les exécutions et les déportations vont commencer puis se multiplier au fil des mois.

    Il faut attendre 1942 avec les actions des agents envoyés par le Général de Gaulle, mais surtout l’œuvre d’unification des diverses factions par Jean Moulin avec son dévouement sans faille pour que la Résistance devienne une force combattante réelle qui lutte efficacement contre l’oppresseur, mais aussi contre la Milice de Vichy qui n’a jamais été aussi pro allemande et qui, grâce à ses traîtres sans scrupule, démembre des groupes entiers de Résistants.

    Les opérations du groupe Robert, à l’ouest de Bordeaux et dans le Médoc, se sont accentuées, ne se limitant plus à coller des proses de protestations sur les murs, maintenant, ce sont de véritables actions de sabotages, et surtout de renseignements destinés au SOE en Angleterre et aux Forces de la France Libre, qui sont accomplies.

    Pendant plusieurs semaines, Hélène, sur son vélo, une trousse d’infirmière en bandoulière parcourt les quartiers de Bacalan et des Chartons pour se rendre au chevet de nombreux malades dans ces quartiers. Chaque fois, elle fait en sorte de passer à proximité de la base sous-marine pour repérer les activités des sous-marins italiens et allemands. Mais, bien qu’elle espace de plusieurs jours les visites des malades, si les gardes allemands sont plus nombreux que les Italiens, elle passe au loin. Cependant, quand les Italiens sont en nombre supérieur, elle peut s’approcher pour discuter avec les Casanovas transalpins en uniformes et observer discrètement ce qui se passe dans la base, tandis qu’elle se fait ouvertement conter fleurette.

    Avec ces précieux renseignements, le SOE a pu établir une cadence de sortie des sous-marins pour ainsi éviter à de nombreux navires alliés de faire de mauvaises rencontres dans l’Atlantique.

    Plus tard, on a confié à Hélène la difficile mission de transporter les messages jusqu’à l’opérateur radio qui se déplace en permanence de rue en rue, mais aussi de village en village pour duper les camions allemands équipés d’antennes gonio pour repérer les émissions radio clandestines.

    Les messages sont dissimulés à l’intérieur d’une bouteille thermos. Quelquefois elle doit faire de nombreux kilomètres pour rejoindre le nouvel endroit où est dissimulé l’opérateur radio pour quelque temps ce qui l’oblige à franchir plusieurs barrages tenus par la Gestapo ou les SS.

    Mais la faconde et le sourire charmeur dont elle ne se départ jamais, la font franchir tous ces obstacles sans véritables problèmes, se prévalant surtout de son état d’infirmière, elle laissant les soldats fouiller sa trousse médicale et la sacoche qui contient de quoi boire et se restaurer.

    Fin 1942, début 1943, le régime nazi impose au gouvernement de Vichy qu’il oblige les travailleurs français à partir travailler en Allemagne pour remplacer les ouvriers allemands envoyés sur le front russe où cela se passe vraiment mal pour eux. C’est le service du travail obligatoire, le STO, qui va être à l’origine de la création des maquis dans toute la France occupée. Ces groupes clandestins réfugiés en forêt ou en montagne dans lesquels se dissimulent tous ceux qui refusent d’obéir aux ordres de Pétain et ne veulent en aucun cas aider à l’effort de guerre nazi.

    Il est important de maintenir le lien entre la Résistance existante et ces nouveaux groupes disséminés dans les bois ou les campagnes. C’est un rôle très important qui va être attribué à Hélène, l’obligeant à de longs parcours dans tout le département de la Gironde mais aussi quelquefois jusqu’en Dordogne, multipliant les risques pour la jeune femme.

    Depuis deux mois, c’est un café dans le centre de Libourne qui sert de boîte à lettres et, deux à trois fois par mois, jamais le même jour, ni à la même heure, Hélène apporte des renseignements qui sont ensuite transmis de nuit aux différents maquis cachés dans les profondes forêts du Périgord ou du Sarladais. Ces messages signalent des sabotages ou des attaques à commettre en indiquant les endroits où vont avoir lieu les parachutages d’armes et de munitions.

    Chaque fois, elle entre dans le café, affichant un grand sourire. Elle demande s’il est possible de lui remplir sa bouteille thermos d’eau fraîche. Elle la tend au patron, qui l’accueille toujours avec un mot gentil et lui rend son sourire derrière son zinc.

    Marcel, le propriétaire du bar saisit la bouteille métallique pour la poser derrière le comptoir, puis il en remplit une autre en tous points pareille qu’il lui tend aussitôt, toujours avec le même sourire. Elle plaisante toujours sur les deux francs que le tenancier lui réclame en plaisantant, ensuite elle reprend son vélo et courageusement repart vers Bordeaux par le pont de pierre, enfin elle prend le train vers Saint Médard.

    Les bouteilles thermos contiennent les messages dans l’espace qui sépare le récipient isotherme de la protection en fer-blanc extérieure. Ce système marche le plus souvent dans les deux sens, et elle redescend les rapports des maquis vers les responsables de la région de Bordeaux.

    4 – La Gestapo

    Ce système de communication marche bien, jusqu’à ce jour d’août 43 où, en entrant dans le café, elle sent comme une atmosphère étrange. Contrairement à leurs habitudes joviales, les clients sont silencieux, presque tétanisés. Ils regardent droit devant eux, les yeux dans le vague. D’ailleurs, Marcel, le patron, la regarde venir vers lui avec les mêmes yeux exorbités, et son éternel sourire a disparu de son visage.

    Hélène marque un temps d’arrêt, surprise de cette atmosphère bizarre. « Ce n’est pas normal ! » pense-t-elle. Réagissant aussitôt, elle bredouille une vague excuse, puis fait demi-tour.

    Mais avant qu’elle ne puisse franchir le rideau anti-mouches, un homme en costume clair, un feutre léger sur la tête, se dresse de sur sa chaise pour s’interposer entre elle et la rue.

    L’homme de la Gestapo lui arrache la thermos des mains,

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