J'aimerais choisir la couleur de mes rêves
Par Eric Nasso
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Aperçu du livre
J'aimerais choisir la couleur de mes rêves - Eric Nasso
vivantes.
Avant-propos
Après des années de guerre et de haine, dans une période contemporaine peu éloignée de la nôtre, certains pays ont commencé à organiser des échanges professionnels et interculturels pour que les peuples puissent réapprendre à se connaître et à s’apprécier. Une belle manière de consolider la paix, difficile à préserver.
De cette ambitieuse idée, est né un programme. Il met en relation des enseignants des écoles élémentaires et maternelles du Québec avec des homologues de l’Hexagone. Chaque année, de chanceux aventuriers quittent leur école, leur famille, leur ville, leur pays pour partir à la découverte d’un monde inconnu. Ce sont ces expériences humaines qui ont été la source d’inspiration et la toile de fond de cette fiction.
Toute ressemblance, ou similitude avec des personnages ou des faits existants ou ayant existé, ne sauraient être que coïncidence fortuite.
Chapitre 1
J’étais secouée. Je me trouvais à l’avant d’un canoë qui naviguait sur une large rivière. L’eau était claire, l’environnement était sublime. Au loin, les flots semblaient disparaître dans les profondeurs de la terre.
Comme j’étais devant, je fus la première à prendre conscience du danger. J’alertai ma partenaire. Le bruit était si assourdissant qu’elle ne m’entendait pas. Je ne pouvais pas non plus gesticuler pour l’avertir, au risque de faire chavirer l’embarcation.
Pendant une fraction de seconde, elle esquissa un sourire avant de détourner le regard. C’est elle qui détenait les rames. Je ne pouvais plus rien changer. J’étais impuissante et il était trop tard pour modifier le cours de notre destin. La chute serait mortelle ! Je me mis à crier et je me cramponnai au bateau qui sombrait dans l’abîme.
Comme par enchantement, je sentis une main, saisir mon épaule. L’hôtesse de l’air me réveilla et m’informa que nous allions atterrir. Elle me demanda poliment de rattacher ma ceinture et de remonter ma tablette. J’étais en sueur, mais j’étais sauvée !
Nous étions le 16 août. La date avait son importance, car je fêtais mon quarantième anniversaire et j’avais la chance de m’offrir un cadeau exceptionnel. Je allais enfin fouler le sol du Québec qui m’avait tant fait rêver ! La sélection s’était avérée difficile. Il m’en avait fallu des efforts pour en arriver là…
Après avoir marché une dizaine de minutes dans les couloirs de l’aéroport de Montréal, mon enthousiasme baissa d’un cran, quand j’aperçus la longueur de la file d’attente qui menait aux postes de douane. Dans ce hall, grand comme une patinoire, se croisaient des centaines de passagers en provenance du monde entier. Louna me fusilla du regard. Pénélope, elle, ne se priva pas d’exprimer son mécontentement. Mais je pouvais rien y changer !
Par chance, elles retrouvaient enfin de la wifi. Les deux sœurs saisirent au même moment leur téléphone pour se connecter au réseau. J’étais donc tranquille pour quelque temps. J’avais tout loisir de penser à l’origine de ce projet un peu fou. Il y a quatre ans, un collègue m’avait informé de l’existence d’un programme original : échanger son poste avec un enseignant du Québec. Je voyais pour nous la possibilité de concrétiser un rêve commun : habiter, travailler et étudier à l’étranger pendant 1 an.
Après le passage à la douane, nous devions nous rendre au service de l’immigration. Nous savions que nous allions encore devoir patienter. Chacune reprit donc son activité favorite.
Cette fois, je pensais à des souvenirs plus proches. Il y a un mois, jour pour jour, je retapissais la chambre de Pénélope qui avait besoin d’être rafraîchie avant notre départ. La semaine dernière, Alix, mon mari, terminait les dernières petites réparations pour que l’appartement soit impeccable. Afin de prévenir tout problème mécanique, il avait aussi conduit la voiture au garage pour une révision complète. Deux heures avant de recevoir Amanda, ma partenaire d’échange, tout était rangé, nettoyé, astiqué. Nous étions fiers du résultat, mais aussi bien fatigués.
Avec les Beaugrand, nous avions convenu de nous séparer, pour faciliter notre intégration. Amanda était arrivée la première à Metz. Elle était accompagnée d’Annick, une amie, qui s’accordait quelques jours de vacances en Europe. Nous avions passé une soirée ensemble avant qu’Alix ne s’envole à son tour pour rencontrer Bernard, le mari d’Amanda, depuis peu à la retraite. Il me restait deux jours pour faire plus ample connaissance avec mon homologue québécoise.
Amanda, qui s’approchait doucement de la soixantaine, était une femme dynamique et débordante d’énergie et d’enthousiasme. Je lui avais posé de multiples questions à propos de son école, de sa classe, de ses méthodes d’enseignement. J’étais avide d’informations. Son aide m’était précieuse. Amanda, quant à elle, ne semblait pas pressée de se plonger dans les affaires scolaires. Elle s’intéressait surtout aux possibilités de découvertes et de voyages dans la région et en Europe. Je sentais qu’elle avait envie de se laisser porter par ses envies. Elle me faisait penser à la Cigale qui profite de l’été sans se soucier de l’automne à venir. Après tout, elle avait raison de ne pas se laisser gagner par mon anxiété. Ayant déjà enseigné de la maternelle à l’université, Amanda possédait une solide expérience et je finis par arrêter de m’inquiéter pour elle. Pour me rassurer, elle m’expliqua qu’elle connaissait déjà le système scolaire français et que nous aurions le temps de nous intéresser à l’école à l’approche de la rentrée. Nous profitâmes alors des heures passées ensemble pour renforcer les liens qui s’étaient tissés à distance entre nous, tout au long de la préparation de ce projet.
Pénélope et Louna s’agitaient dans tous les sens. Le numéro 267 clignotait enfin au guichet F !
– Églantine Durieux, cheveux châtains et bouclés, 1,62 mètres, de nationalité française, née le 16 août à Clermont-Ferrand, accompagnée de Pénélope, 15 ans et Louna Durieux, 18 ans, fit méthodiquement l’agent d’immigration. Bienvenue et bonne fête{1} madame ! ajouta-t-il.
– Merci c’est gentil, répondis-je en souriant.
Après trois heures d’attente, nous possédions enfin nos indispensables permis de travail et d’études ! Encombrées chacune de nos 43 kilos de bagages et après un dernier contrôle des marchandises, nous fûmes enfin autorisées à pénétrer dans le hall des arrivées de l’aéroport où Alix nous attendait. Il n’avait pas assez de bras pour nous accueillir toutes les trois !
Notre arrivée échelonnée s’avérait une bonne idée. Bernard avait donné à Alix, suffisamment d’informations et de repères pour assurer notre autonomie et faciliter notre intégration. Cela se voyait déjà sur la route. Alix nous fit passer de l’autoroute « 40 Est », à la « 13 Nord » avant de bifurquer vers la « 25 Sud ». Je cherchais la logique de ce trajet mais je ne la comprenais pas ! Alix était sûr de lui et il naviguait déjà comme un poisson dans l’eau dans ce dédale.
À une vingtaine de minutes de Montréal, la ville de Terrebonne, notre commune d’adoption, s’étalait sur des dizaines de kilomètres carrés et comptait environ 100 000 habitants. Alix s’empressa de nous emmener au parc de l’Île des Moulins, situé dans le Vieux-Terrebonne, le cœur historique de la cité. Ce lieu proposait des sentiers pédestres en bordure d’un lac et de la rivière des Mille Îles. Sur le site, d’anciens bâtiments industriels réhabilités, datant du XIXe siècle, embellissaient l’endroit. J’étais sous le charme. La visite se poursuivit par un passage obligé devant ma future école. Le bâtiment des préscolaires qui m’accueillerait bientôt était séparé de celui des élèves de l’école élémentaire. Cette fois, il s’agissait d’un ensemble plus moderne sans charme particulier.
Non loin de là, se dressait la belle et grande demeure des Beaugrand. Avec les distances que nous venions de parcourir, il serait nécessaire d’utiliser les deux voitures que nous avaient prêtées nos hôtes. À Metz, nous étions habitués à marcher, à pédaler ou à utiliser les transports en commun pour nos déplacements quotidiens. J’appréhendais un peu ce changement.
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