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Jours tranquilles à l'hôpital: Chroniques médicales
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Jours tranquilles à l'hôpital: Chroniques médicales
Livre électronique164 pages2 heures

Jours tranquilles à l'hôpital: Chroniques médicales

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À propos de ce livre électronique

Un hôpital quelque part dans le nord de la France. Un service de pédiatrie et des destins croisés de soignants et de patients qui se rencontrent autour de la maladie. Des liens se créent et se défont au rythme des admissions et des transmissions. Mais que connaît-on réellement du quotidien des personnels hospitaliers ? Que sait-on de leurs motivations, de leurs envies, de leurs joies, de leurs tristesses, de leurs découragements et de leurs peurs, pudiquement cachés derrière la blouse blanche ?
Jours tranquilles à l’hôpital nous livre des épisodes de vie de ce service de pédiatrie imaginaire qui ne survivrait pas sans la solidarité des soignants et la passion qu’ils vouent à leur métier. Au travers de ces chroniques romancées, justes et touchantes qui révèlent l’envers du décor, Abderrahmane Hamriti raconte la difficulté de soigner des enfants tout en rassurant les parents. Et sans jamais tomber dans des travers de dénonciation ou de rancœur, l’auteur réussit à montrer la (dure) réalité de l’hôpital public, avec sensibilité et humour.
LangueFrançais
Date de sortie24 mars 2017
ISBN9782312051208
Jours tranquilles à l'hôpital: Chroniques médicales

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    Aperçu du livre

    Jours tranquilles à l'hôpital - Abderrahmane Hamriti

    cover.jpg

    JOURS TRANQUILLES À L’HÔPITAL

    Abderrahmane Hamriti

    Jours tranquilles

    à l’hôpital

    Chroniques médicales

    LEN

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Avertissement

    Ces chroniques romancées sont inspirées de faits réels. Les noms des personnages ont bien entendu été changés.

    À la mémoire de mes parents

    À Ines, Sami et Pascale

    Docteur, ça fait quoi… ?

    À la sortie de l’ascenseur, le Dr Salem croisa sa collègue Sylvie, qui pestait contre les travaux envahissant la ville – l’acculant à faire des détours alambiqués et rageants – et qui lui annonça que Caroline, l’autre collègue, était souffrante ce jour-là.

    – On se partagera le boulot. Notre jeune confrère Florent se chargera des urgences.

    À l’entrée du service, Sylvie, l’une des infirmières la plus ancienne et celle qui l’abreuvait de blagues salasses à longueur de journée, sortait d’une chambre avec son chariot.

    – Bonjour Docteur. J’espère que vous êtes en forme, parce qu’il y a pas mal de boulot aujourd’hui. C’est le souk comme on dit.

    – Hier aussi, je te signale…

    – Eh oui, c’est l’hiver !

    Ce matin-là, le Dr Salem et son interne, avaient une trentaine d’enfants à examiner. De tous les coins du service, fusaient pleurs et toux de nourrissons luttant contre la bronchiolite. L’épidémie était à son acmé et les hôpitaux débordés. Alors qu’ils sortaient d’une chambre, une petite fille s’avança vers eux dans le couloir, les mains derrière le dos, le regard inquiet. Le médecin lui sourit puis rédigea quelques notes dans le dossier du patient qu’il venait d’examiner, pendant que l’interne classait résultats d’examens biologiques et radiographies dans la pochette respective. La routine ;

    – Au suivant ! enchaîna le Dr Salem, suspendant sans le vouloir la parole dans la bouche de la petite fille qui s’apprêtait à dire quelque chose.

    Ainsi se déroulaient les visites, de chambre en chambre. Rituel immuable. La veille, le Dr Salem s’était couché tard à cause d’une insomnie tenace – déjà vieille de quelques mois, qui ne le lâcha qu’au bout de la nuit. En fait, depuis qu’Ophélie, une jeune et jolie employée de la FNAC de Valenciennes, l’avait quitté après une banale dispute.

    Il en était tombé amoureux, un jour de déprime. Nullement son genre de fille – il les aime plutôt cérébrales – mais ses formes voluptueuses et sa longue chevelure bouclée couleur or, en auraient aguiché plus d’un, malgré ses nombreux piercings et son maquillage exagéré.

    D’ailleurs, dès les premières semaines, il se rendit compte qu’elle n’était pas faite pour lui, mais il avait du mal à couper les ponts, gardant pour elle une certaine tendresse, en dépit de ses sautes d’humeur et des moments où – devenant subitement agressive et complètement hystérique – elle lui crachait à la figure de disparaître à jamais de sa vie, de retourner à ses babouches, ses chameaux, son thé à la menthe au goût de pisse, et à ses fatmas qui disent Amen à tout, puisqu’il n’était même pas foutu de l’emmener en boîte, quand elle en avait envie.

    Et un jour, il la surprit dans un café, sirotant une bière avec un gars au crâne rasé, blouson cuir et bottes à éperons. Le genre tatoué, criblé de piercings. Elle semblait si gaie avec ce grossier sosie d’Elvis Presley. Curieusement, sur le coup, il n’en ressentit aucune colère, ni aucune jalousie. Pire, il en fut même soulagé, et pensa – du haut de ses quarante ans, que c’était mieux ainsi.

    À la chambre suivante, la maman de Logan donna du fil à retordre au Dr Salem. Non seulement, elle était bavarde – il se demanda d’ailleurs si elle respirait entre deux phrases – mais elle l’interrompait à tout bout de champ, hermétique à toute explication.

    – Écoutez Madame, à un moment ou à un autre, il faudra bien nous faire confiance.

    – Bien sûr que je vous fais confiance, Docteur, mais…

    – On en reparlera cet après-midi si vous le voulez bien, quand j’aurais les résultats des examens.

    Dans le couloir, la petite fille était toujours plantée près du chariot, dans la même position, les mains derrière le dos et un mélange d’interrogation et de peur dans le regard.

    – Comment t’appelles-tu ? lui demanda le Dr Salem.

    – Flore.

    – C’est un joli prénom.

    Il interpella une infirmière qui passait dans le couloir :

    – Elle est dans quelle chambre, cette petite ?

    – La 210. Pourquoi ?

    – Elle a l’air perdue et nous suit depuis un moment.

    – Elle est hospitalisée pour douleurs abdominales, je crois. J’ai aperçu tout à l’heure sa maman dans la chambre.

    Le Dr Salem se pencha sur la petite fille et lui chuchota à l’oreille :

    – Va rejoindre maman dans la chambre. Je passerai vous voir. Promis.

    Il s’apprêtait à lui tourner le dos quand elle s’agrippa à la manche de sa blouse :

    – Ça fait quoi, quand on prend des médicaments ? On dort comme maman ?

    Dans la chambre 210, la maman de Flore gisait sans connaissance sur le lit. Plus tard, les analyses du service de réanimation révélèrent un taux élevé de tranquillisants et d’antidépresseurs. Et plus tard encore, l’on apprit que les parents de Flore traversaient – depuis quelques mois – des moments difficiles : le chômage du mari et la dépression de l’épouse.

    Des temps troubles

    Tard dans la nuit, le Dr Bachir quitta enfin le service. Il était de garde et n’avait rien avalé depuis son sandwich de midi, expédié à la hâte entre deux urgences. Ses intestins le relançaient depuis un bon moment par d’inconfortables gargouillis audibles qu’il essayait tant bien que mal de masquer aux personnes alentour, en simulant une toux soudaine. En vain : derrière les sourires discrets et polis, son jeu était percé à jour – il s’en rendait bien compte – et cela le mettait encore plus mal à l’aise.

    À la télévision, sur le grand écran plat adossé au mur de la salle à manger de l’internat, l’affaire qui tenait le pays en haleine – tournant en boucle, depuis quelques jours, sur les chaînes d’info – semblait proche de son dénouement : le forcené, retranché dans son appartement de banlieue, était cerné par une armada d’agents d’élite, prêts à dégainer au moindre geste hostile. Les premiers éléments de l’enquête penchaient plus vers la folle dérive d’un jeune compatriote du Dr Bachir, qui aurait été enrôlé par des extrémistes religieux. Certains journalistes ou analystes de circonstance, avançaient même qu’il aurait récemment séjourné en Afghanistan et que la piste terroriste était désormais privilégiée.

    – Alors ça va le boulot ? demanda Cheikh, un nouveau confrère venu du Mali.

    – Il faut bien, de toute façon.

    – Ah, on reconnaît bien là le sage.

    – Tu veux dire vieux sage ?

    – Oh non ! Je n’oserais jamais. Vous êtes mon aîné mais vous n’êtes pas vieux.

    N’empêche ! Le mot sage revenait souvent dans la bouche du jeune homme. Son collègue lui fit d’ailleurs remarquer, un jour, que cela lui évoquait ces vieillards des villages reculés d’Afrique, complètement décatis, le visage raviné, desséché par le soleil et l’âpreté de la vie, plantés à longueur de journée à l’ombre d’un arbre, pas très loin de leurs modestes demeures – comme s’ils craignent de se perdre – arrimés à leur canne comme à un dernier espoir, regardant d’un œil las un monde qui ne leur ressemble plus, attendant la fin d’un jour et la naissance d’un autre. Et puis, l’heure de leur trépas.

    En discutant ce soir-là, les deux hommes avaient oublié les informations qui tournaient en boucle à la télé. Cheikh raconta quelques blagues du pays, puis demanda à Bachir s’il avait des nouvelles de leur collègue Amine.

    – Il se fait rare depuis qu’il a eu une altercation avec un confrère à propos d’une réflexion au sujet d’un homme politique.

    Cheikh se fâcha :

    – Incroyable ! Sous prétexte qu’il n’est pas du pays, il ne doit critiquer personne ?

    – Oh, tu sais, la politique, ça déchaîne toutes sortes de passions.

    Quelques instants plus tard, les deux amis furent rejoints par Nadia, une collègue néphrologue, venue de Tunisie. Elle s’immobilisa devant l’écran de télé. Son regard s’assombrissait à mesure que les informations défilaient.

    – Merde ! Après ça, tout le monde va nous regarder de travers.

    – Il y a de fortes chances, lança Cheikh.

    – Il ne faut pas être parano non plus, rétorqua Bachir.

    Ils changèrent de chaîne. Nadia but une gorgée de Perrier et enchaîna sur ses petits malheurs professionnels. Elle se plaignait, elle, la spécialiste dans son pays, qu’on lui fasse faire le boulot d’un interne.

    – Tu devrais être patiente, lui dit Bachir. Tu es ici pour apprendre.

    – Mais quand même ! J’ai l’impression d’être leur bonne à tout faire. L’autre jour, alors que je téléphonais à un collègue du service de cardiologie à propos d’un patient, je l’ai entendu ricaner, puis chuchoter à quelqu’un à côté : « D’où elle sort encore celle-là avec cet accent ! » Je m’en suis plainte au chef de service. En vain.

    Ni Cheikh ni Bachir n’étaient d’humeur à écouter ses lamentations récurrentes. Ils avaient même l’impression qu’elle en rajoutait. Alors, chacun sortit son iPhone et fit semblant de s’y absorber, mais elle les relança :

    – Figurez-vous qu’il y a une semaine, je prenais mon petit-déjeuner à l’internat, une jeunette est entrée, s’est servi un café et s’est assise en face, alors qu’il y avait plein de places ailleurs. À un moment, elle m’a regardée droit dans les yeux avant de lâcher avec un faux sourire : « Je m’appelle Amélie, je prends désormais en charge l’unité où tu es. Tu bosseras avec moi, bien sûr ». La salope !

    Cheikh se mit à rire.

    – Ça, au moins, c’est direct.

    Nadia était une gentille fille, un peu fleur bleue, avec un côté pleurnichard. Elle allait reprendre ses lamentations, quand le téléphone de Cheikh sonna. Il sortit dans le couloir et revint quelques minutes plus tard, le regard inquiet.

    – On peut changer de chaîne ? Il y a la guerre au Mali.

    Et les voilà revenus aux chaînes d’info et à leurs drames diffusés en boucle. Les forces de l’ordre venaient de donner l’assaut à l’appartement où était retranché le jeune forcené armé qui avait tué plusieurs personnes dans la rue, quelques heures auparavant. L’envoyé spécial de la chaîne était constamment sollicité par le présentateur du journal qui n’en finissait pas de lui réclamer des détails sur les « derniers développements de l’affaire ». Et comme il n’en avait pas, il meublait comme il pouvait, se répétait,

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