Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L'oublié de Srinagar
L'oublié de Srinagar
L'oublié de Srinagar
Livre électronique307 pages4 heures

L'oublié de Srinagar

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Mike accusa le coup mais resta néanmoins impavide. Il fixa son vis-à-vis. Les deux hommes s’observèrent quelques lourdes secondes comme des boxeurs au premier round. Ni l’un ni l’autre ne voulait lâcher le premier coup. Seulement Mike devait se rendre à l’évidence. Cette tentative d’enlèvement et l’assassinat déguisé d’une des barbouzes du Vatican changeaient la face des choses. Ses recherches intrépides sur la « légende du Christ Musulman », du « Tombeau » et de ses documents occultés à Srinagar tournaient en une confrontation mortelle entre réseaux professionnelles avec lui comme cochonnet.
LangueFrançais
Date de sortie22 mai 2015
ISBN9782312031279
L'oublié de Srinagar

Auteurs associés

Lié à L'oublié de Srinagar

Livres électroniques liés

Science-fiction pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L'oublié de Srinagar

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L'oublié de Srinagar - Barretto del Valle

    cover.jpg

    L’oublié

    de Srinagar

    Barretto del Valle

    L’oublié

    de Srinagar

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    En Hommage à :

    Abdul Khazir Shoda,

    paternel de Bashir, ami de William Mac Intyre.

    En remerciement à :

    Gilbert, montagne irremplaçable.

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03127-9

    img1.jpg

    Prologue

    Vittorio Mauro, premier conseiller de sa Sainteté le Pape, feuilletait fébrilement les premières pages d’un épais dossier recouvert de skaï pourpre qui détonnait sur la nappe immaculée d’un guéridon sans style.

    Il humidifia son index alourdi d’une bague volumineuse aux commissures de ses lèvres pour mieux saisir une page récalcitrante. Le regard perçant de ses petits yeux enfoncés dans un visage lunaire erra longuement sur le document marqué d’un sceau top secret dans l’angle supérieur gauche. Comme chaque fois qu’il parcourait le manuscrit, une étrange angoisse l’enveloppait. Même s’il ne voulait pas trop y croire, ces documents pouvaient remettre en question l’histoire du christianisme. Une bombe apocalyptique à désamorcer à n’importe quel prix.

    Son vis-à-vis vêtu d’un trois pièces noir anthracite contemplait d’un œil morne un crucifix de métal, seule décoration murale de la minuscule pièce borgne casematée au troisième sous-sol de la villa Barberini, à un jet de pierre du Castel Gandolfo, la résidence d’été privilégiée des papes. Dans la cité du Vatican, les mauvaises langues l’appelaient « Pinoblair ». Peut-être à cause de son appendice nasal équivoque.

    Surnom guère flatteur mais admirablement adapté dans cette partie underground du Vatican où l’on confondait allègrement coups tordus et bénédictions.

    Le silence de la chambre sécurisée alourdit par le vrombissement de deux ventilateurs alignés sous un arc-boutant entretenait une sensation angoissante d’apesanteur. Les deux ecclésiastiques semblaient anormalement nerveux. Ils patientaient depuis plus d’une heure.

    Alberto Aquaverde, numéro un des services actions du plus petit état du monde, les avaient convoqués en urgence la nuit précédente.

    La clarté inopinée d’un modeste voyant bleuté encastré au-dessus de la porte massive libéra les deux ecclésiastiques. Ils quittèrent avec un ensemble parfait leur siège peu confortable et rectifièrent leur vêtement pourtant impeccable.

    La porte s’ouvrit sur un mètre quatre-vingt dix d’élégance. Avec des cheveux noirs légèrement frisés coupés aux mèches à mèche, une gueule d’aristocrate parvenu et une démarche de mannequin sportif, Alberto Aquaverde aurait fait les beaux jours d’un dessinateur de mode. Tiré à quatre épingles dans un costume de flanelle grise, il aurait pu incarner l’image du playboy rital typique si une microscopique croix n’était épinglée au revers de son veston. Mais sous cette physionomie altruiste, ce look agréable, se cachait un personnage implacable rompu à toutes les aversions imaginables pour protéger l’intégralité de l’Eglise.

    A la tête d’une équipe forte d’une centaine d’hommes de toutes races disséminés sur les cinq continents, fanatisés et prêts à agir à n’importe quelle injonction, Aquaverde incarnait avec son équipe et plusieurs siècles de retard l’horreur des croisades et des colonisations.

    Les salutations furent froides et rapides. Les trois hommes s’estimaient mais ne s’aimaient guère. Aquaverde trouvait les prélats révérencieux et mous. Quand à eux, conscients qu’ils ne travaillaient pas toujours dans l’amour du Christ, condamnaient les méthodes trop expéditives de la barbouze consacrée même si celles-ci se révélaient d’une extrême efficacité.

    A des années lumière des dix commandements.

    Sans s’excuser de son retard, le numéro un des Ombres du Vatican s’assit sur la seule chaise à l’extrémité de la table rectangulaire et désigna posément les tabourets aux prélats. Les deux hommes obtempérèrent sans rechigner. « Pinoblair », pour se donner une contenance chaussa les petites lunettes rondes qui avaient traversé avec lui vingt ans de loyaux services.

    *

    Les mains parfaitement manucurées de la barbouze s’emparèrent d’autorité du dossier pourpre. Il parcourut la première page rapportant les préludes de l’étrange histoire qui plongeait les services secrets du Vatican depuis plusieurs années dans un imbroglio clair-obscur. Une intrigue commencée comme une affaire banale mais qui au fur et à mesures des investigations hypothéquait une nouvelle guerre de religions ! Il connaissait parfaitement le dossier mais prit néanmoins un temps de réflexion. Enfin, allumant une cigarette, il fixa ses interlocuteurs.

    – Messieurs, nous avons retrouvé Mike Barretto del Valle !

    – Grand Dieu, murmura Vittorio Mauro en louchant sur son voisin sans voix, visiblement confondu par la nouvelle.

    Aquaverde se gargarisa. Un sourire discret apparut sur son faciès de seigneur en constatant le saisissement des pontifes. Il marquait un point. Ne lui avait-on pas imputé quelques semaines auparavant d’avoir perdu la trace de Barretto del Valle en Thaïlande ?

    – Félicitations mon cher. Notre homme est donc de retour au Cachemire ?

    – Ce que nous supputions tous ! Et bien non Messieurs, nous nous sommes trompés. A son habitude, il a été retors. Il est actuellement incarcéré dans une prison du nord de la France ! Plus précisément à la maison d’arrêt de Nancy !

    – Plutôt surprenant…, pas franchement dans sa tonalité.

    – Absolument d’accord avec vous. Mais je flaire là une diversion. Ce n’est pas la première fois qu’il essaie de se faire oublier pour brouiller les pistes. Rassurez-vous, l’équipe d’Enzo est sur place. Nous en saurons d’avantage dans moins d’une heure. J’attends d’un moment à l’autre plus d’informations.

    Partagés entre l’excitation de l’excellente nouvelle et les futures préoccupations qui en résulteraient, les deux religieux évaluèrent posément la nouvelle situation. Collaborant en triumvirat depuis plus de dix ans, ils savaient qu’Alberto Aquaverde ne dévoilait pas toujours ses prérogatives. C’était sa manière de travailler. Mais l’instant n’était plus aux cachoteries, fussent-elles de bon aloi. En accointance convenue avec son confrère, « Pinoblair » le jaugea franchement.

    – Mon cher Alberto, nous avons toujours respecté vos façons d’enquêter tout en appréciant les indéniables résultats. Aujourd’hui nous vous demandons plus de transparence. Cette affaire semble s’emballer trop vite. Vous vous en doutez, nous sommes convaincus que vous avez déjà établi un stratagème avec vos équipes. Nous vous prions en conséquence de nous associer de plus près à vos investigations.

    Trop heureux de la main tendue, le numéro un des Ombres du Vatican triompha intérieurement. Jamais il n’aurait espéré une ouverture si directe. Libéré avec soupçons, il ne se fit pas prier.

    – Votre analyse me réjouis et vous honore, psalmodia Aquaverde. Effectivement, nos ultimes informations recoupées par le service action sont évidentes, transparentes. Barretto del Valle est sur le point de parachever ses interminables enquêtes. Messieurs, nous n’avons plus d’autres alternatives que d’engager la procédure d’urgence.

    Les proches conseillers du Saint Père ne se consultèrent même pas du regard. Ils estimaient le professionnalisme de leur numéro un. Aucun insuccès notoire en plus d’une décennie de collaboration. En intelligence ils lui firent signe de poursuivre.

    – Je vous remercie et bénis votre loyauté, éleva-t-il respectueusement en extrayant du dossier quelques feuillets marqués. Pour débuter, laissez-moi compléter son curriculum vitae avec ce que vous savez déjà.

    Citoyen Suisse, il quitte son pays d’origine dans les années soixante-dix, probablement à cause du poids du conformisme Helvétique. Il s’installe à Malte où il est soupçonné de trafic de cigarettes avec Tirana. Suivent de nombreux séjours en Afghanistan, en Inde, au Népal. Il se promène au Cachemire lors de la guerre avec le Pakistan. Puis on le retrouve en Ouganda sous la dictature d’Amin Dada, en République Centre Afrique avec Bokassa, au Congo devenu Zaïre. Cinq ans plus tard il vadrouille en Colombie, puis au Brésil. Là encore on ne sait véritablement pas ce qu’il fabrique, mais il acquiert la nationalité Colombienne.

    Comme vous le constatez Messieurs, captivante tranche de vie mais rien de notoire à ces époques en rapport avec les évènements de Srinagar qui nous ont alertés et sérieusement alarmés.

    – Si ce n’est le personnage, intervint Mauro. Caractère singulier, agissement inattendu, désintéressement insolite. Bref, des comportements inhabituels dans des pays pas vraiment accueillants. Ce qui dénote un tempérament particulier à ne pas négliger dans vos considérations à venir !

    La barbouze tiqua mais ne releva pas. Il avait l’habitude de ce genre de remarque qu’il avait bien entendu déjà examinée. Sans même relever la tête il poursuivit.

    – Printemps deux mille douze il quitte l’Amérique du Sud et refait surface au Cachemire. Avec une de ses vieilles connaissances, Bashir Shoda, il entreprend la construction d’un house boat sur le lac Dal. Il renoue de nombreuses amitiés, passe une grande partie de son temps avec des dignitaires musulmans et Hindou. Automne de la même année, Srinagar est secoué par des querelles intestines entre les différents groupes religieux. Barretto del Valle est arrêté puis relaxé inexplicablement après quelques heures seulement de détention. Nos renseignements de l’époque sont ambigüs, néanmoins ils attestent qu’il est le détonateur-déclencheur des querelles.

    Les milieux concernés sont formels. Barretto del Valle est le détenteur d’un secret combinant un tombeau deux fois millénaire, un christ musulman et d’obscurs documents transmis de générations en générations jusqu’à aujourd’hui.

    Nos services alertés ne portent qu’une attention limitée infuse au folklore local. Toutefois, par acquis de conscience, un de nos agents du service de documentation extérieure est envoyé sur place. Après une semaine d’enquête, indubitablement perturbé, il nous prévient en urgence qu’il prend un vol pour Rome le jour même en exigeant de me remettre en mains propres ses expertises qualifiées d’alarmantes. Le destin fait qu’il ne montera jamais dans l’avion. Son corps est retrouvé par un pécheur, flottant sur le lac Dal. L’autopsie ne révèle aucune trace d’eau dans les poumons mais curieusement atteste d’un minuscule trou au niveau de la deuxième vertèbre cervicale.

    – Technique pratiquée par les Haschischins, flagorna Mauro, nombriliste de sa culture. Ces tueurs légendaires utilisent une fine lame de métal aiguisée pour la glisser dans le cœur ou dans la colonne vertébrale de leur victime. Sans un examen médical approprié la mort passe pour naturelle.

    – Merci pour votre éclairage, reprit Aquaverde avant de poursuivre.

    – Nos renseignements de cette période sont limités. Impossible de connaitre l’identité de l’assassin mais plus grave encore, pourquoi cette mort déguisée ? Toutefois, les analyses de nos spécialistes de l’Asie convoqués en urgence sont unanimes. La quintessence perturbatrice des troubles est Barretto del Valle, le meurtre travesti de notre agent en rapport avec son secret autour du supposé « Tombeau ».

    D’où la nécessité de le mettre illico sous surveillance resserrée. Notre antenne Asiatique établit aussitôt une filature sophistiquée. Les résultats ne se font guère attendre. Barretto del Valle reste planqué sur son house boat où il reçoit à intervalle régulier un notable Musulman, le Marabout de la Mosquée d’Hazratbal. Probablement à la suite de leurs entrevues et à cause de l’atmosphère électrique à Srinagar, il quitte le Cachemire pour la Thaïlande.

    Il s’installe sur l’île de Samui d’où il voyage régulièrement à Bangkok. Durant des mois, il cherche à entrer en relation avec l’autorité Bouddhique pour enfin y parvenir à force d’opiniâtreté. Il obtient un premier rendez-vous avec Saï Muong, doyen respecté et révéré de sa communauté. A partir de ce jour, les deux hommes se rencontrent assidument et semblent même se lier d’amitié.

    Les renseignements de notre agent sur place sont maigres. Il n’arrive pas à établir une corrélation entre les deux personnages et se désespère à obtenir des indices de leurs conversations. En resserrant sa vigilance, il s’aperçoit fortuitement que Barretto del Valle est épié par un individu à l’allure moyen-orientale. Il n’a aucune difficulté à lui tirer le portrait et nous fait parvenir une série de clichés. Stupéfaction de notre Service « Asie du sud-est ». Le quidam identifié est Nazim Hamid, individu inclassable. Il est catalogué comme sunnite mais étrangement collabore avec les chiites, les palestiniens, voire Tsahal. Un vrai caméléon casse-cou malaisé à cerner. Nous enquêtons toujours avec difficultés sur son mouvement terroriste qui est certainement à l’origine de la mort de notre agent à Srinagar.

    *

    Une inopinée sonnerie musicale fit tourner la tête des trois hommes. Aquaverde s’arracha de sa chaise pour décrocher un des téléphones mural. Il resta suspendu à l’appareil une brève minute avant d’esquisser un sourire satisfait.

    – Je vous remercie, magnifique travail.

    – Excellente nouvelle, Messieurs. Comme je vous l’expliquais au début de notre entretien, je craignais une nouvelle entourloupe de Barretto del Valle. Notre antenne en France confirme mes suspicions. Il a été interpellé sur une place connue de Nancy et incarcéré à la maison d’arrêt Charles Trois pour voies de faits. Un bémol cependant, croustillant mais évocateur. Une de nos sources officielles dans le milieu concerné est formelle. L’arrestation est trop huilée pour être intègre. Néanmoins il va en prendre pour trois mois.

    – L’homme est cocasse, souffla Vittorio Mauro visiblement fatigué des frasques de ce Barretto del Malheur comme il aimait à l’appeler. Mon cher Alberto, vos conclusions après ces derniers rebondissements ?

    – En synthétisant nos ultimes renseignements, je ne suis guère surpris. Manifestement à Bangkok il s’est rendu compte de notre filature. Superposée aux événements de Srinagar, il a dû réagir précipitamment. Trop chaud en Asie. Sa situation devenait inconfortable. Il devait se faire oublier. D’où sa disparition de la Thaïlande. Il sème notre collègue et se perd dans la nature. Nos services le perdent de vue plusieurs semaines avant de le repérer en Meurthe et Moselle grâce à une maladresse de sa part. Un coup de fil avec Bashir Shoda. Il lui demande de « tout préparer » pour son retour à la fin de l’été. Quelques instants après sa conversation avec son partenaire au Cachemire, il se fait embastiller ! Maintenant pourquoi dans le Nord de la France, pourquoi cette emprisonnement volontaire, que s’est-il passé à Bangkok avec Saï Muong, je n’en sais pas plus que vous !

    Voilà où nous en sommes. Beaucoup de points noirs à éclaircir, trop de questions sans réponses. Les aspects positifs : nous savons où il se terre et pour combien de temps, nous connaissons ses desseins pour la fin de l’été. Pour toutes ces raisons, Messieurs, je ne vois qu’un achèvement. Le contacter ! Notre logistique à Nancy est en place. Nous avons le temps pour manœuvrer.

    – Et pour Nazim Hamid et ses sbires, se soucia Pinoblair.

    – Ils veulent à n’importe quel prix s’approprier le secret du « Tombeau de Srinagar ». Leur mouvement est un dangereux remake d’Al Qaida en plus compartimenté. A nous de les « contrôler ».

    Chapitre 1

    Mike Barretto del Valle s’était dit un jour, comme ça, qu’il ne voulait pas mourir con ou inculte, c’était selon. Pour cette raison et de par son tempérament anticonformiste, il avait revisité les adages vieillots selon lesquelles les voyages déforment la vieillesse, la musique amincit les danseurs de tango mais surtout qu’il valait mieux avoir un grand-père que deux petits.

    Philosophie de bar, discernement de bourlingueur !

    C’était grisant d’apprendre en naviguant à vue. De vivre tantôt dans l’opulence, tantôt dans la dèche. La liberté, ça se découvrait ! C’était simple lorsqu’on connaissait ! Inopportunément, il y avait une formation à payer cash.

    Au cours de ses voyages sur les cinq continents, il avait aussi fréquenté à tort ou à raison une poignée de prisons folkloriques.

    *

    C’était un peu différent cette fois. Pour avoir joué avec le feu, Barretto del Valle avait dû mettre des kilomètres de distance avec des adversaires trop pressants. Certainement pas par masochisme mais pour une garantie de sécurité, Il avait pensé à une planque improbable pour être à l’abri d’un mauvais coup. Il s’était persuadé que personne ne viendrait le chercher dans un pénitencier !

    Les dépliants publicitaires n’étant pas légion pour ce genre de vacances, Mike avait cru faire un choix potable en optant pour le nord de la France. Ce jour-là il aurait eu mieux fait de se casser une jambe.

    Jamais il n’aurait imaginé le système hétéroclite de la prison principale de la Meurthe et Moselle. En compétition avec la maison d’arrêt de Nancy, les taules d’Asie du sud-est et d’Amérique latine scoraient des matches nuls.

    Les bricoleurs incarcérés en bonne santé se recouvraient gentiment de pustules bizarres et de petites bêtes disgracieuses. Le manque d’hygiène et la bouffe approximative, les cellules moyenâgeuses, plongeaient la surpopulation dans des égarements compréhensibles. Dans le domaine de l’univers carcéral, la France se trainait encore dans une ignorance n’ayant pas beaucoup évoluée depuis la destruction de la Bastille. La lenteur de l’administration n’arrangeait rien. On savait quand on rentrait, pas assurément quand on allait ressortir !

    Dans la cellule de huit mètres carrés partagée avec un prévenu espérant son jugement depuis vingt mois et un condamné à cinq ans en attente d’extradition, Mike ne s’était pas trop pompé l’air. Il avait alterné le bon et évidement le pire. Les trois mois à purger s’étaient écoulés rapidement tant il avait été absorbé par l’élaboration de schémas pour acquérir la fraction manquante d’une clef ou plutôt d’un sésame qu’il recherchait depuis bientôt dix ans.

    Mais depuis deux jours plus rien ne tournait rond. Il pataugeait en plein brouillard. Sans réellement le vouloir, il commençait à maudire la magistrature apathique. Elle semblait se foutre républiquement de son cas pourtant superficiel.

    Même en la trempant dans une crème à la vanille, songeait-il, elle sentirait encore l’indolence.

    Ses demandes répétées auprès du juge d’application des peines, puis du directeur de la prison restaient sans réponses. Même dilemme avec son avocate, inaccessible depuis plusieurs jours.

    Inutile dans sa cage, il se posait trop de questions dont une le rendait malade. Qu’est ce qu’il foutait encore ici dans cette taule pourrie. Sa libération avait été signée pour le samedi précédent !

    *

    Pourtant il avait pris ses précautions. Avant son incarcération délibérée pour laisser pousser l’herbe et doubler ses énigmatiques poursuiveurs, il avait consulté les meilleurs bavards locaux. Ces derniers lui avaient prophétisé, code pénal en main, une peine d’emprisonnement de un à trois mois maximum pour le délit qu’il avait l’intention de commettre. Confiant, Barretto del Valle avait mis son projet à exécution.

    Il avait volé un spray rouge phosphorescent et s’était joyeusement amusé à arroser au environ de la place Stanislas des promeneuses en manteau de fourrure. Comme prévu, les flics l’avaient appréhendé et la justice condamné à trois mois. Avec évidemment un saladier de factures à payer.

    *

    Les coups réglementaires portés sur la porte de fer et de bois, puis le cliquetis de la serrure surannée entrèrent atténués dans ses conduits auditifs obturés par des boules Quilès. Un jeune maton secoua Barretto del Valle qui ignorait ses injonctions. Mollement il retira une boule de cire et concéda une œillade au surveillant.

    – Votre avocate vous attend au parloir.

    Il ne se fit pas prier et sauta de joie et de son grabat. Le temps d’enfiler un jogging, il se retrouva sur la passerelle séparée de sa voisine par un filet de corde anti-accident ou suicide, suivant l’air du temps ! Une porte de barreaux, des escaliers usés, une herse peinte en bleu crasseux, une troisième barrière, la fouille, enfin le parloir privé des avocats.

    Maître Artaud semblait absorbée dans d’intenses réflexions. Mike la contempla un bref instant et la jugea ravissante. Il était en manque !

    – Mes respects Maître, fit-il en pensant à autre chose.

    – Bonjour Monsieur Barretto del Valle.

    Au timbre de voix mal assuré de la magistrate, à son regard hermétique, il fut aussitôt alarmé. Ses hypothèses des deux derniers jours n’étaient pas erronées. Devinant un vraisemblable revers il manifesta un soudain agacement.

    – Maître Artaud, je ne vais pas ergoter ni vous faire un dessin. Deux jours maintenant que j’aurais du être libéré. Écrit noir sur blanc, trois mois moins des bribes pour bonne conduite. Subséquemment remit en liberté avant-hier !

    – Essayez de vous détendre, je comprends votre désarroi mais je n’ai pas pu vous joindre plus vite. Un empêchement majeur du juge d’instruction. Il devait me recevoir la semaine passée et m’a convoqué ce matin sans façon. Je sors à l’instant de son bureau avec une nouvelle ennuyeuse. Il a cassé le premier jugement pour retenir contre vous un deuxième chef d’inculpation. Bien entendu j’ai fait appel.

    – J’ose espérer une erreur, s’essouffla Mike.

    – Le juge a retenu que lors de votre arrestation vous étiez en possession d’une arme blanche. Si au moins vous n’aviez omis de me le faire savoir, j’aurais pu modifier votre défense.

    – Maître, je vous en prie, arrêtez de tricoter ! Un ridicule canif, que dis-je, un inoffensif onglet de l’armée suisse avec tire-bouchon, pince à épiler et cure-dent. Une arme ! Vous plaisantez ?

    – Malheureusement non. Le code pénal est souverain. La grande lame étant de la largeur de la paume d’une main, votre couteau est considéré comme une arme. Vous auriez pu l’utiliser lors de votre arrestation.

    – Dites-moi que je cauchemarde !

    – Malencontreusement non. Mais ce n’est pas tout. Une complication, comment dire extra judiciaire. Le juge d’instruction m’a laissé entrevoir qu’une de vos victimes peinturlurées est son épouse !

    Le bouquet, la gaffe involontaire mais préjudiciable. Malgré la gravité de l’instant Mike se surpris à sourire. Il s’imagina la porteuse de cadavre asticotant son magistrat de mari en lui montrant son cadeau d’anniversaire de mariage barbouillé de rouge. C’était clair comme une chique de bétel. Juridiquement probatoire, la possession du couteau devenait aléatoirement un évènement particulier.

    – Elle est belle la législation française ! Le canif, ça ne serait pas plutôt la gonzesse du juge. Salut les représailles. Cependant sachez-le Maître. Je peux concevoir une palpable vindicte, c’est de bonne guerre ! Mais vous le savez, je ne peux rester boulonné ici plus longtemps. Alors démerdez-vous pour me faire sortir de ce trou. Ne me faites pas croire qu’il n’y a pas une astuce moins catholique. Votre prix sera le mien.

    – Comme je vous l’ai signifié tout à l’heure, j’ai fait appel. Ca prendra une semaine. Comprenez, Monsieur Barretto del Valle. Je dois suivre la voie légale. Les lois sont analogues pour tout

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1