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Indisciplinés: Dystopie
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Indisciplinés: Dystopie
Livre électronique160 pages3 heures

Indisciplinés: Dystopie

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À propos de ce livre électronique

Imaginez un monde où il faut passer des tests psychologiques, sociaux et médicaux pour avoir le droit de faire un enfant. Imaginez un monde où certains n’ont pas droit à des traitements en raison de leur âge. Ce monde, cela fait six ans qu’il existe pour Regina, Thomas et Clémentine… depuis que la loi Lelieux a été inscrite dans la Constitution belge. Sous prétexte d’endiguer la surconsommation, en faisant diminuer naturellement la population, cette loi prive en réalité les citoyens de leurs droits fondamentaux. Comment réagira Regina lorsque son monde d’enfant sera bousculé par des problèmes d’adultes ? Pourquoi Thomas se remettra-t-il en question alors qu’il était sûr de lui ? Que fera Clémentine quand elle aura compris qu’elle a été doublement trahie ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

Née en 1996, Enora Selvais termine son double master en communication stratégique internationale à l’Université de Sherbrooke (Canada) et l’UCLouvain (Belgique). Pour son premier roman, elle a choisi d’aborder les sujets de société actuels qui l’ont marquée tels que la surconsommation, la démocratie, l’éthique, le respect des droits de l’Homme et la discrimination. Elle est passionnée par le théâtre, la musique et le cinéma.
LangueFrançais
Date de sortie5 févr. 2021
ISBN9791037718723
Indisciplinés: Dystopie

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    Aperçu du livre

    Indisciplinés - Enora Selvais

    Partie I

    Le classeur rouge

    C’était il y a quelques mois, un mardi. Clémentine venait de rentrer de son boulot. Chaque jour, elle avait le même rituel : retirer ses chaussures, se prendre une tasse de thé et masser ses pieds devant la télévision avec de la crème qui sent la lavande. Son travail harassant était de nettoyer les chambres d’un hôtel à Bruxelles de fond en comble. Chaque jour ressemblait au suivant et chaque jour était un véritable calvaire pour son dos et ses pieds. Sa vie était monotone et triste. La gouvernante lui avait pourtant bien dit qu’elle était trop grande pour ce genre de boulot, mais le besoin d’argent et d’émancipation se faisait plus ressentir que la douleur physique. De plus, cela lui apportait une distraction. Travailler dans un hôtel réputé de la capitale avait, en effet, quelques avantages. Elle pouvait y croiser quelques personnes connues et il y avait aussi toutes les choses drôles que les clients faisaient. C’est ce qui apportait de la bonne humeur dans leur équipe, chacun racontant les histoires invraisemblables qu’il avait vécues avec les clients. Parfois, c’était carrément divertissant, comme à la télévision, parce que des personnes se disputaient devant eux et d’autres fois, c’était comme dans un polar, car il y avait des macchabées. Un hôtel était vraiment l’endroit le plus propice à montrer la vraie nature des gens et c’est pour cela que Clémentine avait voulu y travailler.

    Elle regardait son émission préférée quand elle remarqua, ou plutôt sentit, un détail… le parfum de sa meilleure amie. C’était étrange parce que cela faisait bien longtemps que Clémentine n’avait pas vu Fiona. Pourtant, on ne pouvait s’y tromper, ce que Clémentine sentait était bien son parfum préféré. Elle se leva et héla son amie.

    Personne ne lui répondit, la maison était vide. Elle ne comprenait pas. Il était courant que Fiona entre par la porte du jardin pour prendre le thé à l’improviste et passer l’après-midi avec Clémentine. Toutefois, elle prenait toujours la peine de s’annoncer en entrant dans la maison. Marchant de pièce en pièce, elle ne la trouva pas et abandonna ses recherches, pensant que son cerveau lui envoyait un message olfactif pour lui signifier que Fiona lui manquait. En fait, cela lui arrivait souvent d’imaginer revivre avec elle. Elles avaient vécu en colocation pendant de nombreuses années et leur amitié avait tenu le coup : la preuve que c’était du sérieux ! En effet, si Clémentine avait bien compris une chose au cours de ses nombreuses expériences, c’est que pour vivre ensemble, que cela soit en couple d’amies, amis ou amants, c’est manichéen : soit tout se passe bien et la relation est renforcée, soit tout se passe mal et les personnes les plus proches du monde redeviennent les inconnues qu’elles étaient. Pour Clémentine et Fiona, c’était la première option et même plus que ça. Elles étaient devenues des âmes sœurs, presque une même personne ! Mais ce n’était plus pareil depuis quelques mois. Quelque chose avait changé dans leur amitié et cela faisait bien longtemps que Fiona n’était plus passée à la maison. C’est à ce moment que son mari rentra et, comme chaque soir, elle eut beaucoup moins le temps de penser à elle ou à Fiona. Le soir, dans leur lit, Clémentine repensa à son amie en fixant le plafond.

    Elle tourna la tête vers son mari, étonnée, mais c’est le moment qu’il choisit pour éteindre sa lampe de chevet.

    Ils se tournèrent tous les deux et, dos à dos, ils s’endormirent ensemble pour la dernière fois. Pour eux, la colocation avait pris le tournant de la seconde option ; la plus définitive, celle qui brise les cœurs et la confiance en soi, celle qui change une vie. Mais ça, Clémentine ne le savait pas encore.

    Le lendemain, il prétexta une soirée chez un ami pour dormir ailleurs, le jour d’après aussi. Il découcha de la maison ainsi pendant la semaine. Le samedi matin, il était sur le canapé du salon, attendant fermement sa femme avec un café à la main. Ce jour-là, il lui annonça qu’il la quittait et qu’il demandait le divorce. Clémentine était si malheureuse qu’elle ne chercha pas à le retenir et ne lui demanda même pas ses raisons. Elle aurait peut-être dû, après réflexion.

    Quelques mois plus tard, la situation avait inéluctablement évolué. Daniel était parti et Clémentine ne savait toujours pas pourquoi. Les raisons qu’il avait données au fil des semaines, parfois contradictoires, ne lui suffisaient pas et Clémentine savait très bien qu’il y avait un motif beaucoup plus important et encore caché. Cela faisait quinze minutes qu’elle marchait dans la ville. Elle allait bientôt arriver à la gare. En passant devant la boulangerie, elle jeta un bref regard sur sa montre et sut qu’elle avait encore le temps. Le train serait à quai dans cinq minutes et elle était déjà presque arrivée. Serrant son sac à main et un classeur contre elle, elle traversa le parking « Kiss and Go » et arriva directement sur le quai. Elle marcha le long de la voie pour attendre sous un préau. Il ne pleuvait pas, mais elle préférait toujours être à l’abri des oiseaux. Ces saletés lui avaient un jour laissé un cadeau sur sa frange et son manteau et elle avait dû rentrer chez elle pour se changer et se laver les cheveux. Depuis, elle appliquait la fameuse phrase que sa meilleure amie ne cessait de répéter : « Prudence est mère de Sûreté ». Elle déposa son sac et son classeur au pied d’un pilier et commença à analyser les gens autour d’elle.

    C’étaient presque toujours les mêmes personnes qui prenaient le train à cette heure-ci. Se reconnaissant, ils se souriaient timidement, mais loin d’eux l’idée de passer un cap et de venir faire connaissance. Le consensus entre gens bien élevés était de ne surtout pas déranger les autres. C’est le matin : certains sont donc mal réveillés, d’autres stressés pour une quelconque réunion qui les attend… En bref, ce n’est pas le moment de raconter sa vie, au risque d’avoir des regards haineux. Chacun respectait cette règle tacite. Le train arrivant en gare, Clémentine sortit de l’abri, quand soudain un homme lui tapota l’épaule.

    Dans sa main, il tenait le classeur rouge… celui de son divorce. Par habitude, elle avait repris son sac, mais l’avait oublié, lui, ce maudit classeur. Si les objets pouvaient ressentir des émotions, il aurait été le classeur le plus malheureux de la terre. Clémentine l’avait tellement haï, jeté par terre, noyé de ses pleurs, qu’il aurait sûrement demandé refuge chez ce bel homme qui venait de le ramasser. Il avait un sourire ravageur.

    Elle alla s’asseoir sur un siège de seconde classe. Le train ferma ses portes et reprit doucement son voyage, ballottant ses voyageurs avec un bruit sourd. Clémentine regarda le paysage par la fenêtre, connaissant par cœur les maisons et les champs qui défilaient sous ses yeux. Elle commença à réfléchir sur ce que sa vie était en train de devenir. Son mariage avait été très heureux. Elle avait rencontré Daniel, il y a trois ans, alors qu’elle était femme de ménage en heures supplémentaires dans son cabinet de dentiste. À l’époque, elle voulait gagner un peu plus d’argent que son salaire d’employée d’hôtel pour rembourser rapidement la maison qu’elle venait d’acheter. Ils avaient craqué l’un pour l’autre, comme dans les films hollywoodiens. Il avait remboursé son emprunt et avait emménagé avec elle. Leur idylle était complaisante, unique, sincère. Malheureusement, son mari voulait un enfant… plus que tout au monde. Au départ, elle avait refusé sachant la difficulté de tous les tests qui les attendaient. Son besoin viscéral d’avoir un enfant, grandissant au fur et à mesure de sa relation qu’elle croyait solide avec l’homme de sa vie, et les demandes insistantes de Daniel la firent changer d’avis. Après tout, ils avaient une bonne situation. De plus, « qui ne tente rien n’a rien », comme aurait dit sa mère. Elle se rappela les tests qu’ils durent passer.

    Le premier test fut un rendez-vous chez une psychologue. Clémentine se souvint à quel point l’attente avait été longue, une dizaine de couples ayant pris rendez-vous avant eux ce jour-là. Elle se remémora aussi le stress qu’elle avait ressenti lorsque la psychologue lui avait posé des questions sur sa manière de voir la vie en tant que maman, si tout se passait bien dans le couple, pourquoi elle voulait devenir mère, comment ses parents l’avaient élevée, si elle avait été une enfant battue… À chacune de ces questions, elle avait l’impression de mal répondre, d’être jugée. C’est pour cela qu’elle n’avait confessé que le strict minimum, ce que la psychologue voulait entendre.

    Ensuite, il y eut la visite chez un médecin spécialiste en génétique. Celui-ci détermina si le futur bébé allait avoir des problèmes de santé, déficiences mentales ou physiques. Là aussi, le stress fut palpable, car au moindre doute, leur dossier allait être refusé. Ils durent ensuite passer un test sur leurs conditions de santé, par exemple, pour savoir s’ils sauraient courir pour aider le bébé, s’ils avaient une bonne vue, une bonne audition… Étant donné que c’est elle qui allait enfanter, elle se souvint avoir même connu la honte d’être auscultée par un obstétricien inconnu devant son mari et plusieurs étudiants, afin de voir si elle était apte physiquement à être enceinte. Telle une jeune vache prête à être inséminée, on parlait de son âge, de la taille de son bassin, de sa période d’ovulation et de tous les potentiels problèmes médicaux et techniques devant elle. C’était comme si elle n’était plus là, invisible… comme si elle ne pouvait plus comprendre ce qu’on disait d’elle, stupide.

    Le test le plus facile et sans doute le moins indiscret fut celui de l’assistant social. Il vérifia leurs salaires et la stabilité de leurs emplois. Étant donné qu’elle n’était « que » femme de ménage et lui dentiste, Clémentine dut signer un papier dans lequel il était stipulé qu’en cas de divorce, la garde du futur enfant serait accordée au père, du fait de sa bonne condition, sa stabilité professionnelle et son gros salaire.

    Tout était réglé comme du papier à musique. Amoureux, ils avaient passé des tests, prouvé leur bonne foi, montré qu’ils étaient capables de donner une bonne éducation à leur futur enfant. Ils étaient heureux d’avoir tout réussi. Plus qu’un simple test, ils avaient réussi l’examen de leur vie : ils étaient autorisés à concevoir un enfant !

    Ils essayèrent. Ils se découragèrent. Ils divorcèrent. En quelques mois, l’envie d’avoir un enfant était devenue un devoir, une obligation. Ils ne baisaient plus parce qu’ils s’aimaient, mais parce qu’ils devaient procréer. Leur instinct leur soufflait qu’ils étaient chanceux d’avoir été admis à l’aptitude parentale et qu’ils devaient à tout prix faire un enfant. Tel un couple royal, l’héritier se faisait attendre.

    La pression étant trop forte, les essais étant non fructueux et leurs efforts n’étant pas récompensés, Clémentine céda. La dépression et le cafard étaient devenus ses meilleurs amis, l’accompagnant dans chacun de ses pas quotidiens. Elle n’était plus elle-même, sa confiance en elle l’ayant quittée à tout jamais. Elle regrettait sa vie de jeune femme, lorsqu’elle était belle, séduisante et courtisée… en d’autres mots, libre. Son impression d’étouffer augmentait à mesure que la journée se profilait et que l’heure de retour de son mari pointait. Lorsqu’il entrait, il lui jetait des regards déçus, dégoûté de la voir, et même, la jugeait sur son allure et sur son état dépressif. Un jour, il lança avec un regard noir une dispute. C’était il y a presque une année. Ce fut l’une des plus douloureuses et elle se souvenait encore de la tristesse qu’elle avait éprouvée.

    Assise dans le canapé, son verre de vin à côté d’elle, elle avait alors relevé la tête et le regardait. Il venait de rentrer et paraissait plutôt énervé de la retrouver encore une fois sur le canapé, les yeux dans le vide et passive, plutôt que dans la cuisine et active. Elle savait que c’était ce qu’il pensait.

    Elle avait pris un mouchoir posé sur la table basse pour essuyer les larmes qui commençaient à couler sur ses joues. Clémentine détestait quand il lui parlait comme ça et n’aimait pas ce qu’ils étaient devenus. Avant, ils étaient si amoureux, si complices, si

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