Le Dormeur de Boyard: Polar
Par Annie Plait
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À propos de ce livre électronique
Lorsque Mélanie découvre sur la plage un homme blessé, peut-être mort, elle ne prévient pas la police mais ses amis, étonnés, lorsqu’ils arrivent sur les lieux, de n’y trouver personne… Pourtant, la nuit sur cette plage, il y a des allées et venues suspectes, des bandes rivales s’adonnent à un trafic clandestin : lequel ? Le mystère s’épaissit lorsque l’homme de la plage nullement mort réapparaît et contacte Mélanie. Que lui veut-il ? Que cherche-t-il ? Mélanie, restauratrice de documents anciens pour la Bibliothèque nationale, se trouve ainsi impliquée dans un noeud d’intrigues meurtrières qui va bouleverser sa vie.
Suivez Mélanie, une restauratrice de documents anciens, dans un polar intriguant et parsemé de meurtres qui piquera votre curiosité jusqu'à son dénouement !
EXTRAIT
Ah ! Mais il y a une tache sombre, soit un tronc d’arbre, soit un dauphin échoué, le sable est brutalement interrompu par une forme noire. Je m’approche doucement, lentement : des mouettes s’envolent brusquement, me faisant sursauter, j’avance, ce n’est pas un dauphin ni un tronc d’arbre, c’est un homme, je distingue son corps immobile… endormi peut-être ? Oh, ah ! Je n’ai pas peur, comment avoir peur lorsqu’on est sur sa plage privée, personnelle, familière… L’homme ne bouge pas, il est vêtu de noir, c’est une tenue de plongée, j’avance encore. Ah ! Là sous la tête et sur le cou une entaille rouge d’où le sang s’est coagulé…
Je cours chez moi et j’appelle, aussitôt, non pas la gendarmerie ou la police comme je devrais le faire, mais par une réaction automatique d’auto défense je fais le numéro de Jean-Jacques, l’ami célibataire.
Une voix ensommeillée répond presque immédiatement et, me reconnaissant, m’engueule aussitôt, le ton est mécontent et ironique :
« Encore une mouette ou un cormoran et tu m’appelles à l’aide ! »
« Un cadavre, celui d’un homme. »
À PROPOS DE L'AUTEUR
D’une enfance heureuse à la campagne, Annie Plait, née à Blanzay au sud de la Vienne, d’un père charentais et d’une mère poitevine, a gardé le goût prononcé pour la nature, le merveilleux, les contes et légendes. Elle est professeur de lettres, a trois enfants et partage son temps entre l’écriture, la lecture et la promenade.
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Aperçu du livre
Le Dormeur de Boyard - Annie Plait
Le Dormeur de Boyard
Collection dirigée par Thierry Lucas
© 2016 – Geste éditions – 79260 La Crèche
Tous droits réservés pour tous pays
www.gesteditions.com
Annie plait
Le Dormeur de Boyard
CHAPITRE PREMIER
C’était un jour comme un autre, en mai – ce joli mois d’après le dicton – et, comme les autres jours par beau ou moins beau temps, j’allais à mon endroit favori de plage ; en traversant un bois de pins toujours odorant, je suivais une vague sente sablonneuse qui ondulait suivant le relief d’anciennes dunes, et j’arrive à ce coin de grève toujours désert parce qu’il est situé loin des plages officielles et parce que se baigner là est potentiellement dangereux. Un sillon blanchâtre marque cet endroit comme un chemin direct entre le fort Boyard et la terre ferme, l’écume créée par deux courants contraires qui s’affrontent là ; l’un vient du Douhet et par-delà les côtes provient de La Rochelle ; l’autre, lui faisant barrage en provenance de l’extrême pointe de l’île, répercute le puissant ressac créé par l’étranglement du pertuis de Maumusson.
L’étranger passe, indifférent ou distrait ne remarquant rien d’insolite, dans ces taches d’écume, sans voir qu’elles suivent une ligne toute droite partant du fort et aboutissant ici même où je me trouve.
Par habitude, je me déshabille dès la sortie du bois et, tenant mes habits et mes sandales d’une main, je m’apprête à les poser juste à la dernière dune pour courir me précipiter dans ce sillon dont l’eau brassée est mieux qu’un « jacuzzi ».
Mais ce jour-là, à quelques mètres du bord, le sillon m’apparaît sombre, j’avance, l’écume n’est pas blanche, elle est rouge ! Ce n’est pas le soleil couchant ni le reflet d’un voilier dont la voile serait rouille ou cramoisie, l’eau remue, les deux courants s’affrontent et, à leur rencontre, l’eau est rouge !
Je recule instinctivement, je n’irai pas me baigner aujourd’hui, je suspecte un animal tué ici par des congénères ou échoué, cependant il n’y a ni rochers ni requin, je considère longtemps ces taches sombres, puis, avec le courant et les bouillonnements, elles se dissolvent dans le ton ambiant de l’océan, mi-jade laiteux, mi-jade impérial.
Dépitée, je reprends mes habits et mon sentier, m’enfonçant dans le bois de pins, et je rentre chez moi.
J’ai trente-six ans. Après avoir bourlingué, tâté plusieurs études et erré dans plusieurs métiers, je me suis fixée dans cette île d’Oléron face au continent. Séduite par la vue sur l’archipel, j’ai acquis une bicoque délabrée, un peu isolée, mais retapée et même, sécurisée par une surveillance électronique… Voilà six ans que je me sens parfaitement intégrée dans le paysage.
Si l’envie me prend, je suis assez proche de La Rochelle, et si une capitale s’impose, j’ai recours à Bordeaux.
Personne ne vient me déranger ; si j’ai besoin de compagnie, deux copains, l’un célibataire, l’autre père de famille, habitent respectivement à Rochefort et à Saintes. Voilà, vous savez tout de ma situation géographique et amicale.
La nuit, j’ai bien dormi comme d’habitude et, levée tôt, je n’ai eu de cesse de retourner voir mon sillon d’écume : avais-je imaginé ces taches rouges ? Et si je n’avais pas imaginé cette couleur, était-ce celle du sang ?
Très tôt ce matin, je m’habille chaudement. Ce n’est pas pour me baigner que je me précipite, c’est pour vérifier et oublier : oui, je désire oublier cette étrange coloration de la mer hier afin, au cours de cette après-midi, l’âme en paix, pouvoir me plonger avec sérénité dans mon bain.
Sécurité ? Du haut de la dernière dune, la mer m’apparaît calme et vide et le sillon est là avec son écume étincelante redevenue blanche. Malgré moi, je respire de soulagement et descends la dune vers la plage et son sable toujours blond.
Ah ! Mais il y a une tache sombre, soit un tronc d’arbre, soit un dauphin échoué, le sable est brutalement interrompu par une forme noire. Je m’approche doucement, lentement : des mouettes s’envolent brusquement, me faisant sursauter, j’avance, ce n’est pas un dauphin ni un tronc d’arbre, c’est un homme, je distingue son corps immobile… endormi peut-être ? Oh, ah ! Je n’ai pas peur, comment avoir peur lorsqu’on est sur sa plage privée, personnelle, familière… L’homme ne bouge pas, il est vêtu de noir, c’est une tenue de plongée, j’avance encore. Ah ! Là sous la tête et sur le cou une entaille rouge d’où le sang s’est coagulé…
Je cours chez moi et j’appelle, aussitôt, non pas la gendarmerie ou la police comme je devrais le faire, mais par une réaction automatique d’auto défense je fais le numéro de Jean-Jacques, l’ami célibataire.
Une voix ensommeillée répond presque immédiatement et, me reconnaissant, m’engueule aussitôt, le ton est mécontent et ironique :
« Encore une mouette ou un cormoran et tu m’appelles à l’aide ! »
« Un cadavre, celui d’un homme. »
Jean-Jacques émet des phrases hachées que je ne capte pas. Je continue :
« Du sang hier dans la mer, j’ai vu du sang hier soir. »
Un long silence que vient rompre Jean-Jacques :
« Je viens tout de suite. »
Tout de suite, c’est dans une heure et cela m’ennuie de rester à veiller. Je n’ose pas m’approcher davantage, les secours ne vont pas le ressusciter et je crains d’alerter les officiels, si des fois ils s’imaginaient que je suis la responsable ! On ne sait jamais !
Alors je téléphone aussi à Alain, j’ai sa femme, j’explique sans expliquer, je n’entre pas dans les détails, mais Martine est vive et appelle aussitôt son mari journaliste spécialisé dans les chroniques judiciaires, quelqu’un de posé, réfléchi, fiable ; je n’aurais peut-être pas dû alerter Jean-Jacques, lui, trop remuant, trop réactif. Ils se connaissent, bien sûr, cependant, et depuis longtemps.
Entre les deux c’est Alain basé à Saintes qui arrive aussitôt, suivi de peu par Jean-Jacques. J’ai préparé du café, du thé, du chocolat, des tartines.
Quand Alain arrive, nous décidons d’attendre Jean-Jacques qui, il en est coutumier, a du retard, mais partir sans lui serait une erreur géographique et psychologique : Jean-Jacques est susceptible et dans le bois de pins il risquerait de s’égarer, donc nous patientons et je rééxplique à Alain ma macabre découverte. Lui aussi est d’avis d’attendre Jean-Jacques.
Il arrive justement à moto comme d’habitude, exigeant et volubile :
« Ya pas l’feu, tu m’as sorti du lit, j’ai faim. »
Puis il s’attable devant mon attrayant repas, Alain reprend du café et je renoue avec mon récit.
« Hier d’abord, cette écume rouge… »
Jean-Jacques hausse les épaules. Je poursuis :
« Et ce matin, tout à l’heure, cet homme immobile, mort, avec cette plaie au cou. »
Nous nous levons, nous partons, je branche le système d’alarme qui protège ma maison, nous allons à pied, ce n’est pas très loin !
Mes camarades me suivent sans se presser indûment, ils causent entre eux ; métiers, faits divers ou récents que j’ai choisi d’ignorer, ma vie n’est pas le reportage, il fait bon dans le bois de pins alors que tout à l’heure j’avais presque froid.
Tout à l’heure ? Je n’ai pas vu le temps passer car il y a bien, à présent, deux heures que j’ai fait cette incursion sur la plage ! Une heure à attendre les copains, une autre que Jean-Jacques se restaure.
Après le bois de pins, trois dunes nous séparent de la plage, ils suivent mes pas, en haut de la dernière dune je m’arrête parce que je veux leur montrer exactement comment j’ai vu le cadavre ce matin, tout à l’heure. Je regarde, je ne vois que le sable ! Je regarde encore plus fixement : rien, pas de tache noire, je me retourne, j’ai dû me tromper de sentier dans mon désarroi !
J’examine la dune : non, c’est bien la dune habituelle, la dernière à partir de laquelle on voit d’ailleurs la mer et dans la mer ce sillon d’écume blanche mais sur la plage il n’y a rien, que le sable blond, l’homme a disparu.
« Tu t’es trompée », s’exclame Jean-Jacques d’un ton impatienté.
« Non, non, c’était là, il était là. »
Alain me regarde en réfléchissant puis nous décide à descendre la dune en quête d’éventuelles traces de pas.
Des traces de pas, il y en a de nombreuses mais on les a brouillées, peut-être intentionnellement ? Beaucoup de lignes interrompues, beaucoup d’empreintes floues.
« Habituellement, dis-je, il n’y a presque pas de passage ici… »
Jean-Jacques m’interrompt :
« T’es sûre d’avoir vu quelque chose ? »
« Pas quelque chose, quelqu’un. »
« T’as rêvé ! »
Mais Alain, pondéré de nature, fait taire Jean-Jacques et expose immédiatement les faits :
« Ce matin, tôt, tu as vu un homme immobile sur cette plage ? »
« Oui. »
« était-il mort ? »
« Je le pense. »
« Mais tu n’en es pas sûre, sûre ? »
« Non, en effet. »
« Donc il s’est peut-être réveillé, remis d’aplomb et est parti, c’est plausible ? »
Jean-Jacques intervient :
« C’est quand même drôlement bouleversé ici, comme si on avait sciemment caché des empreintes, des traces… »
« C’est vrai », reconnaît Alain.
Je reprends :
« Là-bas, vous voyez l’écume blanche, ? Hier elle était rouge. »
Les deux hommes ont l’air perplexe et restent silencieux. Nous remontons vers la maison, traversons le bois. Jean-Jacques, à présent en tête, s’arrête :
« Et si cet homme était parti de lui-même, il serait allé où ? »
« Et si on l’avait enlevé, ils l’auraient emmené où ? », demande Alain à son tour.
Là je peux répondre :
« Ce bois conduit à la forêt qui est coupée pas loin d’ici par un profond fossé avec des traces de remparts, c’est une suite d’anciens forts à moitié ensablés qui datent de l’époque de Louis XIII et du système défensif créé par Vauban. »
« Oui, disent mes compagnons, quand Richelieu a fait le siège de La Rochelle et… »
« Quand les Anglais tentaient de débarquer dans les îles ici sous prétexte de secourir les assiégés et… »
« Qu’est-ce qu’on fait ? », demandent-ils un peu après. »
Le temps promet d’être beau, j’ai ouvert la porte-fenêtre sur mon petit jardin où j’entretiens des arbres qui se plaisent ici à Oléron : un arbousier dont les baies mûrissent fidèlement en septembre, un olivier qui se montre généreux et un citronnier que j’emmaillote en hiver. En face, une autre ouverture donne sur le bois de pins.
« Rien ! décrètent mes comparses, il n’y a rien à faire. »
« Pas de preuve… as-tu pris des photos ? » « Avec mon portable oui, tout à l’heure ce matin. »
Je leur montre.
« Elle est floue ta photo, oui c’est un homme étendu habillé d’une combinaison noire, ça pourrait être un surfeur, un plongeur, n’importe qui, n’importe où. »
Les copains m’embrassent et partent. Je rentre chez moi, aujourd’hui je n’irai pas à la mer, je n’irai pas me baigner, je revois cette écume rouge et ce dormeur assassiné
CHAPITRE DEUXIèME
Ma maison si proche de l’océan comporte une mansarde comme une sorte de tour de guet élevée au-dessus du toit. Je n’y monte jamais parce que l’escalier de meunier ressemble à une échelle et que le toit