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Perversion tome 4: La rébellion
Perversion tome 4: La rébellion
Perversion tome 4: La rébellion
Livre électronique576 pages7 heures

Perversion tome 4: La rébellion

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À propos de ce livre électronique

Un vent de rébellion souffle sur ma vie. Ayant côtoyé la mort de près, j’ai soif de vengeance.
La rage bout dans mes veines. J’ai pu rien à perdre. Je chasse un fugitif imprévisible et très dangereux. Alors que l’autre pâtit en prison. Ah oui, vraiment ? Et si tout à coup, il se retrouvait libre comme l’air, prêt à régler ses comptes ?
On surveille mes faits et gestes étroitement. Vais-je réussir à m’en sortir indemne ?
La finale de cette saga mènera Laury dans des directions inattendues où de grandes surprises nous attendent au détour…
LangueFrançais
Date de sortie1 avr. 2023
ISBN9782897757380
Perversion tome 4: La rébellion
Auteur

Nicole Gauthier

Trentenaire enjouée et sans filtre, Nicole Gauthier vous transporte dans un monde qui bouscule par son langage direct, son humour imprévisible. Amatrice de Coquilles St-Jacques et de bière à l’abricot, elle aime travailler dans ses plates-bandes, rire avant de raconter ses jokes et porter des pantalons de pyjama à tête de chevreuil. Elle aime bien fredonner du Bruno Mars et du Marc Dupré en cachette. A beaucoup d’affection envers l’esprit de Bottine et les jokes bas de gamme. Ayant déjà une trilogie de suspense aux scènes X plutôt hard, elle se lance ici dans un tout autre style dévoilant un humour absurde à travers ses petites histoires.

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    Aperçu du livre

    Perversion tome 4 - Nicole Gauthier

    ¹. Sauf qu’ici, le monstre le plus terrifiant, on ne sait plus trop lequel des deux c’est : Xavier ou moi? Image fugitive de David. Le fantôme qui ne me quittera jamais.

    Le train ralentit. Arrivée imminente.

    Je prends quelques photos souvenirs aux alentours. J’avais besoin de cette réflexion active pour comprendre que je suis à la bonne place, au bon moment. De cette chaleur humaine aussi, avec mon groupe ce matin, parce que j’ai tendance à m’isoler naturellement. Sans faire exprès. Dans la dernière année, un peu aussi parce que j’ai l’impression de porter malheur. Je descends du train et m’éloigne sans m’éterniser.

    Je marche dans l’immense cité avec un but bien précis en tête. Je longe les petits marchés à ciel ouvert en quête d’un endroit spécifique. J’observe avec curiosité les lieux arpentant ces rues pavées, ravie devant l’architecture péruvienne. Magnifique! J’aurais aimé être venue pour explorer avec lui, David. Il aurait pris ma main dans la sienne et nous aurions passé des jours merveilleux à marcher dans cette ville. Un de nos petits bonheurs. Je ne t’ai pas oublié.

    Je déglutis. Mon regard change tout à coup. Elle est là, la petite devanture d’à peine deux mètres de large, aux couleurs flamboyantes : Vêtements et accessoires traditionnels péruviens. Avec le petit écriteau : Bienvenue aux touristes.

    Je souris d’un drôle de rictus. Il faut lui donner ça à Xavier. Il a le sens des affaires. Quelle excellente couverture.

    Je m’installe en retrait à la terrasse d’un petit café. L’attente n’est pas très longue. Mon cœur bondit alors que je l’aperçois marchant dans la rue.

    Pas de doute, c’est bien lui! Habillé d’une sorte de poncho grisâtre l’air sale et pouilleux. Rien de bien traditionnel sur sa personne. Il jette un regard circulaire au quartier et se dirige d’un bon pas vers chez-lui.

    Je me lève lentement, très calme. À nous deux.

    UN

    Un an avant, le jour de la fuite en paramoteur, Rive-Sud

    Xavier

    Nous roulons sur une route déserte qui serpente à travers les bois. J’pas certain qu’elle est réellement répertoriée. J’enrage de me faire trimballer de la sorte dans ce maudit camion. Crétin de Steve Lemire, tout ça, c’est à cause de sa bitch. Des années à construire mes communautés. Catherine, Gabriel, mon apollon… Mon havre de L’Isle-aux-Coudres. La seule chose qui me réconforte est que tout était fermé du côté de Saint-Joachim. Mes gens de la communauté auront rejoint la nouvelle installation au Sud…

    Terminé l’Isle… Mon royaume parfait! Mes précieux livres de partout dans le monde. Tout, tout! J’ai dû tout abandonner derrière moi!

    Je frappe du poing contre la portière, hurle aussitôt de douleur!

    Une femme aux longs cheveux auburn attachés en queue de cheval me sourit en tenant le volant d’une main, enfonçant sa casquette grise de l’autre. Une brusque secousse me déstabilise. Je m’agrippe comme je peux à la portière métallique du camion de livraison.

    Mon alliée des dernières années me regarde avec un sourire moqueur. Je grimace et rebondis de mon siège une nouvelle fois.

    — Tabarnak! Pourquoi tu nous as fait passer par cet hostie de chemin de marde!

    Elle me regarde en riant. En ce moment, je lui arracherais bien sa belle petite tête, mais j’ai trop besoin d’elle. Drôle pareil le lien que j’ai avec cette femme. Probablement la seule personne que j’ai aidée de toute ma vie. Elle ressemble tellement à ma sœur! Quand je l’ai vue ce soir-là, au parc Woodyatt près de la rivière Saint-François, gelée ben raide, couchée à terre à moitié consciente avec la cinquantaine de débiles qui se tenaient là tout le temps. C’était dans les premières années prospères de Saint-Joachim. Ah! Le parc Woodyatt! Une mine d’or côté vente d’organes! Une de mes activités préférées à l’époque : ma petite marche de soirée. Ma chasse. J’adorais ça. Je ne rentrais jamais les mains vides. Avec Gabriel, le parfait allié, nos meilleures années. J’aurais pu la ramasser elle aussi. Ce soir-là, Marion était une épave. Tellement gelée qu’on aurait pu prélever ses organes direct dans le parc. Quand je l’ai vue! Le cœur m’a arrêté deux secondes. C’était ma sœur que je voyais knock out à terre. J’ai figé. Il faisait froid. Un gars pissait à côté, tellement proche d’elle que ça lui éclaboussait le visage. Tabarnak! J’y en ai câlissé une bonne. Son envie y est passée assez vite.

    J’ai ramassé Marion pis je l’ai ramenée avec moi. J’ai vite compris que c’était pas ma sœur. Elle qui avait coupé les ponts avec moi depuis que j’avais commencé mes petites activités de recrutement pendant l’université. Elle lui ressemblait trop, j’ai pas pu me résoudre à juste m’en débarrasser. Je l’ai aidée. On l’a soignée à l’auberge, désintoxiquée. Ça n’a pas été facile. J’ai appris son histoire. C’était lourd. Le genre d’affaires que j’aurais pu lui faire moi-même. Étrangement, dans son cas, ça m’a ému.

    J’pas certain que je le referais. Par contre, je l’ai jamais regretté. Je l’admire et la déteste en même temps. Comme une intouchable. La seule qui ne se met pas à genoux devant moi. Dans tous les sens du mot!

    Alors que je pense à ça, un autre cahot me fait me cogner la tête au plafond.

    — Ciboire, arrête ça Marion! Je le sais que tu fais exprès!

    — Drôle pareil comment tu te mets à pu parler en gourou quand t’es en maudit! J’aime ça te voir de même!

    Ce disant, elle donne un coup de volant et nous passons dans un énorme nid de poule!

    — Arrête ça!

    — Hé, que t’es fragile! T’es vraiment rendu trop douillet! Va falloir que tu t’habitues… À l’heure où tu te fais brasser dans mon camion, ton Gabriel préféré se fait ramasser sur l’Isle! Sais-tu encore comment être autonome?

    Je fais la moue. Sur ce coup-là, elle a raison. Je viens de perdre un atout de taille. Il va être dur à remplacer pour ben des affaires.

    — Ça doit faire longtemps que t’as pas conduit une auto pis attaché tes souliers par toi-même.

    — Je suis Xavier Lemoyne! Allo! Pourquoi je me taperais des conneries de simples citoyens ?! je lance, outré.

    Marion

    ² éclate de rire, me mettant encore plus à bout. J’ai-tu vraiment besoin d’elle? Qu’est-ce que deux, trois coups de poing?

    Imperturbable, son visage ne quitte pas la route et pourtant, elle me répond glaciale :

    — Penses-y même pas! Tu le sais que ça va mal finir si tu me touches…

    Elle me regarde un bref instant, cruelle. Femme fascinante. Elle dit d’une voix sans animosité :

    — T’as besoin de moi. Prends ton mal en patience. J’ai été là chaque fois que t’étais dans marde. Encore aujourd’hui. Sois reconnaissant d’avoir ton transport perso chaque fois que tu réussis à saboter tes communautés.

    Je secoue la tête, exaspéré par ses commentaires!

    — C’est les autres le problème.

    D’un air moqueur, Marion ajoute :

    — Ouais, tout le monde dit toujours ça!

    — Ferme ta jolie bouche un peu.

    Elle me fait un clin d’œil amusé avant de s’engager vers la gauche sur une route que je reconnais. Je soupire longuement pour ventiler mon impatience.

    Pas comme si c’était la première fois qu’on vivait une affaire comme ça. Ils n’ont jamais réussi à m’accuser. Jamais! Ça ne sera pas aujourd’hui qu’ils vont m’arrêter non plus!

    J’en profite pour me changer entièrement dans le camion me maintenant comme je peux aux parois instables. Quelques boites de livraison me tombent sur la tête. Je sacre et lance vers Marion à l’avant :

    — Tu veux bien arrêter tes conneries? Je connais cette route, elle n’est pas en si mauvais état que ça.

    — Si y’a plus moyen de rire un peu… termine-t-elle.

    Je croise son regard dans le rétroviseur alors qu’elle me dévisage effrontément, nu dans son camion. 

    — Allez, gâte-toi. Tu le sais que je suis toujours ouvert pour un petit moment ensemble. Faire baisser la pression en se faisant du bien.

    Marion éclate de rire.

    — Tu fais de bien à personne Xavier Lemoyne. Tu prends ton pied et tu t’en fous de la personne avec qui tu es. Tu pourrais même le faire avec un caniche si ça se trouve… Ça serait plus utile pour l’humanité!

    Un caniche… Comment ça se fait que j’ai jamais pensé à ça?

    Je sautille pour terminer d’enfiler un pantalon chic, du genre inconfortable que je déteste. S’ils veulent ça…

    — On arrive dans pas long boss! Est-ce que t’es présentable?

    Après deux minutes, je me laisse lourdement tomber sur l’inconfortable siège passager.

    — J’ai mis le veston et la cravate comme ils le demandent. Quelle bande de cons avec leur décorum ! Ils sont à l’autre bout du monde. Qu’est-ce qu’ils en ont à foutre de c’que je porte dans le fin fond des bois? Je vais gérer mon territoire comme j’en ai envie. Ça se prend pour les grands décideurs du Monde!

    — Arrête de râler. Ce sont eux qui ont le gros bout du bâton. Tu le sais bien. Fais pas comme si ça te contrariait soudain. Tu tires plein d’avantages d’être affilié à cette organisation. On va mettre un peu la radio. T’es vraiment insupportable quand on est avec toi plus de dix minutes!

    Elle s’exaspère et appuie sur un bouton.

    Intrigué, je vois Marion me dévisager de la tête aux pieds. Ouais, j’obéis. Je mets leur costume de clown! Y’a pas beaucoup de personnes qui peuvent se vanter d’un tel exploit avec moi. J’aurai peut-être pas besoin d’eux ô sacro-saints hommes qui se targuent de prendre les décisions pour le Monde. Ni plus ni moins. Les Tout-Puissants. Sans nous, ils ne sont rien. Ça m’enrage !!! Je me mettrai pas à genoux devant eux, certain!

    Je décortique ma fuite dans ma tête. Est-ce que la situation est si catastrophique? C’est seulement l’Isle qui y est passé au fond… Ça ne touche pas la nouvelle communauté ni Saint-Joachim où le ménage avait été fait de toute façon… Ils ne trouveront rien à cet endroit.

    La voix dramatique de l’animateur attire mon attention. Je croise le regard de Marion. On va enfin savoir ce qui se passe.

    Mon corps en entier est traversé de frissons. J’ouvre la bouche de stupeur : les nouvelles ne sont pas bonnes.

    DEUX

    Lac-Mégantic, milieu d’après-midi nuageux 

    (Quelques mois avant la mort de David…)

    Prisonnière au milieu du lac Mégantic, je suis au bord de la panique. Mon kayak frappe les vagues avec violence. À peine quelques minutes suffisent pour que je sois trempée en entier. J’en reçois jusque dans le front. Je meurs de soif, j’ai la bouche sèche, les lèvres sèches, le visage en feu. Est-ce à cause du soleil qui plombe sur moi ou est-ce un signe que l’anxiété vient d’embarquer? Il fait 32 degrés pis j’ai aucunement chaud! Par contre, mon oubli de crème solaire, ça peut-tu augmenter le risque de coup de chaleur? Si je bois pas bientôt, je risque-tu de me sentir mal au milieu du lac?

    Je pagaie sans prendre de pause depuis je ne sais pas combien de temps. J’ai l’impression que j’arriverai jamais nulle part !!

    Dire que c’était un si bel après-midi. J’avais commencé à longer la rive pour sortir de la baie. Voir le paysage sous un autre angle, prendre des photos. Je regardais une libellule voleter autour de moi avec grâce. Symbole de changement. J’trouvais que c’était bon signe. Bon, peut-être que j’étais proche d’un marécage aussi. J’ai ben l’droit d’garder une belle symbolique dans ma tête pareil!

    Un vrai beau dimanche d’été... relax. Ça, c’était le premier dix minutes. Après, les vagues m’ont assaillie et poussée de plus en plus loin.

    Avant même que je réalise que j’allais devoir revenir dans la baie contre ce vent diabolique, j’étais déjà rendue trop loin au large. Il a combien de kilomètres de long ce lac-là?

    Me semble que je l’ai dit à David en arrivant au camping. J’aime autant pas avoir la fucking réponse right now! Merde! J’ai vraiment la bouche sèche, ça commence à urger que je boive!

    Faut que je pogne ma bouteille de Gatorade en arrière. Ça serait ben le boutte si jamais elle est tombée du compartiment et flotte quelque part!

    Je tâte à l’aveuglette. Elle est là! Il faut que je prenne une couple de gorgées Go go go! Je dépose ma pagaie avec précaution redoutant de l’échapper. Des rafales incroyables se lèvent. Des vagues m’aspergent les jambes en entier et me font reculer sur l’eau d’au moins cinq mètres en deux secondes! J’écarquille les yeux et abandonne tout de suite l’idée de m’hydrater. Je dois avancer coûte que coûte. Je saisis ma pagaie et ne la lâche plus. J’ai les mains tellement crispées sur le manche que les jointures me font mal. Aweille, faut que je gagne du terrain!

    J’évalue rapidement mes options. Je regarde vers la droite. Si j’atteins le bord de la baie, je pourrai longer jusqu’à la plage quitte à débarquer dans les roches nowhere. J’pourrais trainer mon kayak à partir de là jusqu’au quai de Baie-des-Sables. J’aurai l’air folle, le cul à moitié d’in airs, à pousser mon kayak à bras, j’m’en fous!

    La rive est si loin! Encore plus à gauche. Je me dévisse la tête vers l’arrière sur ma droite. Me laisser dériver vers l’O.T.J.

    ³ dans ce cas? Si je fais ça, c’est sûr que je vais devoir demander l’aide de quelqu’un pour rapporter le kayak au centre de location. No way!

    J’imagine déjà l’article dans le journal local. Les pompiers ont dû secourir une épaisse qui n’avait pas allumé que 20 km de vent c’était fucking trop fort pour faire du kayak! Pas question que ça finisse de même certain!

    Câlisse! J’m’entraîne, j’t’en forme, je vais me sortir d’ici! J’suis capable! Parce que personne va venir m’aider de toute manière. Le gars qui m’a loué le kayak me l’a clairement dit que leur chaloupe est indisponible aujourd’hui et que je devrai me débrouiller seule si jamais j’ai besoin d’aide!

    Super! Pis moi qui hochais la tête comme une conne! Ben oui, tout est beau, c’pas la première fois que j’en fais!

    Tout est tellement beau que j’pus capable de sortir de cet hostie de lac-là tabarnak!

    Tout en me donnant un char de marde à moi-même, je pagaie sans relâche. Réfléchissant à toute vitesse à ce que je peux faire ici, maintenant.

    Même si je lève ma rame d’in airs pour attirer l’attention, la seule affaire qui risque d’arriver c’est que je vais encore plus reculer pis perdre tout ce que j’ai gagné! Retour des lèvres sèches, merde! Le front me brûle aussi! J’ai-tu un coup de soleil dans face? C’tu de l’anxiété? je pense avec anxiété.

    Pas de panique. J’ai ma veste de sécurité ben attachée en tout temps comme le gars m’a dit. J’ai pas l’impression pantoute que le kayak peut virer malgré les vagues de malade. J’me sens stable. Donc, faut que j’avance à c’t’heure. De façon intelligente.

    Je choisis mes points de repère plus proches pour m’encourager. Le bout de bois qui dépasse de l’eau à 15 mètres. Des petites talles d’algues. La baie, c’est trop décourageant. Objectif : Dépasser le bout de bois…

    — Yeah !! je m’exclame à voix haute quand je l’atteins, parce qu'y’a pas un mautadine de chat qui va m’entendre pareil!

    OK, prochain objectif, la petite talle d’algues à 20 mètres. On y va! Je plonge ma pagaie de manière dynamique en me concentrant seulement sur le rythme de mes mouvements plusieurs minutes. Je lève les yeux. J’t’encore à la même hauteur! J’arrive pas à la dépasser! Stupéfaite, je réalise que je fais du surplace! Je n’avance plus du tout, même en ne cessant pas de pagayer! Bonne shot de stress intense!

    Hostie de marde!

    Cette balade relaxe s’est transformée en cauchemar. Une vague de désespoir m’envahit. Je ne cesse pas mes mouvements dans l’eau tout en essayant de réfléchir à une solution. Quelle conne je suis d’avoir sous-estimé le vent. Le gars du kiosque m’avait dit qu’il y avait du vent! Pourquoi y m’a pas empêché d’aller sur le lac d’abord, hostie de cave? Pis moi, qu’est-ce que j’avais à m’imaginer que j’allais être plus forte que la petite brise? Ben oui! Une petite brise!

    BON… Ça sert à rien de me tirer des roches. Calme-toi. Je vais louvoyer de côté à travers les vagues au lieu de les prendre de front. On verra ben! Go go go! 1-2, 1-2, 1-2. Je compte, ça m’encourage dans mon rythme. 1-2, 1-2.

    Ouais! J’avance! J’avance! Ça marche! Faut pu que j’arrête pantoute. Dès que les vagues diminuent, je redresse pis je fonce en ligne droite!

    Les mains crispées, les jambes raides, peu importe que je les déplie ou les allonge, je fonce. Chaque coup de pagaie est important. Aucune pause autorisée. Je relaxerai en garrochant ma pagaie rendue à la plage!

    Je pense à David parti courir le long de la route. Il a hésité à venir faire la balade avec moi. Ça lui tentait. On aime ça faire du kayak ensemble. Ça finit toujours par du « frenchage » quelque part à l’écart de quelques quenouilles avec les kayaks juste assez penchés l’un vers l’autre pour me faire une p’tite frayeur. Je crie. Alors il rit et son rire coule en moi comme une dose de bonheur. On s’arrose pis je goûte ses lèvres mouillées avec délice. Mmm.

    Un méga splash dans face me rappelle à l’ordre. Envie de chialer contre le vent parce que j’ai pas pantoute arrêté de pagayer. Fuck you! Laisse-moi rêver! que je pense sans pour autant lâcher ma rame pour faire un finger.

    Sûr que David serait pas en train de sacrer comme moi à l’heure actuelle. Il est toujours si calme. Je ne sais pas comment il fait pour être de même tout le temps. Des fois, j’aimerais ça être dans sa tête pour comprendre comment il fait pour jamais avoir envie de péter sa coche.

    S’il était à mes côtés, il lancerait une solution et j’acquiescerais en disant : Ben oui, pourquoi j’ai pas pensé à ça? Moi, la spécialiste des plans B. On en rirait en retournant tranquillement côte à côte avec nos kayaks.

    Mais y est pas là. Je fais la moue, de dépit. J’lui en veux pas pantoute. Il est allé faire son entraînement. Je m’en doutais même s’il m’accompagne des fois. Cet homme est si discipliné. Je l’admire pour ça aussi. Quand c’est l’heure de sa course, il déroge rarement. C’est un ancien militaire. Il aime le bon ordre des choses. Il s’entraîne tous les jours de façon un peu maniaque, aux mêmes heures. Si possible au même endroit, dans la même direction. Il n’en déroge pas. Pis je l’accepte à 100 mille à l’heure. Parce que tout le monde a besoin d’un exutoire. Je le comprends de repousser constamment ses limites. J’ai appris beaucoup de choses à ses côtés. J’ai rarement connu une personne qui m’inspire autant. J’aimerais ça des fois avoir une enregistreuse dans le cerveau pour jamais rien oublier de ce qu’il dit. Il est si intéressant. Il connait plein de techniques d’autodéfense, de façons d’optimiser ses capacités physiques. Il me gosse pas avec ça. C’est pas le genre pantoute à étaler ce qu’il sait. Il est très humble. Il fait juste vivre sa vie pis je m’en inspire au boutte. Des fois, j’me demande ce qu’il fait avec moi. J’me demande ce que j’apporte dans sa vie. Je secoue la tête. Le chaos peut-être.

    J’essuie de l’eau qui coule sur mon visage. Méchante vague! Je regarde l’eau d’un air furibond. Puis, je jette un coup d’œil à la mouette que j’essaie de dépasser, perchée sur une patente qui flotte. J’y suis presque!

    Quelle différence je fais dans la vie de David?

    Le spontané. La couleur. Parce que lui, il vit en noir, en gris. Jamais de couleurs vives dans sa vie. Comme s’il gardait un côté toujours rigide. Peut-être que je lui apporte ça. Mes éclats de rire au mauvais moment, mes blagues douteuses, mon ton cinglant parce que j’suis soupe au lait. Il n’en fait jamais de cas. Comme s’il trouvait ça cute mes petites montées de lait. Ça me désamorce automatiquement. David, c’est un bon public. Comment veux-tu que j’aie pas envie de le faire rire encore plus? Parce que l’écho de son rire résonne encore quand il n’est plus là, m’apaise. Une source de réconfort. Il y a une symbiose parfaite entre nous. Comme des énergies semblables qui s’attirent. C’est-tu ça des âmes sœurs?

    La mouette s’envole à mon approche. Je roule des yeux, exaspérée de la situation dans laquelle je me trouve. J’ai mal aux mains à mort. David aurait dû venir, il en aurait fait de la course sur le lac! Du pagayage intense! J’t’à veille de saigner du nez tellement j’me donne!

    — Pire sortie en kayak ever! je lâche à voix haute secouant la tête.

    Les images cutes de David se sont évaporées en une seconde. Merde! Les vagues ont repris dans cette direction. Je vais orienter un peu vers la gauche pis louvoyer à travers. Je plonge une main dans l’eau froide du lac, reprends la pagaie, plonge l’autre main. Allez, le froid active la circulation faute de pouvoir juste m’arrêter pour me reposer. 

    Je me retiens pour pas mettre de l’eau dans ma main pis la boire faute de pouvoir boire mon Gatorade. Ça serait ben l’boutte s’il fallait que je pogne la diarrhée en plus dans le kayak. Voyons donc!

    Habituellement, j’aurais ri. Là, j’ai juste envie de ramer comme une déchaînée pour pouvoir aller donner un coup de rame dans gorge du préposé. Ciboire! J’t’à boutte !!!

    ****

    J’en reviens juste pas! Une cinquantaine de mètres pis j’arrive à la plage! Je me sens tellement euphorique que j’ai le goût de prendre une pause pis de caler ma bouteille. Heille, tu touches pas à ça la grande! Continue!

    Ma fierté embarque alors que plusieurs gens m’observent de la plage n’ayant aucune idée de mon écœurantite. Ils me regardent avec admiration, alors que je pagaie avec discipline. C’est vrai que ça doit être beau, vu de loin : une kayakiste qui avance gracieusement, à bon rythme. Parce que mystérieusement, le vent vient de cesser. Pouf! Disparu comme si de rien n’était! J’avance avec style. J’ai l’air glamour.

    Réalité : J’ai des ampoules dans le creux des pouces, mal dans les jointures à force de serrer ma pagaie. Les muscles de mon dos, de mes bras et de mes jambes élancent. J’ai aucune idée de comment je vais faire pour débarquer avec fierté alors que j’ai mal partout. Mais je fais mine de rien en gardant un air concentré plutôt qu’à boutte. J’ose même un petit sourire à une madame spectatrice, comme si ça avait été la balade de ma vie pis que j’arrivais des Olympiques. Ma fierté me tuera un jour.

    J’accoste avec un pas pire élan dans la garnotte pensant au préposé qui m’a bien dit de pas traîner le kayak dans les roches pour pas le briser.

    — Qui mange d’la marde! je lance avec aucune affection.

    Je garroche ma rame dans un autre kayak pour me libérer les mains.

    Je déplie mes jambes endolories, de stress d’après moi! Me relève maladroitement du kayak. Ça serait pas ben grave que je tombe le cul dans l’eau. J’suis déjà mouillée de la tête aux pieds. Ça ferait aucune différence. Anyway, au stade que j’suis actuellement, y’a pu grand-chose qui me gêne. Traverser la plage devant le monde avec mon linge tout trempe, ça me passe dix pieds par-dessus la tête!

    Nu-pieds dans les petites roches à côté de mon kayak, l’eau à mi-mollet, je saisis ma fameuse bouteille. J’en cale la moitié. Je ramasse mes choses, dont mes souliers trempes et je tire mon embarcation sur la plage. Je saisis ma pagaie et la laisse tomber sur la pile en place. L’employé vient à ma rencontre pour reprendre le gilet de sauvetage. Je me retiens d’y garrocher en pleine face pis de le traiter de mangeux de marde.

    Un grand sourire juvénile, il me dit :

    — Puis, ç’a bien été?

    Ben bête, je lance :

    — Pire ride de kayak de toute ma vie.

    Bouche bée, il ne dit plus rien. Tellement mal à l’aise le gars que je me mets à rire soudain avec légèreté. Ma rage tombée d’un coup sec.

    — Ben, ça a quand même été une belle ride. C’est juste que je pensais pas que le vent était aussi fort. Mettons que ça n’a pas été la promenade relaxe à laquelle je m’attendais!

    Je ris. Y est comme pas prêt. Il hoche la tête d’un air penaud. En observant par-dessus son épaule, j’aperçois une silhouette que je reconnais! Je sursaute violemment.

    Je plante le jeune homme là et me dirige vers l’individu en question. Il tient une glacière rouge, très commune en ces lieux aujourd’hui. Je le scrute attentivement tout en avançant vers lui. Il se tourne un instant pour parler à quelqu’un. Oui! C’est lui! Xavier !!!

    J’accélère le pas. Ça fait mal nu-pieds, mais je ne le perdrai pas des yeux ce chien sale là! Quand je pense que tout le monde le cherche. Ça fait des mois que la police le croit aux États-Unis… Pis y est ici, à Lac-Mégantic, comme si de rien n’était!

    J’avance comme une déchaînée lançant mon sac pis mes souliers à terre avec rage. Je me mets à courir!

    Aucune idée de c’que je vais faire! Mais je le lâcherai pas! Depuis le temps que je le cherche hostie de trou de cul, j’vais improviser! Comme un élancement dans le poignet au même moment. Justement un beau souvenir de ce monstre! Surement pas un pique-nique qu'il a dans sa glacière! Aussitôt que je l’agrippe, je crie pour qu’on l’arrête!

    — Appelez la police!

    Y croira pas ça comment j’suis rendue une crisse de folle!

    — Laury!

    Je tourne la tête une seconde vers la gauche où on m’appelle. Xavier se défait de mon emprise en tirant un bon coup. J’hésite.

    — Laury!

    Fuck, c’est David! Qu’est-ce que je fais? Hésitation, une seconde. Il s’enfuit sans demander son reste, fier de sa shot.

    — Y est où, y est pu là! Câlisse, y’a disparu!

    Ahhhhhhh! Encore! Je m’arrête, sur le bord de péter au frette. Esprit, y mesure six pieds et quelques. Sûr qu’il a pris de l’avance avec ses longues jambes. Mon chien est mort en estie. Je reprends mon souffle, en maudit de l’avoir laissé filer.

    David me rejoint en ayant mes choses dans les mains. Je vais à sa rencontre.

    — Câline, après qui tu courais de même?

    — J’ai vu Xavier! je lance comme si j’avais vu une apparition de Jésus.

    Le regard exalté, j’ajoute avec hystérie :

    — Tsé, le gourou de Sainte-Anne, celui qui a séquestré ma meilleure amie pis qui m’a enfermée à L’Isle-aux-Coudres!

    Stupéfait, il me dévisage.

    — Ben voyons donc! Ça se peut-tu vraiment que ce soit lui?

    Je le vois regarder autour, incertain, les gens relaxent sur la plage, l’ambiance est aux vacances, y’a de la musique pis du monde qui rient.

    Il me sourit doucement, me caressant les cheveux, enlève une mèche mouillée collée dans mon front.

    — Ça devait pas être lui. Qu’est-ce qu’un homme dangereux recherché par la police ferait à Baie-des-Sables?

    Dit de même…

    Il me montre les lieux autour : des enfants qui jouent dans le sable. Des gros monsieurs en Speedo qui boivent une p’tite bière sur leur chaise longue. Des madames qui ont mis leur maillot du dimanche pour prendre un drink sur la plage avec leur belle-sœur.

    Malgré moi, le doute. Ouin. Ça se peut-tu que j’aie halluciné ça? Un gars qui y ressemble?

    Pourtant, le feeling que j’ai eu à l’intérieur. Ça se peut pas que j’aie ressenti ça, si c’était pas lui… ? Je secoue la tête.

    Je le relance :

    — Pis toi, qu’est-ce qui se passe? Quand je t’ai aperçu, t’avais l’air en maudit!

    — Moi, ça? ben pas pantoute, ajoute-t-il avec son sourire doux qui me fait fondre à l’intérieur.

    Il se rapproche si près de moi que je ressens sa chaleur. Une vague d’excitation me traverse le bas-ventre. Une sensation qui revient chaque fois qu’il est près de moi.

    — En fait, j’étais inquiet. Je t’ai vue garrocher tes affaires pis partir à la course. J’me demandais c’qui se passait!

    J’acquiesce, plus calme.

    — Ta course, ça a bien été?

    — Super! Y’avait de la côte un peu, ça me donnait du challenge. J’ai regretté un peu ma manie de jamais traîner d’eau, j’ai eu soif un bon bout, c’était plus chaud que je pensais. Dans l’auto, à l’air climatisé, on s’en rendait pas compte.

    Il m’enlace et dit :

    — Pis toi, ta balade en kayak?

    Il ajoute aussitôt, me regardant de la tête aux pieds :

    — Crime, t’es dont bien mouillée!

    J’éclate d’un rire spontané et le retiens alors qu’il tente de reculer.

    — Ma ride de kayak? Super le fun!

    Je le prends par le bras, enjouée, et m’étire pour lui chuchoter :

    — Viens, je vais te conter ça. Avant d’aller manger, faut que j’passe à la tente. Écoute, je suis tellement mouillée que même mes petits pads de soutien-gorge sont trempes!

    Il s’exclame inquiet :

    — As-tu chaviré?

    Je souris d’un air énigmatique. Il en profite pour me sourire et poser ses lèvres sur les miennes.

    — Toi pis ta p’tite bette… Ça te dérange-tu si je reste dans la tente pendant que tu te changes? lance-t-il en me faisant un clin d’œil.

    — J’y comptais bien…

    Il prend ma main dans la sienne et nous quittons la plage. N’existe alors que ce moment parfait entre lui et moi que je n’échangerais pour rien au monde.

    TROIS

    Sortant du dépanneur de quartier, je me rends à ma voiture armée de deux sacs de victuailles. Nous venons de revenir de notre camping à Mégantic. David est en train de défaire les sacs et je suis envoyée au ravitaillement.

    Il crierait bien au scandale s’il me voyait acheter tout ça dans un dépanneur plutôt que dans ses épiceries santé. Il est tellement discipliné! Je ne l’ai jamais vu avoir un trip de bouffe! Il reste très strict sur son alimentation! Trop selon moi. Jamais déroger à ses plans, c’est pas c’que j’appelle vivre.

    Mais au moins, il ne me fait pas sentir coupable pantoute si moi, j’décide de me gâter un soir. Steve, ça faisait toute une histoire en dernier. Y’avait même pu moyen que je mange une poignée de chips sans ressentir de la culpabilité. Voyons donc! Tout est une question de dosage dans tout, dans la vie! Toujours à l’extrême! Dans ma tête, je lui fais un gros finger en souriant. C’est du passé!

    Je pense à mon bel amoureux actuel avec euphorie. David, y’aura pas le choix de piger dans mes sacs s’il veut pas se faire une croûte à moutarde. C’est pas mal ce qui reste dans le frigo! On est dû pour une bonne épicerie demain.

    Ça peut pas lui faire de tort une veillée à manger quelques trucs moins santé. Beau garçon! Il me manque déjà! On est tellement fusionnel, c’est sirupeux au boutte notre affaire tellement on connecte! J’pensais même pas que ça se pouvait être si bien avec quelqu’un de façon naturelle!

    Je souris à l’humanité ainsi qu’à la femme enthousiaste qui vient de se stationner à côté de moi en écoutant du Charlotte Cardin à tue-tête. Je ris. Ça doit être sa toune! Son amie entre dans le dépanneur tandis qu’elle attend dans sa voiture.

    Je reconnais la chanson Anyone Who Loves Me. Je la fredonne en déposant mes sacs dans le coffre arrière. Le bonheur me sort par les oreilles! Je ris tellement j’illumine, heureuse au boutte!

    Déjà tant de mois avec David, cet homme merveilleux, magnifique, que j’aime plus que tout! Ça ne fait pas si longtemps que j’ai emménagé chez lui. Je garde mon petit chez-moi pour la forme. Parce que ça coûte pas cher. Je sais pas trop en fait pourquoi je le garde! Ça doit être l’Après-Steve. Chat échaudé craint l’hostie de débile. Ah, c’était pas ça le proverbe? Pas le droit de chialer pendant une chanson de Charlotte Cardin!

    Je ris toute seule en ramassant mon cell que j’ai échappé dans le coffre. Il s’est ouvert. J’en profite pour jeter un œil. On est-tu accro à ces bébelles-là pareil. David me chicanerait. Il trippe zéro là-dessus. Il a la même photo de profil sur son Facebook depuis au moins dix-onze mois! Il niaise jamais sur son téléphone. Joue à aucun jeu. Pour vrai, c’est comme un Jedi. J’sais pas comment y fait. Je ne réussis pas à me passer de mon cell plus de quelques heures. Une journée pis j’saigne du nez c’est clair!

    Je m’appuie le popotin contre la valise ouverte. Je vois un email qui vient d’entrer. Je regarde autour. Y’a plein d’autres stationnements de libres. Ça dérange personne que je reste là deux minutes de plus. Jetons un petit coup d’œil.

    Je regarde le courriel reçu. Le nom de l’expéditeur est St-Ludger. Bizarre… Ça se peut quasiment pas que quelqu’un se crée un email avec ce nom-là… En même temps… mon village natal. Avec juste ce début de phrase :

    « Tu te pensais ben intelligente pis à l’abri… »

    C’pas une pub, c’est clair.

    Un frisson désagréable me traverse la poitrine. Mauvais feeling. Les emails codés, c’est le genre de Steve. Je ris pu pantoute, l’air grave, les mains glacées malgré la température. Je décide de l’ouvrir même si pour ma santé mentale, je ne devrais pas ET, je le sais.

    Une décharge électrique me traverse le corps en entier alors que je lis le texte et que les photos se téléchargent une à une sous mes yeux. Des larmes se mettent à couler spontanément sur mon visage. Je suis atterrée. Terrassée.

    Littéralement foudroyée sur place. Là, dans ce stationnement de dépanneur. Alors que les clients vont et viennent comme si de rien n’était. En vivant leur vie. Heureux. Comme je l’étais toute la dernière année jusqu’à il y a une minute.

    J’ouvre la bouche de stupeur alors que je clique sur chaque fichier image pour me faire du mal, encore plus. Je voudrais avoir un écran géant entre les mains pour tout voir en détail, tellement je ne veux pas y croire.

    Je zoome au max. Pour mieux enfoncer le pieu dans mon propre cœur. M’anéantir.

    AUCUN DOUTE POSSIBLE! Sous mes yeux : David riant bras dessus bras dessous avec Xavier !!! Différentes photos à la secte de Saint-Joachim, à celles de L’Isle-aux-Coudres! Je reconnais l’immense bibliothèque de Xavier qui faisait un pan de mur complet! Le sourire carnassier de celui-ci aux côtés de David…

    Qu’est-ce que ça veut dire? Qu’est-ce que ça veut dire? Je panique! Je relis sans cesse les mots de Steve! Parce que c’est sûr que ça vient de lui, même si c’est pas signé !!! J’pas conne! J’étais déjà bouleversée à la base juste à l’idée qu’il m’ait contactée! St-Ludger… C’est son genre au boutte!

    David, MON David, un allié de Xavier.

    Tout est là sous mes yeux. Cette complicité entre eux sur chaque photo Je pleure à gros sanglots, n’arrivant plus du tout à me contrôler tant je suis sous le choc. Les mots de Steve me perturbent profondément. Je les lis, les relis, mon cerveau étant incapable d’assimiler cette vérité brutale.

    « Tu te pensais ben intelligente pis à l’abri de nous autres… hein… J’ai des petites nouvelles pour toi ma Princesse. Ça fait longtemps que quelqu’un veille sur toi… à sa façon.

    Regarde bien qui est ton prince charmant. Un soldat de Xavier. Lis bien ce que je t’envoie en pièce jointe. J’ai mis la main sur une communication entre les deux. Pas certain que tu le trouveras aussi extraordinaire après…

    Je lis la copie d’email, sidérée. Une énorme vague d’anxiété m’envahit. Je me mets à trembler.

    David est là pour me tuer.

    ****

    Je ressens une honte profonde envers moi-même. J’ai fait une crise de panique monumentale. J’pensais même pu que ce genre de chose allait m’arriver à nouveau un jour, que j’avais réussi à contrôler mon stress pis à décortiquer mes peurs. Ça m’arrivait pu depuis que j’étais avec David. C’est assez ironique… Je tique de l’œil.

    Affligée, c’est lui que j’ai dû appeler du dépanneur pour venir me sortir de là. J’ai pété mon téléphone en l’échappant à terre tant j’étais pu en contrôle de moi-même. Je braillais ma vie à gros sanglots dans le stationnement. J’avais le shake.

    Le cœur me débattait pareil comme dans la chanson de Marilyn Manson Beautiful people. Définitivement, cette chanson-là va toujours me rappeler de mauvais moments.

    ⁴ Incontrôlable, j’hyperventilais comme si y’avait pu assez d’air dans la ville pour que je me reprenne. J’arrivais pas à me calmer.

    C’est une madame aux cheveux frisés qui est venue me voir. Elle m’a demandé si ça allait. Elle parlait doucement tout en ramassant mon téléphone. Elle est restée avec moi plusieurs minutes. Étonnamment, elle a réussi à me calmer un peu. Elle m’a reconduite à l’intérieur pour appeler. Elle a attendu de savoir que quelqu’un venait me chercher avant de s’en aller. Je lui ai dit que j’étais OK.

    J’ai remercié le commis et je suis sortie attendre mon amoureux. Pas OK pantoute. Je me suis assise dans mon char en barrant les portes fermant les yeux pour essayer de visualiser des racines d’arbres bien plantées au sol. Des fucking trucs de marde qui marchent jamais quand t’es en crise.

    J’aurais voulu juste retourner chez moi et rentrer comme si de rien n’était. Comme si David était encore la bonne personne que je connaissais. Connaître? Si peu en fait. Ses habitudes, ses goûts, son corps, dans le fond, c’est tout ce que je connaissais de lui. Je l’ai réalisé au moment où je l’ai vu arriver au dépanneur dans mon rétroviseur. Je me suis remise à trembler à ce moment-là.

    David est sorti de son véhicule et est venu me rejoindre. Il a voulu ouvrir ma portière. Elle était barrée. Il avait l’air si inquiet! J’ai déverrouillé machinalement. Il s’est accroupi à ma hauteur :

    — Qu’est-ce qui a, qu’est-ce qui se passe, Laury? 

    Je me suis remise à pleurer de plus belle, secouée de nouveaux sanglots. Anéantie par mon amour brisé, volé. David me tenait contre lui entre ses bras rassurants. Je respirais son odeur. Consciente qu’elle représentait maintenant un danger et que paradoxalement, je ne pourrais peut-être jamais l’oublier tant il faisait partie de moi.

    Je capotais intérieurement, mon cœur ayant volé en éclat, rempli de doutes. Les photos en kaléidoscope dans ma tête. Xavier et David. David et Xavier. David et la secte. « Je m’en occupe. Elle mourra à son heure. Aie confiance. Je ne t’ai jamais déçu. »

    « Elle mourra. » 

    Alors qu’il m’aidait à sortir de mon auto pour rejoindre la sienne, compatissant et si gentil, je savais que CES mots ne quitteraient plus jamais ma tête. David et Laury. Laury et David. Ça n’existait plus. Ici, maintenant. C’était mort.

    QUATRE

    Victoriaville. Quelques semaines après la mort de David. Dans un sous-sol du centre-ville.

    Regardant l’homme au comptoir, je l’interpelle du fond de la petite salle de boxe déserte.

    — Je peux mettre une playlist?

    Acquiesçant d’un signe de tête, l’employé sort un fil sur le comptoir pour que je me branche.

    Je m’approche de lui, connecte mon téléphone, observe le propriétaire. Armé de son

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