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Terre promise au Québec: Littérature blanche
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Livre électronique272 pages4 heures

Terre promise au Québec: Littérature blanche

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À propos de ce livre électronique

Ce roman relate avec force détails l’existence d’un pionnier au Québec, Jean Baudet, parti de France à 15 ans, né à quelques siècles de distance dans le même pays, au sud du Poitou que la romancière Annie Plait, celle-ci prenant à son compte cette similitude d’origine, évoque avec émotion, histoires, anecdotes, traditions que son enfance et adolescence à Blanzay ont engrangé dans sa mémoire et dans son cœur.

Ajoutons que Annie Plait a effectué deux séjours au Canada et notamment au Québec lui permettant de décrire les paysages de la belle province et d’évoquer les contacts chaleureux avec « nos cousins » québecois.

On ne peut émerger de ce roman que bouleversé et… oui, fier d’être français, pourquoi pas ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

Annie Plait est née au sud de la Vienne, d’un père charentais et d’une mère poitevine. Elle a gardé un goût prononcé pour la nature, le merveilleux, les contes et les légendes. Professeur de lettres en retraite, passionnée par l’histoire et le terroir elle partage son temps entre l’écriture, la lecture et les promenades, vit à la campagne et elle ne saurait s'en passer.
LangueFrançais
ÉditeurEncre Rouge
Date de sortie3 sept. 2021
ISBN9782377898596
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    Terre promise au Québec - Annie Plait

    cover.jpg

    Annie Plait

    TERRE PROMISE

    La vie d’un pionnier au Québec

    « Un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir. »

    Winston Churchill

    CHAPITRE 1

    LA CHASSAGNE EN FAMILLE

    En cette année de grâce 1663, la misère est grande en Poitou, sauf pour les gens qui peuvent avoir engrangé des réserves céréalières leur permettant de supporter ces dernières mauvaises années de récolte, la majorité des paysans n’arrive pas à se nourrir convenablement, amassent pour les impôts et lorsqu’ils les ont acquittés il ne reste rien pour les enfants que Dieu leur a donnés, encouragées par l’église, les familles sont nombreuses et les décès d’enfants en bas âge aussi.

    Jean n’a pas beaucoup d’instruction, mais il écoute autour de lui les paroles des uns et des autres, les plaintes de beaucoup de femmes maigres et hâves cherchant parfois en vain à trouver de quoi alimenter leur famille.

    Il entend aussi ce que les hommes murmurent à mi-voix : la cherté de la vie rurale, l’absence d’espoir tandis qu’ils apprennent par les gazettes qu’à la cour du roi Soleil tout est facile et brillant, riche en fastes et festins entraînant des dépenses, en quelques jours, qui suffiraient pour qu’un village comme Jesson ou La Chassagne, où ils habitent, subsiste pendant un an.

    Jean a tout juste quatorze ans mais son esprit est vif et retient bien, il n’a pas connu sa mère décédée en 1650 quand il avait deux ans.

    Heureusement Sébastien Baudet, leur père, est là, solide, vigoureux, courageux, résistant, grâce à sa présence, à sa force, leur petite ferme subsiste, oh bien sûr ils ne mangent jamais abondamment, alors on invente de quoi remplir sa panse avec des racines ou des glands qui rôtis ont un goût de noisette comme les faines, ces fruits des hêtres et en automne les fruits des châtaigniers qui poussent chez eux en abondance.

    Dans cette même saison et ainsi qu’au printemps dans les pradelles si on s’y connaît on récolte des champignons, les rosés, les pieds de mouton si savoureux, au moment de la moisson le blé ou l’orge où la baillarge sont réservés afin de s’acquitter des nombreuses redevances seigneuriales, pourtant leur seigneur Hélie de la Rochenard dont le beau château domine le hameau de la Mallolière, pas loin de chez eux, est juste et magnanime.

    Jean se dit qu’il n’a pas envie d’imiter son père, il ne veut pas s’échiner pour un roi qui dépense sans compter, peut-être que je serai marchand ou marin ? quoique la mer il ne la connaît pas, bien que l’Atlantique ne soit pas si loin… Il verra bien, pour le moment il aide père et voisins et développe son corps aguerri par les travaux agricoles, solide malgré leur régime alimentaire, jamais de viande, si, parfois celle d’un lapin ou d’un lièvre pris au collet, alors c’est la fête et une vie en plein air avec un village uni où les gens dans leur misère s’entraident, fortifie l’âme.

    CHAPITRE 2

    QUEL MÉTIER CHOISIR ?

    Leur voisin, le père Mauduit, porteur de mauvaises nouvelles, arrive chez eux.

    — Le gibier a saccagé la terre du bois au gîte, les cochons comme on les appelle, les gens instruits disent que c’est des sangliers, ont mangé tout ce qui s’y trouvait et des nobles du côté de Champniers ont traversé à cheval sans inquiétude les guérets juste semés !

    — Ah ! misère, disent les autres voisins…

    — Il faut s’en remettre à Dieu, a dit monsieur le curé, et à son fils qui est mort pour nous sur la croix.

    — Curé ? se dit jean Baudet, voilà une autre possibilité, il y en a partout autour d’eux, d’abord à Blanzais, leur paroisse, et aussi à Civrais la ville la plus proche où habitent leurs cousins Baudonnier, c’est de la famille, celle de la maman défunte et à cause de cette absence les cousins de Civrais sont très aimés, les deux familles se fréquentent. Il y a aussi un curé à Couhé et à Chaniers, c’est à dire Champniers en français, mais Jean se dit qu’ils ne sont guère riches ces pauvres curés et en plus il faut apprendre à lire le français et aussi le latin cette langue avec laquelle on prie Dieu, donc il y a encore un débouché qui lui est fermé parce que le père ne pourrait pas lui payer une instruction, lire et aussi écrire c’est coûteux et ça ne sert à rien quand on gratte la terre comme eux tous.

    Pourtant Jean aime aller à la messe le dimanche à Blanzais, il aime aussi entrer dans cette belle église avec ses voûtes si hautes et des lumières qui s’appellent des lustres, il aime entendre les cantiques que tous les paroissiens chantent en latin bien sûr même si personne ne sait ce que ça veut dire, il songe aussi aux saints, c’est à dire des modèles de vertu comme Saint-Hilaire, l’évêque de Poitiers qui vécut il y a très longtemps et qui est le « patron » de leur église alors qu’à Civrais le saint patron est Saint-Nicolas, celui qui alla chez un boucher, devina que dans son saloir trois petits enfants avaient été tués et il les ressuscita ! Il y a aussi Radegonde, la sainte poitevine, et puis, il aime les bancs de l’église où les notables ont leurs sièges attitrés comme leur seigneur de la Rochenard. Ces bancs en chêne sentent si bon comme cette odeur entêtante qu’il n’a senti qu’à l’église lorsque le curé balance au bout d’une chaîne un genre de cassolette d’où s’échappe des fumées, on lui a appris que c’est « l’encensoir » qui répand cette odeur mystérieuse « d’encens » pour honorer Dieu et les saints.

    Par monsieur le curé, l’abbé Jean Jousserant, il a appris que ces saints célèbres et beaucoup invoqués ne sont pas du tout du Poitou, ils y sont venus mais leur pays natal n’est même pas dans le royaume de France ! Saint-Martin vient de Hongrie, Saint-Nicolas de l’Asie et Sainte-Radegonde de la Thuringe, allemande, des pays lointains qui ne lui disent rien, lui aussi aimerait voyager comme eux l’ont fait, surtout qu’il se répète qu’il va bien falloir gagner sa vie pour aider son père, l’autre jour il a entendu le père Mauduit dont les paroles ont un son de vérité, énumérer les charges :

    — Nous tous laboureurs ou métayers, même les artisans ou les journaliers, nous devons payer « la taille », l’impôt royal, effectuée par les collecteurs mais souvent de façon obscure et arbitraire.

    Jean comprend que ce mot veut dire injuste.

    — Et puis « le cens » au seigneur qu’on peut payer en nature, mais moi cette année je n’ai aucune réserve et puis, ajoute-t-il, la taille est déterminée par le receveur des tailles mais si les percepteurs recouvrent moins que la somme prévue, ce sont eux qui doivent payer la différence ! C’est pas normal ça !

    — L’avenir est sombre se dit Jean et puis quel avenir ?

    CHAPITRE 3

    LA SÈVRE NIORTAISE OU LA CHARENTE

    Au début, Jean a trouvé ce travail amusant et même valorisant puisque son père le jugeait apte à aider les autres ! À grands coups de van, il bat et rebat le grain qui lourd et mûr, tombe tandis que la balle s’envole en écharpes blondes vite dispersées par la brise.

    Il a chaud, la sueur ruisselle sur son cou et ses épaules et il s’en agite de plus belle puis la fatigue s’est glissée dans ses membres, les bras étaient moins prompts, les jambes moins solides sur l’aire, mais il a continué pour ne pas montrer qu’il faiblissait et petit à petit il a « pris le coup » comme lui a conseillé son père.

    Ainsi par les chaudes journées d’été il s’est mis au labeur comme un homme. Et puis après la lassitude, la sueur et la poussière, quel formidable plaisir de recevoir un plein seau d’eau froide, juste tirée du puits, ça vous choque un bon coup, cette chape glacée qui vous enveloppe et dégouline.

    — Te voilà propre à présent, a déclaré son père en riant.

    Pourtant il n’y a guère matière à rire pour le père ni pour les voisins tous à la même enseigne, pressurés par les charges, intimidés par les autorités du royaume ou de la province et donc incapables d’expliquer leur misère, menacés parfois par des bandes errantes qui chapardent et inquiètent la population. Non, ce règne du jeune Louis XIV qui promettait gloire et richesse pour la France n’a pas, pour le moment, assuré la tranquillité du royaume, au contraire.

    — Depuis deux ans, murmure Sébastien Baudet d’un ton lugubre, des cataclysmes atmosphériques ont provoqué famines et épidémies.

    À la veillée, Jean écoute ce que son père et les voisins racontent, les guerres sur les frontières et toujours pour les armées le besoin de davantage d’argent, on déplore la cherté des denrées et les charges de plus en plus écrasantes.

    — Dans le royaume de France, elles vont par trois « la gabelle » sur le sel, « les aides » un impôt sur les boissons, sans parler « des traites » qui taxent les douanes intérieures.

    — Et pas moyen de se plaindre aux autorités locales, ajoute Sébastien Baudet, notre sénéchal qui réside à Civrais, à l’hôtel de la Prévôté, s’occupe surtout de la justice, des jugements en appel et s’en réfère à l’intendant du Poitou.

    — Cependant, interrompt Moreau, un homme instruit qui sait lire les gazettes, je crois que l’espoir existe du côté de la Nouvelle France, là-bas, il y a de l’avenir pour les jeunes qui ont du cran et acceptent de s’expatrier. Ainsi en 1661 plus de cent personnes ont embarqué à La Rochelle sur le Saint André.

    — Bien avant ! en 1641 un gars de chez nous, Jean Baillargé est parti là-bas au Québec et s’est installé menuisier comme son père qui est menuisier à Villaret.

    — Et, demande timidement Jean, il n’est pas revenu ?

    — Diable non ! Installé dans la ville de Québec, il travaille à leur belle église Notre-Dame.

    — Pas la peine de s’expatrier pour toujours, ajoute Montjoie, on peut s’en aller là-bas et revenir en s’engageant pour trois ans si on veut.

    — Mais pourquoi ? » demande Sébastien Baudet le père de Jean.

    — C’est bien payé, continue Montjoie, ils ont besoin de colons. On dit que là-bas on donne cinq cents livres aux colons et une terre !

    Jean écoute de toutes ses oreilles et les propos échangés se sont gravés en lui…

    Lorsqu’il va se coucher il a du mal à s’endormir : « c’est bien payé, un contrat pour trois ans, ils ont besoin de gens là-bas… » il se met à rêver, partir et revenir avec de quoi s’acheter de la terre, aider son pauvre père et il faut bien se l’avouer, éblouir un peu les villages aux alentours.

    Ce vague désir se transforme en projet peut-être réalisable et ce qui n’est d’abord qu’une idée floue se transforme lentement en volonté. Ah, sapristi, pense Jean Baudet, cette occasion de faire un « chouette » voyage et de ramener de l’argent, je ne vais pas la laisser passer.

    Les échos que les Blanzéens ont du Québec sont les mêmes. Bien sûr ils avaient entendu parler de ces nouvelles terres conquises par un Breton, un certain Jacques Cartier, puis plus récemment par deux Saintongeais, l’un Pierre du Gua de Mons né près de Royan et Samuel de Champlain natif de Brouage, presque des gars de « cheu nous », des terres vierges, immenses et fertiles, répétaient les gens.

    — Mais c’est si loin… Il faut traverser les mers, nous, nous sommes des terriens ; « y » commencent à partir des gars aventureux comme certains rochellais ou même des Poitevins de Chef Boutonne, de Niort et de Parthenay.

    — Les rochellais, explique Moreau, partent parce que huguenots ils ne se sentent pas en sécurité, pourtant dans le royaume un million professent la RPR…

    — Qu’est-ce que c’est ? demande Jean.

    — La RPR, ça veut dire la religion prétendue réformée, nombreux à Civrais aussi où tous les juges sont protestants.

    — Ben, ça fait rien, dit Sébastien Baudet, notre bon roi Henri était Huguenot et sa mère aussi, huguenot ou catholique on a le même bon Dieu.

    — Oui, approuve Moreau, d’ailleurs si Richelieu a attaqué La Rochelle et fait le siège c’était parce que les anglais sous couleur d’aider leur coreligionnaires voulaient s’emparer de notre côte.

    — Ah, paraît même qu’à la Rochelle les navires ne chôment pas… Encore cette année l’Aigle d’or a quitté avec une cargaison de futurs colons.

    L’aigle d’or, médite Jean, quel drôle de nom.

    — Ah ben, un aigle c’est le plus puissant des oiseaux, ils peuvent voler très haut à ce qu’on dit…

    Jean écoute de toutes ses oreilles en cette année de grâce mille six cent soixante-trois, un beau navire partant de la Rochelle a traversé l’océan, c’est donc plus fréquent qu’il ne croyait.

    Il apprend aussi que pour atteindre ce port, deux possibilités sont offertes, soit on gagne la Sèvre Niortaise qui passe à Niort et se jette un peu au nord de La Rochelle, soit en suivant le cours de la Charente on débarque à un port Tonnay mais de là c’est sûr il faut gagner La Rochelle, par contre pour lui la Charente est tout près, elle est à Civrais mais elle n’est pas « navigable » on y songe pourtant.

    Se renseigner, écouter, peut-être se sauver ? Non il ne peut pas quitter sa famille sans leur dire adieu, enfin au revoir, car les gens informés parlent de colons engagés pour trois ans.

    Il verrait du pays et ramènerait ce précieux argent à son père qui est si nécessiteux.

    CHAPITRE 4

    SE RENSEIGNER

    Jean se souvient que Michel Chauveau qui était de confirmation avec lui à Civrais, avait retrouvé là-bas un cousin de Chef Boutonne dont un frère avait émigré en Nouvelle France.

    Jean se dit : « si j’allais voir Michel Chauveau ? Il m’enseignerait sans doute comment m’y prendre pour m’en aller là-bas moi aussi. »

    Les Chauveau habitent la Tourenne sur la commune de Blanzais mais près de Civrais, et affirment l’installation du cousin en Nouvelle France.

    — L’Honoré s’en est allé avec quelques d’autres de Brioux !

    La mère Chauveau continue :

    — La Rochelle, c’est plus près qu’un autre port de départ en Normandie, Dieppe ? c’est ça ?

    Le père Chauveau interrompt sa femme.

    — Oui, mais à ce qu’on m’a dit, les navires sont fabriqués à Dieppe justement, et même que les capitaines sont natifs de là-bas aussi.

    Il conclut :

    — Pourtant c’est de La Rochelle que partent tous ceux d’ici que l’aventure tente…

    L’aventure, l’inconnu, l’argent… Jean Baudet le cœur rempli de cette étrange attraction, cet élan qui le porte, partir, découvrir et peut-être réussir cet exploit d’obtenir un bien là-bas.

    Il a appris par le curé de Blanzais, que des Juifs avaient quitté l’Egypte pour un autre pays que Moïse appelait « La Terre Promise », pour Jean, la Nouvelle France c’est un pays où on leur promet un avenir meilleur, de la réussite et acquérir des arpents de terre, oui, en somme c’est « la Terre promise ».

    Tous ont entendu parler aussi des poitevins embarqués à La Rochelle à destination de l’Acadie ou encore ceux qui vont aux îles, un navire « L’Isabelle » de la Tremblade assure le trajet en destination de La Guadeloupe.

    Jean se rend d’abord à Villaret, la famille Baillargé confirme que Jean Baillargé est bien installé au Québec depuis maintenant plus de vingt ans avec femme et enfants, heureux et prospère.

    Oui, se dit Jean, mais c’était il y a longtemps et ce gars avait un métier, moi je n’en ai pas ! Il faut que je me renseigne sur ceux partis plus récemment.

    Alors, grâce aux Chauveau, Jean pourra s’intégrer à un groupe qui se dirigera vers Aulnay de Saintonge, il ne sera pas seul et isolé sur les chemins en proie aux mendiants ou aux bandits, il connaît l’itinéraire, c’est ce qu’à Blanzais on nomme le chemin de Charroux qui sinue entre la Garde, la Cotterie, la Mimaudière, ce vieux chemin de pèlerinage qui va jusqu’à la lointaine Espagne, à Saint Jacques de Compostelle ! en passant par l’abbaye de Charroux puis celle de Nanteuil en Vallée puis Aulnay où les pèlerins font étape auprès d’une belle église.

    De là ce serait bien le diable qu’il ne trouve pas moyen de grimper dans une carriole ou un fardier parce qu’il y a beaucoup de va et vient entre Aulnay et La Rochelle distante de seulement huit ou dix lieues.

    On lui apprend qu’un contingent de jeunes comme lui, tentés comme lui par la nouvelle colonie, se regroupera justement à Surgères en fin d’hiver.

    — On te préviendra mon gars, compte sur nous.

    Le voilà rasséréné et plus que jamais déterminé à partir.

    CHAPITRE 5

    LE PAYS NATAL

    — Mais père, ce n’est que pour trois ans ! C’est vite passé trois ans.

    — Pourquoi aller si loin mon gars ?

    Jean hausse les épaules.

    — Quand je reviendrai, j’aurai vu du pays.

    Trois ans, se dit Sébastien Baudet, je dois être raisonnable, il peut bien aller dans ces nouvelles colonies, il paraît que là-bas ils ont besoin d’eux.

    Et il gagnera de l’argent, beaucoup d’argent d’après ce qu’on dit, ça pourrait servir à réparer la grange dont le toit fuit… oui, et ça nous renflouerait sacrément.

    — Il est vigoureux et entreprenant, oui il songe à partir en Nouvelle France.

    La voisine, les voisins sont surpris, Sébastien Baudet a l’air fier de la brusque décision de Jean.

    — Mais et les tempêtes ? dit Gervais.

    — Et les peaux-rouges ? ajoute un autre.

    Sébastien réplique qu’ils sont nombreux du Poitou, de l’Angoumois, de la Saintonge et bien sûr de l’Aunis avec sa capitale La Rochelle à suivre les traces de Champlain et que son fils reviendra cousu d’or…

    Ce brave Matthieu Mauduit acquiesce :

    — Oui, ton Jean a raison, il faut aller de l’avant, il deviendra riche et au retour, comme Jacques Cartier, vivra de ses rentes.

    Tous ses propos sont de pure façade tenus pour empêcher le hameau et les villages alentour de commérer, sûr que la famille a du chagrin qu’elle cache et de l’appréhension mais aussi une forme de fierté d’avoir mis au monde un gars courageux.

    Plus tard, on dira Jean Baudet est parti de Blanzais pour la Nouvelle France.

    Les cousins de Civrais, la famille de sa mère, les Baudonnier sont rassurés de savoir que du Poitou beaucoup vont là-bas, parce que si Jeannot partait là-bas et ne revenait pas, il faut qu’il garde leurs traditions poitevines…

    Alors avant de partir, Jean s’en va les saluer. Ils habitent près du pont des barres à Civrais, vétuste, branlant qui franchit la Charente comme en amont le grand pont Perrin dans la rue principale.

    Sa famille y travaille dans les sergeries nombreuses qui fabriquent de la belle serge avec la laine des moutons. Catherine Baudonnier, sa cousine à peine plus âgée, qui est allée chez les sœurs et sait écrire, promet de lui donner des nouvelles le temps de son

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