7 - Le cercle noir t.2: Polar - nouvelles
Par Collectif
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À propos de ce livre électronique
Le commissaire Gorce, grand flic à Limoges, est, à l’aube de sa retraite, confronté à une étrange affaire.
Une jeune femme, Nathalie Lebrun, a été sauvagement agressée alors qu’elle sortait d’une boîte de nuit.
À sa sortie de l’hôpital, Gorce la rencontre afin de comprendre ce qu’il s’est passé ce soir-là.
Derrière ces 7 nouvelles se cachent 7 auteurs du Cercle Noir de La Geste qui racontent 7 histoires dans des styles différents.
Plongez-vous sans plus attendre dans ce second recueil de nouvelles au rythme haletant, et découvrez 7 énigmes qui vous tiendront en haleine jusqu'à la dernière ligne.
EXTRAIT
La rue du Cercler est très calme. Elle paraît même endormie. Des merles sautillent sur la mince bande de pelouse qui entoure l’immeuble flambant neuf. Hervé Gorce marche d’un pas tranquille. Rien ne presse. Il aurait pu garer la voiture un peu plus près. Ça grimpe, ici, dans le quartier du Puy la Rodas. Il aurait pu laisser son imperméable au vestiaire, aussi. Parce qu’il chauffe, le copain, là-haut. Le ciel est d’un bleu céruléen. Pas un nuage. Hervé Gorce a accroché les soixante piges et il va poser définitivement son holster et son flingue. C’est pour dans deux semaines. Tout le monde est gentil avec lui, au bureau. Il pourrait faire du tourisme, se balader dans Limoges, aller boire un coup avec les vieux copains. Mais non, lui, Gorce, ne terminera pas en roue libre. Au contraire, il rêve de finir en beauté. Il a pris goût au succès. Ce matin encore, il a savouré sa notoriété. Il entrait chez Francis, à côté des halles, histoire de déguster un petit noir. À sa vue, les clients ont baissé le ton et le loufiat s’est approché de lui avec déférence, lui chuchotant, sur le ton de la confidence : « Qu’est-ce que ce sera pour monsieur le commissaire ? ». Pourvu que la retraite ne le jette pas dans les ténèbres de l’oubli et de l’indifférence. Ceci dit, il n’est pas si mécontent que ça de raccrocher, le commissaire. L’ambiance a changé, à la maison Royco. Les méthodes aussi. Il a du mal avec l’informatique et supporte de moins en moins bien de croiser des potaches dans les couloirs de la grande maison. On va changer de siècle et même de millénaire et ça se sent…
LES AUTEURS
Franck Linol - Joël Nivard - Christian Laîné - Jean-Louis Boudrie - Laurence Jardy - Yves Aubard - Franck Villemaud
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Avis sur 7 - Le cercle noir t.2
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Aperçu du livre
7 - Le cercle noir t.2 - Collectif
Préface
Après le succès du premier Cercle Noir, « 7 », qui mettait en scène le commissaire Gorce, ce grand flic qui, à l’article de la mort, révèle un secret à sept journalistes, voici le deuxième « 7 ».
Nous y retrouvons Gorce, l’année de sa retraite, confronté à sa dernière affaire…
Sept auteurs ont de nouveau accepté de se prêter à ce jeu littéraire dont voici la règle :
« Printemps 1999.
Ce fut la dernière affaire du commissaire Gorce. Quelques semaines plus tard, le grand flic limougeaud prenait sa retraite.
Nathalie avait 29 ans. Elle travaillait comme vendeuse dans un magasin de fringues de l’hyper centre de Limoges. Elle vivait seule dans un studio d’une résidence située dans le quartier du Puy-las-Rodas.
Le samedi 10 avril, après une journée chargée, elle décida d’aller en boîte : au VIP’S. La plus ancienne boîte de nuit située en centre-ville.
Nathalie avait envie de faire des rencontres et de s’éclater un peu.
Elle arriva cours Jourdan peu après 23 heures.
Vers 3 heures du matin, ayant abusé de whisky-coca, elle décida de rentrer chez elle.
Police-Secours fut alertée vers 3h25.
Un taxi avait aperçu un corps inerte sur un trottoir.
La jeune femme vivait, mais elle avait dégusté.
Trois jours plus tard, après sa sortie du CHU, Gorce se rendit chez Nathalie Lebrun pour interroger la jeune femme… »
Chaque auteur devra imaginer ce que Nathalie Lebrun va raconter au commissaire Gorce.
Sans dessus dessous
Franck Linol
Gorce feuilletait son agenda. Il comptait les semaines jusqu’à l’heure officielle.
Le moment fatidique.
Dans douze semaines on fêterait son départ à la retraite.
Après il deviendrait un senior hyperactif ou un petit vieux. Selon…
Il ne se sentait pas épuisé. Pourtant, durant quarante ans il avait bossé quinze heures par jour.
Il allait devoir se désintoxiquer. Du stress, des nuits sans fin.
Il allait devoir faire son deuil. D’une vie de flic.
Pour le rassurer, en lui donnant une bonne tape dans le dos, ses collègues lui diraient « qu’il a la vie devant lui ».
Une décennie ? Deux, au mieux. Combien de temps encore à vivre ?
Allait-il apprendre le chinois ? Se plonger dans la musique baroque ? Jouir enfin de journées paisibles ?
Penser à sa propre mort ?
La sonnerie de son téléphone fixe le sortit de sa méditation.
Le procureur Ardois l’informait qu’étant donné de la gravité des blessures de la victime, il diligentait une enquête en l’absence de plainte.
Le dimanche 11 avril, Nathalie Lebrun, 29 ans, avait été trouvée par un taxi, inerte et gravement blessée, sur un trottoir de la rue François Perrin. Elle avait été conduite aux urgences par le SAMU. Le médecin de garde, compte tenu de la présomption de faits de violence, avait prévenu directement le procureur de permanence. Mais la jeune femme avait exigé de rentrer chez elle trois jours plus tard. Elle refusait de porter plainte.
— Commissaire, je compte sur vous, tenez-moi au courant.
Sur son agenda, Gorce avait pris des notes sur une page vierge du mois de mai.
En temps normal il aurait confié cette affaire à un lieutenant du SRPJ.
La quasi-totalité de ces affaires, dans lesquelles la victime ne coopère pas, se terminaient, faute d’éléments, par un classement sans suite.
Mais là, il ressentit le besoin vital de retrouver l’odeur et les sensations du terrain accumulées toute une carrière.
Pour conjurer ses tourments ?
Il ordonna que l’on retrouve le chauffeur du taxi, qu’on prenne sa déposition et qu’on fasse une enquête de voisinage dans le périmètre où Nathalie Lebrun avait été retrouvée.
Puis Gorce se leva. Il enfila son trois-quarts en cuir marron qu’il portait depuis la nuit des temps. Il descendit l’escalier de service, croisa un brigadier qui le salua d’un « bonjour patron » et se retrouva sur le parking de l’hôtel de police.
Il s’installa sur le siège en cuir noir de sa Mercedes 280 qu’il avait achetée d’occasion en 1982.
Il caressa le bois du tableau de bord.
Sa bagnole. C’était la seule chose qu’il aimait dans la vie. Après son métier.
Gorce avait déjà envisagé de faire l’acquisition d’un chien. Un bichon par exemple ou mieux, un épagneul tibétain. Ce chien élevé depuis l’Antiquité dans les monastères tibétains. Peut-être l’animal lui apporterait-il un peu de sérénité.
Mais l’obstacle avait toujours été la sauvegarde des sièges cuir de la « 280 ».
Il prit la direction du quartier du Puy-las-Rodas.
Ce début de mois d’avril était froid et
pluvieux.
Il était environ 17heures lorsqu’il gara sa voiture dans une petite rue bordée de maisons modestes entourées de jardinets. Gorce remarqua que les arbres étaient en fleurs. Il se dit qu’il devrait plus souvent lever la tête pour regarder la nature.
En sortant de la voiture, il fut accueilli par une bourrasque glacée. Une myriade de pétales blancs nappa le bitume du trottoir. Le flic remonta son col.
Dans le hall de l’immeuble de trois étages, il repéra le nom de la femme et sonna.
Un grésillement, puis une voix à peine audible.
— C’est pourquoi ?
— Bonjour madame, police judiciaire. Si vous voulez bien m’autoriser à monter.
Gorce avait toujours aimé mettre les formes.
Le combiné de l’interphone fut raccroché.
Gorce attendit quelques instants. Il pensa que la femme n’ouvrirait pas. Puis la gâche de la porte électrique émit une plainte.
Une odeur âcre de produits de nettoyage lui piqua la gorge.
Comme s’il voulait s’économiser, le commissaire monta les trois étages avec lenteur.
Il toqua à la porte qui s’entrouvrit aussitôt. Bloquée par un entrebâilleur.
Il découvrit la moitié d’un visage pâle avec un œil à demi fermé.
— Nathalie Lebrun ?
— Oui.
— Commissaire Gorce.
Il montra sa carte.
La porte s’ouvrit.
Nathalie Lebrun portait une minerve. Son visage semblait totalement déformé : il n’était que plaies, hématomes violacés, boursouflures, œdèmes. Sa lèvre supérieure présentait de nombreux points de suture.
— Entrez.
La jeune femme guida le flic dans l’unique pièce à vivre : kitchenette, sofa, télévision, étagères et petit mobilier IKEA. À droite, une porte devait conduire à la chambre.
— Asseyez-vous, dit-elle avec un ton à la fois inquiet et fatigué.
Visiblement la femme était en proie à un traumatisme psychologique.
Gorce prit place sur le sofa. Nathalie sur un tabouret.
— Vous devriez vous asseoir plus confortablement… dit-il, prévenant.
— Non, ça ira.
Un silence. Trop long.
Gorce se racla la gorge.
— Vous avez été sérieusement agressée. Comment vous sentez-vous ?
— Je suis sortie hier soir du CHU.
— Votre bras ? fit-il en désignant la poche de glace qu’elle appuyait contre son torse sous l’aisselle droite.
— Des côtes cassées…
— Ah, c’est douloureux quand on respire.
— Oui
Gorce changea de position.
— Que vous est-il arrivé ?
— Je ne veux pas porter plainte…
— Je sais. Mais en pareille circonstance une enquête est tout de même ouverte.
La femme baissa les yeux.
— Si vous me racontiez… euh, puis-je vous appeler Nathalie ?
— Oui, oui, pas de soucis.
Gorce sortit un carnet à spirale avec un stylo bille à mine bleue.
— Si on commençait par le début… cette soirée de samedi dernier.
Nathalie se tortilla sur le tabouret et grimaça de douleur. Elle se débarrassa du sac à glaçons.
— Je suis allée en boîte, et ensuite je suis rentrée chez moi. Et on m’a agressée dans la rue François Perrin.
Gorce parut songeur.
— C’est une bonne synthèse. Mais on va essayer de rentrer dans les détails. Je vais vous aider.
Nathalie se laissa glisser du tabouret et s’adossa au mur près de la fenêtre.
— Ah, vous souffrez. On vous a donné des calmants ?
— Oui, je prends du Codoliprane.
— Je vois, c’est puissant… Bien. Vous vivez seule ?
La jeune femme fut déstabilisée par la question.
— Oui, je vis seule.
— Vivre seul… c’est un tête-à-tête avec soi-même qui peut être agréable, pourtant il faut une certaine force de caractère. Vous travaillez ?
— Oui, je suis responsable des ventes.
— Vous vendez quoi ?
— De la lingerie féminine. Un magasin rue Jean Jaurès. SDD.
— SDD ?
— Oui, « sans dessus dessous ».
— De la lingerie féminine… vous vendez du fantasme !
— Un peu, oui.
Nathalie esquissa un sourire.
Le flic fut satisfait de ce sourire. Il révélait que Nathalie se détendait et qu’un climat de confiance s’installait.
Gorce en profita pour détailler la femme.
Malgré son visage tuméfié, on devinait qu’il était beau. Pommettes hautes, nez retroussé, bouche aux lèvres épaisses et des yeux d’un bleu froid qui vous désarçonne. Une chevelure blonde taillée court. Sa silhouette était fine avec de longues jambes.
Elle portait un ensemble sport bleu, sweatshirt et survêtement, ce qui mettait en valeur ses hanches.
Elle était pieds nus. Ses ongles de pieds étaient décorés avec un rose néon.
— Vous avez beaucoup d’hommes comme clients ?
Le sourire de Nathalie s’élargit.
— À Noël et à la Saint Valentin, les hommes débarquent en meute ! Mais le reste du temps, je vois surtout des femmes.
— De jeunes hommes ?
— Non, ils ont honte… en général ce sont des hommes d’âge mûr. Pourquoi me demandez-vous ça ?
— Simple curiosité. On entend dire beaucoup de choses.
— Je peux fumer ? demanda Nathalie.
— Bien sûr, vous êtes chez vous.
— Oui, mais si la fumée vous dérange…
— J’apprécie votre courtoisie, mais dans mon milieu professionnel on fume
beaucoup.
Elle se baissa avec lenteur et attrapa un paquet de Camel qui traînait sur la table basse.
— Vous en voulez une ? proposa-t-elle à Gorce.
— Non merci, je ne fume pas.
Du regard elle chercha un briquet ou des allumettes. Elle se déplaça vers une sorte de mini comptoir sur lequel trônait une machine à café orange très design. Elle trouva un briquet publicitaire jaune vif.
Elle revint vers la fenêtre, l’entrouvrit et alluma la clope.
Elle sembla éprouver un réel contentement en crachant la première bouffée.
Sa main était à l’extérieur et on voyait la fumée de la cigarette qui filait vers le balcon.
De l’autre main, elle jouait avec le briquet.
— Samedi, à quelle heure êtes-vous sortie du magasin ? reprit Gorce.
— Vers 19h30. On a fermé à 19 heures. Il n’y avait pas beaucoup de clientes. J’ai fait ma caisse et l’employée a rangé les produits et passé un coup d’aspirateur.
— Vous avez une employée ?
— Oui, en CDD. Elle s’appelle Aurore. Elle est assez dégourdie et aime son métier.
Nathalie se détendait. Gorce le perçut aisément.
— Et après, qu’avez-vous fait ?
— Je suis rentrée chez moi. En trolley.
— Vous n’avez pas de voiture ?
— Non. Je n’ai pas mon permis.
— Ah ? C’est assez rare…
— Peut-être, mais ça ne m’intéresse pas.
— Je peux comprendre. Et ensuite ?
— Rien de spécial. J’ai bu un verre et je me suis installée devant mon ordi.
— Les emails ?
— Oui, c’est ça, dit-elle en lançant au flic un regard entendu.
— Ah, ces nouvelles technologies… je suis trop vieux pour ça.
Nathalie écrasa le mégot contre le ciment du balcon et le déposa dans un cendrier qui débordait.
— Voulez-vous quelque chose à boire ? Du café ? Je suis désolée, j’aurais dû…
— Ne soyez pas désolée Nathalie ! ce n’est pas un ami que vous recevez mais un flic ! Mais… avez-vous quelque chose d’alcoolisé ?
— Oui, c’est vrai, c’est l’heure ! fit-elle d’un air espiègle.
Elle revint vers le mini comptoir et passa derrière.
— Gin, Vodka…
— Martini blanc ?
— Il m’en reste.
— C’est parfait merci.
— Glaçons ?
— Oui, s’il vous plaît.
— Je n’ai pas de citron.
Elle ouvrit la porte d’un petit frigo, s’affaira et revint avec un verre bien dosé qu’elle tendit à Gorce.
— Vous ne prenez rien ? demanda-t-il.
— Non, les médicaments…
Puis elle prit place sur le canapé aux côtés du flic.
— À votre santé. J’espère que vous allez vite vous remettre.
Gorce avala une gorgée de Martini. Reposa le verre.
Nathalie reprit :
— J’ai téléphoné à une amie qui habite La Rochelle. Puis je me suis fait un plateau et j’ai regardé la télé. Ensuite j’ai eu envie de m’aérer un peu la tête. J’aime bien l’ambiance du VIP’S.
— Vous y allez souvent ?
— De temps en temps. Je me suis préparée et j’ai pris le bus.
— L’arrêt est loin d’ici ?
— Non, il me suffit de descendre la rue Jules ferry.
— À quelle heure êtes-vous arrivée au VIP’S ?
— Vers 23 heures
— Ensuite ?
— J’ai croisé des connaissances… des clientes, des collègues qui sont dans la vente, etc. Je me suis amusée. Enfin, le truc normal quoi !
— Des mauvaises rencontres ?
— Non.
— Rien d’anormal ?
— Rien.
Nathalie se leva.
— Je vais me faire un café.
— Je vous en prie. Je n’ai jamais aimé l’ambiance des boîtes de nuit. Trop artificiel.
— Vous voulez parler de discothèque…
Gorce se retourna et vit que Nathalie avait une moue qui le charriait un peu. Il s’en amusa.
Le ronronnement de la machine à café.
— Moi j’aime bien. Les lumières, l’ambiance loundge, intimiste, une bonne programmation musicale. Je m’éclate, c’est la fête.
La jeune femme revint en tenant sa tasse avec précaution.
— Donc tout s’est bien passé, dit Gorce.
— Oui. Sauf que…
— Quoi ?
— J’ai abusé sur le gin.
— Ah ?
— Je crois que j’étais déchirée. Je sentais qu’il fallait que je rentre.
— Vers quelle heure êtes-vous partie ?
— Vers 3 heures.
— Seule ?
— Oui seule.
— Personne ne vous a suivie ?
— Je ne crois pas, enfin, je ne peux pas l’affirmer.
— Je comprends. Et dans la rue ?
— L’air frais m’a fait du bien, marcher…
— Mais ça fait une trotte de la gare au Puy-las-rodas.
— Oui, mais je n’avais pas le choix. Et puis j’aime bien marcher, même la nuit.
— Ce n’est pas très prudent…
Nathalie