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Trois nuits en Berry: Polar régional
Trois nuits en Berry: Polar régional
Trois nuits en Berry: Polar régional
Livre électronique227 pages3 heures

Trois nuits en Berry: Polar régional

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À propos de ce livre électronique

Accompagnez le capitaine Yann Bonelli dans son enquête turbulente !

Quels liens y a-t-il entre le meurtre d’un inconnu dans les jardins de l’archevêché à Bourges, une agression raciste à Orléans et une série d’attaques d’agences bancaires dans la région Centre-Val de Loire ? En tentant de le découvrir, le capitaine de police Yann Bonelli croisera sur son chemin de grands trafiquants et de petits malfrats, de funèbres barbouzes et de sinistres terroristes avant de se présenter devant la porte du « Secret Défense ».

Plongez-vous dans ce polar régional peuplé de trafiquants et de malfrats en tout genre et découvrez ou redécouvrez la province du Berry.

EXTRAIT

Nelly Couderc se contenta de sourire et pour dissiper la gêne qui venait de s’installer entre eux elle se mit à détailler le programme de la matinée. Le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Défense et quelques officiels devaient atterrir directement sur la piste d’Avord et ne rester que peu de temps pour assister à un hommage aux militaires tués. L’armée se chargeait de la sécurité dans ce périmètre sous haute surveillance et la police était peu sollicitée pour l’occasion mais la commissaire devait y assumer son rôle de représentation.
— Revenons à votre enquête, se reprit-elle soudain. La DGSI s’occupe du djihadiste et nous n’allons pas marcher sur ses brisées mais le rapprochement entre le modèle de son arme et ceux vendus par Cénard nous laisse une porte d’entrée. J’ai appris qu’il fréquentait le club de tir de Bourges. Son président m’a appelée après avoir reconnu la photo de Boukhari aux actualités télévisées. Je n’en ai pas encore parlé à la DGSI. Appelez-le de ma part. S’il sait quelque chose il vous aidera.
Elle griffonna un nom et un numéro de téléphone sur une feuille de bloc-notes et la tendit à Bonelli.
— Avez-vous eu des renseignements à propos du téléphone portable ? lui demanda-t-il
— Le SCITT s’en occupe. Je vous le répète c’est entre les mains de la DGSI et ils ne me font pas leurs confidences. Il faut attendre.
Excusez-moi, il faut que file.
Avant que Bonelli ait eu le temps de réagir, elle avait déjà saisi sa casquette d’uniforme négligemment posée sur un classeur et quitté le bureau. Il y resta quelques instants, songeur. Il se doutait bien que la DGSI n’allait pas l’aider dans son travail. La menace générale du terrorisme était plus importante que la mort d’un petit malfrat dans un jardin public. Il ne pouvait donc compter que sur lui-même pour découvrir quel assassin suffisamment intelligent pouvait agir dans un lieu public et disparaître sans laisser de trace.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né il y a 66 ans à Bourges, Gérard Larpent a été journaliste dans la presse départementale, régionale et nationale ; quotidienne, hebdomadaire et mensuelle. Il a également réalisé des documentaires pour la télévision et participé à la rédaction d’ouvrages sur l’actualité économique et sociale. Amateur de vin de Menetou-Salon et de cidre, de crottin de Chavignol et de crêpes, de vielle et de biniou, il partage désormais son temps entre Berry et Bretagne.
LangueFrançais
Date de sortie31 juil. 2019
ISBN9791035305611
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    Aperçu du livre

    Trois nuits en Berry - Gérard Larpent

    Couv.jpg

    Trois Nuits

    en Berry

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    © 2018 – – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    Gérard Larpent

    Trois nuits

    en Berry

    Avertissement au lecteur

    Les trois-quarts des événements ou situations racontés dans ce livre sont inspirés de faits réels. Le reste, bien sûr, n’est que pure fiction.

    À mes princesses :

    Sylvie, mon épouse ;

    Caroline, Gwenaëlle et Élise, nos filles.

    Remerciements

    Ce livre est le fruit de multiples rencontres, entretiens ou découvertes mais il n’aurait pas été possible sans l’aide de Pierre Boncenne, relecteur exigeant et conseiller pertinent ; Hubert Loiseau, scrupuleux guide sur le fonctionnement de la police et la justice ; le groupe de la Ligue pour la protection des oiseaux du Cher qui m’a initié à la découverte des sternes pierregarin et autres hypolaïs polyglottes. Sans oublier la patience de mon épouse, Sylvie.

    «

    Apprenez que la vérité est une chose versatile»

    (Sandor Marai,

    Le miracle de san gennaro)

    Première Partie

    Nuit bleue

    Chapitre I

    Projetée sur les remparts gallo-romains des jardins de l’archevêché, une vidéo raconte chaque soir d’été les premiers siècles de la ville de Bourges. Bâties pour protéger des envahisseurs, ces gigantesques murailles servent aujourd’hui d’écran pour accueillir les touristes.

    En cette fin de journée de juin, les images montraient Vercingétorix déposant ses armes aux pieds de César à un groupe cosmopolite de vacanciers. Il y avait là des Italiens, des Anglais et même un couple de Russes. Dans la nuit tombante les blocs de pierre s’habillaient de reproductions colorées tout droit sorties des manuels scolaires tandis que des haut-parleurs diffusaient un commentaire relatant la conquête de la Gaule.

    Faute de ravitaillement, César aurait pu être ralenti, voire battu si les habitants d’Avaricum (devenue Bourges) avaient accepté de brûler leur cité à la demande de Vercingétorix. Ayant choisi de se retrancher derrière leurs fortifications, ils furent assiégés puis vaincus. Sur 40 000 personnes, 800 seulement échappèrent au massacre. Deux mois après la chute de cette place forte, le chef de la révolte gauloise était vaincu à Alésia et le proconsul Jules César s’ouvrait la route de Rome et du pouvoir.

    Entendant prononcer le nom de leur capitale, les touristes italiens se lancèrent dans de bruyants commentaires avant de poursuivre leur promenade à la découverte des vieilles rues de la ville. Une élégante cité gallo-romaine avait été construite sur les ruines d’Avaricum. La cité connut ensuite des heures fastes au xve siècle avec le roi Charles VII venu s’y réfugier. C’était vers les vestiges de ce passé médiéval que les touristes étaient invités à continuer, guidés par l’éclairage bleuté des lampadaires balisant le parcours.

    De temps en temps, au détour d’une rue pavée, un autre son et lumière animait une façade, les murs d’un ancien couvent, la cour d’un hôtel particulier. La déambulation se déroulait librement, au gré de l’humeur des participants, et l’on avait l’impression d’être les invités privilégiés de la ville qui ne révélait ses vrais trésors qu’à la nuit tombée. Cette ambiance inhabituelle était renforcée par l’interdiction des voitures sur tout le circuit. Le silence coulait sur les pavés, glissait dans les ruelles, s’infiltrait dans les arrières cours. Les maisons à colombages dormaient sagement appuyées l’une contre l’autre. Et les fenêtres à meneaux ne laissaient filtrer aucun bruit des habitants qu’elles protégeaient derrière leurs verres épais.

    Gagnés par cette atmosphère paisible, les touristes italiens s’étaient tus, les groupes d’amis n’échangeaient plus que de rares plaisanteries et les couples se parlaient en chuchotant. Chacun goûtait ce moment de quiétude, bercé par les musiques médiévales qui accompagnaient les reproductions de vitraux ou d’enluminures défilant sur les murs de l’hôtel Lallemand ou du palais Jacques Cœur.

    Peu à peu, la nuit était devenue plus sombre et désormais les visiteurs distinguaient à peine le sommet des tours de la cathédrale, dernière étape de leur circuit. Dominant la ville du haut de ses huit siècles, l’édifice donnait une impression de sérénité, ignorant la fuite du temps et les tumultes du monde. À ses pieds, après ces moments de flânerie poétique, chacun devait pourtant retrouver la réalité. Revenus à leur point de départ, les touristes quittaient maintenant le jardin de l’archevêché pour regagner leur hôtel.

    Personne ne fit à cet instant attention au cri d’une jeune femme. Elle venait de découvrir un corps inanimé au pied d’un arbre. La plupart des promeneurs continuaient de quitter les lieux. Un groupe de jeunes gens remarqua enfin la scène et s’approcha. L’un d’entre eux, annonçant qu’il avait un brevet de secouriste, tenta un massage cardiaque tandis que les téléphones mobiles étaient déjà sortis des poches pour appeler les pompiers. Ils arrivèrent très vite chargés de leur appareil respiratoire et de leur mallette de première urgence ; la jeune femme hébétée et soutenue par son compagnon, n’arrivait pas encore à réaliser ce qu’elle avait découvert. Dans les minutes suivantes on n’entendit plus que le crissement des chaussures des pompiers sur les gravillons de l’allée et l’échange de quelques mots techniques sur les soins à prodiguer.

    Stationnée à l’entrée du jardin public, la camionnette de secours fut bientôt rejointe par une voiture de police.

    Deux hommes en tenue vinrent à la rencontre des pompiers. L’un de ces derniers interpella l’agent de police qui paraissait le plus âgé.

    — Salut Bernard ! T’es de permanence ce soir ?

    — Comme tu vois.

    — Et c’est ton nouveau collègue ? demanda le pompier en donnant un coup de menton en direction du second policier qui paraissait étrenner un uniforme tout neuf.

    — Oui, j’te présente Guillaume, le p’tit nouveau du commissariat. Alors qu’est ce qu’il se passe ?

    — Crise cardiaque sans doute. Y’a plus rien à faire.

    Entendant ces mots, la jeune femme qui se tenait à proximité se mit à sangloter. Policiers et pompiers poursuivirent leur échange en chuchotant.

    — On sait qui c’est ? demanda Bernard.

    — Non. Personne ne semble le connaître ici, répondit le pompier en lançant un regard sur le petit groupe de badauds qui suivait la scène.

    — T’as regardé s’il avait des papiers ?

    — Pas encore.

    Le policier se tourna vers son collègue :

    — Guillaume ! Tu préviens le central et tu veilles à ce que les curieux restent à l’écart.

    Puis le policier examina le corps tandis que les pompiers rangeaient leur appareil d’assistance respiratoire devenu inutile. Il fouilla les poches de l’inconnu mais ne trouva aucune pièce d’identité ni même aucun objet.

    À son tour, il prit son portable et appela le commissariat central pour demander si l’officier de police sollicité par son collègue était en route. Il confirma aussi qu’il avait besoin du médecin de permanence.

    Bientôt une autre patrouille rejoignait la première. Suivie d’un officier de police et, quelques minutes plus tard, du médecin de garde.

    Visiblement de mauvaise humeur pour avoir été dérangé pendant un dîner chez des amis, le médecin se pencha sur le corps et procéda à un examen succinct pour arriver à la même conclusion que les pompiers. S’éclairant à l’aide d’une lampe de poche, il indiqua à l’officier de police debout à ses côtés, que le corps ne portait pas de plaie apparente. Les deux hommes se connaissaient depuis longtemps mais ils continuaient à se vouvoyer. Le médecin, plus proche de la retraite que des bancs de la faculté, tenait à maintenir ainsi une distance entre leurs fonctions respectives.

    — Vous voyez Robigeon, il a du tomber lentement en avant et rouler sur le côté, dit le médecin en mimant la scène.

    — Il ne s’est même pas fait une écorchure à la tête ou aux mains en tombant ?

    — Pas la moindre. C’est comme si on l’avait retenu dans sa chute puis laissé là.

    — Ça a quand même tout l’air d’un AVC ou quelque chose comme ça, non ?

    — Mmoui, bredouilla le médecin. Mais il faut faire une autopsie.

    — Bon. Je fais emmener le corps à Orléans et on devra attendre au moins une semaine pour obtenir une conclusion, remarqua l’officier de police.

    — En gros c’est ça oui. Le service de médecine légale est un peu débordé.

    — Je sais, je sais. Restrictions budgétaires... Bon, ben ça me laisse le temps d’examiner un peu les alentours pour voir si je retrouve ses papiers. J’arriverai peut-être à découvrir quelque chose avant les médecins, ajouta t’il en adressant un sourire à celui qui s’apprêtait à quitter les lieux en maugréant pour aller remplir les formulaires de son constat.

    L’officier de la Police nationale Christophe Robigeon n’était pas connu pour cultiver une ambition démesurée. Après des études de droit à Clermont-Ferrand et sa formation à l’École nationale supérieure des officiers de police de Cannes-Écluses, il était sorti dans un rang honorable qui lui avait valu une nomination à Vannes. Préférant se rapprocher de son Auvergne natale, il avait obtenu sa nomination à Bourges quelques années plus tard. Il pouvait ainsi rendre visite plus facilement à ses parents restés dans la ferme familiale que son frère exploitait près d’Issoire.

    À 43 ans, Christophe Robigeon menait une vie rangée entre sa famille et son travail dans un des commissariats les plus tranquilles de France. Le Cher affichait l’un des taux de criminalité les plus bas du pays ; le principal objectif de ses supérieurs était de contenir à un niveau raisonnable les statistiques des cambriolages qui avaient tendance à augmenter ces derniers temps. Fallait-il voir dans ces vols et ces effractions les effets de la crise économique ? Christophe Robigeon se gardait bien de répondre à cette question. Il se contentait d’effectuer consciencieusement sa tâche et obtenait des résultats suffisants pour lui valoir l’estime de son commissaire.

    Trapu, le cheveu ras, le visage rond, ses collègues le comparaient aux bœufs tirant avec obstination les charrettes de foin sur les pentes de ses montagnes auvergnates. Ils ne lui connaissaient d’élans d’enthousiasme que pour les joueurs de l’ASM Rugby Auvergne dont il suivait les exploits dans le Top 14. Pour le reste, ne s’étant jamais fait d’illusion sur son métier, il n’était pas déçu. Selon lui la police était nécessaire à la bonne marche de la société, il y assumait son poste avec sérieux et le sentiment du devoir accompli.

    La seule ombre dans ce tableau était projetée par ses deux fils, Lucas et Théo. Sa femme Marie-Claire et lui, formés par les éducateurs des années post-68, réalisaient bien qu’il leur manquait des clés pour comprendre leurs grands adolescents qu’ils voyaient s’éloigner d’eux. Dans ces moments, des vagues d’angoisse submergeaient Robigeon. Il avait peur de ce que l’avenir réservait à Lucas et Théo ; il lisait une menace dans chaque note de service de la Police nationale arrivant sur son bureau. Car même à Bourges, au centre de la France, éloignée de toute frontière, les secousses du monde se faisaient ressentir. Cette petite ville de province connaissait elle aussi les fermetures d’usine, le chômage, les cambriolages ou les trafics de drogue.

    Du coup, le constat d’un décès dans les jardins de l’archevêché apparaissait au policier comme une parenthèse bienvenue pour lui permettre d’oublier la grisaille du quotidien. Au moins le mort n’allait pas se plaindre d’une poubelle incendiée ou du vol de sa voiture.

    D’ailleurs avait-il une voiture ? Ce détail intriguait Christophe Robigeon : pourquoi n’avait-on pas trouvé de clefs ni un seul document sur l’inconnu ? N’importe qui laisse traîner dans ses poches un ticket de caisse, un prospectus, ou ne serait-ce qu’un mouchoir. Cet homme était-il sorti de chez lui en oubliant ses clefs et son portefeuille ? Ou bien l’avait-on agressé pour les lui voler ?

    Tout en se posant ces questions, Christophe Robigeon examinait les allées et les massifs de fleurs aux alentours du lieu de la découverte du corps. Ici, pas question pour les promeneurs de marcher sur les pelouses. Rosiers, roses d’Inde, fuchsias délimitaient les espaces bien ordonnés de ce jardin à la française. Derrière les rangées de fleurs, des carrés engazonnés apparaissaient comme des zones inaccessibles et immaculées. Pourtant, dans la lumière de la lune qui venait de se lever, Robigeon remarqua un objet incongru entre deux lignes de rosiers tiges. Sans se soucier des empreintes de pas qu’il laissait derrière lui, il alla ramasser la canette de bière qu’il venait de remarquer. Sans doute n’était-ce que le vestige sans intérêt d’une soirée entre amis. Par réflexe professionnel, Robigeon prit quand même soin de ramasser la canette à l’aide d’une branchette traînant sur le sol. Il introduisit le bout de bois dans la boîte métallique avant de glisser celle-ci dans un sachet en plastique qu’il gardait dans sa poche. Il revint sur ses pas, franchit à nouveau la barrière de rosiers en veillant à ne pas accrocher son blouson et poursuivit son examen. Mais, dans le jardin désormais complètement désert en dehors de la présence des policiers en tenue gardant les entrées, il ne trouva rien d’autre. Au bout d’une dizaine de minutes il abandonna ses recherches et décida de rentrer au commissariat pour rédiger son rapport.

    Chapitre II

    Yann Bonelli avait mal dormi. Il s’étonnait toujours d’entendre des collègues du commissariat central se vanter de ne fermer l’œil que quelques heures par nuit. Il ne les enviait pas. Six heures de repos représentaient pour lui un minimum mais à son grand regret il arrivait rarement à atteindre cet objectif. Il avait également du mal à comprendre ces personnes qui se croient obligées de raconter leurs rêves au moment du petit déjeuner pour demander à des interlocuteurs patients de les aider à les interpréter. Lui aimait bien commencer sa journée dans le silence. Mais ce matin là il n’y avait pas de commencement puisqu’il ne s’était pratiquement pas reposé.

    Après un passage dans sa salle de bain, il enfila un jean et choisit un polo dans la pile de vêtements que sa voisine lui avait repassé la veille. Il aimait bien madame Legendre et avait beaucoup de respect pour cette femme qui élevait seule ses trois enfants. Son mari, chauffeur routier, l’avait quittée pour une serveuse de restaurant. Elle avait ravalé son orgueil et commencé à accumuler les petits boulots. En déchiffrant un papillon de papier avec un numéro de téléphone apposé chez son boulanger, Yann Bonelli avait appris que cette femme menue et discrète habitant dans un petit pavillon tout proche de chez lui, proposait des heures de ménage et de repassage. Il lui avait demandé de venir quelques heures par semaine pour mettre en ordre son appartement. Puis il s’était aperçu que cette touche féminine introduite dans son domicile lui faisait du bien. Il avait le sentiment que Mme Legendre aimait venir travailler chez lui ; il lui confia de plus en plus de tâches et, peu à peu, ces deux êtres cassés par la vie apprirent à se côtoyer et s’entraider. Aujourd’hui Bonelli lui faisait entière confiance.

    En pensant au chèque qu’il ne devait pas oublier de lui remettre le lendemain, Bonelli se dirigea lentement vers la cuisine de son grand appartement. Mais rapidement la vision de Céline allongée sur son lit d’hôpital lui revint en mémoire. Une nouvelle fois remontait le souvenir des nuits passées au chevet de sa femme. En se préparant un thé noir qu’il aimait très fort et sans sucre il revivait les visites chez les spécialistes, les attentes angoissées des résultats d’analyse, les séances éreintantes de chimiothérapie.

    Seul le travail lui permettait parfois d’enfouir ces images. Les tâches administratives même les plus ingrates constituaient pour lui le meilleur des anxiolytiques. Lorsqu’il arrivait alors à reprendre un peu le dessus, il tenait bon en se bricolant une philosophie teintée de bouddhisme admettant qu’il ne pouvait rien changer au passé. Mais le moindre incident ravivait la douleur. Comme l’échec qu’il venait d’essuyer.

    Il venait de rater pitoyablement l’arrestation d’une bande spécialisée dans l’attaque des distributeurs de billets de banque. Malgré les filatures, les écoutes, les planques il avait été impossible d’amasser les preuves nécessaires à une condamnation par un tribunal. Le fiasco avait connu son apothéose au moment des perquisitions. Avec ses collègues de la Police Judiciaire d’Orléans, il n’avait trouvé aucune trace du matériel ayant servi à faire exploser les distributeurs ; pas plus que de billets numérotés. Pourtant il était sûr que les hommes qui se tenaient devant lui hier, dans les locaux de la direction interrégionale de la PJ, en le toisant d’un regard goguenard, avaient fracturé plusieurs caisses automatiques au cours des derniers mois.

    Tous avaient le même profil de petits délinquants montés en graine. Après les vols de voitures ou de matériels sur les chantiers, après quelques cambriolages,

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