MIGRANTS LA MAFIA DES PASSEURS
Le trafic d’êtres humains explose, entretenu par un réseau aux ramifications complexes
Au pied de cette église règne un calme trompeur. À 530 kilomètres de Calais, ce centre-ville peuplé de Kurdes sert de planque aux boss du trafic transmanche, qui opèrent majoritairement depuis le Kurdistan irakien. C’est une étape clé dans le transfert du matériel nautique. Le manège n’avait intrigué personne jusqu’à ce qu’une fusillade révèle un règlement de comptes entre clans rivaux. D’ici, des bateaux partent pour la région parisienne avant d’être livrés sur la côte et cachés dans les dunes.
La paisible région d’Osnabrück est le « hangar à bateaux » des trafiquants
De notre envoyé spécial dans le Nord et à Osnabrück François de Labarre
Une mauvaise coopération judiciaire sert les intérêts des passeurs basés en Allemagne
Avec ses rues pavées, ses antiques tavernes et sa cathédrale romane, Osnabrück ressemble à une cité paisible. Même dans la grisaille et sous la pluie, passants et cyclistes échangent des sourires polis. Ce n’est pas siècle, lorsque les traités de Westphalie y furent signés, en partie, mettant fin à la guerre de Trente Ans. Ces derniers mois, la jolie bourgade a vu flétrir son image de tranquillité. Le 10 octobre, les fins limiers de la Bundespolizei, la police fédérale allemande, ont arrêté deux individus transportant du matériel nautique destiné à l’immigration clandestine. Cinq moteurs de hors-bord de fabrication chinoise, neuf Zodiac et une centaine de gilets de sauvetage ont été saisis. Le lendemain, l’un des livreurs appréhendés a présenté une facture avec l’en-tête d’une société turque et une adresse de livraison en région parisienne. Pourquoi ce matériel en provenance de Chine a-t-il fait un détour par Osnabrück? À quel centre de loisirs d’Îlede-France était-il destiné? Les informations ont-elles été vérifiées? Elles n’ont en tout cas pas été transmises. Les magistrats n’ont rien vu d’illégal dans cette activité d’importexport et l’affaire a été classée sans suite. Les « livreurs » ont été libérés et leur matériel restitué. Ils en ont fait un bon usage: l’un des moteurs est réapparu six jours plus tard à Douvres, en Angleterre, sur un Zodiac qui venait de faire passer des migrants. C’est ce que nous a appris une note de police que nous avons pu consulter. Régulièrement, Français, Belges et Britanniques s’émeuvent du flegme des magistrats allemands.
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