L'improbable vérité: Roman
Par Daniel Lacouture
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À propos de ce livre électronique
Harvey, jeune Australien de vingt ans, est victime d'un grave accident, au retour d'un séjour en France. En sortant du coma, il apprend une vérité improbable concernant ses origines qui va bouleverser son existence et l'amener à envisager…
Quel est le secret qui entoure ses origines et qui bouleversera son existence ?
EXTRAIT
Une brume opaque obscurcit, à nouveau, mon esprit, faisant disparaître tous ces souvenirs exhumés du passé. Mais étaient-ils bien réels, ou n'était-ce que la matérialisation de rêves imaginaires ? « Harvey ? Harvey ? C'est papa, tu m'entends. Allez, ouvre les yeux ou fais-nous un signe. Ma chérie, je crois qu'il ne nous entend pas. Il ne reprendra jamais connaissance. Notre fils unique, c'est terrible, je crois que je ne m'en remettrai pas. » Qui sont ces gens qui crient ? S'adressent-ils à moi ? Regardez, je suis là devant vous. Je perçois tous vos propos, vous ne vous en rendez même pas compte. Mon esprit, à nouveau, se débarrassa de ce voile opalin qui recouvrait sa mémoire.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel Lacouture a parcouru l'Afrique pendant sa prime jeunesse puis a embrassé la médecine pendant un demi-siècle, poudrant son parcours, d'un peu de poésie et de beaucoup de chansons, qu'il met en musique et interprète à tout vent. Son empathie envers les peuples du monde l'a conduit à s'identifier dans une histoire, où se côtoient tendresse, amour et incompréhension.
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Aperçu du livre
L'improbable vérité - Daniel Lacouture
Newcastle, ABC news le 19 juillet 2000. Australie
Nous apprenons, ce jour, le dramatique accident, survenu sur la route reliant Pokolbin à Newcastel, impliquant le jeune Harvey Rodney, vingt-deux ans, fils de Kathleen et Peter Rodney, viticulteurs très appréciés, installés dans la vallée du Hunter. Le jeune homme a été admis au John Jumper Hospital, en service de réanimation, après avoir été désincarcéré de son véhicule qui, pour une raison indéterminée, a quitté la route et percuté, de plein fouet, un arbre. D'après nos premières informations, il serait dans un coma profond.
« Harvey ? Harvey ? Tu m'entends... Harvey ? Harvey ? Réponds-moi. »
Ces appels résonnent dans mon subconscient, sans que je puisse les identifier. De nombreuses images défilent dans ma tête, sans ordre ni mesure, s'imbriquant les unes aux autres, sans que je puisse les relier. Harvey ? Harvey ? Est-ce moi ? Dans ce bouillonnement fébrile apparaît mon image, ma stature, mon identité. Je suis élève ingénieur en Agronomie et termine ma troisième année d'études au Château de Thiverval-Grignon. Pourquoi suis-je là ? Je n'en sais rien mais, bientôt, se formalisent, devant mes yeux, de grands espaces, des vignes à perte de vue, la douceur d'un climat humide et tempéré. Ce prénom, Harvey, envahit mon espace. Je revois le visage de ma mère, la force tranquille de mon père, son visage taillé à la serpe, un chapeau de cowboy sur la tête, arpentant de grandes plaines à cheval. Canberra, Sydney, Melbourne, ces noms s'agglutinent, se font de plus en plus réels, puis me font adhérer à une évidence : Je ne suis pas Français, mais Australien. Alors, qu'est-ce que je fais là, assis devant un bureau, dans un château de la grande banlieue parisienne ? Peu à peu, les souvenirs me reviennent et précisent ces images qui défilent dans ma tête. Je suis, en effet, Australien, fils d'un vigneron de la Nouvelle-Galles-du-Sud et ai commencé des études d'ingénieur agronome à Canberra. Désirant me spécialiser dans la gestion des vignes de mon père, j'ai intégré, en France, l'école d'agronomie du cinquième arrondissement de Paris, afin de finir mon cursus universitaire et me suis retrouvé au Château de Thiverval-Grignon, dans ce magnifique site universitaire, où toutes les structures, qu'elles soient fondamentales ou appliquées, permettent une formation à nulle autre pareille. À mon arrivée, le staff de l'école nous avait fait une présentation sommaire des lieux.
« Le château fut construit par Nicolas de Bellièvre, seigneur de Neauphle, qui l'érigea en marquisat en 1651. Le domaine de Grignon fut agrandi et clôturé en 1674, au grand dam d'un certain nombre d'habitants de Thiverval, alors, chassés de leurs maisons et de leurs terres. C'est en 1682 que le chevalier André Potier, seigneur de Novion, racheta le marquisat de Grignon et la seigneurie de Saint-Germain-de-la-Grange. Cet endroit magnifique, devenu Institution Royale Agronomique de Grignon, par la grâce de Charles X, en 1826, puis École impériale d'agriculture, en 1852, prit, après de nombreuses autres appellations, le nom d'Institut National Agronomique de Paris-Grignon, en 1971 et est connu, aujourd'hui, dans le monde entier, sous le nom de AgroParisTech. Situé dans un parc de trois cents hectares, entièrement clos par un mur, le château, fait de pierres et de briques ocres, dessine un U et s'entoure de nombreux bâtiments rénovés, utilisés pour la mise en place de laboratoires, tels que ceux du centre INRA de Versailles-Grignon ou de Terres Novia. Il abrite également les logements des élèves ingénieurs. »
« Harvey ? Harvey ? C'est maman, tu m'entends... ? »
Cette voix, je la connais. Je n'arrive pas à mettre un nom dessus. Pourtant, elle me paraît familière. Elle semble venir du ciel. Suis-je mort ? Suis-je vivant ? Je me revois dans une petite église, près du pasteur, en train de chanter des psaumes. Devant moi, une assemblée de fidèles, dont les visages sont floutés, frappent des mains. Qui sont-ils ? Habitent-ils le village où je suis né, ou sont-ils avec moi, là-haut, au firmament ? Je me débats sans fin, je secoue la tête dans tous les sens, mais est-ce que je bouge vraiment. ?
Mes pensées me ramènent à Thiverval-Grignon. Je venais de finir mon année universitaire et pour clôturer mon cursus, je devais effectuer un stage dans une propriété viticole. Après prospection, un viticulteur bordelais me proposa de me prendre en stage, pour une période de trois mois. J'avais choisi cette option de formation, car je savais que m'attendait, au pays, la reprise de la propriété de mes parents. Il fallait donc que j'apprenne les techniques de fabrication du vin.
Je débarquai courant du mois de juillet, à Gauriac, au Château du Haut Lacouture, chez le dernier représentant d'une lignée, descendant de quatre générations de viticulteurs. L'accueil fut chaleureux et le logement, que l'on m'attribua, coquet. Il était situé dans l'aile ouest du bâtiment principal, à l'abri des regards. Je m'installai, pris connaissance des lieux et rejoignis mon maître de formation, autour de la table familiale et d'un bon repas à la française, agrémenté par, je vous le donne en mille, du... vin rouge. Dès le lendemain, j'arpentai le vignoble de long en large, soupesant les grappes qui commençaient à s'épanouir, écoutant les explications du viticulteur qui, pour plus de facilité, m'avait demandé de l'appeler Victor. Étonné de voir des chevaux de trait fouler les allées séparant les pieds de vigne, en tractant un instrument aratoire, je demandai à mon mentor :
« Ce mode de culture de la vigne est-il très habituel en France ?
— Mon jeune ami, je sais que vous venez d'Australie et que l'agriculture là-bas doit utiliser de nombreux adjuvants, pour optimiser les productions et bien, sachez que moi, je pratique l'agriculture biologique, rejetant l'emploi de pesticides et autres substances chimiques, au profit de techniques de sarclage ancestrales, privilégiant par ailleurs, l'utilisation d'insectes, qui jouent, alors, un rôle protecteur quant à la contamination éventuelle des ceps, par leurs congénères nuisibles.
— C'est très malin ! Mais, je suppose que les rendements sont moindres ?
— En effet, mais je pense que, privilégier la qualité au profit de la quantité grâce à la protection de la nature où nous vivons est important pour le devenir de notre planète. Vous verrez, par ailleurs, lorsque vous le goûterez, que le vin produit a une saveur à nulle autre pareille.
— Je n'en doute pas. J'aimerais que vous me parliez de la façon dont vous produisez le vin de votre terroir.
— Bien, il va vous falloir être attentif. La vinification est liée à un savoir-faire, mais aussi à une bonne dose d'intuition. Un bon vin dépend de deux facteurs : la qualité de la terre où la vigne prend pied et les cépages utilisés.
— Ah ! Si je vous comprends bien, lorsque l'on plante, sans discernement, la vigne, on court à la catastrophe. Mais, j'ai appris que la vinification dépendait aussi des choix du professionnel et des techniques utilisées. Est-ce vrai ?
— Oui, et il faut entrer dans le corps et dans l'âme du vin que vous produisez, pour savoir quelles seront ses caractéristiques, sa personnalité, sa saveur. Ici, le château du Haut Lacouture est un vin rouge. La propriété est une demeure bourgeoise, bâtie au dix-septième siècle, par le chanoine de Lacouture et transformée en maison viticole, un siècle plus tard. Arborant un fronton de dix mètres de haut, unique dans la région, elle a été acquise par mes ancêtres dans les années 1930 et surplombe l'estuaire de la Gironde, étalant ses douze hectares de vignes au soleil généreux de cette région du sud-ouest. Nos vignes produisent des raisins noirs.
— Ce raisin, si je comprends bien, une fois cueilli, va être égrappé et foulé.
— En effet, dès leur dépôt dans le chai, après les vendanges, les grappes sont jetées dans une machine qui va réaliser ces deux tâches, séparant, ainsi, les baies du raisin, de leurs squelettes. Une fois les déchets enlevés, avec le maximum de rigueur, les raisins sont foulés et écrasés.
— C'est, sûrement, une étape fatigante, mais avec l'aide des presses automatiques, l'effort fourni doit être bien moindre, que le foulage au pied de l'ancien temps, n'est-ce pas ?
— C'est certain. Une fois le raisin foulé, il est placé dans ces grandes cuves en bois, que vous pouvez voir là-bas, où le degré thermique est maintenu autour de 30°, ce qui permet la fermentation alcoolique, destinée à transformer le jus sucré du raisin en alcool, sous l'effet des levures présentes, naturellement. Après cette étape viendra le filtrage. Découleront, de ces stades successifs de transformation, les caractéristiques finales du vin, c'est-à-dire la mise en valeur de ses arômes, de sa couleur et de sa tenue en bouche.
— Après toutes ces manœuvres, la vinification est-elle terminée ?
— Non, pas tout à fait. Il faut ensuite laisser macérer le jus, environ une à trois semaines. Pendant ce temps-là, des substances solides remonteront à la surface, formant ce que l'on appelle le Marc. Le vin en prendra sa couleur, ses arômes et son caractère. Pour assurer cette phase de maturation, il est essentiel d'effectuer le remontage et le pigeage qui permettront, périodiquement, de repasser le jus de raisin au-dessus du Marc et de plonger sa coque au fond de la cuve.
— Et bien, j'avoue que je n'ai jamais encore mis les pieds dans les chais de mon père, en Australie, même si je l'ai accompagné, de temps en temps, dans les vignes. Il m'a poussé à faire des études, afin de le remplacer plus tard. J'espère que vos explications me permettront de mieux cerner mes futures responsabilités et d'apporter du rêve, au travail que j'aurai à effectuer.
— Ah ! Votre père est aussi vigneron ?
— Oui, il possède un grand vignoble d'environ quarante hectares, dans la vallée du Hunter, en Nouvelle-Galles-du-Sud. Comportant, essentiellement, des vins blancs, issus de cépages alsaciens. Il en est très fier et présente à la vente d'excellents millésimes.
— C'est intéressant. Vous m'inviterez, peut-être un jour, chez votre père. Mais revenons à la vinification. Après la macération, on effectue l'écoulage, en mettant les cuves la tête en bas, pour récupérer le jus, avant de passer au pressurage, au cours duquel on sépare, définitivement, le jus du marc solidifié, pour en extraire toute la quintessence. Les jus, issus de l'écoulage et du vin de presse, peuvent, ensuite, être mélangés, afin d'obtenir une meilleure qualité du breuvage.
— L'on est presque arrivé au bout du tout ce processus, n'est-ce pas ?
— Oui, mais il reste à « élever » le vin, pendant quelques semaines à quelques années, après l'avoir placé dans ces barriques, que vous voyez alignées devant vous. Il va, alors, évoluer, se structurer et subir une deuxième fermentation, qui va l'adoucir et l'amener, progressivement, à sa texture définitive. Après cette phase, il sera soutiré et mis dans de nouvelles barriques, afin d'éliminer les derniers résidus. On y ajoutera du dioxyde de soufre, pour éviter les contaminations et pour le stabiliser. Voilà, je vous ai fait un résumé rapide de ce travail, qui doit être méticuleux, pour que le millésime soit d'exception. Avez-vous d'autres questions à me poser ?
— Non Victor, votre exposé a été très clair et je vous en remercie. J'aimerais que, dans les jours à venir, vous me fassiez découvrir les étapes du soin de la vigne, la manière de préparer les ceps, le sarclage et la prévention des différentes maladies. Merci, encore, d'avoir pris un peu de votre temps, pour me faire partager votre passion pour ce métier exigeant, mais en même temps merveilleux qui est le vôtre.
— N'oubliez pas, nous dînons ensemble ce soir. Nous examinerons, si vous le voulez bien, les candidatures des ouvriers, qui vont venir effectuer les vendanges à la fin septembre. Cela fait aussi partie du job. À tout à l'heure. »
Une brume opaque obscurcit, à nouveau, mon esprit, faisant disparaître tous ces souvenirs exhumés du passé. Mais étaient-ils bien réels, ou n'était-ce que la matérialisation de rêves imaginaires ?
« Harvey ? Harvey ? C'est papa, tu m'entends. Allez, ouvre les yeux ou fais-nous un signe. Ma chérie, je crois qu'il ne nous entend pas. Il ne reprendra jamais connaissance. Notre fils unique, c'est terrible, je crois que je ne m'en remettrai pas. »
Qui sont ces gens qui crient ? S'adressent-ils à moi ? Regardez, je suis là devant vous. Je perçois tous vos propos, vous ne vous en rendez même pas compte. Mon esprit, à nouveau, se débarrassa de ce voile opalin qui recouvrait sa mémoire.
J'avais fini mon stage chez le vigneron et lui avais demandé de rester faire les vendanges, pendant les derniers jours de septembre, afin de me faire un peu d'argent de poche. Je restai, à cet effet, dans le petit logement, qu'il m'avait proposé à mon arrivée, accueillant, en sa compagnie, les ouvriers vendangeurs, que nous avions sélectionnés. Ils étaient une petite centaine, venant de tous les pays d'Europe, les plus nombreux, à part les étudiants, étant Portugais et Espagnols. Je me rendis vite compte que le ramassage du raisin nécessitait une forme physique irréprochable, un dos en bon état et une endurance à toute épreuve, les journées étant, particulièrement, longues. Le viticulteur, m'ayant appris à apprécier la maturité du raisin, muni d'un sécateur tranchant, je coupai chaque grappe, les déposant, avec délicatesse, dans le grand panier d'osier que portait, près de moi, un de mes collègues. Dans la mesure, où le raisin était destiné à faire du vin, peu importait son apparence, pourvu qu'il soit mûr et gorgé de sucre, la seule précaution à prendre, étant de laisser les grappes respirer les unes contre les autres. Après la cueillette, nous faisions un grand feu et passions une partie de la nuit à nous restaurer, à raconter des histoires ou, encore, à chanter. Un soir, je remarquai, éclairée par les flammes qui jaillissaient du brasier, une jeune femme, portant de longs cheveux qui recouvraient des épaules dorées par le soleil. Ses yeux en amande, d'une couleur verte d'eau, étaient fixés sur moi et me souriaient. Je lui rendis son sourire et l'invitai à s'asseoir près de moi :
« Bonjour, mademoiselle, je vous observe depuis un moment et j'ai très envie de faire votre connaissance. Je m'appelle Harvey, je suis Australien et viens de finir mes études d'ingénieur agronome. Après les vendanges, je retournerai au pays, reprendre l'exploitation viticole