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La pierre de sang - Livre 1: Gardienne de la vie
La pierre de sang - Livre 1: Gardienne de la vie
La pierre de sang - Livre 1: Gardienne de la vie
Livre électronique473 pages6 heures

La pierre de sang - Livre 1: Gardienne de la vie

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À propos de ce livre électronique

« Et dans l'un de ces arrimages, destiné aux coffres du palais, scintillait un objet. Un de ceux qui n'auraient jamais dû refaire surface. Rouge sang. » Monde d'Arcandias, vingt et un ans après la naissance de l'héritier du Royaume central, la Pierre de Sang réapparaît. Fascinante et dangereuse. À ce même moment, Annabelle entame ses premiers pas au sein de la Guilde des Algaëls, cette société secrète que l'on nomme aujourd'hui la Guilde des voleurs. Aux côtés d'Euridice, son insaisissable mentor, elle va se lancer dans une quête mortelle afin de restituer la Pierre à son propriétaire légitime. Beaucoup les aideront dans leur tâche, mais plus nombreux encore seront ceux qui tenteront de leur arracher ce bijou mythique aux pouvoirs incommensurables. Une question demeurera tout au long de cette aventure : qui la Pierre de Sang choisira-telle comme maître ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Floriane Impala - Âge : 29 ans Race : humaine (quoique…possède sans doute du sang de licorne) Lieu de vie : sous sa couette Aptitudes : Rousse, grande, maman de deux chats, cuisine les lasagnes comme personne, sait dire « petit bonhomme » en alsacien Expérience : dégustatrice de thé hors pairs Formation : études supérieures de gribouillage, maîtrise ultime du cliffhanger sadique Aime : pleurer devant un Disney Déteste : tout ce qui se rapporte de près ou de loin au verbe « ranger » Position sociale : princesse licorne badass
LangueFrançais
Date de sortie6 janv. 2020
ISBN9782374642734
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    Aperçu du livre

    La pierre de sang - Livre 1 - Floriane Impala

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    Floriane Impala

    La PIERRE de SANG

    Livre I

    Gardienne de la Vie

    © Floriane Impala, 2019

    © Éditions Sudarenes, 2019

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorise, aux termes des paragraphes 2 et 3 de l'article L. 122-5, d'une part, que les , et d'autre part, sous réserve de mentionner les noms de l'auteur et de la source, que les . Toute autre représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Couverture, carte, illustrations  : © Floriane Impala

    À ma famille,

    qui croit fort en ce bout de talent qui me permet de raconter des histoires.

    À mes proches,

    vous qui avez passé onze ans à entendre parler de ce roman, qui m’avez lue, encouragée, supportée.

    À mes lecteurs,

    qui ne cessent de me répéter que La PIERRE de SANG mérite sa place dans leur bibliothèque.

    img1.pngimg2.png

    Au commencement des temps

    « Conflits immuables bientôt renaîtront,

    Noircis des ombres d’un passé oublié.

    Que tous entendent ce funeste présage,

    Car nul au monde ne sera épargné  :

    Misia Lo Gaï est retrouvée. »

    « Lorsque les Races avides et vengeresses,

    D’un pas convaincu iront vers la paix,

    Les Compagnons à la gloire d’une promesse,

    Emprunteront la route de leur destinée  :

    Et la Pierre de Sang sera restituée. »

    « Mais s’il n’existe aucune volonté,

    Que se déchirent les membres des lignées,

    Le sang d’un prince devra alors couler,

    Pour que s’unissent les races,

    Qui lors ne point voulaient. »

    « Ce qui fut trois races n’en fera plus qu’une,

    Pour que l’espoir chasse ainsi le mauvais sort.

    Gardienne de la vie, Gardienne de la mort,

    liée aux fils Soleil, liée aux fils Lune. »

    Prophétie des Races

    Extrait du Journal égaré d’Orock El Aël

    Gardien et protecteur de la Pierre de Sang, premier Algaël

    CHAPITRE PREMIER – Les Promesses de l’aube

    « Ils ne peuvent être deux, tu le sais aussi bien que moi. »

    La phrase tournait en boucle dans l’esprit du jeune homme tandis qu’il s’engouffrait dans une pièce plus somptueuse que la précédente. Il ne s’attarda pas sur les lustres cristallins, les dorures raffinées et les chaises brodées devant lesquels il passa ; il connaissait tout cela par cœur. Heureusement pour lui, l’effusion qui les avait tous gardés éveillés une partie de la nuit s’était dissipée, vidant le petit salon. Il évita le vieux majordome qui piquait du nez devant l’imposante porte de la chambre à coucher de ses maîtres, puis jeta un coup d’œil à l’antique horloge patinée. Quatre heures. Il ne disposait plus de beaucoup de temps avant que le matin ne reprenne ses droits sur les ombres. Émergeant du salon, il resserra les pans de sa cape de voyage sur le fragile objet qu’il transportait. On l’avait enroulé dans un tissu en soie icarienne avant de le précipiter dans ses bras.

    « Ils ne peuvent être deux, tu le sais aussi bien que moi », lui avait-il confié, des larmes ourlant le blond de ses cils.

    Tandis qu’il pressait l’objet contre son torse, il se souvint de la peur gravée sur le visage de son interlocuteur ; une peur sourde, aiguë, qui avait assombri ses traits et barré son front de larges plis anxieux. Il lui avait tendu le paquet et les avait menacés  : lui, sa femme et son enfant à naître. Et malgré sa formation de soldat, malgré son cœur de guerrier, il avait eu mal. Car cet homme était son maître, mais plus que tout son ami. Du même âge, ils avaient créé des liens forts le jour où, jeune Lame Rouge, il avait pris son service à ses côtés, jurant de le protéger jusqu’à la mort. Quatre années balayées par une menace.

    Il serra les dents, refoula ses sentiments bafoués. Qu’importe le chantage – les Lames Rouges côtoyaient le risque comme l’ivrogne les bières à un sou – il le ferait, car il n’avait jamais failli à une seule de ses missions.

    Une question le taraudait pourtant, tandis qu’il longeait un nouveau couloir plongé dans la pénombre — un doute  : que faisait-il ici à jouer avec les ombres alors que Julia, sa femme – était sur le point de donner la vie à leur premier-né ?

    Ton devoir, susurra une voix dans sa tête.

    Parmi toutes les missions qu’on lui avait confiées, il avait le sentiment que celle-ci serait l’une des plus difficiles. À dire vrai, c’était peut-être bien la plus terrible de sa courte existence, car sa dévotion aveugle était, pour la première fois, mise à rude épreuve. À vingt-sept ans, il avait toujours accompli ses missions sans se poser de questions, mais, aujourd’hui, une appréhension grandissante l’assaillait. Sa conscience délitait sa fidélité.

    Il avait peur. Peur de son maître et peur de ce qu’il lui avait ordonné. Peur parce qu’il ne lui avait jamais demandé quelque chose qui contredisait ses idéaux. Mais le soldat savait que s’il refusait ou s’il échouait ce soir, dans quelques années le royaume serait à feu et à sang et qu’il ne pourrait que regretter ses actes passés.

    Une guerre de pouvoir ne reste jamais longtemps dans les couloirs d’un palais. Le peuple doit la mener et suivre ses têtes couronnées. Il meurt en héros, mais meurt tout de même. Les hommes se battent et leurs familles crèvent.

    Il rasa les murs et pria pour que les dieux lui pardonnent l’acte qu’il s’apprêtait à commettre. Il dévala l’escalier en bois grinçant des domestiques qui permettait d’éviter les larges couloirs et se retrouva dans la cuisine.

    On l’interpella.

    Son sang se glaça quand il aperçut l’homme rondelet qui lui faisait face. Il se morigéna intérieurement ; il n’avait pas songé qu’à cette heure-là le boulanger en chef serait déjà aux fourneaux depuis deux bonnes heures à faire cuire le pain et les viennoiseries du petit-déjeuner. Au moins, ses commis n’étaient-ils pas encore en cuisine. Cela limitait le nombre de témoins.

    — Capitaine ? lança-t-il surpris, frottant ses mains blanches de farine sur son tablier maculé. Que faites-vous ici de si bon matin ?

    Le soldat se mordit la langue. Si le boulanger soupçonnait quoi que ce soit, il devrait… Non, pas lui, pas un homme qu’il connaissait depuis des années et qu’il savait méritant et inoffensif.

    Le travailleur de l’aube s’avança vers lui, et malgré ses réticences à faire couler un sang innocent, la main du soldat se crispa sur la garde de son sabre. Pendant un douloureux instant, il envisagea de poser son paquet et de l’asphyxier. Pas de sang, pas de trace. Cela passerait pour un simple accident. Un cœur qui lâche trop tôt.

    — Ah, je sais ! s’exclama le boulanger, le faisant sursauter. Ne me dites rien ! Vous ne pouviez pas attendre plus longtemps pour goûter à mes fameux petits pains aux prunes. Tenez, justement, je viens d’en sortir une fournée. Ils sont tout chauds.

    Il emballa trois miches dans un torchon propre. Le soldat se figea ; s’il tendait une main, il dévoilerait son fardeau. Le boulanger remarqua son trouble du coin de l’œil.

    — Capitaine ? Vous allez bien ? demanda-t-il l’air inquiet, se grattant les quelques cheveux qui dépassaient du calot blanc qu’il portait de travers.

    — Parfaitement, Harold. Merci. Je m’en allais juste prendre l’air dans les jardins puis retrouver ma femme. La nuit a été longue.

    Le boulanger parut approuver. Et tandis qu’il se détournait pour attraper les viennoiseries, le capitaine en profita pour libérer une main sans dévoiler son fardeau.

    — Vous avez bien raison ! Les Jardins suspendus sont magnifiques à cette heure-là, croyez-en les dires d’un travailleur de l’aurore.

    Avec un sourire, il accepta les petits pains que le boulanger lui tendait et reprit son chemin. Le soulagement marquait ses traits et il se promit davantage de prudence à l’avenir.

    Une fois les portes de la cuisine passées, il devait remonter l’allée secondaire menant aux Jardins suspendus. De là, il emprunterait un transporteur afin de se rendre dans la Basse Arcandie, près des quais.

    Les lampes à lucioles illuminaient son chemin comme autant de chandelles vacillantes sur l’autel d’un sanctuaire. Elles éclairaient encore les jardins, mais les hommes chargés de nourrir les insectes et de retirer les sphères arriveraient d’ici une heure ou deux, traînant des pieds en poussant leurs grands chariots et rouspétant après la météo. Qu’elle soit bonne ou mauvaise. Ils débutaient toujours par les places les plus riches et les artères principales où se côtoyaient les demeures de la noblesse et des hauts bourgeois.

    Arcandie, la capitale du Royaume Central, ressemblait à un monumental champignon qui aurait poussé au milieu des eaux turquoise du lac Porianne. Son pied, mélange de roche calcaire et de terre compacte, surplombait le loch de plusieurs centaines de mètres et supportait un plateau rocailleux piqueté de plusieurs milliers de bâtisses blanches. Une coupole de verre en guise de chapeau jouait les dômes salvateurs. Dessous, la population aisée de la Haute Arcandie pullulait à un rythme frénétique. Des galeries suspendues permettaient d’échapper au brouhaha de la ville et de ses marchés turbulents, et d’admirer l’ensemble du royaume. Par temps clair, on apercevait même la frontière avec le pays Namïd, terre des Elfes. Des parois de la coupole translucide ruisselait une eau limpide et douce, s’écoulant sur le verre satiné dans un murmure enchanteur. Contraste délicat avec le bourdonnement interne. La fine cascade terminait son calme périple sans une éclaboussure dans le lac. Tout avait été créé à la perfection. Une perfection qui n’avait pas été poussée jusqu’à la Basse Arcandie, où les moins fortunés vivaient agglutinés autour du lac Porianne.

    Le guerrier accéléra la cadence, son souffle formant une fumée blanche devant ses lèvres. Ses bottes crissant sur les graviers, il arriva bientôt au kiosque en marbre sous lequel deux soldats veillaient sur le transporteur. Il s’avança, la tête haute tandis que les hommes prenaient la mesure de ses galons.

    — Capitaine Lucius Ill’Doch ? coassa le premier, un grand roux blafard à peine sorti de l’adolescence. Que nous vaut l’honneur ?

    Le jeune lissa sa cuirasse en acier comme s’il s’agissait d’un tissu froissé. Son camarade, plus âgé, lui donna un coup de coude et il se redressa, plus droit qu’une colonne alouanne.

    Lucius les toisa.

    — Bouclez-la, O’Kallan ! Entendre votre voix nasillarde de si bon matin m’insupporte. Activez le transporteur sur-le-champ, ou je jure que je vous envoie dans les mines de sel. Après deux semaines, vous serez si ratatiné par le soleil que votre propre mère ne vous reconnaîtra pas !

    Le cadet se rabougrit comme une prune trop mûre. Lucius avait conscience de sa rudesse, mais il devait détourner leur attention du but de sa descente en ville. Sa mission était trop délicate pour que deux soldats réguliers la fassent capoter. S’ils soupçonnaient quoi que ce soit, le capitaine devrait les faire taire. Une mesure qui se voudrait définitive.

    Une nouvelle fois, Lucius regretta que sa position l’oblige à fomenter des meurtres de sang-froid. Il était un soldat, un protecteur, il ne tuait pas par plaisir.

    Les oreilles en feu, les deux hommes s’exécutèrent. Détachant la pierre qu’il portait en pendentif, le second soldat – dont Lucius ignorait le nom – la déposa au sein du cercle magique et recula. Ce dernier s’illumina d’une lueur émeraude tandis qu’un bourdonnement résonnait sous le kiosque fleuri.

    Lucius s’avança et se positionna au centre des runes. Sous sa cape, le paquet sembla frémir. Il n’y avait plus une minute à perdre.

    Il jeta un regard aux hommes devant lui. Ils ne devaient pas connaître sa destination. Plus il y avait de témoins de sa sortie matinale, plus sa mission serait risquée. Et même s’il ne faisait qu’obéir à un ordre direct, sa tête serait la première à tomber si elle apprenait la vérité. 

    Le capitaine leur lança le torchon rempli de petits pains et aboya  :

    — En provenance immédiate de la cuisine, régalez-vous !

    Puis, profitant de leur inattention  :

    — Basse Arcandie. Cimetière des Oubliés, annonça-t-il à haute voix, comme il était coutume.

    Devant ses yeux, les deux gardes commencèrent à s’effacer tandis qu’un bourdonnement enflait dans son estomac. En une fraction de seconde, il disparut avec son paquet frémissant.

    Lucius glissa souplement entre les dalles mortuaires, les joues rougies par le froid matinal. Passer par le vieux cimetière avait été une excellente idée. Hormis un ivrogne en train de dégriser, affalé sur l’épitaphe de sa défunte épouse, deux spectres millénaires aux mânes à peine visibles et une famille de hérissons, il n’avait croisé personne. Quiconque à même de resituer sa présence à cette heure, dans la Basse Arcandie. Et si le boulanger ou les deux gardes du transporteur émettaient des soupçons lorsqu’il reviendrait, il s’en occuperait. Plus tard.

    Le capitaine passa les grilles rouillées du cimetière des Oubliés et s’engouffra dans une venelle adjacente, longeant les murs comme s’il voulait s’y fondre. Il ne put s’empêcher un pincement au cœur lorsqu’il nota l’insalubrité des hautes bâtisses qui composaient le quartier. Lucius savait que la Couronne faisait de son mieux pour enrayer la croissance de la Basse Arcandie, mais les malheureux s’étaient démultipliés et amassés au fil des siècles, défigurant la cité.

    Un tas de couvertures mitées émit un couinement puis un ronflement rauque lorsque la pointe de ses bottes buta dedans. D’un pas sur le côté, il le contourna et continua sa route sur les pavés boueux de la Basse Arcandie. Un cri lui fit lever les yeux vers une fenêtre éclairée à la bougie. Une femme hurlait sur son mari infidèle à grand renfort de vaisselle brisée.

    On le héla.

    Son regard, froid et concentré, se posa sur une silhouette adossée à une bâtisse tortueuse. Elle se détacha du mur et avança vers Lucius en ondulant du bassin. La femme à la mine maculée de crasse s’arrêta à quelques centimètres de lui, son sourire découvrant une dentition incomplète. Elle écarta les pans du plaid qui la dissimulait et dévoila un corps décharné enserré dans un corset en jute beige bien trop ample. Ses cheveux châtains, lourds de pluie, lui collaient au visage. Elle en éloigna une mèche de son front.

    — Trois sous la passe, mon mignon, lui susurra-t-elle d’une voix cassée. J’ai pas l’air comme ça, mais j’suis la meilleure putain des bas quartiers. Tu trouv’ras pas mieux à besogner.

    Il jura dans sa barbe et révisa son jugement  : les faubourgs glauques n’étaient pas l’endroit le plus discret pour se débarrasser d’un problème encombrant. Trop d’effervescence nocturne. Mais il était trop tard pour faire demi-tour ; il manquait de temps.

    La prostituée crocheta la nuque de Lucius de ses doigts squelettiques. D’un mouvement sec de ses larges épaules, il se dégagea.

    — La prostitution en dehors des Maisons de plaisir est illégale et sévèrement punie.

    Les yeux de la femme s’écarquillèrent et un éclair de peur traversa ses prunelles, avant d’être vite remplacé par une moue revêche. Mains sur les hanches, elle recula de deux pas.

    — Quoi ? T’es qui, toi ? Un soldat des mœurs ?

    Mais qu’est-ce qui lui avait pris ? S’il avait voulu se parer de discrétion, c’était raté.

    — T’as rien d’mieux à foutre que d’venir emmerder les travailleuses ? On gagne sa croûte comme on peut. Mais tu peux pas connaître ça, toi, avec tes bottes bien cirées et ta bouille bien proprette.

    Il s’excusa et la contourna, espérant ainsi mettre fin à l’étrange échange.

    — Ouais, c’est ça. Tu fais bien d’te tirer, peigne-cul. J’en connais dans les environs qui s’raient ravis de t’enl’ver cet air arrogant d’ta p’tite face d’enfant d’chienne !

    Les insultes gagnèrent en intensité et Lucius dut reconnaître qu’elle en maîtrisait un vaste répertoire. Malgré lui et en dépit de la situation, la commissure de ses lèvres se souleva en un sourire amusé. Il bifurqua dans une embouchure sur sa droite, une artère encore plus étroite, et le silence se fit. Ici, personne ne viendrait l’interrompre. Incertain, Lucius s’engagea vers le fond de la ruelle maussade et pressa plus étroitement le fragile paquet contre son cœur.

    Décidément, il n’arrivait pas à se faire une raison.

    Le capitaine frissonna. Il savait que le froid qui le rongeait jusqu’à l’os et le crachin dru qui gorgeait sa cape d’eau n’avaient rien à voir avec la sensation qui lui nouait les tripes. Non. Il avait peur. Tout simplement.

    — Une vie pour un millier, n’est-ce pas ? chuchota Lucius pour lui-même en s’avançant de nouveau.

    Il retint sa respiration et tenta d’ignorer l’haleine fétide de la venelle. S’approchant d’un angle, il déposa le paquet dans un ancien cageot à poissons éventré. Puis, d’un regard impénétrable, contempla un moment son colis. Ce dernier se tortilla.

    Il était arrivé au bout du sablier.

    D’un mouvement leste, il extirpa un large coutelas de sous son manteau. La note métallique de l’acier se répercuta mille fois entre les murs des bâtisses avant de se perdre à la discrétion des faubourgs de la Basse Arcandie. Il s’approcha du paquet, s’accroupit et arma son bras tremblant. Le temps se suspendit au fil de sa lame. Une éternité passa. Puis soudainement, ses pupilles ternes s’enrichirent d’une nouvelle et pure détermination.

    — Non, j’ai vu trop de sang couler… Tu ne mérites pas ça. Personne ne le mérite.

    Sa voix semblait trop douce pour son imposante carrure.

    Avec des gestes lents, il rengaina, sa décision prise. Il ne le tuerait pas. Cela contrecarrait les ordres, mais il pourrait vivre avec. Personne ne saurait.

    — Je te laisse une chance, soupira-t-il, las. Quelqu’un te trouvera peut-être.

    L’image de la maigre prostituée s’imposa à lui. Il grimaça.

    Mais j’en doute, ajouta-t-il pour lui-même.

    Il se détourna, bien décidé à repartir auprès des siens… et se figea quelques mètres plus loin. Un gémissement suraigu et plaintif venait de crisser depuis le paquet. Il ne fléchit pas et continua son chemin. Focalisé sur le bruit de ses semelles crevant la boue, il atteignit l’entrée de la ruelle. Mais un nouveau cri, plus triste, plus torturé, lui parvint. Fermant ses paupières, il plaça ses doigts sur ses tempes qui battaient à tout rompre. Ce n’était pas pour ça qu’il avait prêté allégeance ! Comment la morale s’accommodait-elle de ça, hein ? Comment pouvait-on laisser mourir un…

    Un début de sanglot coupa net le fil de ses pensées.

    Lucius rebroussa chemin, se hâtant afin de rejoindre la couverture bleue. Il s’en saisit et souleva le tissu brodé. Un minuscule visage, aux joues roses, trempées par le chagrin, apparut sous ses yeux attendris. Deux immenses billes d’un marron très clair le couvaient comme si elles l’avaient toujours connu.

    Lucius savait d’expérience que la majorité des nouveau-nés étaient somnolents et qu’au début de leur vie, ils n’ouvraient les yeux que par courtes périodes. Alors pourquoi ce bébé-ci le fixait-il de façon si frontale ?

    — Ne me regarde pas comme ça, gamin ! gronda-t-il, le doigt pointé sur un nourrisson.

    Celui-ci lui offrit un rictus édenté, le dévisageant de plus belle. Apparemment, ses menaces n’avaient rien de bien terrifiant.

    Il sourit.

    — Non, je ne peux pas. Si je t’emmène…

    Les prunelles du nouveau-né se voilèrent soudain, son petit menton se mettant à frémir.

    — Non, chut ! Ne pleure pas, chut, calme-toi, petit homme, le berça-t-il.

    Les larmes refluèrent, et le sourire du capitaine se déploya plus largement.

    — Quel démon es-tu pour réussir à m’amadouer de la sorte ?

    Le bébé gazouilla et des bulles de salive éclatèrent sur son menton.

    — Toi, tu vas plaire à Ju…

    Le roulis d’une charrette de colporteur l’interrompit. Les rumeurs du jour s’étendaient et quelques individus passaient devant la petite rue, sans toutefois s’y engouffrer. Mais cela ne tarderait pas. Les filles de plaisir qui travaillaient le jour pourraient aisément trouver la ruelle à leur goût, comme leurs compagnes de la nuit.

    Déjà, une flaque de soleil rouge ensanglantait l’horizon, parant l’eau du lac d’un voile incandescent. La Basse Arcandie s’éveillait, comme toujours une heure avant le haut de la cité. Les boutiques ouvraient leurs vitrines, les femmes leurs volets, et les hommes ronchonnaient, se coupant avec leurs rasoirs. La fumée des petits-déjeuners s’échappait des cheminées et allait chatouiller les narines des rares passants emmitonnés dans leurs capes, leurs gants et leurs bonnets.

    Dans la baie, sept impressionnants trois-mâts dansaient mollement au gré de la bise et des ondulations du courant. Autour d’eux, une multitude de petits bateaux suivaient en cadence ce mouvement hypnotique orchestré par les dieux en une céleste symphonie. Sur les quais, deux gardes royaux surveillaient habituellement les allées et venues des chargements et déchargements des voiliers. Mais à cette heure matinale, ils somnolaient entre deux inspections. Certains négociants avaient navigué toute la nuit pour arriver à l’aube et espérer dégoter les quelques places de choix que l’on trouvait sur le port. Ces bateaux marchands, tous plus lestés les uns que les autres, regorgeaient de tissus d’exception dont raffolait la Cour, d’épices aux couleurs éclatantes, d’huiles parfumées, de lames fines et ouvragées, de vaisselle fragile, de bijoux et de pierres précieuses. Le lot quotidien des charrettes de déchargement.

    Et dans l’un de ces arrimages, destiné aux coffres du palais, scintillait un objet. Un de ceux qui n’auraient jamais dû refaire surface. Rouge sang.

    Lucius récupéra le nourrisson.

    — Bon, risqua-t-il dans un soupir, je suppose qu’il ne me reste qu’une seule chose à faire. Geltamoz sera sûrement très heureux d’avoir un frère né le même jour que lui. Et toi ?

    Le bébé lui attrapa le pouce et le mordilla de ses gencives édentées.

    — Je deviens fou, je parle à un marmot, soupira le capitaine, se passant la main sur le visage. D’accord, tu viens avec moi. Tu promets d’être sage ?

    Le bébé bâilla et ferma les yeux, peu concerné.

    Avec d’infinies précautions, Lucius le cacha de nouveau sous sa cape. Au loin, il entendit la voix magiquement amplifiée d’un messager  :

    « Notre prince est né ce matin. Longue vie à la famille royale, puisse-t-elle toujours veiller sur nous et sur le Royaume Central. »

    — Bien, soupira Lucius. Soit c’est la plus grosse erreur de ma vie, soit son plus beau jour.

    Il devait faire vite pour rentrer chez lui, là-bas, sous la bulle de la Haute Arcandie, et le transporteur le plus proche se trouvait à une bonne demi-heure de marche.

    Hors d’haleine, Lucius arriva enfin devant la bâtisse blanche. Posant une main sur la porte, il se plia en deux afin de reprendre son souffle. Un cri étouffé derrière le bois échardé lui arracha un sursaut.

    — Julia !

    Il força l’entrée avec une telle violence que l’un des gonds s’arracha dans un fracas assourdissant. Le bébé qui s’était endormi frémit, faillit se réveiller, mais les périples de la nuit l’avaient harassé et il se contenta d’un faible babillement.

    Lucius avala les marches de l’escalier menant à l’étage. Il ouvrit la porte de la chambre, le cœur battant, et s’immobilisa, horrifié.

    Julia était allongée dans le lit conjugal aux draps blancs maculés de sang. De part et d’autre de la couche, Martial et Eyvie se tordaient les mains, essayant par des mots doux de soigner l’âme meurtrie de la jeune femme. Elle pleurait et gémissait, un petit être inerte posé sur sa poitrine. Elle lui caressait la joue, en le berçant. Quand elle vit son mari dans l’encadrement de la porte, ses sanglots redoublèrent  :

    — Il est mort, Lucius, notre fils est mort ! Je n’ai pas été à la hauteur ! Je suis une mauvaise femme, une mauvaise mère ! s’étrangla-t-elle, inconsolable.

    Lucius regarda le visage ravagé de Julia. Des larmes formaient de délicats sillons humides le long de ses joues, ses paupières battantes gonflées par le chagrin ; de l’écume recouvrait sa peau d’une fine pellicule, signe de l’effort qu’avait dû fournir la jeune femme pour enfanter. Et tout ça pour quoi ?

    Les mains tremblantes de Lucius faillirent lâcher leur précieuse cargaison. Un gouffre venait de se creuser dans son âme. Immobile, il lui sembla que la scène irréelle était une pièce de théâtre dont il n’était qu’un spectateur. Que faisait-il là ? Qui étaient ces gens ? Était-ce Julia, allongée sur ce lit ? Son amour ? Sa vie ? Hagard, il regardait autour de lui sans comprendre, distançant une réalité trop douloureuse. Anesthésié, il ne sentait plus les pulsations frénétiques de son cœur. Il resta longtemps sans bouger. Puis un frisson glacé parcourut sa moelle épinière et ses joues s’inondèrent soudain. Le réel reprit ses droits. Ses entrailles se déchirèrent. Immobile, encore sur le seuil de la chambre, il fit tomber son masque de guerrier et pleura. Comme un père.

    À son souvenir, adulte, il n’avait jamais pleuré. Une Lame ne pleurait pas. Mais ce soir… ce soir, il avait perdu son fils. Sa chair.

    — Je n’ai pas été assez forte, couina Julia, le regard dément, mêlant ses sanglots à ceux de son mari.

    L’air de la chambre à coucher, saturé de culpabilité, était presque irrespirable. Martial et Eyvie se reprochaient le décès du nourrisson. Lucius se mordit l’intérieur de la joue. Il ferma les yeux, vida son esprit de ses émotions et les remplaça par des pensées froides et distantes. Il pourrait bien mourir de chagrin plus tard. Pour le moment, il devait être fort pour deux afin d’accomplir son devoir. Adoptant de nouveau son armure de Lame Rouge impénétrable –, il posa son regard sur le fantôme qui paraissait plus désincarné qu’à son habitude.

    — Cet enfant est mort-né, Lucius, murmura Martial. Elle n’y est pour rien, mais elle ne veut rien entendre.

    Le spectre avait répondu à la question muette que son ami lui avait posée d’un simple regard.

    — Cela fait des heures que j’essaie de lui prendre l’enfant, renchérit Eyvie, paniquée.

    L’ogresse tremblait et tentait de se réconforter en entourant sa poitrine de ses bras. Une main sur l’épaule, Lucius la calma. Il caressa de sa paume tendre la joue à la fourrure soyeuse d’Eyvie et lui murmura d’une voix veloutée  :

    — Merci d’avoir été là.

    L’ogresse hocha sobrement la tête et lâcha un soupir, un poids s’ôtant de ses musculeuses épaules. Lucius s’approcha ensuite de sa femme, s’assit sur le lit et lui baisa tendrement le front. Il lui sourit faiblement et cela suffit à apaiser – un peu – son cœur et son esprit. Les sourires de Lucius avaient ce don.

    — Ne te reproche rien, Julia, la pria-t-il, doux et rassurant.

    Il prit le nourrisson inerte dans son bras libre, l’autre tenant toujours le bébé endormi sous sa cape. Le teint cireux de l’enfant faisait ressortir les traces rougeâtres de placenta. Ses paupières mi-closes ne projetaient aucune lumière. De sa bouche entrouverte, on apercevait une langue sèche et rugueuse. Lucius eut du mal à imaginer que le poids qu’il tenait dans ses bras avait pu être animé. C’est comme si la vie de l’enfant sous sa cape – il le sentait respirer contre sa poitrine – avait été extraite de son propre fils. Il l’embrassa pour lui dire adieu et le donna à Eyvie en lui murmurant quelques mots à l’oreille. Ils conversèrent à voix basse avant que, dans un hochement de tête résigné et les dents serrées, elle ne s’éclipsât dans l’escalier. La porte d’entrée claqua.

    Julia roula des yeux affolés.

    — Où est mon bébé ?!

    — Fais-moi confiance, mon amour.

    — Lucius…, gémit-elle à bout de force et de raison. Mon bébé a disparu !

    La voix de Julia commençait à atteindre des notes plus aiguës. Elle lâchait prise. Son mari empoigna ses deux mains tremblantes dans une des siennes et les caressa du bout du pouce en lui chantonnant une berceuse.

    — Mon… bébé.

    Julia se calma après de longues minutes et Lucius stoppa sa chanson. Un silence de mort enveloppa soudain la chambre. Martial tira sa révérence et disparut en passant à travers un mur, laissant le couple seul.

    Lucius caressa le visage de sa femme, séchant ses joues trempées.

    — Mon amour, c’est une épreuve terrible que nous devons endurer. Mais je te jure que nous la surmonterons, lui souffla-t-il avec tendresse.

    — Mais je suis une mauvaise mère.

    — Je t’interdis de penser ça de toi. Maintenant, sois forte. Tu dois faire ton deuil le plus vite possible, ma chérie. Reprendre tes esprits parce que j’ai là un être qui a besoin de toi ! Qui a besoin d’une mère. Sèche tes larmes et regarde.

    — Comment peux-tu dire ça !? Nous venons de perdre notre…

    Lucius sortit le nourrisson de sous sa cape et les dernières objections de sa femme moururent à la vue de ses petites joues roses. Les yeux de Julia s’écarquillèrent de surprise. Elle ouvrit la bouche, la referma.

    — Il s’appellera Geltamoz, comme l’enfant qui aurait dû être son frère. (Il haussa brusquement la voix.) Mais jamais, tu m’entends, jamais personne ne doit savoir que cet enfant n’est pas né de toi ! C’est notre fils à présent, et jamais il ne sera traité autrement qu’un enfant de notre sang ! Aime-le comme une mère et protège-le comme une louve. Eyvie est allée enterrer notre fils dans un lieu où personne ne le retrouvera. Ni toi ni moi. Nous ne pouvons regarder en arrière. Je suis désolé, mon amour, mais si je veux protéger ce petit, il doit en être ainsi. Aussi cruel que cela puisse paraître. Cet enfant-là doit le remplacer aux yeux de tous. Même aux tiens. Tu as mis au monde un magnifique petit garçon cette nuit, mon doux amour. Et il est plein de vie.

    Julia restait toujours sans voix, incapable d’articuler le moindre mot. Submergée par des émotions contradictoires. Puis elle coassa  :

    — Gelt ?

    Lucius hocha la tête.

    Elle ne comprenait pas ; qui aurait pu comprendre ? Elle regardait l’enfant qui dormait silencieusement dans les bras de son mari, elle le regardait avec les yeux et la tendresse d’une mère. Et peut-être avec des restes de folie.

    Comme son propre enfant, elle le prit délicatement et le posa sur son sein. Alerté par l’odeur du lait, le nourrisson se réveilla et but le présent que lui offrait une nouvelle mère. Sa mère.

    — Ma reine ?

    Une voix féminine au timbre grave la tira de sa léthargie. Elle entrouvrit les paupières et battit des cils afin de dissiper le voile qui troublait sa vision. Puis gémit. Pourquoi son corps endolori lui donnait-il la désagréable impression de s’être fait rouler dessus par une caravane entière ?

    — C’est un garçon, Votre Grâce. Un magnifique héritier pour le Royaume Central.

    La reine Louve ouvrit tout à fait les yeux, sa douleur oubliée. Elle sourit faiblement à la sage-femme qui lui tendait son fils. Elle tenta de se redresser sur les coudes, mais, épuisée, s’affaissa sur ses oreillers.

    — Ne bouge pas, ma Louve. Je te l’apporte.

    Le roi Drake prit le nourrisson des bras de la servante et d’un mouvement de tête lui fit signe de sortir de la chambre. Lorsque la porte fut close, il s’assit sur le lit et se pencha afin que la reine puisse admirer la petite touffe de cheveux bruns qui dépassait de la couverture icarienne bleue brodée d’or.

    La jeune femme caressa la tête de son fils et un sourire extasié illumina ses traits tirés. Pourtant, un doute l’assaillait.

    — Drake ?

    — Oui, ma Louve ?

    — Quelle heure est-il ? Pourquoi suis-je si confuse ? Je ne me souviens de rien. Sauf… de la douleur.

    — Il est huit heures du matin. Tu as dormi pendant près de cinq heures. Les accoucheuses ont dû te lancer un sort de sommeil. Le travail était trop long. L’enfant se présentait par le siège et tu ne cessais de perdre du sang. Si elles n’avaient pas réagi si vite, vous seriez morts tous les deux. (Les mains du roi se mirent à trembler.) J’ai eu si peur, ma Louve ! Je n’aurais pas supporté de te perdre. Jamais…

    La reine plongea ses beaux yeux d’un brun sombre – yeux de magicienne – dans ceux, verts, de son époux. Ses doigts quittèrent le visage de son fils pour se poser sur celui de son consort. Dans son sourire, elle mit toute l’affection qu’elle ressentait pour lui. Ils avaient eu de la chance  : les mariages d’amour étaient aussi rares parmi la royauté que des roses de cristal. Elle ne l’avait pas choisi, la politique l’avait fait à sa place, car Drake Selenn O’Elh était le fils d’un dissident qui s’opposait depuis des années à la montée sur le trône de sa famille. Leur mariage était une manœuvre ; il avait permis au Royaume Central de retrouver un certain équilibre interne.

    Si la jeune souveraine était sincère avec elle-même, elle ne pouvait nier qu’elle en aimât encore un autre. Mais Drake avait réussi à lui prouver son affection au fil des mois, et elle n’avait pu se convaincre de le haïr plus longtemps. En son for intérieur, elle espérait que son héritier ne lui tiendrait pas rigueur de lui faire subir le même sort, puisque le nourrisson n’avait déjà plus le choix de son épouse. Selon les prédictions des sorcières, Silla Mhùron, l’actuel héritier d’Ombria, aurait une fille d’ici quelques années. Et il reviendrait à son fils de l’épouser.

    Il était un cadeau du ciel en ces âges sombres que connaissaient les trois Royaumes  : Central, Alouan, Ombria. Les alliances s’égrainaient avec le temps et il fallait les conforter par des unions solides avant que de stupides rivalités entre royautés ne les fassent voler en éclats. Tous les espoirs d’un peuple reposaient dorénavant sur les épaules de ce petit être, fiancé dès sa naissance.

    Le roi consort glissa l’enfant emmailloté dans les bras blancs de sa femme qui l’accueillit avec délectation. Le bébé battit des cils et deux iris couleur cannelle se posèrent sur elle. Des yeux qui

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