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La boîte de Pandore
La boîte de Pandore
La boîte de Pandore
Livre électronique611 pages4 heures

La boîte de Pandore

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À propos de ce livre électronique

La bataille se dessine à l’horizon. Seth Langlois et ses amis s’y préparent lorsque Craig Wilson leur donnent une ultime mission: trouver les Bannis afin de former une armée dans l’espoir de vaincre la Secte des Cauchemars. Tout en étant le symbole de la Résistance, Seth devra trouver sa voie et découvrir qui il est réellement, car seulement ainsi pourra-t-il mettre un frein à ses ennemis et les menaces qui pèsent sur le monde entier.
LangueFrançais
Date de sortie3 nov. 2016
ISBN9782897674724
La boîte de Pandore

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    Aperçu du livre

    La boîte de Pandore - M. A. Pronossard

    guider.

    Le Conseil des Sanctuaires de Monstres

    L e tonnerre gronda et un éclair zébra le ciel. Ce court moment de clarté permit d’apercevoir une silhouette encapuchonnée qui courait sous la pluie battante, de la boue éclaboussant ses pas. La silhouette se dirigeait à toute allure vers une bâtisse non loin d’elle. Un autre éclat de lumière et un coup de tonnerre. Grâce à la lumière, il fut possible de distinguer un écriteau sur le bâtiment : « L’auberge Freak ». Elle arrivait à destination.

    La porte claqua dans son dos lorsque sa force, combinée avec celle du vent, la referma. Toutes les têtes se tournèrent vers la nouvelle venue d’un même mouvement, comme si elle était porteuse d’une mauvaise nouvelle. Sur chaque visage, il était possible de lire la crainte, mais surtout de l’inquiétude.

    Des mains délicates repoussèrent le capuchon par en arrière, révélant de longs cheveux foncés ainsi qu’un joli visage aux yeux mauves et aux oreilles pointues.

    Quand tout le monde reconnut Alicia Baldwin, il y eut un soupir de soulagement. La nouvelle venue retira complètement sa cape et balaya la foule du regard. Il ne fut pas difficile de trouver ceux à qui elle devait parler. Ils se trouvaient tous là, près du bar, assis ensemble.

    La secrétaire de Magistra contourna quelques clients avant de prendre une chaise à la table du trio.

    — Bonjour, dit-elle.

    Pachyderme Groin l’observait en quête de plus d’informations, car il savait pertinemment qu’elle n’aurait pas tout fait ce trajet sous la pluie pour leur parler de météo. La trompe de l’homme-éléphant se balançait légèrement de gauche à droite, mouvement presque hypnotisant.

    Fay, un peu penchée vers l’avant, fixait Alicia avec intensité. Comme toujours, la femme trouvait cette jeune fille merveilleuse. Ses longs cheveux cascadaient sur ses épaules et ses yeux, maintenant mauves, n’enlevaient rien à son charme. Même que ses ailes de Fée dans son dos semblaient lui en rajouter.

    Mais celui qui comptait le plus pour la secrétaire était Seth Langlois. Comme toujours depuis quelque temps, l’Exception était perdu dans ses sombres pensées. Ses yeux brun chocolat étaient fixés sur un point à quelques centimètres au-dessus d’Alicia.

    — Bonjour, répondit Pachy. Que nous vaut votre visite, madame Baldwin.

    — Je dois m’entretenir avec Seth.

    En entendant son nom, le regard du jeune homme trouva celui d’Alicia. Il ne dit rien pendant un moment, puis :

    — Voulez-vous qu’on aille dans ma chambre pour être plus discrets ?

    — Oui.

    Le jeune homme se leva, suivi de la femme. Fay et Pachy les toisaient envieusement. Quand Seth remarqua qu’ils restaient sur place, il se tourna vers eux.

    — Venez, vous aussi.

    — Peut-on ? demanda timidement la Fée en direction d’Alicia.

    Cette dernière sembla réfléchir un moment avant de dire :

    — Comme je me doute que Seth vous racontera tout, pourquoi pas ?

    Sans plus attendre, les deux autres montèrent l’escalier en colimaçon en suivant de près Seth et Alicia. Le jeune homme ouvrit la porte de sa chambre, toujours marquée au Crayon de Promesse. Il attendit que tout le monde soit entré avant de la refermer.

    — Des nouvelles d’Alan ? demanda immédiatement le Monstre qui n’en est pas un.

    Alicia ferma les yeux et hocha la tête.

    — J’ai bien peur que non.

    Elle les rouvrit et fixa Seth.

    — Il a complètement disparu. Walter Drainville a finalement réussi à ouvrir le Miroir-Cavité, mais il n’était plus à l’intérieur. Il a utilisé un autre miroir pour s’échapper.

    — Je croyais que lorsque le Miroir-Cavité était actif, personne d’autre ne pouvait l’utiliser sauf celui qui l’avait allumé, souligna Fay.

    — C’est possible, expliqua Pachy, puisqu’Alan n’était plus à l’intérieur. Il a sans doute retenu la magie le plus longtemps possible via son propre miroir, mais tout a fini par lâcher, et la magie s’est rétablie.

    Un coup de tonnerre fit trembler l’auberge.

    — Mais avez-vous une piste ? s’enquit Seth.

    — Plusieurs, oui, souffla Alicia en prenant place sur la seule chaise de la chambre.

    En voyant la secrétaire s’asseoir, les trois amis se laissèrent tomber sur le lit.

    — L’ennui, continua Alicia, c’est que nous ne pouvons presque rien faire et qu’il nous est impossible d’envoyer un membre de notre sécurité en mission de reconnaissance pour localiser Alan.

    — Pourquoi ?

    — À cause du Conseil.

    — Il l’a interdit ?!

    — Non, pas du tout ! Tout simplement parce que, pour agir, il faut avoir la signature de tous les Gardiens des Sanctuaires. Comme vous le savez, cinq des sept sont tombés. Il ne reste plus que Prodige et Monstrum.

    — C’est idiot, protesta Fay. La Secte des Cauchemars est de retour ! Nous devons agir ou Alan finira la tâche de sa mère !

    Seth eut un frisson au même moment où un éclair éclata dans le ciel, vite ponctué par le grondement habituel.

    — Ce n’est pas si simple, Fay, expliqua Alicia. Si nous agissons sans l’accord du Conseil, les autres Sanctuaires pourront riposter et, compte tenu de la loi, Flint, Flant et Gurt ne pourraient pas les empêcher d’entrer.

    La secrétaire soupira et fixa le bout de ses chaussures.

    — De toute manière, poursuivit-elle, Wilson croit que le Conseil ne tiendra plus longtemps. Nous apprenons sans cesse que telle ou telle Réserve tombe sous l’influence de la Secte. Quand Prodige ou Monstrum sera vaincu, le Conseil sera détruit car un seul Sanctuaire ne peut prendre de décisions.

    — Et que se passera-t-il une fois le Conseil détruit ?

    Alicia haussa les épaules.

    — Je crois que ça ne changera rien. Toutefois, la Secte n’aura plus à se soucier des lois et pourra faire tout ce qui lui tente, même si elle le fait déjà.

    — A-t-elle attaqué ailleurs depuis qu’Alan a dévoilé son identité ? questionna Pachy.

    — Non. Wilson ne cesse de répéter que ce n’est qu’une question de temps et que la cible numéro un d’Alan doit être Monstrum. Après tout, c’est le Sanctuaire le plus important, et Seth y est…

    — Je croyais qu’il n’avait plus peur de moi !

    — Peut-être que c’est vrai, mais il ne ratera pas l’occasion de te tuer si celle-ci se présente, crois-moi.

    Seth s’apprêtait à riposter quand Alicia leva une main pour imposer le silence.

    — Mon but premier en venant ici n’était pas de discuter d’Alan, dit-elle. Seth, je voulais t’informer que tu dois te rendre chez Wilson, samedi, à 20 h.

    — Pourquoi ? fit l’homme-éléphant.

    — Le Conseil des Sanctuaires de Monstres, devina Seth en fixant la secrétaire qui approuvait vigoureusement de la tête.

    — Seth doit allez chez Wilson pour…, commença Pachy. Attendez, je croyais que les réunions se déroulaient à la bibliothèque !

    — Habituellement, oui, convint Alicia. Par contre, étant donné la situation, Wilson a conclu que ce serait plus prudent de faire l’entretien via les miroirs. Il va sans dire qu’Ewilan et les Gardiens des Réserves ont approuvé.

    — Mais Alan ne pourrait-il pas intercepter cette discussion ? fit valoir Pachy.

    — C’est un risque à prendre. De toute manière, il se peut que certains dirigeants des Réserves soient déjà sous l’emprise de la Secte des Cauchemars et agissent sous couverture pour en apprendre plus sur nos défenses. Donc, d’une manière ou d’une autre, Alan aura droit à un compte rendu détaillé de l’entretien.

    — Jamais je n’aurais cru…, souffla Fay.

    Elle soupira, se frotta le front et ferma les yeux. Tous l’observèrent un moment, et Seth cru voir le désespoir assombrir les traits de son visage.

    — Je veux dire, reprit-elle, qu’il n’a jamais démontré une quelconque attirance vers le Mal. Jamais il ne m’était venu à l’esprit qu’Alan puisse être le Roi des Cauchemars…

    Seth comprenait très bien ce qu’elle vivait. Lui non plus ne l’avait pas vu venir. Son meilleur ami s’était transformé en son pire ennemi en l’espace de quelques secondes… du moins, de son point de vue à lui. Puisqu’Alan savait très bien ce qu’il préparait depuis le début.

    Alicia se pencha sur sa chaise et posa une main sur la jambe de Fay.

    — Personne n’aurait pu le prévoir, assura-t-elle. Alan avait usé de son pouvoir de métamorphe pour nous tromper, et rien ne peut percer cette magie.

    — Il va sans doute la réutiliser, avança Seth, les dents serrées.

    — C’est une éventualité que Wilson craint. C’est pourquoi plus personne n’entre dans le Sanctuaire.

    Alicia retira sa paume de la jambe de Fay et fixa Seth pendant quelques secondes. Ensuite, elle se leva, se frotta les mains et dit :

    — Très bien. J’ai quelques petites choses à préparer. Si jamais il y a quelque chose, n’hésitez pas à venir me voir.

    Elle attendit pour s’assurer qu’aucun Monstre ne lui posait de questions avant de se diriger vers la sortie. Alors qu’elle était sur le seuil, Seth l’interpella.

    — Attendez ! L’espion… en savez-vous plus ?

    Alicia soupira.

    — Hélas, non. Tout ce que nous savons, c’est qu’il est ici, à Monstrum, et agit selon les règles du Roi. On dirait une vraie partie d’échecs !

    — Dans ce cas, murmura Seth aux deux autres alors qu’Alicia refermait la porte derrière elle, nous devons placer nos pions aux bons endroits.

    Fay fronça les sourcils et Pachyderme ouvrit grand les yeux.

    — Non, Seth ! fit-il. Jure-moi que tu ne penses pas à…

    — Me venger d’Alan ? Bien sûr que oui !

    — Tu n’y arriveras pas ! C’est le Roi des Cauchemars !

    — Il a tué Eva !

    — Des gens seront mandatés pour l’arrêter ! Je sais que tu prends les choses d’un point de vue personnel à cause de ce qu’il t’a fait, mais cela ne te concerne pas uniquement. Nous sommes tous en danger à cause de lui !

    Seth ne répondit pas.

    *

    Le désir de vengeance de Seth fut loin de s’estomper au cours des jours suivants. Au contraire, l’approche du Conseil ne faisait qu’enflammer ce projet qui l’obsédait de plus en plus, malgré les avertissements que Pachy lui fournissait en quantité phénoménale. Alan était plus puissant qu’un simple étudiant, répétait-il toujours, et Seth ne pouvait pas l’arrêter.

    Chaque soir, désormais, le trio se réunissait dans la chambre de l’Exception et résumait ce que le Monstre qui n’en est pas un devait demander à Wilson ; soit à la fin du Conseil soit au début.

    Bien entendu, au grand désespoir de l’homme-éléphant, Seth revenait sans cesse sur le cas d’Alan. Las, Pachy se laissait toujours tomber sur la chaise et ne prenait plus part à la discussion tant qu’ils ne changeaient pas de sujet. Ce qui pouvait parfois être long puisque la Fée prenait position avec son ami.

    — Je crois également que nous devons faire quelque chose, finit-elle pas conclure le mercredi soir. Alan s’en est trop bien tiré, il a des comptes à nous rendre.

    Seth soupçonnait que la haine qui animait les yeux de Fay venait du fait qu’elle avait déjà aimé Alan. L’idée d’avoir pu l’embrasser et d’être manipulée par ce traître devait être assez répugnante pour nourrir son envie de vengeance.

    Pachy n’osait plus les contredire, mais leur assurait toujours qu’Alan ne ferait qu’une bouchée d’eux et que Wilson ne les laisserait rien tenter, qu’il leur dirait que le Conseil des Sanctuaires s’occupait de la situation.

    Parallèlement, Seth comprit qu’il ne devait pas non plus argumenter quant à la position de l’homme-éléphant. Bien sûr, ce dernier affirmait espérer voir la Secte des Cauchemars détruite une bonne fois pour toutes.

    Toutefois, il n’y avait pas que le trio qui s’inquiétait de la Secte des Cauchemars. Plusieurs Monstres se barricadaient chez eux et sortaient de plus en plus rarement de leur maison.

    Le reste de la semaine passa plus vite que Seth ne s’y attendait. Bientôt arriva samedi, et le jeune homme prit conscience qu’il n’était pas du tout prêt mentalement pour le Conseil.

    — Tout va très bien aller, tenta de le rassurer Pachy au souper. Tu ne cours aucun danger.

    — Je n’ai pas peur qu’il m’arrive quelque chose, protesta Seth.

    — Dans ce cas, que crains-tu ?

    Il ouvrit la bouche puis la referma. Son regard croisa celui de Fay, et il sut qu’elle comprenait la bataille qui se livrait intérieurement en lui. Depuis l’aventure avec Alan, Seth était en proie à un indéniable désir de vengeance. Toutefois, ce soir, il comptait passer à l’action, et ça s’avérait beaucoup plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Il y avait un énorme pas entre le vouloir et le faire ; il en prenait maintenant conscience. Puis, le Roi des Cauchemars avait été son meilleur ami pendant quatre ans.

    — Tu ne mérites pas ce qui t’arrive, finit par dire Fay, les yeux toujours braqués sur ceux de Seth. Tout ça est de sa faute. Tu dois agir ainsi. Nous devons l’empêcher d’amener la Secte des Cauchemars à l’apogée de ses pouvoirs.

    L’Exception acquiesça. Pachy lui tapa un peu dans le dos comme pour l’encourager.

    L’heure fatidique arriva enfin, et le Monstre qui n’en est pas un quitta l’auberge, l’estomac noué après les derniers messages d’espoir de ses amis. Tous deux lui assurèrent qu’ils resteraient éveillés jusqu’à son retour, peu importe l’heure à laquelle le Conseil se terminerait, et qu’ils attendraient son récit détaillé avant d’aller se coucher.

    Seth marchait lentement dans le dédale de rues du Sanctuaire. Auparavant, il n’était pas rare de voir les enfants courir ici et là, rire et crier autant qu’ils le voulaient… mais aujourd’hui, c’était différent. Les rues, désertes et froides, semblaient mener nulle part.

    Une porte s’ouvrit alors sur la gauche de Seth. Ce dernier sursauta et vit une personne sortir de sa demeure pour aller le rejoindre.

    — Salut, Seth.

    — Oh ! Salut, Emma. Tu vas bien ?

    La jeune fille eut un pâle sourire.

    — Moi, oui. Mais toi ? Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vus, et depuis que… enfin, tu sais quoi… je me demandais si tu allais…

    — Oui, je vais bien, merci, coupa Seth.

    Emma hocha lentement la tête. Un léger silence menaçait de s’installer, mais elle s’empressa de le détruire.

    — Que fais-tu dehors à une heure pareille ?

    — J’ai un rendez-vous avec Craig Wilson.

    — Ah, oui ! Alicia m’en a glissé un mot…

    Seth fronça les sourcils.

    — D’accord, admit Emma. Je l’ai surprise à en parler.

    Pour la première fois de la journée, il parvint à rire. Emma, heureuse de son succès, sourit plus joyeusement. Par contre, le jeune homme avait à peine arrêté de rigoler quand son sourire s’effaça, vite remplacé par ce qu’il interprétait comme un mélange de peur et d’appréhension

    — Est-ce vrai, Seth ?

    — Quoi ?

    — La guerre…

    — Je ne vois pas à quoi tu fais allusion, Emma…

    La jeune fille déglutit.

    — J’ai entendu des gens parler dans un restaurant… La peur règne partout. Tous croient qu’une bataille est sur le point d’éclater, que la Secte des Cauchemars est prête à tout pour accéder au pouvoir.

    Seth posa une main sur l’épaule d’Emma de manière à la fois solennelle et paternelle. Emma l’observait avec de grands yeux, comme si elle s’attendait à entendre l’ultime vérité.

    — Tout ce que je peux dire, fit Seth, c’est que la Secte des Cauchemars est bel et bien décidée à mener son objectif à terme et que nous devons absolument l’en empêcher. J’ignore si cela va nous entraîner dans une guerre… mais j’espère que non.

    La peur uniquement se lisait maintenant dans le visage du loup-garou. Seth la serra dans ses bras. Quand il se défit de son emprise, il tenta d’alléger un peu l’atmosphère.

    — Et toi, comment va ton livre ?

    — Mon livre ? Oh, oui ! J’ai presque terminé de le retravailler. D’ici un ou deux mois, je vais l’envoyer à une autre maison d’édition.

    — Génial.

    Seth regarda sa montre.

    — Ah, désolé Emma, mais je ne dois vraiment pas être en retard… on se reparle une autre fois.

    — Ouais, au revoir.

    Seth continua son chemin, perdu dans ses pensées. S’il avait dû être honnête avec Emma, il lui aurait sans doute dit que oui, une bataille se dessinait à l’horizon. Maintenant que l’identité d’Alan avait éclaté au grand jour, rien ni personne ne pouvait plus l’arrêter.

    Il gagna la maison de Wilson un peu trop rapidement à son goût. Il monta l’escalier et frappa à trois reprises sur la porte. Celle-ci s’ouvrit sur un vieil homme aux cheveux blancs et aux traits de singe. Quelque chose n’allait pas dans le visage de Craig, comme si ses rides étaient plus profondes que d’habitude ; l’Exception ne l’avait jamais vu aussi vieux.

    — Seth, je suis content de te voir. Entre.

    L’homme-singe laissa passer l’Exception et referma la porte derrière lui.

    — Dans la salle de séjour ? demanda Seth, habitué à cette recette.

    — Dans la salle de séjour, approuva Wilson.

    Le Monstre qui n’en est pas un longea le corridor à sa droite, celui qu’il avait affectueusement baptisé le « Couloir de la Mort » à cause de sa couleur terne. Il déboucha sur une salle remplie de bibliothèques pleines de livres, avec deux fauteuils en chintz et, sur un mur, se trouvait une dizaine de miroirs.

    — Personne ne m’a encore contacté, dit Wilson en faisant signe à Seth de s’asseoir sur l’une des chaises qui faisaient face aux miroirs. Ça ne devrait plus être très long.

    — Combien serons-nous ?

    — Sept Gardiens seront présents, en tout. Deux des Sanctuaires, Gillian et moi, ainsi que cinq des Réserves. Et toi. Et tu comprendras tout ce qu’ils diront même s’ils ne parlent pas notre langue. La magie des Miroirs est assez puissante pour traduire tout ce qu’ils diront.

    — Pourquoi teniez-vous à ce que je sois là ?

    — Tu es celui qui a le mieux connu Alan, Seth. Il va sans dire également que tu es celui qui a le plus souffert par sa faute.

    Wilson prit une pause. Seth l’observait en quête de plus d’explications qui, visiblement, ne venaient pas.

    — Je ne suis pas certain de comprendre, avoua-t-il.

    — Seth, s’il y a une personne qui peut convaincre les Réserves et les Sanctuaires de s’unir pour anéantir la Secte des Cauchemars, c’est bien toi.

    — Moi ?

    — Oui ! Tu es l’Exception, le Monstre qui n’en est pas un, celui qui a été trahi !

    — Je n’ai jamais voulu l’un ou l’autre de ces titres.

    — Je le sais ; c’est ce qui fait de toi un être exceptionnel ! Tu as accepté le lourd fardeau d’être ce que tu es et tu t’en es sorti indemne jusqu’à maintenant.

    — Et vous croyez que ça peut convaincre les Réserves et les Sanctuaires de…

    Mais le reste de la phrase de Seth fut noyée dans un sifflement mélodieux.

    — Miroir, miroir, dit Wilson, j’accepte la communication.

    Le reflet d’un visage apparut alors sur le miroir à droite complètement de la pièce. La femme avait de longs cheveux bruns et un visage émacié. Son sourire montrait des dents croches et jaunâtres. Ses grands yeux verts pouvaient presque faire peur.

    — Bonsoir, Sophia Ross.

    — Bonsoir, Craig Wilson. Et…

    Ses yeux s’agrandirent lorsqu’elle reconnut Seth.

    — Au nom des Monstres ! Est-ce bien Seth Langlois ?

    — En chair et en os, acquiesça Wilson. Et…

    Mais avant que Wilson ait pu dire autre chose, les autres miroirs s’illuminèrent, et d’autres visages apparurent. Seth reconnut facilement Ewilan avec ses cheveux foncés et ses lunettes rectangulaires. Elle lui sourit, et il lui rendit la pareille.

    Il y avait une autre femme. Elle était blonde et avait un long nez pointu. En écoutant Wilson, Seth sut qu’elle s’appelait Mackenzie Halliosa.

    Les trois autres Gardiens étaient des hommes. L’un d’entre eux, de petite taille, avait la peau noire. Il se nommait Archibald Bounda.

    L’autre, grand et mince, pouvait effrayer les gens avec son visage squelettique. On aurait dit qu’il n’avait que la peau sur les os. Il s’appelait Tim Mévrack.

    Le dernier avait les cheveux foncés et les yeux bleus. Seth remarqua son long nez lorsqu’il bougea la tête, s’exposant de profil au jeune homme. Son nom était Jarvis Tend.

    Cela faisait à peine quelques secondes que Wilson avait dit bonjour aux nouveaux venus qu’ils se mirent à parler tous en même temps en fixant le Monstre qui n’en est pas un, excepté Ewilan. Craig leva une main pour imposer le silence.

    — Oui, répéta Wilson, c’est bien Seth Langlois.

    — Le Seth Langlois ? demanda Archibald avec un accent fort prononcé dont le jeune homme ignorait la provenance.

    — Le seul et l’unique, renchérit Wilson.

    Il y eut des murmures enthousiastes. L’Exception, un peu exaspéré, leva la tête en direction d’Ewilan qui lui souriait toujours.

    — Je suis heureuse de te revoir, Seth Langlois.

    — Moi de même, madame Ewilan. Comment se porte Alia ?

    Alia était la petite-amie de Pachyderme.

    — Ouf, elle est venue me voir il y a à peine quelques jours pour protester contre les mesures que Craig et moi avons prises. C’est-à-dire de couper toute communication par miroir excepté entre Gardiens.

    — Nous n’avions pas le choix, ajouta Wilson avant de balayer tous les miroirs du regard pour, enfin, amorcer la réunion du Conseil.

    Tous les Gardiens fixaient Wilson en retour, et Seth en eut même un frisson.

    — Bonjour chers collègues, débuta Wilson. Tout d’abord, je voulais vous remercier d’avoir accepté de participer à ce Conseil, bien qu’il ne se déroule pas selon les normes pour simple question de sécurité.

    » Comme vous le savez tous, nous sommes les derniers résistants officiels contre la Secte des Cauchemars. Le devoir de l’arrêter le plus tôt possible nous revient donc, et…

    Archibald toussota. Par l’expression du visage des autres, Seth comprit qu’il n’y avait pas seulement Wilson et lui qui pouvaient le voir. Étrangement, Seth songea à une discussion de groupe sur un réseau social.

    — Désolé, coupa Bounda, mais je ne vois pas pourquoi nous avons le devoir de freiner la Secte.

    — Sans doute parce que si nous ne l’éradiquons pas, le monde entier ira à sa perte, intervint Ewilan.

    — Mais, reprit Bounda, les Sanctuaires sont beaucoup plus puissants et…

    Wilson soupira.

    — Archibald, dit-il, nous savons tous que vous n’acceptez pas la division entre Sanctuaire et Réserve, mais c’est ainsi depuis toujours. Nous n’allons pas commencer à nous quereller à ce propos !

    — Facile à dire pour vous, Craig ; puisque Monstrum est le premier Sanctuaire créé, il n’a jamais dû faire ses preuves pour gagner son titre.

    Ewilan ouvrit la bouche pour argumenter, mais Wilson prit les devants.

    — Ça suffit ! Ce n’est pas le temps pour cela, Archibald. Il faut mettre ces différents de côté pour s’allier contre l’ennemi.

    — Juste, approuva Mévrack. Quelqu’un a une idée sur la façon d’agir ?

    — Avant d’agir, souligna Ross, il serait préférable d’en savoir plus au sujet de la Secte. Je crois que…

    Bounda frappa dans son miroir pour attirer l’attention.

    — Un instant ! Il faut d’abord décider si oui ou non nous allons agir !

    — Ça me semble logique de le faire, souffla Ewilan. Ils ont déjà une longueur d’avance sur nous, et on ne peut pas attendre avant de…

    — Tout le monde doit être d’accord, souligna Archibald. C’est dans les règlements.

    Tous parurent indignés, sauf Wilson. Seth resta là à observer le Gardien réfléchir.

    — Archibald, tenta de le raisonner Tend, nous devons arrêter cet Alan Lajoie. C’est bien son nom, Craig ?

    — Oui, approuva Wilson sans regarder Jarvis.

    — Mais la politique stipule que…, tenta Archibald Bounda.

    — On se moque complètement de la politique, intervint Halliosa. C’est une question de vie ou de mort !

    — Dans mon cas, je trouve que suivre les règles, c’est important ! Et vous n’avez pas mon accord pour attaquer la Secte des Cauchemars.

    — Pourquoi ? intervint pour la première fois Seth. Vous préférez que ce soit Alan et ses… acolytes qui vous trouvent et vous tuent ?

    — Pauvre petit garçon, tu es trop jeune pour comprendre. Nous avons un code d’éthique ; nous devons suivre le protocole et…

    — C’est pourquoi j’ai réuni le Conseil et que je vous ai invité, Bounda, répondit Wilson d’un ton brusque. N’aurait-il pas été plus simple pour moi de réunir seulement ceux qui veulent se battre au lieu de perdre mon temps à vous raisonner ? Bien sûr ! Mais j’ai préféré faire cela selon notre Charte.

    — Quelle noblesse, ironisa Bounda. Mais j’ai bien peur que je ne partagerai jamais votre point de vue.

    — Tant pis, j’aurai essayé de vous convaincre. Toutefois, je tiens à vous informer que, peu importe ce que vous direz, vous ne m’empêcherez pas de nuire à la Secte. Je comprends que vous ayez peut-être peur et que vous ne vouliez pas mettre vos habitants en danger, mais votre Réserve devra choisir son clan tôt ou tard.

    — Je n’ai jamais voulu dire…

    — Je vous prierais donc de quitter ce Conseil pour que je puisse continuer de discuter librement avec ceux qui veulent anéantir la Secte des Cauchemars.

    — Il n’en est pas question ! Selon le code, si une seule personne dit non, il faut en venir à un accommodement raisonnable pour…

    — Le code ne tient plus, cracha Ewilan. La Secte est de retour ! Il ne reste que nous pour lutter !

    — Lutter ? Lutter ? Vous voyez cela comme un jeu, c’est ça ? Je suis désolé de vous dire que je ne veux pas mourir parce que j’aurai mis mon nez là où il ne faut pas !

    — Mais empêcherez-vous ceux qui veulent passer à l’action ?

    — Je…

    Bounda réfléchit un moment. Il fronça les sourcils, et Seth crut qu’il livrait une grande bataille à l’intérieur de lui-même. Finalement, il flancha :

    — Non, je vous donne mon accord. Mais j’ajouterai ceci : que ceux qui veulent rester en vie fassent comme moi et se mêlent de leurs affaires. Alan Lajoie va tenter d’accéder au pouvoir, certes, mais nous ne pouvons rien y faire.

    — Rien y faire ? s’étrangla Seth.

    Wilson recula de quelques pas, comme pour s’assurer que toute l’attention allait se déplacer vers Seth.

    — Comment ça « nous ne pouvons rien y faire » ? Savez-vous tout ce que j’ai vécu à cause d’Alan ? Oui, il nous est possible de…

    — Voyons, Seth, coupa Archibald ; les rumeurs ont dû exagérer ton histoire, et tu t’es mis à y croire aussi.

    Seth sentait la rage monter en lui. Il fixait intensément Archibald et lui aurait volontiers sauté au cou, si ce n’avait été de cet exécrable miroir.

    — Alan Lajoie était mon meilleur ami, conta Seth.

    À cette révélation, les Gardiens retinrent leur souffle. Ils allaient connaître la véritable histoire de Seth Langlois.

    — Oui, il était mon meilleur ami, reprit le jeune homme en hochant la tête. Je voyais en lui une personne sociable et aimable. Jamais je n’aurais pu me douter qu’il cherchait à me tuer depuis tout ce temps, que je n’étais qu’un pion sur son grand jeu d’échecs.

    » En première année, alors qu’un Traqueur voulait ma peau, Alan m’a tenu le bras pour m’immobiliser en espérant que ce serait ma fin. Heureusement, d’autres sont arrivés et ont pu me sauver.

    » Lors de ma deuxième année, Alan a voulu faire revivre sa mère, Mandy Lavigne, ou Ouaganda, dans le corps de mon amie Fay. Et, bien sûr, il voulait ma mort. Fay a vaincu Ouaganda, l’éliminant une bonne fois pour toutes.

    » La peur le retint pendant ma troisième année. Néanmoins, à cause de la Secte, Monstrum a couru à sa perte. Emma a dû se changer en loup-garou pour créer une diversion afin que nous puissions reprendre le contrôle du Sanctuaire.

    » Et l’année dernière, il a illégalement fait entrer un homme-araignée dans le Sanctuaire et il a tué Eva Jacob ! Savez-vous combien il y a eu de morts à cause de lui ?

    Bounda resta sans voix pendant un moment. Jamais il ne s’attendait à ce que Seth lui parle ainsi. Wilson s’approcha du jeune homme et posa une main sur son épaule.

    — Ce n’est… je veux dire… je n’ai pas…, balbutia Archibald.

    — Seth parle avec son cœur, dit Wilson. Il est celui qui a le plus souffert de la trahison d’Alan. Il a été la cible principale de la Secte des Cauchemars pendant près de quatre ans…

    — A été ? répéta Bounda. Il ne l’est donc plus ?

    Wilson resta silencieux pendant un moment, et Seth crut comprendre qu’il se demandait s’il devait dire la vérité ou non.

    — En effet, reprit le Gardien de Monstrum, Alan lui a affirmé en personne qu’il ne le considérait plus comme une menace immédiate. Bien entendu, je doute fort qu’Alan ne tente pas de le tuer sous peu et…

    — C’est facile pour toi de nous dire de nous battre, Seth Langlois, dit Bounda les dents serrées. Surtout que le danger semble momentanément écarté pour toi.

    — Le danger est le même pour moi que pour vous ! hurla Seth. Alan veut contrôler tout le monde des Monstres et il va y parvenir si nous ne l’arrêtons pas ! Nous devons nous dresser contre lui !

    — Tu veux un conseil ? Va-t’en, quitte Monstrum. Retourne vivre dans le monde des Humains. Cette guerre n’a rien à voir avec le Monstre qui n’en est pas un !

    Seth s’apprêta à répondre, mais sursauta lorsque Wilson le devança, criant presque.

    — Seth est autant un Monstre que nous tous ! Je ne laisserai personne revenir là-dessus !

    — C’est pour ça que vous ne voulez pas vous battre, souffla Seth. Vous ne pouvez supporter l’idée que la Secte veuille ma mort. Vous voyez cela comme une offense !

    — De quoi parles-tu, petit idiot ?

    — Vous auriez préféré que la Secte prenne pour cible un Monstre au lieu de moi, c’est ça ? Vous auriez alors tout fait pour le protéger. Mais parce que je n’ai aucune caractéristique, vous souhaitez me voir mourir !

    — C’est absurde, je n’ai jamais dit que…

    — Pourtant, ce que le jeune dit semble se tenir, souligna Tend. Vous avez bien pris part à la guerre contre Ouaganda, non ?

    — Ce n’est pas la même chose !

    — Si, ce l’est, intervint Ewilan. Alan se bat pour la même utopie que sa mère. Tout est sur le point de recommencer !

    — Je… vous…

    La colère se lisait facilement sur le visage du Gardien Bounda. Il leva son poing, poussa un cri, et le miroir dans lequel il se trouvait éclata en mille morceaux. Seth se tourna brusquement et cacha son visage avec ses bras. Quand un silence de mort régna dans la salle, il se retourna. Tous les Gardiens avaient la bouche grande ouverte, Wilson y compris.

    — Vous croyez qu’il travaillait pour la Secte des Cauchemars, monsieur ? demanda Seth.

    — Non. S’il avait travaillé pour Alan, il aurait tout fait pour savoir ce que nous mijotions. Toutefois, je suis persuadé qu’il n’hésitera pas à aider le Roi s’il en a l’occasion…

    — Bounda nous a trahis, murmura Halliosa. Je n’en reviens pas…

    — Il ne nous a pas trahis, rectifia Wilson. Il a simplement choisi sa voie. Il n’est ni partisan de la Secte ni Résistant.

    — Donc, résuma Ewilan, il n’y a plus que nous six.

    Wilson étudia chaque visage à tour de rôle. Quand tous les Gardiens eurent acquiescé en croisant son regard, il s’exclama :

    — Merveilleux ! Il faut donc trouver un plan d’attaque.

    — Je crois que nous pouvons nous entendre sur une chose, dit Mévrack : Alan va sans doute attaquer d’abord les Sanctuaires.

    — C’est ce que je crois, en effet, approuva Wilson.

    — Il faut donc augmenter notre protection ! s’écria Ewilan. Wilson, je vous envoie des gargouilles et…

    — Ce n’est pas nécessaire, Ewilan ; je ne toucherai pas aux protections de Monstrum. Du moins, pas pour l’instant.

    Tous les Gardiens émirent un petit cri. Seth se tourna vers Wilson, l’air interloqué. Le Gardien de Monstrum ne daigna pas lui jeter un coup d’œil.

    — Pourquoi ? demanda finalement Ewilan.

    — J’ai un plan pour sécuriser encore plus Monstrum, et une trop grande protection pourrait mener à l’échec. C’est compliqué, je l’admets. Je dois cependant garder les protections que j’ai présentement.

    — Mais Alan les connaît, argumenta Seth. Il sait comment les déjouer !

    — Et je compte bien me baser là-dessus. Messieurs, mesdames, je vous expliquerai tout en détail lorsque j’aurai terminé de finaliser mon plan. Pour l’instant, je peux seulement vous dire que je vais continuer là où j’en avais fini avec Ouaganda.

    Ewilan fut la seule qui parut comprendre. Elle ouvrit grands les yeux et hocha lentement la tête.

    — Pour ce qui est du reste, je crois que nous ne devons plus laisser entrer qui que ce soit dans l’enceinte de nos Sanctuaires et Réserves. Qu’il s’agisse d’Humains ou de Monstres. Et il faut envoyer régulièrement des rapports aux autres sur ce qui se passe chez nous et autour. La Secte a sans doute déjà commencé à s’en prendre aux Humains.

    — Il y a eu plusieurs meurtres ici, déjà, accorda Ewilan. Les gens en France ne comprennent pas ce qui se passe, mais je suis certaine que la Secte est derrière tout ça.

    — Naturellement, fit Tend. Le Roi veut sans doute se rapprocher de Prodige, mais comme il ignore où se trouve le Sanctuaire…

    — Si vous voulez ajouter des protections comme Ewilan l’a suggéré un peu plus tôt, continua Wilson, je crois que vous êtes dans vos droits. Pas besoin de permission, peu importe le type de protection. Simplement nous aviser, et tout sera correct.

    » Pour l’instant, je crois que c’est le mieux à faire. Maintenant que nous savons que nous sommes tous du même côté, nous savons vers qui nous tourner en cas de problème.

    » La Secte est en marche depuis déjà un moment, et nous ignorons ce qu’elle trame. Alan peut décider de marcher sur les pas de sa mère, comme il peut changer du tout au tout. Enfin… comme nous ignorons toujours ce qu’Ouaganda prévoyait…

    — Ne devrait-on pas tous se réunir dans un seul et même lieu ? demanda Ross. Nous serions plus nombreux à nous battre en cas d’attaque.

    — Et cela faciliterait la tâche à Alan pour nous éliminer tous, souligna Mévrack. Nous devons tous rester à notre place pour rendre plus difficile la mission de la Secte.

    — Exactement, fit Wilson. Et surtout pour la retarder et nous donner le temps de passer à l’action. Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai une idée pour augmenter la sécurité de Monstrum, mais vous devez faire de même avec votre Sanctuaire… et Réserve.

    — Ne peut-on savoir… ? commença Ewilan.

    — Vous saurez tout en temps et lieu. Le Conseil est terminé. Prochaine réunion samedi prochain, à la même heure. Au revoir.

    Tous les miroirs s’éteignirent au même moment. Seth se tourna alors vers Wilson qui le fixait déjà intensément.

    — Monsieur, vous…

    — Fais-moi confiance, Seth. Monstrum n’est pas en danger dans l’immédiat. Je sais que la Secte risque de frapper bientôt, mais nous serons prêts. Du moins… pour mettre mon plan à exécution.

    Seth s’apprêta à ouvrir la bouche, mais Wilson leva une main pour lui imposer le silence.

    — Je sais que tu voudrais en savoir plus, Seth, mais il me manque certains détails à moi aussi. Quand tout sera prêt, je te contacterai et je t’expliquerai tout.

    — Vraiment ?

    — Oui.

    Un silence s’installa dans la pièce, et le regard de Seth se dirigea vers les morceaux de verre étalés sur le sol.

    — Pourquoi m’avoir fait venir ici, monsieur ?

    — Pour savoir qui était avec nous. Tu vois, Bounda nous a tourné le dos. Ainsi, je sais que je n’ai pas à me préoccuper de la sécurité de sa Réserve. Il n’a pas saisi la chance que je lui donnais.

    — Tout ça à cause de moi…

    — Non, Seth, pas à cause de toi, mais grâce à toi. Nous avons pu voir quel horrible personnage était cet Archibald. Je te l’ai déjà dit : certains Monstres te voient comme une menace. Maintenant que la Secte est de retour, tu fais plus peur que jamais. Il y en a même qui croient que tu es la cause de leurs malheurs.

    — Je n’ai jamais…

    — Je sais, Seth. Mais il est plus facile pour eux d’accuser que d’écouter la vérité. Vois-tu, en temps de noirceur, la plupart des gens vont croire n’importe quoi, simplement pour rationaliser ce qu’ils ne comprennent pas, ou parce qu’ils veulent croire en des atrocités.

    — Donc, vous vouliez que je vienne uniquement pour vous assurer que tous les Gardiens participeraient à la destruction de la Secte.

    — C’est ça. Et tu as très bien joué ton rôle.

    Wilson s’approcha de Seth, et leurs regards se croisèrent. Seth crut lire du désespoir dans les yeux de l’homme-singe pendant qu’il posait les mains sur ses épaules d’un geste paternel.

    — Tu peux partir, maintenant. Mais on se reverra avant longtemps.

    Coup de fil

    Il s’est vraiment emporté ? demanda Pachy pour la énième fois.

    Le quatuor marchait dans le Sanctuaire, sous un magnifique soleil. La veille au soir, Seth leur avait tout raconté en revenant de chez Wilson. L’homme-éléphant n’en revenait toujours pas. Il avait parlé pendant au moins une heure entière sans laisser le temps à ses amis d’argumenter. L’Exception, fatigué de sa journée, avait tout arrêté en disant qu’il voulait dormir et il avait mis ses amis dehors. Néanmoins, aujourd’hui, Pachy reprenait le sujet.

    — Oui, répondit le jeune homme en levant les yeux au ciel. Il me déteste et ne veut pas se battre contre la Secte puisqu’elle veut me tuer.

    — Il l’encourage donc, résuma Fay.

    — Non, tenta encore une fois d’expliquer Seth. Il n’est pas dans le camp de la Secte. Il la combattrait seulement si elle ne me prenait pas pour cible, car selon lui je n’en vaux pas la peine…

    — Mais elle va attaquer notre monde au complet ! protesta l’homme-éléphant. Et en plus, tu n’es plus la cible numéro un d’Alan !

    — Je sais, mais Bounda n’y voit aucune différence. Pour lui, je suis la cause de tout cela. Le Monstre qui n’en est pas un a tout déclenché. Peut-être qu’il s’attend à ce que je répare tout. C’est stupide, je ne peux pas…

    Seth croisa un instant le regard évasif de Fay. Cette dernière se tordait nerveusement les mains et se mordait la lèvre inférieure.

    — Qu’est-ce qu’il y a ?

    — R… rien du tout !

    — Tu n’es pas une bonne menteuse, tu sais ?

    La Fée soupira. Elle regardait au loin lorsqu’elle dit :

    — Bounda n’est pas le seul à croire ça.

    — Croire quoi ?

    — Que tu es celui qui peut tout régler.

    Elle osa observer Seth qui avait arrêté de marcher net. Fay et Pachy firent de même.

    — Je… quoi ?

    — Voyons, Seth, c’est normal que les gens pensent ça, fit la jeune femme. Tu es l’Exception. Tu as vécu plus de choses en quatre ans que ce qu’un Monstre normal peut vivre en une vie entière ! Tu as été confronté à un Traqueur, à Ouaganda, aux Rebelles de la Secte et même au Roi des Cauchemars !

    — Comment sais-tu que les gens croient ça ? demanda Pachy, comme pour essayer de défendre Seth.

    — J’ai entendu des personnes en discuter l’autre jour, à l’auberge. Les deux hommes étaient formels : ils voient en toi une espèce de sauveur.

    — Je ne veux pas de ce fardeau ! cria le Monstre qui n’en est pas un, plus fort qu’il ne l’espérait.

    Quelques Monstres qui passaient par là (ceux qui se permettaient encore de sortir de chez eux) se retournèrent et dévisagèrent Seth avant de retourner à leur besogne.

    — Je sais, tenta de l’apaiser Fay. Mais les gens ne voient pas les choses à ta manière. Ils voient en toi quelqu’un de… fort.

    L’Exception ferma les yeux. Wilson lui avait déjà répété à quelques reprises qu’il était fort. À un moment, il avait cru comprendre ce dont voulait parler le Gardien. Aujourd’hui, il se rendait compte que ce qu’il avait cru prendre pour de la force n’avait aucun sens.

    Pachy tapota le dos de Seth.

    — Ne t’en fais pas, murmura-t-il. Les gens vont croire cela un certain temps, mais lorsque Wilson aura pris les rênes pour rassurer les gens et que tous approuveront ses choix, personne ne fera plus attention à toi.

    — J’espère bien ! Car personne ne veut comprendre que je n’y suis pour rien, sauf peut-être en ce qui concerne le Traqueur… Mais c’est Alan qui a tout fait ; il a pris les devants en venant ici dans le but de me tuer ! Je n’ai rien décidé !

    — Nous le savons, approuva Pachy. Tu pourras nous le répéter des milliards de fois, mais cela ne changera pas ce que les autres pensent.

    — Si seulement la vie était simple…

    — Si la vie était simple, coupa Fay, il n’y aurait pas âme qui vive !

    Seth ne sut que dire. Il observa ses amis un moment, sans voix, avant de reprendre son chemin.

    — Et qu’as-tu dit à ceux qui parlaient de moi ? voulut-il savoir.

    — Rien. Je n’ai même pas été les voir ; ça ne sert à rien. Ils peuvent croire ce qu’ils veulent. Ce qui compte, c’est que nous sachions la vérité.

    — De toute façon, ils ne la comprendraient pas, souligna l’homme-éléphant. Je n’en reviens toujours pas… Bounda ne fera rien contre la Secte…

    — Arrête, Pachy, tu veux ? le pria Seth. Tu le répètes sans cesse depuis hier !

    — Mais c’est grave ! Si la Secte arrive à le savoir, elle attaquera sans doute sa Réserve sans attendre.

    — Pourquoi ?

    — Pour trouver des partisans.

    — Comme si elle n’en avait pas assez !

    — Tu crois vraiment qu’une armée a fini de grossir ? Non. Plus il y a de combattants, plus il y a de chances de gagner la guerre.

    Ce fut comme une gifle au visage pour l’Exception. D’un coup, il se remémora ce qu’Emma lui avait dit… ce que les gens chuchotaient… sur lui et sur la situation…

    — Tu crois toi aussi que tout cela va dégénérer en bataille ? demanda Seth.

    — Honnêtement, oui. À vrai dire, nous sommes déjà dedans, non ? La Secte ne se prive pas pour attaquer les Sanctuaires et les Réserves ; donc, je présume que lorsque les Résistants seront réunis, la guerre sera officiellement déclarée.

    Un silence s’installa. Seth balaya les alentours du regard. Il vit Hayden Heyman sortir d’un magasin et se diriger vers sa maison. Étrangement, la haine qu’il éprouvait pour ce jeune homme semblait complètement évanouie. Peut-être que la trahison d’Alan lui avait fait réaliser des choses qu’il ne saisissait pas encore…

    — C’est dommage que nous ignorions complètement ce que la Secte prépare, reprit Pachy, ramenant Seth à la réalité.

    — Oui, mais nous le saurons sans doute bientôt, répondit Seth, un détail de sa conversation avec le Gardien lui revenant en mémoire. Wilson m’a dit qu’il voulait me revoir bientôt.

    — Quoi ? ! s’écrièrent Pachy et Fay en même temps.

    — Je viens de m’en souvenir.

    Ce qui était vrai, car l’histoire de Bounda lui avait fait oublier le reste.

    — Il doit sans doute savoir quelque chose qu’il veut garder secret…, souffla Fay.

    — Et qu’il veut partager avec toi, Seth ! C’est génial !

    Seth hocha la tête, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Oui, ses amis avaient sans doute raison. Wilson devait savoir quelque chose que les autres ignoraient complètement. Quelque chose qui devait sans nul doute être intimement lié à la Secte des Cauchemars…

    — J’espère qu’il te permettra de nous raconter ce qu’il cache, souffla Pachy.

    — C’est certain, affirma Seth. Après tout, c’est lui qui m’a dit de vous faire confiance, non ?

    — Oui, mais ce n’est pas la même chose. Passer des informations sur la Secte et avoir foi sont deux choses…

    — Wilson sait très bien qu’il peut croire en vous. Vous m’avez aidé à combattre Ouaganda – oui, Fay, tu as eu ta part là-dedans, ne le nie pas – et vous avez contribué à libérer Monstrum des Rebelles. Et l’année dernière, vous êtes les seuls à avoir réellement vu qui était Alan et vous avez arrêté de lui parler.

    — Sauf

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