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L’esprit du mal
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L’esprit du mal
Livre électronique566 pages4 heuresMonstrum

L’esprit du mal

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À propos de ce livre électronique

Seth Langlois et ses amis s’apprêtent à commencer leur deuxième année d’étude dans le monde des Monstres. Ils se réjouiront lorsqu’ils apprendront que leur demande de Transfert à Prodige a été acceptée et qu’ils passeront leur année au Sanctuaire de France. Mais leur joie s’estompera assez rapidement lorsqu’ils arriveront à Prodige et qu’ils apprendront que des événements à la fois brutaux et inexplicables sont en train de se produire et qu’une force maléfique tente de refaire surface. Seth fera de son mieux pour dénouer le mystère malgré les vols, les disparitions et… les meurtres.
LangueFrançais
ÉditeurÉditions AdA
Date de sortie5 nov. 2013
ISBN9782897335205
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    Aperçu du livre

    L’esprit du mal - M. A. Pronossard

    La réponse

    La lune commençait à céder du terrain au soleil tandis que tout le monde dormait au village. Enfin, presque tout le monde. La pénombre s’éclaircissait peu à peu, et le ciel complètement dégagé de nuages laissait entendre qu’une belle journée était sur le point de commencer. Un jeune garçon, assis sur son lit, regardait par la fenêtre et contemplait ce spectacle. La course du soleil autour de la terre, repoussant l’obscurité… L a Lu mière contre les Ténèbres.

    Seth Langlois n’arrivait pas à dormir et il ignorait pourquoi. L’explication la plus probable était qu’il faisait de l’insomnie, voilà tout. Mais Seth avait peur que ce soit autre chose. Quelque chose de… sombre.

    Le jeune garçon secoua sa tête pour la énième fois depuis la veille. Au fond de sa mémoire, il revoyait certaines images de ses anciens rêves. Pourquoi venaient-ils le troubler maintenant ? Après tout, ses rêves n’étaient plus vraiment importants, et il avait dormi depuis le fameux événement. Mais ce soir, c’était différent…

    Par chance, c’était l’été. Seth savait pertinemment que ses amis ne le réveilleraient pas et qu’il pourrait dormir une bonne partie de la matinée. Sauf que Seth ne voulait pas gâcher sa journée.

    Abattu, Seth se laissa tomber sur son matelas et ferma les yeux. Il tenta de se forcer à dormir, en vain. Il monta les couvertures à son cou et fixa le plafond.

    Inexplicablement, il songea à ses parents, qui se trouvaient à des kilomètres. En effet, Seth ne vivait plus chez ses parents. Non, ce n’avait pas été un choix personnel, mais plutôt une obligation. Parce que Seth ne pouvait pas vivre parmi ses proches et risquer de les mettre en danger.

    Seth était un Monstre et il vivait à Monstrum, le Sanctuaire des Monstres. Il devait rester là pour encore quatre ans avant de pouvoir retourner dans le monde des Humains. Sa seule sortie serait cette année pour le Transfert.

    La fin de sa première année à Monstrum n’avait pas été de tout repos. Seth avait dû se mesurer à un Traqueur, une créature redoutable qui ne reculerait devant rien pour traquer et tuer sa proie. Par chance, la deuxième année semblait vouloir démarrer du bon pied. Surtout si Seth était accepté à Prodige, le Sanctuaire de France, pour y étudier un an.

    Seth eut l’impression de cligner des yeux. Cependant, il sut qu’il s’était finalement endormi, car lorsqu’il souleva ses paupières, le soleil entrait à flot dans la chambre, et un énorme brouhaha s’élevait de la salle à manger de l’auberge Freak, l’auberge dans laquelle il devait vivre pour ses cinq années d’études. Après s’être réveillé et avoir fait sa toilette, Seth sortit de sa chambre et descendit l’escalier pour gagner la salle principale de l’auberge.

    Il devait y avoir une dizaine de personnes. En plus de Seth, il y avait deux hommes qui affichaient une allure normale. Tous les autres possédaient une anomalie assez voyante. Certains avaient des membres en trop, une peau différente (soit verte, bleue, mauve ou avec des écailles), une grandeur et une grosseur anormales. Il y avait un satyre, assis sur un banc, une bouteille d’alcool dans la main.

    Les satyres étaient réputés pour leur consommation excessive d’alcool. Presque chaque jour, Seth passait devant une taverne, et un satyre, toujours le même, s’y trouvait depuis le matin. Seth croyait même que l’homme-bouc n’en sortait jamais.

    À première vue, Alan, Pachyderme et Fay, les trois meilleurs amis de Seth, ne se trouvaient pas à l’auberge. Seth regarda sa montre. Il était 12 h 30. Ils devaient être partis au parc pour relaxer.

    La porte de l’auberge s’ouvrit, et deux hommes et une femme entrèrent. L’un des hommes était très petit, l’autre avait des poils blancs sur le visage et ressemblait à un singe. La femme, quant à elle, portait de magnifiques ailes transparentes dans son dos, avait les oreilles pointues et de magnifiques yeux mauves.

    — Gary, Gary, Gary, disait l’homme au visage de singe, qui était le Gardien du Sanctuaire. Tu portes trop attention aux stéréotypes.

    — Je ne porte pas attention aux stéréotypes, se défendit l’homme minuscule. C’est eux qui se révèlent véridiques. Et ce n’est pas un stéréotype.

    — Que veux-tu qu’il lui arrive là-bas ? demanda Alicia, la femme Fée.

    — Je ne sais pas, avoua Gary. Sauf que je crois que nous devrions garder un œil sur lui.

    Alicia pointa une table, et le trio alla s’y asseoir. Quand elle tira sa chaise, Alicia balaya la salle du regard et vit Seth. Aussitôt, son visage rayonna, et elle lui fit signe de venir.

    — Seth ! s’exclama-t-elle quand il fut près d’eux. Comment vas-tu ?

    — Bonjour, fit Seth. Je vais bien, merci…

    — Prends une chaise, voyons !

    — Non, je dois trouver Alan, Fay et Pachy…

    — Ils vont revenir ici. Nous les avons croisés sur notre chemin ; ils se dépêchaient de finir ce qu’ils avaient à faire. Sauf que j’ignore ce qu’ils tramaient.

    Est-ce que ses amis se dépêchaient pour terminer leur besogne avant son réveil ? Pourquoi ? Et, surtout, que mijotaient-ils ?

    Seth se résigna donc. Il vit une chaise vide et s’en empara. Il s’installa à côté d’Alicia.

    — As-tu hâte ? demanda Wilson, le Gardien.

    — Hâte pour quoi ? demanda Seth.

    Alicia fit la moue.

    — Avoir ta réponse pour le Transfert !

    — Ah ! Oui, je crois que j’ai hâte.

    — Tu crois avoir hâte ? se moqua Gary. Les jeunes de nos jours, ils ne savent vraiment pas ce qui leur fait plaisir.

    Seth s’apprêta à répliquer, mais Alicia prit les devants.

    — Nous allons régler cette question aujourd’hui même. Je crois bien que tu seras accepté. Comme tous les autres, d’ailleurs.

    — Génial.

    Il s’apprêta à quitter, mais Wilson posa une main sur son épaule, l’obligeant à se rasseoir.

    — Ça va, Seth ? demanda le Gardien, les sourcils froncés.

    — Oui. Je me suis réveillé il n’y a pas longtemps ; il est normal que j’aie l’air fatigué…

    — Ce n’est pas de ça que je veux parler. Ça va, Seth ?

    Le jeune homme avait déjà compris ce que Craig Wilson insinuait. Par contre, il ne voulait pas aborder le sujet. Se remémorer tous les risques qu’il avait fait courir aux Monstres habitant le Sanctuaire Monstrum lui était insupportable. Il hocha donc la tête.

    Wilson le lâcha et s’installa confortablement dans sa chaise. Le barman, Yvon, vint les voir pour prendre leur commande. Quand ce fut fait, il se hâta de retourner derrière son bar pour tout préparer.

    — Tu sais, il n’y a pas de mal à avoir des remords, continua Wilson, sans regarder Seth. Mais il faut savoir cesser de vivre dans le passé. Ce qui est fait est fait.

    Lentement, le regard du singe croisa celui de Seth.

    — Va de l’avant, ajouta Wilson.

    Une fois de plus, Seth hocha la tête. Il se leva et quitta la table. Plusieurs têtes se tournaient vers lui. L’histoire de ce qui s’était passé avec le Traqueur avait fait le tour du Sanctuaire il y avait déjà un moment, mais tout le monde était encore impressionné et sous le choc.

    Seth sortit de l’auberge. La lumière du jour l’aveugla un instant, mais le bonheur de voir les maisons éparpillées dans le village chassa la douleur de ses yeux. Où pouvaient bien être ses amis ?

    De jeunes garçons cyclopes jouaient ensemble devant l’auberge. Avec des bâtons en guise d’épées, les jeunes croyaient former une armée à eux seuls. Seth ne leur porta pas une grande attention. Il avait vu une silhouette familière passer entre deux demeures, et il s’était précipité à la rencontre de cette dernière. Pas de doute, il l’avait très bien reconnue.

    — Emma !

    La jeune loup-garou se retourna. Son collier, qui l’empêchait de se transformer lors de la pleine lune, reflétait la lumière du soleil. Les trois amies d’Emma, dont l’une avait la peau recouverte d’écailles de poisson, s’arrêtèrent également.

    — Seth ! Comment vas-tu ?

    — Bien, toi ?

    — Je vais bien, merci.

    — Je me demandais si tu n’avais pas vu Fay, Alan et Pachy…

    — Oui. Ils étaient au Terrain Pavé. Alan parlait de se « dépêcher avant qu’il n’arrive ».

    Une pierre tomba dans le ventre de Seth. Ses amis voulaient donc réellement avoir l’esprit tranquille, loin de lui, le Monstre qui n’en était pas un, celui qui avait failli tuer Emma par l’intermédiaire du Traqueur ?

    — Merci.

    Seth tourna les talons. Non, il n’irait pas à la recherche de ses amis. S’ils voulaient la paix, ils l’auraient. Il n’était pas du genre à vouloir s’imposer dans un groupe.

    Abattu, il se laissa tomber sur un banc. Finalement, le monde des Monstres était très différent de celui des Humains. Dans le monde des Humains, Seth était très apprécié par tout le monde. Pourquoi ? Parce qu’il était riche. Tous voulaient être son ami pour bénéficier indirectement de son argent. Là-bas, Seth n’avait que deux amis, deux vrais amis : Joanne et Tommy. Tandis que, dans le monde des Monstres, à présent, personne ne semblait plus s’intéresser à lui puisque tous étaient habitués au fait qu’il soit le Monstre qui n’en est pas un. Maintenant, ceux qu’il croyait être ses amis l’abandonnaient.

    — Pourquoi as-tu l’air si triste ? demanda une voix.

    Seth releva la tête et vit Dave Bilodeau, un garçon avec qui il jouait à Capture l’Humain. Tous deux faisaient partie de l’équipe des Servators, dont Alan était le capitaine.

    Capture l’Humain était un sport très populaire chez les Monstres. Quoique facile, ce sport pouvait durer des heures. Sur un immense terrain, deux équipes devaient s’affronter. La première qui marquait trois points gagnait. Mais cela pouvait prendre du temps ! Il y avait deux grottes, une à chaque extrémité du terrain, qui servaient de buts. Un robot-humain, Barney, devait être effrayé par les Monstres pour aller se réfugier dans une grotte, marquant un point. Le plus difficile était de s’assurer que Barney se déplace dans la bonne direction. Par bonheur, l’année précédente, les Servators avaient gagné le championnat.

    — Non, mentit Seth, je vais bien.

    Dave prit place aux côtés de son coéquipier.

    — Sais-tu où est Alan ? Je dois lui parler.

    — Non, je ne le sais pas, s’empressa de répondre Seth.

    — Dommage. Pourrais-tu lui faire un message de ma part ?

    Seth se mordit la lèvre inférieure.

    — Oui, évidemment.

    S’il accepte que je lui parle, pensa Seth.

    — J’ai oublié de vous dire que je m’étais inscrit au Transfert étudiant. Si je suis accepté, je vais en France. Vous devrez vous trouver une autre personne pour…

    — Oh, ce n’est pas un problème. L’équipe des Servators ne verra peut-être pas le jour, cette année.

    Dave se raidit.

    — Pourquoi dis-tu cela ?

    — Parce qu’Alan et moi sommes également inscrits au Transfert. Si nous sommes tous acceptés, je doute fort que les Servators trouvent assez de joueurs pour prendre part à la nouvelle saison.

    Dave hocha la tête.

    — Il faudra donc prévenir Annie et Jilian, fit-il.

    — Ouais. Elles auront une année pour s’entraîner.

    Seth vit au loin Alan, Fay et Pachyderme entrer dans l’auberge. Il se leva, s’étira.

    — Je dois y aller, dit-il à Dave.

    — D’accord. On se revoit une autre fois !

    Après avoir acquiescé, Seth se dépêcha de se diriger dans la direction opposée à celle de l’auberge. Se tenir le plus loin possible de ceux qu’il croyait être ses amis ne lui ferait pas de tort.

    Pourquoi agissaient-ils ainsi ? N’avaient-ils pas vécu une grande aventure ensemble qui avait eu comme effet de resserrer les liens d’amitié qui s’étaient développés ? Il fallait croire que Seth s’était fait des idées jusqu’à maintenant.

    Seth entra dans un magasin qui avait pour nom Bobine de fil, un magasin de haute couture. La caissière parlait ouvertement avec sa cliente. Les deux femmes semblaient surexcitées. Seth se dégoûta lorsqu’il remarqua qu’il espionnait la discussion.

    — Il ne s’y attend pas ? demanda la cliente.

    — Pas du tout ! Ce sera une énorme surprise pour lui !

    La cliente paya ses vêtements.

    — Pourquoi nous ne l’avons pas fait l’an dernier, déjà ?

    — Car il était parti chercher Seth Langlois.

    Machinalement, lorsqu’il entendit son nom, Seth s’empressa de se cacher à la vue des deux dames qui ne l’avaient toujours pas aperçu.

    — Ce fameux Seth, fit la vendeuse. Que ferions-nous s’il n’était pas là ?

    La cliente parut offusquée.

    — C’est lui qui a conduit le Traqueur ici !

    — On a tous fait des erreurs, il ne faut pas le blâmer !

    Les femmes s’examinèrent un moment. Puis, elles reprirent leur discussion.

    — Qui l’organise ?

    — Un peu tout le monde. Je sais qu’il y a des jeunes impliqués dans tout cela. Ils sont venus me voir ce matin pour me passer une commande.

    — Comment ferons-nous pour nous assurer qu’il n’ira pas là-bas ?

    — Alicia s’en charge. En ce moment, elle est censée être à l’auberge Freak. Dans exactement… (elle consulta sa montre) 16 minutes, elle l’emmènera chez lui, et ils commenceront à préparer la paperasse pour la nouvelle année scolaire.

    Seth bougea et, malencontreusement, fit tomber un vêtement. Le cintre de métal frappa le sol de plein fouet, et les deux femmes se raidirent.

    — Qui est là ? demanda la caissière.

    Le cœur de Seth battait la chamade. Il devait sortir du magasin sans se faire repérer.

    — Montrez-vous !

    Silencieux et immobile, Seth croisa les doigts pour que les dames détournent leur attention. Après quelques secondes, la cliente reprit la parole.

    — C’est à quelle heure ?

    — Je… Venez en arrière-boutique, je vous donnerai plus de détails.

    Les deux femmes quittèrent la boutique, et Seth en profita pour sortir de sa cachette et du magasin. À peine fut-il dehors qu’il regretta sa décision : Alan, Fay et Pachyderme sortaient de l’auberge. Par chance, ils n’avaient pas remarqué Seth. Cependant, en les voyant regarder à droite et à gauche, Seth comprit qu’ils le cherchaient.

    Doucement, Seth contourna la boutique et se réfugia derrière, à l’abri des regards. Où pouvait-il bien aller ? Retourner à l’auberge serait sans doute risqué. De plus, Alicia avait sûrement prévenu les autres que Seth était sorti. Bientôt, Seth en était convaincu, ils allaient le trouver.

    Une idée traversa alors son esprit. Il pouvait toujours aller se réfugier à la bibliothèque. Lire lui changerait les idées. Cependant, pour pouvoir se rendre à la bibliothèque, il devait rebrousser chemin. Pas question qu’il passe devant l’auberge, non. Passer derrière serait beaucoup plus sûr.

    Telle une ombre, Seth longea les murs de la boutique, puis ceux d’une maison et il continua ainsi. Il se retrouva contre le mur de l’auberge lorsqu’il entendit une voix.

    — Vous cherchez Seth, c’est ça ?

    Emma venait de croiser Alan, Fay et Pachyderme.

    — Oui, avoua Fay. Nous devons absolument lui parler.

    Pour me dire quoi ? songea Seth. Que vous me trouvez odieux ?

    — L’as-tu vu ?

    — Oui, il m’a demandé où vous étiez. J’ignorais s’il était dans le coup ; j’ai donc préféré ne rien lui dire.

    Les entrailles de Seth se contractèrent. Dans le coup ?

    — Il n’est au courant de rien, fit Alan. C’est pour ça que nous devons le trouver. On a besoin de lui.

    Seth comprit alors qu’il y avait eu un malentendu. Il décida de quitter sa cachette et il arriva juste derrière ses trois meilleurs amis. Emma, qui lui faisait face, le pointa du doigt.

    — Il est là.

    Alors qu’Emma partait, Alan, Fay et Pachy firent volte-face. Les ailes de Fay voletèrent dans les airs un instant, ainsi que la trompe d’éléphant de Pachy qui lui servait de nez.

    — Où étais-tu ? demanda Pachy.

    — Euh… enfin… je…

    — Peu importe, coupa Fay. On a besoin de toi, viens !

    Fay agrippa Seth par le bras et le força à les suivre. Ils coururent un bon moment avant d’arriver finalement au Terrain Pavé.

    — Que se passe-t-il ? voulut savoir Seth quand il eut repris son souffle.

    — Aujourd’hui est un jour exceptionnel, dit Alan. On fête les 20 années de service de Craig Wilson. Et oui, cela fait 20 ans qu’il est le Gardien de Monstrum.

    — Et vous avez besoin de moi pour… ?

    — Pour nous aider à décorer, voyons, s’indigna Fay. Une paire de mains de plus n’est pas de trop ! Mais, avant il faut attendre que Wilson quitte l’auberge pour aller chez lui avec Alicia. Emma viendra nous prévenir. En attendant, nous devons patienter.

    — C’est pour ça qu’Emma rôde autour de l’auberge sans y entrer !

    Le cœur léger, Seth fut beaucoup plus heureux. L’idée que ses amis l’abandonnent lui paraissait maintenant stupide. Ses amis ne lui feraient jamais cela.

    Quelques minutes plus tard, Emma arriva en courant, suivie de près par ses amis.

    — Ils sont chez Wilson. On doit commencer, car la fête doit avoir lieu ce soir.

    — Vous croyez vraiment qu’il va rester enfermé chez lui jusqu’à ce soir ? dit Seth.

    Pachy hocha de la tête.

    — Alicia et lui se chargent des demandes de Transfert. L’année dernière, ils sont restés confinés 30 heures pour tout régler.

    — Pourquoi ? Ce ne sont pas de simples lettres pour dire si oui ou non la personne est acceptée ?

    — Des lettres ? Non, tout se fait par miroirs.

    Dans le monde des Monstres, un miroir cumulait des centaines de fonctions. La plus utile était celle de la communication. Quand le miroir recevait l’ordre de montrer quelqu’un, le visage de ce dernier apparaissait, et les deux personnes pouvaient se parler, un peu comme avec un téléphone. Seth avait également vu Wilson se servir d’un miroir comme d’une télévision.

    — Mais je ne comprends pas pourquoi cela peut être si long !

    — Toutes les demandes se règlent aujourd’hui, Seth. Aucun Sanctuaire ni Réserve n’a véritablement jeté un coup d’œil sur les demandes, même si elles ont été faites au début de l’année scolaire précédente. Alors Wilson demandera aux autres Gardiens s’ils veulent telles ou telles personnes, et eux feront la même chose. De plus, l’an dernier, tout le monde voulait te rencontrer. Cette année aussi, je présume. Sauf qu’il se peut que tu partes.

    — C’est bien beau tout ça, coupa Fay, mais nous devons décorer la place, vous vous souvenez ?

    Plusieurs adultes vinrent leur prêter main forte. Il s’avéra que tout le village était maintenant au courant. Pourtant, Seth comprit que l’idée de fêter les 20 années de service de Wilson avait réellement pris forme la veille par l’entremise d’Alicia.

    — Ce matin, expliqua Alan, elle nous attendait à l’auberge. Elle nous a dit tout ce qu’elle voulait. Puis, elle est partie sans rien ajouter. Un de ses ordres était de prévenir le plus de gens possible. C’est pourquoi nous sommes partis sans t’attendre.

    Seth se mordit la lèvre inférieure. Il raconta à Alan les soupçons qu’il avait eus. Par bonheur, Alan pouffa de rire.

    — On n’aurait jamais fait cela ! Quand on disait qu’il fallait se dépêcher avant qu’il n’arrive, nous parlions de Wilson. S’il avait fallu que Wilson entre dans un magasin parce qu’il aurait échappé au contrôle d’Alicia alors que nous expliquions ce qui se préparait aux gens qui s’y trouvaient… Tout aurait été gâché.

    — Je me sens stupide d’avoir pensé ça.

    — Ne t’en veux pas, Seth. J’aurais sans doute eu la même réaction.

    Quand même ! Seth n’en revenait pas. Ne pas avoir eu confiance en ses amis le dégoûtait.

    Peu à peu, le Terrain Pavé se métamorphosait sous leurs yeux. L’ambiance aussi changeait. Les décorations multicolores enchantaient la place, et les peintures apportées par des artistes amateurs donnaient vie au Terrain.

    Seth monta sur le toit d’un magasin pour accrocher une banderole sur laquelle on pouvait facilement lire : « FÉLICITAIONS CRAIG WILSON ». Quand il se releva, car il s’était couché pour suspendre la banderole, Seth regarda en direction de la forêt. Au loin, il voyait très clairement le chemin qui menait au seul téléphone disponible à Monstrum. Et, tout près de ce chemin, une créature regardait en direction du village. Peut-être même qu’elle regardait Seth.

    Des frissons s’emparèrent du jeune homme. Immédia­tement, il songea au Traqueur. Puis, il se détendit. Non, il connaissait la créature qui le regardait. Elle avait le torse et la tête d’un humain et le bas du corps d’un cheval. Centaurus, le chef de la horde des centaures, devait se demander ce qui se passait au village.

    Seth descendit du toit et arriva face à face avec une jeune fille plutôt jolie malgré ses bras extrêmement poilus.

    — As-tu besoin d’aide ? demanda-t-elle.

    — Euh… ouais, s’il te plaît. Il faut mettre en place le plancher de danse.

    — Très bien.

    Seth emmena la fille avec lui jusqu’à l’opposé du Terrain. Une énorme boîte l’attendait, remplie de carrés de bois de différentes couleurs.

    — Au fait, je m’appelle Eva. Eva Jacob.

    — Moi, c’est…

    — Seth Langlois, je sais. Tout le monde te connaît.

    — Je ne t’ai jamais vue à l’école…

    — C’est normal, je n’ai que 14 ans. Je vais avoir 15 ans dans deux semaines. À ce moment, je pourrai aller à Magistra.

    Seth s’empara de deux carrés de bois.

    — Tu vois l’encoche ? Tu dois assembler les morceaux comme… ceci !

    — C’est facile, ricana Eva après avoir essayé.

    Eva et Seth travaillèrent un bon moment sur la plancher de danse. Quand ils eurent presque terminé, un cri les fit sursauter, les sortant de leur silence.

    — EVA !

    Une grande femme mince s’approchait en courant. Tout comme sa fille, ses bras étaient très poilus. Seth se demanda de quel type de Monstre il pouvait bien s’agir.

    — Oh non, murmura Eva. C’est ma mère.

    — Eva Jacob, s’exclama la femme quand elle fut plus près. Tu décides de quitter la maison comme ça, sans m’avertir !

    — Je n’ai plus cinq ans, maman !

    — Le monde est trop dangereux pour nous, très chère !

    Les yeux de la dame se fixèrent sur Seth.

    — Oh ! Eva, tu t’es fait un ami.

    Eva roula les yeux. Elle se leva et, d’un air forcé, fit les présentations :

    — Seth, je te présente ma mère, Marjorie Jacob. Maman, tu sais qui il est.

    Seth se redressa et serra la main de madame Jacob. Cette dernière prit plaisir à cette marque de politesse. Aussi, elle déclara :

    — Tu peux rester ici, Eva. Ça m’est égal.

    D’un pas décidé, Marjorie tourna les talons et quitta le Terrain Pavé. Eva retourna à ses occupations, mais Seth était ébranlé par ce qui venait de se passer.

    — Qu’est-ce que… ?

    Mais Eva fut plus rapide que lui.

    — Je suis une femme-singe.

    Elle leva ses bras, montrant les longs poils noirs que Seth avait remarqués plus tôt, mais sans oser le mentionner.

    — Comme Wilson ?

    — Oui, comme Wilson. En fait, ceux qui sont reconnus comme étant des hommes-singes sont frappés d’une maladie : l’hypertrichose. Cette maladie provoque un dérèglement hormonal, ce qui fait en sorte que nos poils poussent plus vite et sont plus développés à un endroit ou partout sur le corps. J’espère être comme ma mère et n’avoir du poil que sur mes bras.

    — Ne t’inquiète pas, fit Seth, tu n’en as pas…

    — Cela se développe dans les deux premières décennies de vie d’une personne. Ensuite, ça n’arrête jamais de pousser.

    Seth hocha la tête. Il fut gêné de poser la question qui suivit, mais il voulait absolument savoir :

    — Est-ce très répandu comme maladie ?

    — Non, pas vraiment. En fait, plus que ce que les Humains pensent. Il doit y avoir, peut-être, 200 ou 300 cas d’hypertrichose dans le monde, pas plus. Les plus célèbres sont sans doute Tognina et son père Petrus Gonsalvus.

    — Pourquoi ta mère a-t-elle dit que le monde est dangereux pour vous ?

    Eva soupira.

    — Je crois que le monde est dangereux pour tout le monde à cause des préjugés. Ma mère en a toujours eu peur. Même qu’à un certain moment, elle m’empêchait de quitter la maison. Et elle n’en sortait pas non plus !

    Seth ne parla pas, mais il comprenait ce qu’Eva voulait dire. Personne ne devrait vivre le malheur d’être jugé par les autres.

    — Qu’est-ce qui a fait en sorte que ta mère et toi sortez de la maison, maintenant ?

    Cette fois, un sourire illumina le visage d’Eva qui se retenait pour ne pas rire.

    — Ce n’est pas drôle, dit-elle, mais en même temps si. Vois-tu, il a fallu que notre maison brûle pour que nous soyons obligés de sortir de notre demeure et d’affronter le monde. Quand ma mère a compris que tout le monde à Monstrum avait une anormalité, elle s’est sentie beaucoup mieux. Elle a quelquefois des rechutes, comme aujourd’hui. Elle voulait que je rentre, de peur que quelqu’un puisse me voir.

    À ce moment précis, Alan vint les rejoindre. Seth fit les présentations, et Alan baisa la main d’Eva. Seth sut immédiatement que la pauvre Eva tomberait sous le charme d’Alan.

    Fay fit son apparition. Quand elle vit qu’Alan commençait à faire la cour à Eva, elle lui donna une tape derrière la tête. Seth mit sa main devant sa bouche pour étouffer son fou rire. Sonné, Alan dévisagea Fay.

    — Ce n’est pas le temps de courtiser, Alan ! expliqua Fay. Il faut encore finir le plancher de danse et aller chercher le buffet.

    — Pourquoi ce ne sont pas les adultes qui s’occupent de ça ?

    — Peut-être parce que les adultes travaillent, espèce d’étourdi ! Et nous avons dit à Alicia que nous allions nous en charger ! Elle nous a donné une liste, je te signale !

    Fay sortit la liste de sa poche de pantalon.

    — Tout doit être parfait !

    — Calme-toi, Fay, supplia Pachy.

    Mais Fay n’avait pas d’ordre à recevoir de quiconque. Elle consulta la liste avant de dire :

    — Alan, tu termines la piste de danse. Pachy et moi allons chercher le buffet. Seth…

    — Il est encore trop tôt pour le buffet ! s’indigna Pachy.

    — Tu as raison, avoua Fay.

    Elle distribua quelques tâches à tout le monde, même aux adultes en congé qui étaient venus prêter main forte. Eva se retrouva également avec des tâches. Fay était devenue une vraie tempête. Tout le monde se sauvait d’elle quand elle approchait.

    Finalement, la journée tirait à sa fin. Seth était épuisé, mais constater le résultat lui redonna de l’énergie. La banderole se voyait de loin, le buffet se trouvait juste en dessous, les guirlandes éclairaient dans le noir, faisant profiter à tout le monde de leurs magnifiques couleurs.

    Tout le village se rassembla sur le Terrain Pavé. Tous attendaient, silencieux. Bientôt, ils entendirent le bruit de sandales qui claquaient sur le sol au pas de course. Seth s’étira le cou pour voir Emma arriver, murmurant silencieusement les mots :

    — Ils arrivent !

    Tout le monde voulut se cacher, mais il n’y avait pas assez d’endroits disponibles. Le résultat fut assez désastreux. En revanche, l’effet serait sans doute magistral puisque Wilson ne s’y attendait pas.

    — Passons par le Terrain Pavé ! cria une voix, non loin d’eux.

    Seth comprit qu’Alicia voulait s’assurer que tout le monde était en position pour la grande surprise. Seth sentit l’excitation monter en lui.

    Puis, après avoir tourné le coin d’une maison, Seth les aperçut. Comme une énorme vague, tout le monde se leva en criant :

    — SURPRISE !

    — Qu’est-ce que… ? s’exclama Wilson.

    — Nous fêtons tes 20 années de service, ce soir, lui expliqua Gary, l’homme-nain.

    Wilson eut les larmes aux yeux.

    — Quoi ? Non ! Je n’en mérite pas autant !

    Les Monstres se mirent alors à danser sur une musique venue de nulle part. Seth regarda sa montre et fut étonné de constater qu’il n’était que 20 h. Alicia et Wilson n’avaient sûrement pas terminé les demandes de Transfert.

    Vers 21 h, des hommes apportèrent des tables et des chaises. Seth, Alan, Fay et Pachy partagèrent leur table avec Eva. Tous étaient assis, attendant la suite des événements.

    — Que se passe-t-il ? demanda Seth, alors que les hommes qui avaient apporté les tables plaçaient une petite scène en avant de la foule.

    — Je ne sais pas, avoua Fay, fébrile. Alicia ne nous a pas parlé de ça, ce matin !

    La musique cessa. Alicia se leva et prit place sur l’estrade. Tous les regards étaient rivés sur elle. Elle se racla la gorge.

    — Chers amis, collègues, étudiants et étudiantes, nous sommes réunis ici, ce soir, pour célébrer les 20 années de carrière d’un homme extraordinaire : Craig Wilson.

    Il y eut une salve d’applaudissements.

    — Craig Wilson a accompli de nombreuses choses dans sa vie. Des bonnes et des mauvaises, nous devons l’avouer. Mais il faut également préciser qu’il a toujours pris ses décisions en faveur de ce qui était le mieux pour Monstrum et non pour lui.

    Il y eut d’autres applaudissements.

    — Craig, sur une note plus personnelle, continua Alicia, et au nom de tout le monde en même temps, je voudrais te dire merci. Merci pour tout ce que tu nous as apporté, tout le bien que tu nous as procuré, toutes les chances que tu as données à ceux qui en avaient besoin… merci.

    Nouveaux applaudissements.

    — Pour continuer cette soirée en beauté, reprit Alicia, la voix tremblante, j’invite le jeune chanteur amateur Adhémar Ménard à venir nous interpréter une chanson tout spécialement composée pour l’événement.

    Alicia quitta l’estrade et un garçon, que Seth avait déjà vu dans ses cours, s’y installa. Une musique commença en même temps que le jeune se mit à chanter.

    — Je ne savais pas qu’il chantait si bien, fit Fay.

    — Moi non plus, et ça m’est égal, commenta Alan.

    Alicia, qui était prisonnière des bras de Wilson, se défit de l’étreinte du Gardien quand elle aperçut les quatre amis. Aussitôt, elle se dirigea vers eux tandis qu’Adhémar continuait de chanter.

    L’argent, les préjugés, peu importe,

    Le courage et l’amitié sont plus forts.

    Des poils et des vêtements, voilà ce qu’il porte,

    Et de son regard perçant il jette des sorts.

    — Vous vous amusez ? demanda Alicia, se plaçant devant Seth.

    — Oui !

    La secrétaire prit une chaise libre d’une autre table pour s’installer avec le petit groupe. Eva, un peu mal à l’aise, regardait partout et faisait bien attention de ne pas écouter la conversation.

    — Vous avez très bien fait cela, merci, dit Alicia. J’ai oublié de le mentionner dans mon discours. J’étais trop émue.

    — Ce n’est pas grave, assura Fay.

    — Oh non ! souffla Alan, sarcastique.

    Fay voulut lui donner un coup de pied en dessous de la table, mais elle atteint Pachy qui sursauta. Sa trompe vola dans les airs et retomba sur la table. Il fit un petit sourire à Alicia qui préféra ne pas poser de questions.

    — En passant, reprit Alicia, désolée de ne t’avoir rien dit, Seth. Je ne pouvais pas parler devant Wilson, tu comprends ? Je ne voulais en aucun cas gâcher la surprise.

    — Il n’y a pas de problème.

    Alan lança un regard à Seth. Ce dernier fit attention de ne pas le croiser.

    — Je vais aller danser, dit Eva.

    Elle quitta la table et disparut dans la foule alors ­qu’Adhémar finissait sa chanson sur une longue note. Quand il eut terminé, tout le monde applaudit, Seth y compris, même s’il n’avait pas écouté la chanson.

    — Comment se sont passées les demandes de Transfert ? s’enquit Fay.

    Alicia soupira.

    — C’est l’enfer ! On en a presque 200 ! Tous veulent voir le Monstre qui n’en est pas un ! Tu es une vraie célébrité, Seth ! Bref, Wilson et moi avons décidé d’accepter 30 demandes. Une fois les 30 personnes choisies, on a refusé le reste.

    — Elles seront sans doute toutes déçues.

    Alicia eut un sourire en coin lorsqu’elle ajouta :

    — Pas autant que celles qui viennent pour toi, Seth.

    Elle attendit un moment, laissant le quatuor sur une note mystérieuse, puis elle déclara :

    — Vous avez tous été acceptés à Prodige, en France.

    — YEAH !

    Seth, Alan, Fay et Pachy sautèrent littéralement de joie. Ils passeraient une année complète en France, étudieraient un tout nouveau mode de vie, apprendraient selon un nouveau point de vue. Leur voyage serait constructif et très divertissant.

    Alicia les ramena à l’ordre assez vite. Plusieurs têtes s’étaient tournées vers eux alors qu’Adhémar entamait une deuxième chanson.

    — Est-ce que ça a été un choix facile ? s’enquit Pachy.

    — Oui, hésita Alicia. Enfin… pas pour Seth, évidemment.

    Seth sentit son sang se glacer.

    — Pourquoi ? lança-t-il, un peu sur la défensive.

    Alicia tourna la tête pour s’assurer que Craig était absorbé par la fête. Quand elle fut sûre d’elle, elle murmura :

    — Wilson ne voulait pas te laisser partir. Il croyait que c’était une très, très mauvaise idée.

    Seth échangea des regards avec ses amis. Finalement, Pachyderme posa la question qui était sur les lèvres de tous.

    — Comment est-ce que cela pourrait être une mauvaise chose pour Seth, mais une bonne chose pour nous ?

    Pour être franc, Seth connaissait une partie de la réponse, et Alicia le lui confirma.

    — Parce que Seth est le Monstre qui n’en est pas un. Il est connu à travers le monde des Monstres. Et il n’est pas aimé de tous.

    Alicia regarda à nouveau par-dessus son épaule.

    — Wilson ne voulait pas que je te dise cela, Seth, mais j’aime mieux te prévenir au cas où il se passerait quelque chose. Pour certaines personnes, tu es un intrus, un Humain qui vit dans le monde des Monstres. Imagine toute la tension que ça a causée ! Les Humains ne veulent pas de Monstres dans leur monde ; pourquoi devrions-nous accepter un Humain ?

    — En résumé, ils me voient comme leur ennemi ?

    — Non, pas leur ennemi, mais plutôt comme un imposteur. Ils croient que tu prends inutilement de la place dans notre monde. Ce qui est abject, si tu veux mon avis. Tu es un Monstre comme tout le monde. Simplement, tu n’as aucune caractéristique.

    Seth avait chaud. Il n’avait jamais pensé à cette manière de voir les choses. Les gens à Monstrum l’avaient si bien accueilli qu’il lui était impossible d’imaginer une situation aussi ignoble.

    — Si je vais en France, est-ce que ma vie… ?

    — Tu ne seras pas en danger de mort, ne t’inquiète pas. Madame Gillian Ewilan, la Gardienne du Sanctuaire, a déjà discuté avec les Monstres de Prodige à l’heure qu’il est. Si quelqu’un te fait du mal, il devra faire face à Ewilan.

    » Plus j’y pense, plus je trouve cela ridicule. Personne ne te veut du mal, Seth, crois-moi. Simplement, tu peux être perçu comme un parasite. Il ne faut en aucun cas que tu te sentes visé si une personne te traite de saleté ou de maladie vénérienne ou de je ne sais quoi. Tu es comme tout le monde, Seth. Peut-être même mieux !

    Loin d’être rassuré, Seth hocha tout de même de la tête. Il vit Wilson se lever et se diriger vers leur table. Il fit un petit signe discret à Alicia qui le comprit immédiatement.

    — Vous allez bien ? voulut savoir Wilson.

    — Oh oui, mentit Seth.

    — Alicia vous a mis au courant ? Vous allez tous en France ! N’est-ce pas génial ?

    — Absolument.

    — Vous partirez la semaine prochaine. Je m’occuperai moi-même de vous escorter jusqu’en France puisque le Monstre-ô-mètre ne m’a pas surchargé de travail, cet été !

    Wilson invita Alicia à danser. Cette dernière, légèrement rouge, accepta l’offre, et ils disparurent dans la foule. Quand ils furent hors de vue, Pachy se pencha vers Seth.

    — Wilson n’a jamais conduit des étudiants à un autre Sanctuaire auparavant ! Il doit vouloir garder un œil sur toi !

    Avant que Seth ait pu ouvrir la bouche, Fay s’exclama :

    — Comment les gens peuvent-ils juger Seth sans l’avoir connu ? C’est absurde !

    — Fay, chuchota Pachy, il n’est pas question de juger Seth sans le connaître, mais plutôt de croire à certaines rumeurs.

    — Pour moi, c’est la même chose.

    — Des rumeurs ? coupa Seth. Quelles rumeurs ?

    Pachyderme ouvrit la bouche et la referma. Il chercha ses mots un instant.

    — Il doit y avoir des centaines de rumeurs à ton sujet, Seth. Tu es l’Exception, après tout ! Tous veulent en savoir un petit peu plus à propos de toi, c’est normal. Tu es un peu comme une sorte de relique.

    » De plus, l’histoire du Traqueur doit avoir déjà traversé l’océan ! Plusieurs croiront que tu as fait exprès de faire entrer le Traqueur à Monstrum. La peur que tu sois réellement un Humain alimentera les rumeurs négatives à ton sujet.

    » Et tu es doué à Capture l’Humain. Ça aussi, les Monstres le savent sûrement. Ils n’accepteront pas qu’un Humain soit meilleur qu’eux à leur propre sport.

    — C’est tout à fait ridicule ! Je n’ai jamais voulu rien de tout cela ! Je donnerais n’importe quoi pour retourner en arrière et tout changer.

    — Nous le savons, assura Alan. Seulement, les autres Monstres, eux, non.

    Seth fit la moue. Visiblement, son voyage en France ne s’annonçait pas aussi paisible qu’il ne l’avait envisagé.

    Le départ

    Seth se réveilla le lendemain avec une étrange sensation. La conversation de la veille refaisait toujours surface dans ses pensées, et il n’aimait guère cela. Si jamais Wilson avait raison et qu’il était persécuté par ceux qui le voyaient comme un imposteur, que ferait-il ? Devrait-il demander à Alicia d’annuler son voyage en France parce qu’il avait peur ? Que ferait-il pendant un an sans ses amis ? Non, il devait aller en France.

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