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La Faille: Volume 2 : La traque de Romeo
La Faille: Volume 2 : La traque de Romeo
La Faille: Volume 2 : La traque de Romeo
Livre électronique342 pages5 heures

La Faille: Volume 2 : La traque de Romeo

Par M.I.A

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À propos de ce livre électronique

Des siècles se sont écoulés depuis les événements contés dans « Rémoras » et « La Trappe », au cours desquels la face du monde a été profondément transformée.
Plus de place pour l’excentricité ou la contestation, sous peine d’effacement. Mais plus de criminalité, plus de perversion non plus. L’humanité profite désormais d'un monde calme, d’un monde en paix, d’un monde PARFAIT !
Seul un grain de sable persiste. Un petit groupe de femmes et d’hommes – terroriste et criminel aux yeux de la majorité, résistant et libérateur pour une minorité – est prêt à tout pour rendre aux Hommes leur libre arbitre.
Mais perdre le paradis sur Terre, est-ce vraiment souhaitable ?

Victor parviendra-t-il à ouvrir la boîte de Pandore de ce nouveau monde ? La Collecteuse Echo, pièce majeure de cette quête libératrice que très peu souhaitent, parviendra-t-elle à échapper au Traqueur Romeo, lancé à sa poursuite ?
Le passé détient peut-être les clefs du futur, mais le remède ne sera-t-il pas pire que le mal ?

Découvrez « La traque de Romeo », le deuxième volume de la trilogie de M.I.A... « La Faille ».

LangueFrançais
Date de sortie7 juin 2014
ISBN9782370111517
La Faille: Volume 2 : La traque de Romeo
Auteur

M.I.A

Le pseudo M.I.A (« Missing In Action ») concrétise la rencontre de deux amis passionnés de littérature, de cinéma, et d'actualité politique, pour ne citer que quelques points communs évidents.La méthode de travail choisie pour l'écriture de ce roman est particulière, car près de 1500 kilomètres nous séparent : qui pourrait penser que « Rémoras » et « La Trappe » ont été intégralement pensés, construits et rédigés à distance, grâce à Internet ?

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    Aperçu du livre

    La Faille - M.I.A

    cover.jpg

    LA FAILLE

    Volume 2 : La traque de Romeo

    M.I.A

    Published by Éditions Hélène Jacob at Smashwords

    Copyright 2014 Éditions Hélène Jacob

    Smashwords Edition, License Notes

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    © Éditions Hélène Jacob, 2014. Collection Science-fiction. Tous droits réservés.

    ISBN : 978-2-37011-151-7

    Chapitre 1 – Romeo

    L’homme et l’enfant roulèrent enlacés sur le sol poussiéreux et le Traqueur plaqua le maigre visage contre son torse, dans un geste protecteur. Ils rebondirent deux fois parmi les pierres et les arbustes et finirent leur transfert contre un tronc d’arbre à moitié déraciné. Romeo, allongé sur le dos, luttait pour parvenir à respirer et ce fut le petit regard tranquille qui lui rendit peu à peu son calme. Charlie, les yeux légèrement inquiets et la bouche entrouverte, posa sa main sur la poitrine haletante et l’y laissa un court instant, sans quitter le Traqueur des yeux.

    À quelques mètres d’eux, la lumière du point de passage disparut. Au loin, le vacarme était surprenant.

    — Bon sang, c’est encore plus violent que la première fois ! Je n’aurais pas dû nous précipiter comme ça, je crois que ça amplifie la vitesse et le choc à l’arrivée. Donne-moi une minute, Charlie, tu veux ? Ça va passer… J’ai un peu de mal à récupérer.

    L’enfant se contenta de faire un signe de tête, son attention soudain attirée par les bruits ambiants et le paysage alentour. Il semblait chercher des réponses qui ne venaient pas, et une ride perplexe marquait son front. Le Traqueur se mit à rire doucement en toussotant et tenta de se redresser.

    — Tu ne l’as pas vue venir, celle-là, hein ? Je ne pouvais pas te laisser aux mains de Miles, tu comprends ? Mais je n’ai aucune idée de ce qu’a fabriqué la Collecteuse. Ni comment ou pourquoi. Il va falloir lui remettre la main dessus et trouver un moyen de retourner à notre point de départ. Elle a tenté un transfert géographique, mais elle et ses copines ne doivent pas être très loin. Il va falloir qu’on s’oriente et surtout comprendre d’où vient ce boucan curieux.

    — 2507.

    — Quoi donc ?

    — Nous sommes en 2507. Enfin, si la programmation a fonctionné comme nous l’avions prévu. Tu ne reconnais donc pas la montagne, là-bas derrière ces arbres ? Nous sommes restés dans la même zone. Le décor est juste un peu différent et l’air… plus léger. Ici, l’eau n’est pas mortelle. Tout n’a pas encore été souillé.

    — Mais quelle mouche vous a piqués de lancer un déplacement temporel, bon sang ? Et pourquoi as-tu décidé de l’aider ?

    — Elle t’expliquera tout en temps voulu. Et je l’ai aidée parce que c’était le chemin qu’elle devait suivre, tout simplement.

    — Mais tu réalises ma situation ? Notre situation ?

    — Eh bien… D’après ce que j’entends, cette époque est nettement plus animée que la mienne…

    — Mais je ne parle pas de ça, Charlie ! Je veux dire que nous sommes coupés de mon point d’origine ! Je l’ai suivie sans réfléchir, par réflexe, sans programmation de mon propre système. La première fois, j’avais pu conserver un historique de mon transfert initial et j’aurais pu rentrer, la ramener. Mais là, même si je revenais en arrière, je resterais bloqué à ton époque. J’ai paumé mes paramètres précédents avec ce deuxième déplacement et je ne sais pas faire fonctionner la machine que la Collecteuse a utilisée !

    — Tout finira par s’arranger, Romeo. Tu perds ton sang-froid inutilement.

    Le Traqueur laissa sa tête retomber dans la poussière, un sourire ironique accroché aux lèvres. Il se passa une main sur le visage, ferma les yeux comme pour mieux réfléchir, puis poursuivit d’un ton calme mais amer.

    — Je me trouve à près de deux mille ans de ma propre époque, pas plus avancé qu’à mon départ, avec une Collecteuse qui court dans la nature et l’impossibilité de rentrer chez moi par mes propres moyens, sans parler de la ramener, elle. J’ai faim, j’ai soif, j’ai mal au crâne et aux pieds, je me traîne un gosse qui peut s’envoler au premier coup de vent et qui me prend pour un idiot… et je crois que je pue un peu. Tu as une solution pour chacun de ces problèmes ?

    — Bien sûr !

    — Tu te fous encore de moi, hein ?

    — Absolument pas, Romeo. Nous allons résoudre chacun de tes minuscules soucis selon leur degré de gravité et d’urgence.

    — Mouais, quand tu te mets à parler comme ça, ça ne me met pas en confiance.

    — Si tu voulais bien te relever et arrêter de nous faire perdre notre temps, nous pourrions sans doute nous atteler à ces divers problèmes.

    — Je sais, je sais… Mais je suis vraiment crevé.

    Charlie se remit debout et tendit la main à l’homme en noir.

    — Je ne t’ai jamais vu renoncer à quoi que ce soit, même en pleine tempête électrique. Tu ne vas pas rester bloqué devant ces quelques menus désagréments, si ?

    Le Traqueur accepta la main offerte en grommelant, mais ne put s’empêcher de rire à nouveau devant l’air sérieux et moralisateur de son petit compagnon.

    — Dis-moi la vérité… Tout ça t’amuse au plus haut point, non ?

    — J’avoue éprouver un certain plaisir lorsque l’occasion de te sermonner m’est donnée.

    — Ouais, je vois…

    Romeo reprit pied avec lenteur et maladresse, en tenant à peine les doigts de l’enfant. Il voulait le remercier de son geste, mais ne tenait pas à lui faire supporter la moindre charge.

    Si je tire sur ton bras, Charlie, je crois bien qu’il se décrochera…

    Ses réflexes habituels reprirent le dessus en quelques secondes, malgré le poids de la fatigue.

    — Combien de temps nous a séparés d’elles, à ton avis ? Tu te souviens à peu près ?

    — Une quarantaine de secondes, peut-être un peu plus.

    — Moins d’une minute, dans tous les cas, c’est ce qu’il me semble. Elles ne sont pas loin, environ cinq cents mètres. Le problème, c’est de suivre la bonne direction. On n’y voit rien, avec tous ces arbres. Il y en a drôlement plus qu’avant. Enfin… qu’après. Il faut que je détecte de quel côté s’est ouvert leur point de sortie.

    — Je ne comprends pas tout à fait pourquoi nous ne sommes pas arrivés exactement au même endroit qu’elles. C’est étrange, comme mécanisme… très imprécis.

    — Voilà une bonne remarque, Charlie ! Moi non plus je n’ai jamais vraiment saisi tout le fonctionnement du système. C’est propre aux transferts multiples dans un point de passage qui n’a pas été programmé pour ça. Je crois que c’est pour éviter de se rematérialiser dans le corps de celui qui est passé juste avant toi. Un peu comme une marge de sécurité, tu vois ? Mais peut-être que c’est parce que la Terre tourne et que les secondes se transforment en mètres à cause du déplacement relatif.

    Le Traqueur se mit à rire et écarta les bras. Charlie pencha légèrement la tête, comme pour manifester sa perplexité.

    — En fait, je n’en sais foutrement rien. Je ne fais que répéter ce qu’on m’a vaguement expliqué, et que j’ai compris à moitié. Je crois que ça dépend surtout du point d’arrivée, selon qu’il y a du matériel pour canaliser l’énergie qui t’y attend ou pas, un truc dans ce goût-là.

    — Tu n’as pas l’air vraiment concerné par cette question.

    — Parce que de toute façon, on s’en fout. L’important, c’est de les retrouver. Laisse-moi me concentrer.

    Romeo refit les gestes accomplis seulement quelques semaines plus tôt, dans des circonstances similaires mais pourtant si différentes.

    Et dire que je pensais que ça ne me prendrait qu’une journée… Quel con !

    Les radiations familières se manifestèrent sur son écran, indiquant d’abord la trace de leur propre point d’arrivée. Il fronça les sourcils.

    — Un souci, Romeo ?

    — Mon système doit être en train de récupérer, lui aussi. Il m’indique un tas de trucs bizarres. J’ai beaucoup trop de résultats qui s’affichent. Il doit avoir du mal à les localiser comme il faut. Je ne sais pas trop ce qui se passe. On va aller vers celui qui semble le plus net, là, dans cette direction. Il y en a aussi un autre pas très loin. On le vérifiera après, si le premier est une mauvaise détection.

    Il fit un geste du bras pour indiquer le chemin et se mit en route, Charlie trottinant à ses côtés.

    L’enfant avançait d’un pas rapide et saccadé, afin de se maintenir à sa hauteur. Le Traqueur l’observa avec une pointe d’inquiétude au creux du ventre. Le gamin avait encore maigri, ces derniers jours. Leur marche forcée pour rejoindre la montagne avait épuisé ses faibles ressources et ses jambes semblaient désormais trop fragiles pour supporter son propre corps. Romeo se sentit coupable et ralentit instinctivement l’allure, s’attirant un regard étonné.

    — Tu as perdu la trace ?

    — Non. Je suis juste… fatigué.

    Charlie ne dit rien et se contenta de hocher la tête sans conviction. Ses yeux paraissaient encore plus immenses qu’auparavant, car le Traqueur avait maladroitement tenté de lui couper un semblant de frange pendant leur long voyage, « afin qu’il y voie clair et qu’il arrête de lui marcher sur les pieds », avait-il dit pour plaisanter en maniant son couteau effilé. L’enfant s’était prêté de bonne grâce à ce petit jeu, mais avait maintenant une allure étrange. Les cheveux qui s’arrêtaient un peu de travers au-dessus des sourcils révélaient un œil gauche au violet plus magnétique que jamais.

    Romeo se sentit soudain aussi bouleversé que lors de leur première rencontre dans la clairière. La peur de lui faire du mal, la confusion des pensées, l’impression que des fourmis s’activaient sous son crâne, mais surtout, l’angoisse de le décevoir… toutes ces sensations jaillirent en lui et lui nouèrent la gorge, avant de disparaître brutalement.

    Il se concentra sur les données de son écran rétinien pour garder une contenance et maintenir son cap. Le silence s’installa entre eux et le Traqueur réalisa que la présence familière des loups lui manquait plus qu’il n’aurait voulu l’admettre.

    — Nous y sommes presque. C’est vers la zone dégagée qu’on voit après les arbres et d’où vient ce boucan curieux.

    Alors qu’ils approchaient du point indiqué par son système, les bruits se firent plus sonores. Un mélange surprenant de voix, de ronronnements de moteurs et de sons mécaniques. Bien plus loin encore, Romeo crut percevoir quelques sifflements aigus et inquiétants. Il hésita et ralentit le pas.

    — On devrait voir un peu ce qui se passe avant de prendre le risque de se montrer. On dirait qu’il y a du monde par-là.

    Charlie acquiesça, toujours silencieux et l’air soudain plus grave. Ils se postèrent derrière un chêne et observèrent la scène.

    Des dizaines d’engins mécaniques avançaient lentement sur la piste artificiellement créée par leurs déplacements. Ils allaient apparemment vers la montagne ou en revenaient, d’après la direction de la voie poussiéreuse. Ceux qui prenaient le chemin aller transportaient des matériaux divers soigneusement empilés dans d’énormes remorques. Les véhicules qui roulaient en sens inverse étaient remplis de gravats en tous genres et s’éloignaient, sans doute pour vider leur chargement dans un lieu prévu à cet effet. La file indienne était longue. Les éclats de voix émanaient des chauffeurs, qui devaient crier pour se faire entendre des hommes en uniforme postés à divers endroits le long de la route. Des sortes de contrôleurs, certainement, car ils semblaient prendre des notes sur un petit écran portatif après chaque échange.

    — Ils sont en train de construire le centre.

    — Quoi donc, Charlie ?

    — Nous assistons aux travaux de construction du centre. Nous devons être à quelques mois de la fin de sa préparation. Bientôt, il accueillera ses pensionnaires.

    Le Traqueur ne répondit pas, perturbé par la signification de cette dernière remarque. Être le témoin de la création d’un lieu qu’il venait juste de quitter lui semblait grotesque.

    Alors qu’il étudiait le lent ballet des véhicules, Romeo surprit trois silhouettes qui grimpaient furtivement sur la plate-forme pleine de sable et de roches d’un des engins qui s’éloignaient.

    — Elles sont là ! Vite, Charlie !

    Restant caché par la ligne des arbres qui suivait la piste, il tenta de se rapprocher, sans quitter les femmes du regard. En courant vite, il était plus rapide que le moyen de transport qu’elles avaient choisi. Echo ne lui échapperait pas, à cette allure. Derrière lui, il entendait Charlie qui tentait de suivre son rythme. Leur course fut stoppée par une voix belliqueuse.

    — Qu’est-ce que vous foutez là ?

    L’un des hommes présents en bordure du chemin était tourné vers eux et marchait dans leur direction. Il avait repéré leur petit manège et paraissait hors de lui.

    Et merde… Au temps pour la discrétion…

    — Je dois juste rejoindre quelqu’un, là-bas ! Je…

    — La zone est totalement interdite aux civils, vous ne pouvez pas l’ignorer ! Surtout avec un enfant ! Vous devez être complètement inconscient pour lui faire courir un tel risque, si près de la zone des combats ! Mettre volontairement en danger la vie d’un enfant est passible de… oh, merde !

    — Ne vous excitez pas, nous allons partir ! Toutes mes excuses pour…

    — Un Mentaliste ! Un foutu Mentaliste ! Venez vite, il y a un Mentaliste qui traîne en liberté !

    L’homme était devenu hystérique et plusieurs de ses collègues, alertés par les cris, délaissèrent leur poste et se mirent à courir vers lui pour lui prêter main-forte. Certains chauffeurs ouvrirent même la porte de leur véhicule et commencèrent à en descendre. Les visages étaient menaçants et les gestes, sans équivoque.

    Incapable de comprendre la cause de cette panique soudaine et renonçant à se l’expliquer, Romeo recula immédiatement, attrapant au passage la main de Charlie. Il lança un dernier regard agacé au véhicule qui s’éloignait, puis fit demi-tour et s’enfonça dans le couvert des arbres. Après seulement quelques mètres, il souleva l’enfant et le jeta sur son épaule pour la seconde fois de la journée.

    J’en ai marre de courir…

    Il les sema assez facilement, sans même s’arrêter pour utiliser son système de camouflage. Placer l’enfant dans sa combinaison lui aurait fait perdre du temps et, heureusement, ces hommes semblaient tout autant agressifs qu’apeurés. Peut-être qu’ils ne pousseraient pas leurs recherches très loin, une fois la menace immédiate – quelle qu’elle fût à leurs yeux – évanouie dans la nature.

    Il dut cependant ralentir l’allure, surpris par son propre degré de faiblesse, et finit par reposer Charlie, qui semblait encore plus choqué que lui. Alors qu’il s’appuyait contre un arbre pour reprendre son souffle et tenter d’analyser les derniers événements, une voix masculine derrière lui le fit sursauter.

    — Vous auriez vraiment pas dû vous enfuir comme ça !

    Chapitre 2 – Victor

    Lorsque la porte s’ouvrit pour laisser passer Margaret, Victor ne put s’empêcher de sourire. Malgré la fatigue accumulée des dernières semaines et le stress du verdict rendu seulement une heure plus tôt, il se sentait d’humeur à laisser ses angoisses de côté, au moins pour le temps de leur entretien. Son avocate avait le don d’éveiller des émotions agréables en lui et il ne voulait pas l’accueillir en trahissant immédiatement la confusion qui le rongeait depuis qu’on l’avait conduit et laissé dans le parloir.

    Elle se laissa tomber sur sa chaise avec une feinte désinvolture et poussa un soupir de contentement presque enfantin.

    — Le vote a été déclaré valide. Les trente jours supplémentaires, je vous rappelle que c’est un minimum, sont donc bien confirmés. L’annonce a été faite publiquement et une grande partie des citoyens a l’air de s’en réjouir. Ils doivent apprécier le spectacle, après tout.

    — Voilà qui est parfait.

    — Parfait, oui, on peut dire ça. Et si nous sommes bons, nous pourrons peut-être pousser jusqu’aux deux mois prévus par la procédure, avant un nouveau vote. Nous allons donc repartir pour une salve d’audiences tout aussi inutiles qu’épuisantes, j’espère que vous vous sentez d’attaque. Mais vous vouliez du temps supplémentaire, non ?

    — Et grâce à vous, j’ai obtenu bien plus de jours que ce que je croyais possible au moment de mon arrestation. Vous voyez qu’on peut donc utiliser les règles autrement, si l’on est suffisamment impertinent.

    Il lui adressa une grimace malicieuse pour appuyer ces derniers mots.

    — Dites-moi, vous ne seriez quand même pas en train d’espérer obtenir l’acquittement par voie de nullité répétée ? Je vous trouve bien trop souriant, tout d’un coup…

    — Je ne suis pas naïf au point de regarder aussi loin et de tout miser sur l’optimisme. Pas encore, en tout cas, car après tout… qui sait ? Mais non, je me contente de savourer un instant victorieux bien mérité. Vous avez superbement travaillé, Margaret.

    L’avocate fut prise d’un rire puéril qui fit voleter ses longs cheveux noirs.

    — Victor, ne me prenez pas pour une imbécile. Je sais très bien quelles sont les limites de mes talents et de mon rôle dans ce procès. Nous savons tous les deux que, même si j’ai pu effectivement faire traîner un temps les choses, ce n’est pas à moi que nous devons le résultat de ce vote historiquement anormal. Entre nous, alors, comment vous vous y êtes pris ? Vous pouvez me le dire, maintenant, puisque je vous rappelle que cette pièce respecte la règle de confidentialité des échanges entre accusés et avocats et que nous ne sommes pas sur écoute. Je ne dis pas que j’approuve vos manigances, mais j’ai quand même envie de savoir !

    — Chaque chose en son temps, Margaret…

    — Vous pourriez être un peu plus reconnaissant et me mettre dans la confidence ! Car j’aimerais vraiment savoir comment vous avez réussi à trafiquer le résultat. J’ai beau réfléchir, j’avoue que je ne vois pas. Le protocole a été tellement précis, sans interruption, sans aucune possibilité de mettre la main sur l’urne… je ne comprends pas et ça me rend horriblement curieuse !

    — Tout ce que je peux vous répéter pour le moment, c’est qu’il y a des traîtres partout, de nos jours…

    Margaret exprima son agacement d’un geste véhément du bras.

    — Oui, c’est ce que vous m’avez déjà dit tout à l’heure, je vous ai entendu. Vous ne me faites donc toujours pas complètement confiance, après tout ce temps passé ensemble ! Pourquoi ?

    Victor caressa sa courte barbe, un réflexe qui indiquait chez lui une réflexion intense. Il avait perdu son sourire et une certaine détresse émanait de son visage.

    Comment lui expliquer… ?

    — Je vous aime bien, Margaret. Vous me mettez de bonne humeur et notre première rencontre ne laissait pourtant pas présager des relations faciles. Vous avez gagné mon estime et ma reconnaissance, en acceptant ma défense et en allant au bout des choses à mes côtés.

    — Faut-il que je vous rappelle que vous ne m’avez pas vraiment laissé le choix ? J’ai le souvenir de certaines menaces déguisées…

    — Je n’ai fait que vous ouvrir les yeux sur votre véritable vocation. Dans le fond, vous saviez déjà que notre système pénal ne tourne pas tout à fait rond et qu’il est temps que ça change…

    — Admettons… Ceci ne m’explique pas pourquoi vous n’êtes pas complètement honnête avec moi. Je vous ai écouté, soutenu, parfois contre mes propres principes et contre ma croyance en une certaine forme de justice. J’ai même accepté bon nombre de vos théories scientifiques absolument folles, afin d’assurer votre défense. Sans parler de risquer ma peau, car je suis persuadée qu’on finira par s’en prendre à moi. Ça ne va pas s’arranger, d’ailleurs, avec ce second round.

    — Et je vous suis très reconnaissant d’avoir respecté votre parole. Oui, vous avez su dépasser vos peurs et votre aveuglement. Et vous m’avez aussi aidé à garder la foi, à rester convaincu qu’Echo rentrerait avant la fin. Qu’elle rentrera…

    — Alors, ne me mettez pas sur la touche cette fois-ci ! Dites-moi ce que vous avez fait. Comment le vote a-t-il été manipulé ? Je vous défendrai mieux si je sais exactement ce qu’il se passe. Peut-être même que nous pourrons réitérer l’exploit de semer la zizanie au sein du Conseil et obtenir un acquittement au bout du compte. J’avoue avoir apprécié le spectacle de leur confusion, moi aussi, même si je ne suis pas censée me réjouir que notre système juridique ait si piètre allure.

    Victor secoua la tête avec regret.

    — Je suis sincèrement désolé, mais je ne suis pas encore prêt à vous révéler certaines choses, même si vous m’êtes précieuse et que j’apprécie hautement votre compagnie et votre engagement. Vous voyez, j’ai moi-même des doutes sur ce qui s’est produit.

    — Des doutes ? Vous avez obtenu le résultat que vous désiriez, comment pouvez-vous douter une seule seconde de votre propre réussite ? Car nous sommes bien d’accord, le verdict n’est pas dû à ma seule éloquence ou au simple hasard !

    — Je ne sais pas. Quelque chose me gêne. En vous attendant ici, j’ai eu largement le temps de réfléchir un peu, de repenser à toutes les implications du procès, à tout ce qui s’est dit, afin de préparer la suite. Or, je navigue entre la clarté et la confusion.

    — Je ne comprends pas.

    — Moi non plus, le problème est bien là.

    Il se leva et alla se poster près de la fenêtre. Un des avantages de ces entretiens était la possibilité pour lui de contempler, même furtivement, le paysage extérieur dont il était privé en cellule. D’ici, il pouvait voir une partie du centre-ville, ses artères rectilignes et ses bâtiments soigneusement ordonnés. La chorégraphie des navettes était un spectacle familier presque réconfortant. Le temps était sec, le soleil illuminait les façades en verre et les structures métalliques. Cette vue était un hommage à la netteté, à l’ordre et à la précision.

    Victor poursuivit d’une voix hésitante.

    — N’avez-vous pas l’impression que quelque chose est différent ?

    — Différent de quoi ?

    — Je ne sais pas. Je me sens un peu perdu, depuis le verdict. Par moments, tout me semble parfaitement normal, la logique des événements me paraît évidente et je suis capable de repenser à ce procès en ne voyant qu’un enchaînement évident de séquences, de plaidoiries, d’interruptions et de conclusions, dans lequel mon plan s’insère parfaitement. Je sais alors que tout s’est déroulé comme prévu, que je devrais être satisfait, tout simplement. Mais soudain, l’ensemble se mélange, comme une image brouillée, et je n’y vois plus clair du tout. J’ai par exemple la sensation d’avoir vécu deux fois la même scène, différemment, et je ne sais pas laquelle est la bonne. Je ne sais donc plus si le verdict est dû à ma propre intervention ou si je le dois à un événement extérieur qui m’aurait échappé, que j’aurais oublié. Un élément que je ne maîtrise pas.

    — Vous vous sentez malade ? Si c’est le cas, nous pouvons déposer une motion pour protester contre les conditions de…

    — Non, rien de ce genre, ne vous emballez pas trop vite. Je ne sais pas comment vous expliquer ce qui se passe dans ma tête. Disons que, même en ce qui vous concerne, je nage dans une certaine confusion.

    — Je ne comprends toujours pas, désolée.

    — Je ne peux pas vous faire totalement confiance, car je ne suis pas sûr de mes propres perceptions. Un peu comme si j’avais peur que votre présence dans cette pièce ne soit pas totalement certaine, comme si j’étais en train de rêver et que j’avais des sursauts de lucidité. Je vous avoue que je ne sais pas trop ce qui m’arrive, mais tant que je n’aurai pas les idées plus claires, je préfère en rester là. Qui sait si je ne suis pas en plein sommeil, dans un dialogue avec moi-même que je suis seul à manipuler ? Ou si le Conseil ne m’a pas fait absorber une drogue qui me pousse à prendre mes désirs pour des réalités…

    — Vous me semblez avoir tous les symptômes d’un petit délire paranoïaque de premier ordre ! Vous avez tellement pris sur vous pour résister à la pression du procès que vous êtes sur le point de craquer, maintenant que vous savez que nous avons obtenu un répit. Vous subissez une espèce de choc mental, ça me semble évident.

    — Peut-être. Je ne suis pas contre la prise d’un rendez-vous anticipé avec le médecin, au cas où tout cela serait lié à mes migraines et à mon état de fatigue générale.

    — Votre ancien implant fait toujours des siennes ?

    — Pas plus que d’habitude, mais on ne sait jamais. Ce n’est pas le moment que je perde la tête, alors que j’ai besoin de toutes mes facultés et surtout de rester moi-même. Soyez gentille et faites la demande pour moi, elle sera acceptée plus rapidement que si je m’en charge.

    — Je vais m’en occuper immédiatement.

    — Merci, Mark. Votre aide m’est vraiment précieuse.

    Alors qu’elle était sur le point de repousser sa chaise, elle s’interrompit et le regarda avec étonnement.

    — Comment m’avez-vous appelée ?

    Victor se tourna vers elle, l’air perplexe.

    — Désolé, je n’ai pas fait attention. J’ai écorché votre nom ?

    — Laissez tomber, ce n’est pas grave. Le médecin va traiter votre surmenage. Ensuite, nous évoquerons les audiences

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