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Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus
Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus
Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus
Livre électronique304 pages4 heures

Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus

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À propos de ce livre électronique

Entre courses-poursuites dans les souterrains de la Croix-Rousse et combats pour récupérer la Tête d’Or dérobée par une bande de punks, c’est tout le passé mystérieux de Lyon qui se dévoile au fil de ce roman.
Un passé dangereux. Car au-delà des malfrats avides de richesses, des personnages qui ne sont pas du monde des Hommes se révèlent encore plus redoutables.
Du château de la Buire au cimetière de Saint-Didier-au-Mont-d'Or (où le gang lui donne rendez-vous) de la Colline de Fourvière jusqu'aux tréfonds des égouts de Lyon et la découverte de la rivière cachée de la Rize, notre héros n'aurait jamais imaginé l'existence de ces populations souterraines vivant en parallèle aux Lyonnais de la surface.
Traqué par plusieurs bandes rivales (qui veulent s'approprier du trésor des Canuts et de la Tête d'Or) autant que par la police (persuadée qu'il est lui aussi un membre de ces gangs), il lui reste cependant un atout à jouer.

LangueFrançais
ÉditeurPatrick Huet
Date de sortie1 juil. 2019
ISBN9780463027776
Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus
Auteur

Patrick Huet

Patrick Huet est l'auteur d'un nombre considérable d'ouvrages. Des romans, souvent dans le domaine de l'aventure et de "l'Héroic Fantasy". Mais aussi des contes pour enfants, des recueils de poésie, des documentaires, des essais et des livres de voyage. Il est connu pour avoir longé entièrement à pied le Rhône, la Saône et la Seine depuis leur source jusqu'à leur embouchure. Ce qui donna lieu à la publication d'ouvrages comme "Le Rhône à pied du glacier à la mer" ou "La Seine à pied de la source à la mer". De même, il fit la Une des médias après avoir composé un poème acrostiche d'un kilomètre de long, à l'origine sur un rouleau de tissu, et désormais disponible dans un livre "Des parcelles d'espoir à l'écho de ce monde". Pour les enfants, vous découvrirez avec plaisir les aventures de Clémentine la petite savante, de Tomy le petit magicien, ou encore les aventures d'Archibald le grillon dans le livre "A la recherche du pays des tortues jaunes".

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    Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus - Patrick Huet

    Pénélope Ou Le Mystère Des Trois Vertus

    Author : Patrick Huet

    Copyright

    © Patrick Huet 2019

    All rights reserved.

    Author  : Patrick Huet 73, rue Duquesne 69006 Lyon Tel. (33) 04 78 03 22 36.

    The cover is a composition of Patrick Huet, and Nelag0 the author of the photo.

    Roman en français.

    Un roman sur les mystères de Lyon.

    Published by : Smashwords edition – The1th of july 2019

    This e-book is licensed for your personnal enjoyment. It may not be re-sold or given away to other people. If you like to share it with another person, please purchase an additional copy for each person you share it with. Thank you for respecting the work of the author.

    Tous droits de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

    Reproduction même partielle interdite.

    Other ebooks : www.smashwords.com/profile/view/patrick

    Préambule - Note de l'auteur.

    Ce roman comporte 23 chapitres et un épilogue.

    CHAPITRE 1 - UN APRÈS-MIDI SI ORDINAIRE

    Il est de ces lundis qui ont l’allure de jours banals où rien d’autre ne peut survenir que la platitude des heures sans fin.

    Tel était ce lundi qui déployait devant moi son ciel immobile, et qui allait pourtant basculer rapidement dans la fièvre d’un été mouvementé.

    Il faisait si calme ce lundi-là. J’en avais délaissé les sentiers parfumés des chemins de halage pour arpenter les rues courbées de soleil de la Presqu'Île.

    Étrange destination pour un coureur d’aventure !

    Quoi qu'il en soit, je me retrouvai, aux alentours de 13 heures, en plein cœur de Lyon, dans la rue Victor Hugo.

    Comme chaque début d’après-midi au mois d'août, le centre-ville était désert. Je ne croisais que de rares passants. La douceur du temps retenait la population vers des lieux plus verdoyants ou alors, s’attardaient-ils autour d’un repas qui n’en finissait pas. Quant à moi, peu sensible à la torpeur ambiante, je m'en allais d'un pas nonchalant.

    Je m'arrêtai devant un magasin de vêtements, le WINDLORD, le « Seigneur des vents » !

    Je ne me doutais pas encore que le titre de cette enseigne s’annoncerait prémonitoire et qu’à trop me concentrer sur ses vents, je récolterais une furieuse tempête.

    Dans ce magasin, on y vendait aussi bien des effets pour hommes que pour femmes.

    Des costumes haut de gamme à la coupe parfaite et au tissu impeccable… et des prix à la hauteur de leurs qualités. Beaucoup moins à celle de mon portefeuille.

    Sans regret pour ces superbes habits hors de mes possibilités, je me tournai vers la droite où étaient exposées les toilettes féminines. J'étais émerveillé, pas tant par les modèles textiles que par celles qui les portaient. En effet, les mannequins de plastique présentaient une allure étonnante. Les techniciens avaient accompli des prouesses en leur donnant une apparence presque vivante. L'une d'elles attirait plus particulièrement mon regard.

    Elle était incroyablement belle.

    De longs cheveux de moire retombaient sur des épaules d'une grâce exquise. Dans son visage d'une finesse remarquable, deux yeux lumineux semblaient me scruter et m'appeler.

    Sa ressemblance saisissante avec un être humain me frappait. Troublé plus que je ne l'aurais avoué, je secouai la tête et continuai mon chemin. Marchant à grands pas, je tentai de m’ancrer de nouveau dans la réalité par un exercice physique contraignant.

    À peine avais-je dépassé la station de métro Victor Hugo, que je me retournai brusquement. Le visage de ce mannequin me hantait et je revins sur mes pas, encore plus vite.

    Je demeurais là, cinq, dix minutes, qui sait ? À l'admirer. Plus je la contemplais et plus je la trouvais belle.

    Quelle incongruité, me direz-vous, que de rester ainsi devant ce qui n'était, en définitive, qu'un morceau de matière plastique étiré !

    En cet instant, pourtant, j'étais à mille lieues de toute pensée logique. Je la voyais de plus en plus vivante. C'était comme une vie intérieure qui se manifestait dans son regard. Je me perdais dans l'abîme de ces yeux immenses. Un charme indéfinissable l'enveloppait et gagnait mon cœur et mon âme.

    L’incroyable se produisit. Je l'aimais !

    À en oublier le temps, à en oublier cette vitrine, à en oublier la pellicule de plastique qui formait son corps.

    Et j'étais là, sans autre pensée qu'une admiration éperdue quand une série de roucoulements me tira de ma béatitude. Il provenait d'en haut. Par simple curiosité, je jetai un rapide coup d'œil au-dessus de ma tête. Un pigeon s'était posé sur un des tubes de métal soutenant l'enseigne du Windlord. Sans lui accorder plus d'importance, je retournai à ma contemplation.

    De nouveau, un roucoulement se fit entendre, plus insistant. Cette fois-ci, il me semblait y déceler une nuance plus subtile, un ton moqueur.

    Intrigué, je détaillai plus longuement l'animal. Je ne m'y connaissais pas beaucoup en ornithologie et, pour moi, un pigeon c'était principalement… un pigeon. Et pour être précis, deux pattes, deux ailes, une tête, et l’ensemble recouvert de plumes. Celui qui se tenait au-dessus de moi était, ma foi ! tout ce qu'il y avait de plus pigeon ; que ce soit dans son allure générale ou dans son plumage.

    Toutefois, un éclat dans son regard le différenciait de ses congénères.

    Je n'avais jamais approché de pigeon auparavant, si ce n'était sur les places des grandes villes, et à aucun moment, je n’avais éprouvé un intérêt quelconque pour la gent volatile. C'était donc la première fois que je me retrouvais réellement face à face avec un oiseau. Malgré mon inexpérience, j'étais persuadé que cette étincelle de malice qui brillait dans ses yeux lui était particulière.

    C'est à ce moment-là qu'il émit un nouveau roucoulement. Alors là, j'en avais la certitude. Ce pigeon me narguait.

    – Dis donc, Pigeon ! Si tu allais roucouler ailleurs ? Ne penses-tu pas que ce serait une bonne idée ?

    Lancée machinalement, je ne m'attendais pas à ce que cette proposition fût suivie d'une réponse. Je ne m’adressais en fait qu'à moi-même. La réplique ne m’en frappa que plus vivement.

    – Et pourquoi donc, jeune homme ?

    Les yeux exorbités, la bouche ouverte, je restai paralysé.

    – Alors, on a perdu sa gouaille ? Reprit l'animal d'une voix nasillarde. On fait le fier et quand un événement surnaturel papillonne alentour voilà qu'on devient plus discret. Même mon amie la carpe passerait pour un moulin à paroles à tes côtés.

    Fouetté par cette raillerie, je me secouai de mon hébétude.

    – Un... un pigeon qui parle ! bégayai-je.

    – Un... un humain qui parle ! répéta le pigeon, plus moqueur que jamais. Évidemment que je parle ! Penses-tu donc que cette voix jaillit du néant ? Un gosier de pigeon vaut bien celui d'un humain.

    – Je n’en doute pas une seconde, mais c'est la première fois que j'entends un pigeon s’exprimer de vive voix. Il y a de quoi surprendre la personne la plus équilibrée et... et...

    – Et te voilà fort embarrassé. D'autant plus que j'apparais à un moment inopportun, semble-t-il.

    – Je ne vois pas ce que tu veux dire, mentis-je.

    – Vraiment ? Susurra le pigeon dans un mélange de roucoulements et de ricanements. Et cette charmante personne ?

    D'un coup de bec, il désigna la vitrine où je contemplais mon idéal féminin. Plus confus que jamais, j’avais du mal à formuler une réponse acceptable.

    – Eh bien... Je reconnais que... peut-être...

    Subitement, je n'y tins plus et lui déclarai.

    – Ce mannequin… c'est plus fort que moi ! C'est quelque chose qui me bouleverse à un point que je ne sais comment l'exprimer. Une sensation qui défie l’imagination. C’est encore trop frais pour que je parvienne à la décrire par des mots. Hormis que je suis sûr qu'elle comprend ce que je dis. Derrière cette pellicule de plastique, je suis certain qu'il existe autre chose que du vide, autre chose que de l'air, quelque chose qui me touche uniquement du bout de ses pensées. Ce mannequin, je l'aime comme je n'ai jamais aimé

    – Ah, l'amour, toujours l'amour ! répliqua le pigeon. C'est lui qui mène le monde, paraît-il. Ce qui, d'après mon expérience, est proche de la vérité.

    – Merci pour ces belles paroles, malheureusement sans grande utilité pour moi.

    Je sentais les yeux me piquer et je serrai les dents pour ne pas crier.

    – Je l'aime plus que moi-même et je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi mon corps est fait de chair et le sien de plastique, je n’arrive pas à le concevoir.

    – C'est que tu ignores bien des choses. Ta bien-aimée est faite de plastique, c’est une évidence. Maintenant, concentre-toi une seconde et réfléchis. Existe-t-il quelque part une règle signifiant que cet état devrait perdurer, immuable jusqu'à la fin des temps ? Où est-il écrit que cela ne peut être changé ?

    Son discours me foudroya. La rendre vivante, était-ce possible ? Un espoir insensé s'empara de mes pensées.

    – Écoute, Pigeon, je veux qu’elle vive, qu’elle devienne humaine. Si tu sais comment accomplir ce prodige, je t’en prie, dis-le-moi. Je te donnerai ce qui te tient le plus à cœur en échange.

    – Oh, jeune homme au cœur simple. Aucune personne au monde ne possède la qualité suffisante pour la métamorphoser en être vivant.

    – Mais, fis-je, incrédule, tu... enfin, tu m'avais laissé entendre que...

    – Je maintiens mes propos. Nul ne peut rien pour elle. Ceci est vrai, à une exception près.

    – Laquelle ?

    Le pigeon se dressa sur ses pattes et battit des ailes.

    – Cette personne, c'est toi.

    Battant plus rapidement des ailes, il s'éleva dans les airs et disparut de ma vue, caché par les façades des immeubles. Je me précipitai à sa poursuite, insouciant des éventuels passants. Heureusement, la rue était déserte.

    – Attends-moi ! Il faut que tu m'expliques.

    CHAPITRE 2 - LES TROIS VERTUS.

    Dans un bruissement d'aile, le pigeon se percha sur le panneau indiquant le nom de la proche station de métro. Je le rejoignis peu après. Quel singulier volatile ! Il émettait des roucoulements moqueurs à mon intention, l'œil toujours aussi pétillant.

    – Pigeon, je t'en prie, si tu détiens une même bribe d’information qui m’aiderait, dis-le-moi ! La fille que j'ai vue là-bas n'est pas un simple morceau de plastique. Elle est plus que cela, je le ressens au plus profond de moi. Je veux qu'elle vive et s'il existe sur cette terre un moyen pour la rendre humaine alors, je dois le savoir. Tu ne peux pas refuser de me l'apprendre, pas après ce que tu viens de me dire.

    – C'est bien de moi, cela ! marmonna le pigeon avec une pointe d'irritation. Me serais-je abstenu d’intervenir devant ton air béat que tu serais déjà reparti, abandonnant tout intérêt pour cet objet inerte. Peut-être, même, aurais-tu rencontré au coin de la rue une autre demoiselle qui t'aurait fait oublier son existence.

    – C'est impossible ! m'écriai-je. Ce que j'ai ressenti pour ce mannequin est différent de tout ce que j'ai éprouvé jusqu'à présent. Quelque chose en elle m'a frappé, comme une vie qui serait figée, comme une flamme qui se serait solidifiée avec le temps. Cette vie, je veux la libérer. Cette flamme, je veux la voir brûler, torride, à l’égal de celle qui embrase mon cœur.

    – Est-ce vraiment ton désir ?

    – Oui. Plus que tout au monde !

    – Ton amour est sincère, je te le concède. Il n’en demeure pas moins que je n'ai pas le pouvoir de la rendre à la vie, toi seul peux réaliser une telle merveille.

    – Mais comment ?

    Le pigeon leva le bec et resta songeur un moment. Je gardais le silence, rongé d'appréhension. Enfin, il baissa la tête.

    – Je viens de plonger dans mes souvenirs. J'ai atteint les coins les plus reculés de ma mémoire. Hélas, j’en reviens bredouille. Je n’ai aucune méthode susceptible d'accomplir ce prodige - donner la vie à ton mannequin.

    Je sentis mon cœur défaillir. Le pigeon s'en rendit compte, car il ajouta aussitôt.

    – Je n'ai pas terminé. Attends la fin de mon propos avant de t’enliser dans l’accablement... Si moi-même j'ignore comment rendre humaine un être de plastique, cela ne signifie aucunement que d'autres ne disposent pas de ce savoir.

    Un vague espoir chassait mes sombres pensées.

    – Connaîtrais-tu une telle personne ? Accepterais-tu de me conduire jusqu'à elle ?

    – C’est fort possible. Figure-toi que j'ai un vieil ami qui habite une gentille demeure le long du Rhône. La profondeur de sa sagesse dépasse l’entendement. Je suis persuadé qu’il pourra t’apporter des informations qui te seront utiles. Alors, pour ce qui est de ton problème, je répondrais simplement, allons lui rendre visite ! Viens avec moi, ce n'est pas très loin.

    Le pigeon s'envola à tire-d'aile dans une petite rue transversale, en direction du fleuve. Je le suivis en courant.

    La ville semblait morte. Pas un promeneur ne rompait la monotonie du paysage urbain. Le soleil torride plongeait la capitale des Gaules dans une langueur estivale.

    Le pigeon voletait toujours devant moi. Je ne songeai à aucun moment à l'étrangeté de cette situation. Un oiseau qui parlait, un mannequin de vitrine dont j'étais amoureux et que je souhaitais ouvrir à la vie... Non, pas une seule minute ce tableau ne me parut invraisemblable, fou ou grotesque. Le feu qui brûlait mon âme rendait naturel l'événement le plus extraordinaire et parfumait de réalité ce qui était inconcevable.

    Le pigeon se dirigea vers le Rhône. Je pénétrai à sa suite dans la rue des Remparts d'Ainay. Il s'envolait quelques mètres, se posait puis reprenait son envol dès que j'arrivais à sa hauteur. Sur le trottoir d'en face, quelques piétons musardaient sans me prêter attention.

    Aux quais du Rhône, des voitures passaient à vive allure et j'attendis impatiemment que la voie fût libre. Je traversai alors la route, dégringolai des escaliers et rejoignis le pigeon sur la berge au niveau du fleuve. Celui-ci roulait des flots puissants, éblouissant les yeux de ses reflets. Je suivais mon guide cahin-caha, trébuchant sur les pavés instables. Enfin, il s'arrêta.

    – Nous y sommes, si tu tiens à rendre vivant ton mannequin, je ne vois que lui pour te renseigner. À mon avis, nul autre ne serait en mesure de t'aider plus efficacement.

    – Lui, qui ? demandai-je naïvement. Il n’y a personne auprès de nous.

    – Attends ! Bientôt, nous ne serons plus seuls.

    Sur un rythme rapide, il frappa de son bec une des pierres de la muraille qui se dressait à quelques pas des eaux et longeait le fleuve en contrebas de la ville. Rien ne se passa. De nouveau, le pigeon renouvela l'opération. Un petit insecte, sans doute dérangé par le bruit, sortit d'un trou minuscule. Le pigeon se tourna vers moi.

    – Je te présente Artémis, héritier d'une haute sagesse et philosophe respecté parmi ceux de son espèce.

    – Mais, c'est un grillon !

    Une voix frêle et râpeuse comme une crécelle s'éleva.

    – Qu'avez-vous contre les grillons, jeune homme ? Penseriez-vous que ma petite taille ne me rendrait pas digne d'intérêt et que je ne serais qu'une quantité négligeable ?

    – Pas du tout ! Ne croyez surtout pas cela, monsieur Artémis. Voyez-vous, je ne m'attendais pas à vous rencontrer et encore moins à ce que vous soyez un grand sage.

    – Voilà bien les hommes. Ils se disent gens de science, vont sur la lune, sur Mars ou ailleurs et tombent des nues dès qu'ils s'aperçoivent que d'autres habitants de cette planète sont aussi intelligents qu'eux-mêmes. Vanitas. Vanitas.

    Le pigeon interrompit le grillon philosophe. Ce dernier l'écouta attentivement et se gratta la tête à l'aide d'une de ses six pattes.

    – C'est la première fois qu'une telle situation se présente à moi. Rendre vivant un être inanimé c'est quasiment impossible.

    – Il doit sûrement y avoir un moyen, m'écriai-je ! Votre ami, le pigeon, m'a affirmé que vous sauriez m'aider.

    –  Ne soyez pas si pressé et accordez-moi la grâce de terminer ma réflexion. Nous sommes entre gens du monde. Pas des grippe-sous postillonnant d’impatience.

    –  C’est certain.

    –  Il existe une chance, une petite chance de réaliser ce rêve. Une possibilité tellement infime qu'il vaudrait mieux abandonner cette idée et retourner à des occupations plus concrètes.

    – Jamais ! J'aimerais mieux mourir plutôt que de renoncer. Le mannequin que j'ai rencontré n'est qu'un être inanimé, rien de plus qu’un morceau de plastique dur, je l’admets volontiers, pourtant j'ai croisé son regard. Et il possédait plus de vie, plus de chaleur que chez la plupart des filles que j'ai connu à ce jour. Que son corps ne soit fait que de plastique, de la matière la plus inerte qui soit, oui, c’est vrai. Je sais aussi que ce qui se trouve à l'intérieur de cette enveloppe ne l'est pas, mais pense, vit et aime, autant que moi je l'aime ! Si c'est un rêve que de vouloir donner vie à ce corps alors, j'accepte ce rêve. Si, comme vous le dites, il n'existe qu'une infime possibilité de parvenir à ce but, je suis prêt à la saisir et à tenter ma chance. Quels qu'en soient les obstacles et quelles qu'en soient les difficultés, je ne crains pas de les affronter.

    Mes doigts me faisaient mal tant je serrais les poings. Je n'en tins pas compte. Mon attention était toute entière tournée vers Artémis. Il frotta ses pattes arrière l'une contre l'autre, d'un air songeur, provoquant par la même occasion le célèbre chant si familier des campagnes.

    Le soleil brillait toujours sans un nuage et des gouttes de sueur perlaient à mon front. Une aile à demi déployée pour se rafraîchir et la tête penchée, le pigeon semblait gagné par une légère somnolence.

    Artémis suspendit sa méditation. Je tendis l'oreille pour capter ses paroles.

    – Je suis heureux de vous découvrir si vaillant, car des difficultés, vous en aurez. Plus que vous ne le pensez. Vous aimez ce mannequin et vous voudriez lui donner la vie, c'est une entreprise admirable. Je crois que seul l'amour vous allouera le courage nécessaire pour affronter les épreuves qui vous attendent. Êtes-vous toujours déterminé à poursuivre cette quête ?

    – Plus que jamais !

    Je m'accroupis vivement et gravai son message dans mon esprit.

    – Un être ne sera jamais réellement vivant si son cœur ne vibre des trois vertus que je vais énoncer. La Bonnefoi, l'Humilité et la Vigilance. Si vous l'aimez aussi fort que vous l’affirmez et si votre désir le plus sincère est de la voir un jour, souriante auprès de vous, trouvez ces vertus ! Parcourez la ville et cherchez ! Quand vous serez en possession de la Bonnefoi, de l'Humilité et de la Vigilance, retournez vers celle que vous aimez et offrez-les-lui. Le miracle, alors, s'accomplira.

    Sur ce, Artémis le grillon, sage parmi les siens, fit demi-tour et pénétra dans le petit trou de la muraille d'où il était sorti. Bien après qu'il eut disparu, je fixai encore l'étroite ouverture. Un léger roucoulement m'arracha de ma contemplation.

    – Désolé d'interrompre ta réflexion. De quelle façon comptes-tu exploiter les révélations de mon ami ?

    – Je l’ignore. Où donc trouverai-je ces trois vertus ? demandai-je abasourdi. Ce ne sont pas des choses que l'on range dans un coffre-fort ou dans un abri secret au fond d’un jardin.

    – C'est vrai.

    – Personne, non plus, ne les a vues passer comme cela, dans la rue.

    – Effectivement.

    – Pourtant, ces vertus existent.

    – Oui.

    – C'est donc qu'elles sont quelque part.

    – On peut le supposer.

    – Mais, où ?

    – Voilà la question clairement posée.

    – Pigeon, en quel endroit se cachent ces trois vertus ?

    – Je ne sais pas.

    – Dans ce cas, il ne me reste plus qu'à mettre en pratique les paroles du grillon.

    – Lesquelles ? demanda le pigeon, intéressé.

    – Parcourir la ville à leur recherche. S'il le faut, je soulèverai chaque pierre, je secouerai chaque buisson, je monterai sur chaque toit. Peu importe le temps qui me sera nécessaire, mais je les trouverai.

    – À cœur vaillant, rien d'impossible ! déclara sentencieusement le pigeon. Si tu voulais bien m'écouter une petite minute avant d'entreprendre ce travail titanesque, je serais peut-être en mesure de te donner des indications utiles.

    Me voyant attentif, il reprit dans un même roucoulement.

    – Lyon est une grande ville, c'est aussi une vieille ville. Perdues dans l'anonymat de la population, il demeure quelques personnes qui maîtrisent le passé de notre cité mieux que moi et mieux encore que les historiens. Avant de t’éparpiller en mille directions, je t’invite à discuter avec l'une d'entre elles.

    – Je l'aurais déjà fait si j'en connaissais une. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Et je doute fortement que mes relations aient de tels liens.

    – Parce que moi, je ne suis pas une de tes relations ? s'écria le pigeon.

    – Oh, non ! ce n'est pas ce que je voulais dire. Je pensais uniquement à mes amis humains. Je te prie de m'excuser si je t'ai froissé.

    – Ce n'est rien, j'avais compris le sens de tes paroles et je ne les prends pas mal. Cependant, si tes amis humains ignorent à peu près tout de leur ville, ce que je regrette profondément, il n'en est pas de même pour tes amis pigeons, notamment pour celui qui parade en face de toi... Les « canuts », cela évoque-t-il quelque chose pour toi ?

    – Oui. C'est le nom des anciens ouvriers de la soie à Lyon. Je crois qu'il en subsiste encore un ou deux sur la colline de la Croix-Rousse.

    – Un ou deux... ou davantage.

    – C'est possible, je ne m'y suis jamais beaucoup intéressé.

    – C'est un tort. Les canuts représentent une vieille corporation qui date de plusieurs siècles. Le passé de Lyon ne recèle guère de secrets pour eux. Si quelqu'un est à même de te guider efficacement dans tes recherches, ce ne peut être qu'un canut.

    – C’est formidable. Qui me conseilles-tu ? Car de mon côté, je n’ai personne en vue.

    Le pigeon secoua la tête d'une façon très humaine. Il gloussa quelques notes et continua.

    – J'en connais un. Un vieux canut. Les survivants de sa corporation l'appellent l'Ancien, car il est, de loin, le plus âgé. Je te conduirai jusqu'à lui.

    J'acceptai avec une telle vivacité que j’en levai les deux poings en signe de victoire.

    – Tiens, un petit avertissement gratuit, ne prononce jamais devant lui le mot « canut ». C'est un terme qu'il exècre et qui le met en fureur.

    Ensemble, nous prîmes la direction des pentes de la Croix-Rousse, ce quartier populaire où logeait, travaillait et vivait la classe ouvrière des canuts aux temps glorieux du tissage de la soie.

    Le pigeon voletait devant moi et je pressai le pas pour ne pas le perdre de vue. Les rares passants que je croisais ne m’accordaient aucune attention, pas plus qu'au pigeon. Étourdis qu'ils étaient par la canicule, ils peinaient à marcher et ne recherchaient qu'un coin ombragé pour se protéger de l'ardeur du soleil.

    Pour ma part, la chaleur ne me gênait pas. L'image du mannequin, toujours présente dans mes pensées, me préservait des rayons brûlants et de la léthargie ambiante.

    Non loin du Jardin des Plantes, le Pigeon cessa de voler et m'attendit. Je le rejoignis prestement.

    – C'est là, roucoula-t-il brièvement.

    Une petite maison aux volets verts, délavés, et aux murs crépis se dressait au milieu d'un jardinet. Des herbes folles poussaient çà et là, entre deux massifs de fleurs. Le portail était grand ouvert. À la suite du pigeon qui progressait en sautillant, j'empruntai une allée recouverte d'une couche de gravillons. Chacun de mes pas les faisait crisser, malgré mes

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