Retour vers le Mugler
Cher Manfred, vous n’aimez pas, je crois, le mot rétrospective. Ni le mot exposition…
Je préfère l’idée d’opéra en neuf actes.
Qu’est-ce qui vous fait peur dans le terme rétrospective ?
Ça ne me fait pas peur, c’est chiant ! Puis dans rétrospective, il y a «rétro» : une idée un peu trop chronologique. Chronologie ne veut rien dire pour mon travail. Car tout est dans tout : c’est le mélange qui me stimule. Donc avançons! Chaque chose a besoin d’un œil neuf.
Déjà très jeune, vous bricoliez vos vêtements…
Pas que mes vêtements! Des décors de théâtre aussi, et mille costumes pour mes héroïnes imaginaires – dont j’écrivais les destins, et les répliques.
Si vous n’aviez pas été artiste, quel métier «normal» auriez-vous pu pratiquer ?
Ah ça ! J’aurais été clochard. Ou j’aurais montré mon cul sur les plages à Tahiti, je ne sais pas… Enfin bref, j’aurais été incapable de faire autre chose. D’ailleurs je n’ai pas pu aller à l’école. Je suis resté un mois au lycée : j’étais incapable de me concentrer. Et surtout de respecter des professeurs mal habillés.
Aujourd’hui, vous arrivez à écouter les gens mal habillés ?
Aujourd’hui, j’ai d’autres échappatoires! Je crée, je m’amuse. Bon, la seule chose que je retiens du lycée, c’est le toit de Pas juste gothique: gothique À MORT! [Rires.] Bien plus exaltante que sa cousine parisienne… Tout est plus fin, plus périlleux. Les tourelles et les échauguettes flottent au ras du vide ! C’est interdit d’accès désormais, mais quand j’étais gamin, je passais ma vie à monter là-dedans. C’est si impressionnant. La statuaire de bronze verdi, avec ses dragons, ses vierges, son ange Gabriel, me fascinait aussi. Sans parler du chant des nonnes, qui s’élevait dans les hauteurs infinies du bâtiment: c’était un monde sublime. Alors évidemment, les pupitres du lycée ne tenaient pas longtemps tête à ce rêve.
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