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L’héritage des luttes environnementales au Québec: Un souffle écocitoyen
L’héritage des luttes environnementales au Québec: Un souffle écocitoyen
L’héritage des luttes environnementales au Québec: Un souffle écocitoyen
Livre électronique553 pages6 heures

L’héritage des luttes environnementales au Québec: Un souffle écocitoyen

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À propos de ce livre électronique

Pillage d’eau, fracturation du sous-sol, contamination de l’air, danger de l’industrie nucléaire, privatisation des montagnes, érosion de la biodiversité… Si le Québec a pu échapper jusqu’ici à diverses tentatives d’agressions envers son territoire, c’est grâce à des groupes mobilisés, qui demeurent en alerte.

Les récits de lutte présentés dans cet ouvrage témoignent de l’engagement de citoyennes et citoyens qui se sont invités dans l’arène politique, exigeant l’exercice, sans entrave, d’une démocratie active. Le but de ces luttes : préserver la santé et l’intégrité de notre monde vivant.

En quoi ces mouvements ont-ils nourri l’imaginaire symbolique et la pensée politique des groupes mobilisés ? Quels apprentissages et quelles compétences l’action collective a-t-elle permis de développer ? A-t-elle favorisé l’émergence d’une écocitoyenneté ? De telles questions traversent cet ouvrage qui se veut une contribution à la mémoire collective, à la célébration et à la diffusion de l’héritage des luttes environnementales au Québec pour tous lecteurs intéressés par le sujet.

Il s’en dégage un souffle pour maintenir la vigilance et la mobilisation parce qu’au bout du compte, oui, tout cela en aura valu la peine !
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2024
ISBN9782760559776
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    Aperçu du livre

    L’héritage des luttes environnementales au Québec - Lucie Sauvé

    Introduction

    Avec l’ampleur et l’accélération des bouleversements climatiques, la menace d’interminables pandémies, l’insupportable douleur des guerres et leur violence écologique… on peut aisément avoir envie de se terrer ou de faire comme si de rien n’était : « À quoi bon ! » Ce qui apparaît comme la déliquescence de notre monde entraîne une perte de repères et génère diverses formes de replis et de fuites, dont le déni ou le fantasme technologique. À l’évidence, un tel contexte devient un terreau fertile pour l’instauration de régimes libertariens ou totalitaires. Aura-t-on le courage de maintenir une vigile critique et de s’engager en toute lucidité, sans naïveté, dans de nouvelles trajectoires de luttes socioécologiques démocratiques – seul horizon de dignité possible ? Pourra-t-on maintenir le souffle citoyen, souffle vital qui permet d’inventer collectivement d’autres façons de vivre ensemble au creux de nos territoires ?

    Il faut reconnaître que les avancées environnementales au fil du temps ont trop rarement résulté de planifications réfléchies en amont de la part de gouvernements attentifs, animés par le principe de précaution et par un souci d’équité socioécologique. À l’évidence, la protection de l’eau, du sol, de la qualité de l’air, de la biodiversité – déterminants de la santé des populations – n’a pas été une priorité jusqu’ici pour la plupart des pouvoirs politico-économiques en place. Très souvent, ce sont les citoyens qui ont sonné l’alarme depuis leurs territoires affectés : au fil des luttes, ils ont mis au jour les risques et les atteintes au milieu de vie et à la santé collective ; ils ont stoppé des projets insensés, proposé des voies différentes et exigé des mesures adéquates pour résoudre et prévenir les problèmes, mettant en évidence les liens étroits entre les réalités sociales et environnementales.

    Ces mobilisations ont été très exigeantes et, souvent, infiniment courageuses. Toutes n’ont pas obtenu les résultats attendus, mais beaucoup ont mené à des « victoires »: abandon de projets à haut risque, révision de devis initiaux, adoption de lois protectrices et de mesures réglementaires, orientation de stratégies ou de plans d’action, changement de pratiques, renforcement de la démocratie, etc. Il nous est apparu important de revoir le fil de cette mouvance citoyenne et d’en recueillir les récits. On y trouve un souffle puissant pour gonfler nos voiles et poursuivre l’avancée collective.

    Comment l’engagement des citoyens envers des causes écologiques est-il parvenu, jusqu’ici, à préserver ou à améliorer le paysage environnemental au Québec ? Comment les mobilisations ont-elles influencé l’occupation du territoire et les projets de « développement », de « transition » ou de transformation qui y sont ancrés ? Quelle est la portée de ces avancées ? De telles questions traversent cet ouvrage.

    Et puis, au-delà du récit de ces luttes et de la célébration de leurs gains politiques ou stratégiques, nous nous intéressons particulièrement à leur héritage culturel. Globalement, qu’avons-nous appris ? Quelles compétences avons-nous développées au cœur de l’action collective ? Ces luttes ont-elles nourri l’imaginaire symbolique et politique des groupes mobilisés ? Ont-elles stimulé, modulé ou transformé l’engagement citoyen ? Ont-elles contribué à la construction d’un tissu social écocitoyen ?

    Enfin, quel est le potentiel de transférabilité des apprentissages issus de ces luttes à d’autres situations de mobilisation ? Cette question du transfert nous paraît importante. Sans cesse de nouveaux « projets » s’annoncent, des problèmes se manifestent et d’autres s’aggravent. Par ailleurs, comment tenir le cap quand les « victoires » qu’on croyait acquises s’avèrent fragiles et que resurgissent au fil du temps des filières de « développement » invasives qu’on avait cru abandonnées, comme si aucune bataille précédente n’en avait déjà nommé l’inacceptable : par exemple, le nucléaire avec les petits réacteurs modulaires (PRM), l’expansion du réseau gazier, de nouveaux projets miniers en zones sensibles, l’empiétement du territoire agricole ou encore l’implantation ou l’agrandissement de dépotoirs de déchets toxiques ? Le spectre du gaz naturel liquéfié (GNL) de GNL Québec inc. est ainsi réapparu au cours de la campagne électorale en 2022 et s’était mis à flotter en 2023 sur l’ancien site du projet portuaire de Rabaska. Les promoteurs de tels projets osent envisager de poursuivre les gouvernements pour perte de profits. Par ailleurs, les nouvelles « solutions » technologiques ou stratégiques qui s’annoncent, en matière d’énergie par exemple (l’hydrogène entre autres) ou d’alimentation (dont les viandes synthétiques), soulèvent de nouveaux enjeux qui font appel à la prudence, à des analyses globales et à la proposition d’avenues de développement plus appropriées.

    Comment l’héritage des luttes au fil des dernières décennies au Québec peut-il éclairer les dynamiques citoyennes qui se ravivent ou émergent, soucieuses du bien commun ? Sur quelles compétences citoyennes, sur quels réseaux d’action collective peut-on compter pour poursuivre ou pour s’engager dans des luttes de longue haleine ? Nous nous intéressons en effet à la dimension collective des luttes environnementales et à leur portée écologique et sociale.

    Certes, il ne faut pas minimiser les difficultés inhérentes à ces mobilisations. En effet, si de nombreuses luttes épiques ont mené à l’abandon de projets extractifs ou invasifs – souvent exogènes – qui auraient porté atteinte aux écosystèmes et aux populations, et qui auraient structuré autrement l’économie du Québec, d’autres, par contre, n’ont pas connu le succès escompté. Certaines luttes ont aussi laissé d’amères déceptions, diverses formes d’épuisement et des fractures sociales. Par ailleurs, comme signalé, si certains « feux » ont été éteints, si des projets insensés ont été modifiés ou abandonnés, trop souvent, les questions de fond n’ont pas été pour autant résolues, de sorte que les problèmes resurgissent. C’est ainsi qu’il nous importe de mettre le mot « victoires » entre guillemets. Le mot « souffle » nous apparaît plus juste : il évoque l’idée d’une formidable énergie qui se déploie, mais aussi celle d’un risque d’essoufflement.

    Quoi qu’il en soit, on observera globalement que l’ensemble de ces luttes a contribué à l’émergence d’une citoyenneté de plus en plus informée, consciente, critique, compétente et désireuse de se mobiliser pour préserver la santé des écosystèmes et la qualité de vie des populations au creux des territoires, dans une perspective de justice écologique. Ainsi se développe une écocitoyenneté.

    Le but de cet ouvrage est donc de mettre en évidence le rôle essentiel de l’engagement citoyen dans les débats environnementaux et de célébrer les avancées socioécologiques qui ont résulté de mobilisations phares au Québec depuis les années 2000. Un tel projet de valorisation de l’apport multidimensionnel des luttes environnementales nous apparaît particulièrement important dans le contexte actuel, caractérisé par l’ensemble des dysfonctions liées au bouleversement climatique, à la quête insoutenable d’une « croissance économique » liée à l’exploitation intensive des « ressources naturelles » et à l’exacerbation des inégalités sociales. Ce contexte global fait appel à un profond changement macro-culturel en matière d’agriculture, d’énergie, d’aménagement du territoire, de modes de production et de consommation, et autres choix relatifs à la gestion collective du « bien commun », de ce qui nous est commun.

    En particulier, dans la dynamique politico-économique actuelle où le lobby institutionnalisé de l’entreprise peut infiltrer en toute légalité les instances de décision étatiques, il importe de veiller à ce que la démocratie ne soit pas entravée. Cet ouvrage vise à mettre en lumière l’importance des mobilisations citoyennes dans un tel système de gouvernance.

    Contribuer à un vaste chantier de mémoire et d’analyse nous apparaît ainsi nécessaire pour stimuler et soutenir l’engagement écocitoyen, fer de lance des transformations sociales qui s’imposent. Notre apport n’est pas de l’ordre de la sociologie ni des sciences politiques, du droit ou de l’économie. Chacune de ces disciplines pourrait avantageusement compléter et enrichir nos observations. Et même s’il avoisine le champ de l’histoire environnementale, notre regard demeure adisciplinaire. Par ailleurs, si chacune de nous – auteures de cet ouvrage – a été personnellement engagée dans diverses luttes à titre de citoyenne ou pour y apporter une certaine expertise professionnelle, nous ne prétendons certes pas en porter la mémoire collective. Nous souhaitons toutefois partager nos constats du vaste apprentissage collectif qui émerge au cœur des luttes et au fil de celles-ci, parce qu’au bilan, il est porteur d’espoir : « Oui, tout cela en vaut la peine ! »

    Cet ouvrage comporte deux parties : 1) Mémoires de luttes environnementales au Québec ; 2) L’apport de ces luttes. La première partie invite d’abord à un retour sommaire sur l’histoire de certaines mobilisations environnementales au Québec au cours des dernières décennies et s’attarde ensuite à présenter quelques exemples de luttes emblématiques qui ont émergé ou qui ont pris un second souffle depuis les années 2000, et qui ont mené à des avancées socioécologiques. Ces brèves « études de cas » servent de point de départ à l’analyse et la synthèse des caractéristiques et des résultats de ces mobilisations, présentées en deuxième partie de cet ouvrage : nous tentons d’en repérer les traits communs et d’en identifier les types d’acteurs ; nous soulignons ensuite les principales avancées concrètes, d’ordre politique et stratégique, qui en ont résulté et nous mettons en évidence les principaux apprentissages collectifs qui contribuent à une nécessaire transformation culturelle. En conclusion, nous ouvrons une fenêtre sur l’avenir, avec la confiance que l’important héritage de ces luttes pourra soutenir les mobilisations en cours et celles qui émergeront.

    Bien entendu, ce projet de récits et d’analyse est au départ trop ambitieux. Il faudrait ouvrir un vaste chantier collectif avec toutes ces personnes et ces groupes qui ont été et demeurent immergés dans l’action citoyenne et dont la voix est si importante. Nous ne serons pas parvenues à déployer les trop nombreux récits des luttes récentes au Québec ni à en offrir une analyse multidimensionnelle en profondeur. Nous n’aurons malheureusement pas pu nommer chacune des personnes qui ont été au front, à un moment ou l’autre, de ces chantiers de résistance parfois interminables et qui méritent toutes une grande reconnaissance. Par ailleurs, nous n’aurons pas abordé tout un pan de mobilisations citoyennes, celles qui n’ont pas directement pour but de refouler des projets insensés, mais qui accompagnent la mise en place de projets innovants et visionnaires au cœur des territoires tant urbains que ruraux. Nous avons simplement souhaité donner un certain « coup de roue » à la grande avancée collective qu’il importe de célébrer.

    La « lutte environnementale »: une forme d’action citoyenne

    Une lutte environnementale concerne une « cause » écologique, où s’entrecroisent les dimensions biophysiques et sociales de la question en litige. Elle est menée soit contre une agression à la qualité du milieu de vie et/ou en faveur de l’adoption d’un plan, d’une stratégie ou d’une pratique visant l’amélioration du rapport social à l’environnement.

    Tout en reconnaissant l’importance des luttes plus globales, comme les Marches pour le climat visant à dénoncer l’inaction gouvernementale par exemple, nous nous intéressons dans cet ouvrage aux luttes qui ont été menées contre des projets spécifiques – mais dont les protagonistes ont su faire valoir la portée sectorielle et globale.

    Un tel type de lutte fait appel à une « mobilisation citoyenne ». Nous en adoptons ici la définition proposée par Jonathan R. Latour et René Audet (2017)¹ : « type de mouvement social axé sur la résistance aux projets de développement industriel ou extractivistes. La dimension organisationnelle est horizontale et n’est pas nécessairement instituée. On y favorise des stratégies d’action propre à l’arène des conflits sociaux ».

    Une lutte environnementale est une forme d’action citoyenne, soit une action menée le plus souvent collectivement pour préserver ou promouvoir ce que l’on définit comme « bien commun ». En matière d’environnement, il s’agit d’une action écocitoyenne. La « cité » est ici non seulement celle des communautés humaines, mais aussi celle de l’ensemble du monde vivant.

    1Jonathan R. Latour et René Audet (2017). « Le mouvement vert au Québec ». Dans Annie Chaloux (dir.), L’action publique environnementale au Québec. Presses de l’Université de Montréal, p. 37-51.

    Partie 1 /

    Mémoires de luttes environnementales au Québec

    « Je me souviens ! » Mais a-t-on bien gardé mémoire des nombreuses luttes environnementales qui se sont déployées au Québec au fil des dernières décennies ? Il faudrait constituer de véritables archives nationales à cet effet pour alimenter la recherche et stimuler la communication¹. Il importerait de regrouper les nombreux ouvrages, essais, récits, monographies, rapports de recherche, articles, documentaires, productions artistiques et communications médiatiques qui témoignent de nos diverses mobilisations citoyennes en environnement, comme un précieux patrimoine collectif.

    Nous souhaitons apporter une humble contribution à un tel projet en adoptant un angle d’observation et d’analyse particulier. Il nous importe de participer à la mise au jour, à la célébration et à la diffusion de l’héritage des luttes environnementales au Québec : l’héritage écologique, celui des avancées politiques, économiques, légales, scientifiques, sanitaires… mais aussi et surtout, l’héritage culturel : globalement, qu’avons-nous appris ? Quels champs de valeurs, quelles façons d’être et de vivre ensemble ont été renforcés ou modifiés ?

    Nous remonterons d’abord le temps en évoquant le souvenir d’importantes luttes fécondes depuis les années 1970, mais nous nous attarderons surtout à certaines mobilisations plus récentes ou qui se sont poursuivies depuis les années 2000, et qui ont mené à divers gains socioécologiques. Tout en reconnaissant le rôle très important des organismes environnementaux structurés autour d’enjeux plus globaux, nous porterons une attention particulière aux dynamiques citoyennes spontanées qui ont émergé au creux des territoires à propos d’enjeux qui concernaient plus directement ou plus immédiatement les populations affectées. On verra toutefois que les groupes citoyens mobilisés ont rapidement compris que la « cour » qu’ils souhaitaient protéger n’était pas limitée à leur espace de proximité, mais qu’elle s’étendait à la dimension d’un large territoire partagé, celle de tous les territoires occupés d’ici et d’ailleurs.

    Nous raviverons ainsi le souvenir de luttes contre des projets qui menaçaient l’intégrité des milieux de vie et qui risquaient de porter atteinte aux populations. Nous nous pencherons plus spécifiquement sur les mobilisations contre le déploiement de l’industrie porcine, la filière nucléaire depuis la centrale de Gentilly et celle du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, le chantier de forage sur l’île d’Anticosti, l’oléoduc Énergie Est, le port pétrolier à Cacouna, le projet de transport gazier GNL au Saguenay, la destruction des milieux naturels et l’invasion minière en Abitibi-Témiscamingue. Étant donné la nature des enjeux en question, l’envergure de ces mobilisations et les gains socioécologiques structurants qui en ont résulté, on peut considérer qu’il s’agit là de luttes emblématiques.

    1On trouve entre autres de nombreux fragments de mémoire dans les archives de Gaïa Presse : .

    Chapitre 1 /

    Une longue trajectoire de mobilisations

    À travers l’histoire des peuples, le rapport au territoire se manifeste le plus souvent par des conflits d’appartenance et d’occupation. Mais au Québec, ce pays d’une exceptionnelle « grandeur nature » et qui porte le souffle des mondes autochtones, ce rapport est aussi fondamentalement marqué par un attachement au fleuve, aux rivières, aux lacs, aux vallons et montagnes, à la forêt, à la faune, à la terre, au paysage… en somme, à ce monde vivant qui nous porte, nous traverse et façonne les cultures au creux des régions. Au-delà de la protection d’un espace de proximité, les luttes environnementales rejoignent une préoccupation pour ce « commun »: l’eau, l’air, le sol, les systèmes vivants, étroitement liés à la santé des populations, à la sécurité, à la qualité de vie. L’idée de justice environnementale y devient transversale.

    Si on tente de tracer une ligne du temps de ces luttes au Québec, on peut observer la constitution progressive d’un important héritage culturel – en particulier, l’émergence et le renforcement d’une culture de l’engagement pour préserver nos milieux de vie. Les luttes environnementales sont engagées contre diverses formes de colonisation, contre l’appropriation des ressources collectives, contre les inégalités, le manque d’équité et, de façon générale, contre la négligence ou l’incompétence d’instances au pouvoir – trop souvent à l’écoute du lobby des « développeurs ».

    Des luttes pionnières

    On peut ainsi retracer des luttes environnementales qui se sont déployées il y a déjà de nombreuses décennies. Par exemple, la volonté des citoyens et citoyennes de Montréal de préserver le mont Royal comme espace vert au cœur de la ville s’exprime depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. Malgré la création du parc en 1876, les luttes se poursuivent tout au long du XXe siècle et la vigilance s’impose encore aujourd’hui. Mentionnons aussi la grève d’Asbestos en 1949 (pour l’élimination de la poussière d’amiante) et l’initiative des travailleurs d’Arvida qui, en 1957, interpellent l’Alcan sur la pollution de l’air causée par la production d’aluminium¹. À Montréal encore, grâce à l’opposition citoyenne contre la construction d’une autoroute sur pilotis qui aurait entraîné la démolition d’une grande partie du Vieux-Montréal, cet arrondissement est désigné « historique » en 1964². Il faudrait allonger encore de beaucoup la liste de ces mobilisations pionnières dont la mémoire offre une profondeur à des luttes récurrentes ou encore vives aujourd’hui.

    À partir des années 1970, cette décennie caractérisée par l’éveil international aux questions environnementales avec le premier Sommet de la Terre en 1972 à Stockholm³, la trame de ces luttes se diversifie et s’enrichit⁴. Mentionnons ici ces mobilisations remarquables parmi de nombreuses autres :

    La Bataille de la Jacques-Cartier (1972-1973) reste emblématique⁵. Des citoyens de Tewkesbury, dont le biologiste Jean Bédard, s’opposent alors à un projet de centrale hydroélectrique (projet Champigny) et militent pour la préservation de la vallée de la rivière au sein du Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier. Leur action a pavé la voie à la rédaction de la Loi sur les parcs au Québec (1977) et a permis la création du parc national de la Jacques-Cartier en 1981.

    Les luttes pour la préservation des battures de Beauport et autres zones littorales du Saint-Laurent, dont les écosystèmes parmi les plus riches du Québec étaient menacés par le développement routier, ont donné lieu à la fondation de l’Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN), à l’initiative de Harvey Mead en 1981. Celui-ci rappelle les « victoires » obtenues : « L’autoroute prévue pour les battures de Beauport s’est fait donner une courbe pour en protéger une partie ; les digues dans le marais de Kamouraska ont été rapprochées de la terre ferme, épargnant le tiers du marais ; le projet au lac Saint-Pierre a été presque totalement abandonné. Les groupes fondateurs de l’UQCN avaient appris que tout se jouait en amont, des années avant les premiers signes des travaux. Cet apprentissage a marqué les prochaines décennies du mouvement environnemental⁶. »

    La lutte contre les pluies acides, au début des années 1980, stimule la mobilisation d’organismes environnementaux, comme la Société pour Vaincre la Pollution (SVP) et Society To Overcome Pollution (STOP). En particulier, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA⁷), appelée l’Association québécoise de lutte contre les pluies acides à ce moment, voit officiellement le jour à Montréal en 1982⁸. En 1988, les actions de cette organisation ont mis en lumière une problématique qui était dans la mire des scientifiques depuis les années 1970 et ont conduit à un traité de réduction de près de 50 % des émissions d’oxydes de soufre dans l’est du continent. En outre, les efforts déployés par l’AQLPA et ses partenaires contre la poursuite bâillon (SLAPP) intentée contre l’organisme et son président, André Belisle, ont mené à l’adoption d’une loi visant à contrer les poursuites abusives⁹.

    La lutte contre la privatisation de l’eau à Montréal (1996) a favorisé la création de l’organisme Eau Secours¹⁰ et les mobilisations contre les pesticides en milieu urbain et périurbain ont donné lieu à la mise en place de la Coalition pour les alternatives aux pesticides (CAP)¹¹. Ces organisations ont été animées par le souffle d’hommes et de femmes qui, des décennies plus tard, sont encore en action dans la mouvance citoyenne. Leurs luttes ont alors permis des avancées structurantes : d’une part, l’adoption d’une Politique globale et intégrée de l’eau (2002) et le renforcement du ministère de l’Environnement ; d’autre part, l’adoption de règlements municipaux et le dépôt du Code de gestion des pesticides du Québec (2003), une première en Amérique du Nord.

    À partir des années 2000

    On observe qu’à partir des années 2000, le nombre de luttes augmente et que, souvent, celles-ci s’intensifient. Certaines apparaissent nouvelles ; mais plusieurs puisent leurs racines dans le contexte social et juridique d’une autre époque, ou encore elles sont la reprise ou la poursuite sur un autre territoire de luttes antérieures. Les foyers de mécontentement citoyen tendent ainsi à se multiplier, tout comme le besoin de manifester une opposition.

    Nous avons regroupé ici plusieurs de ces luttes en fonction de quelques catégories d’enjeux environnementaux auxquels elles ont tenté de répondre : enjeux liés au domaine de l’énergie, à l’exploitation des ressources, à l’aménagement du territoire et à la santé environnementale. Ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives ; par ailleurs, certaines luttes répondent à plusieurs enjeux environnementaux à la fois. Il s’agit pour la plupart de mobilisations régionales ayant une incidence à l’échelle du Québec. Et puisque l’environnement n’a pas de frontières, elles rejoignent des enjeux globaux.

    Enjeux énergétiques

    Le développement de l’énergie nucléaire avec les centrales de Gentilly (1967-2012)¹² et le projet de mine d’uranium Arnaud à Sept-Îles (2009) : ces chantiers à risques majeurs – tant sanitaires qu’écologiques et économiques – ont été abandonnés grâce à la convergence de l’engagement des scientifiques et de la mobilisation citoyenne. La voix des artistes pour Gentilly et celle des médecins à Sept-Îles¹³ ont été particulièrement influentes.

    La centrale thermique du Suroît (2002-2004), contre laquelle s’est levé le plus important mouvement de résistance jusqu’alors, menant à l’abandon du projet¹⁴. La campagne soutenue par la Coalition Québec-Vert-Kyoto a déclenché un virage vers la production d’énergies vertes, dont la filière éolienne¹⁵.

    La construction des petites centrales hydroélectriques. On se souvient entre autres de la lutte pour la protection de la rivière Bastiscan (1999-2010) qui a donné lieu à un modèle alternatif de développement régional¹⁶, et du cas de la rivière Muteshekau-shipu–Magpie (2004-2021) dont l’intégrité a été défendue par le Conseil des Innus d’Ekuanitshit et la municipalité régionale de comté (MRC) de Minganie, menant à la reconnaissance des droits de la rivière comme personnalité juridique¹⁷.

    Le développement de la filière du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. C’est grâce à une mobilisation sans précédent (2010-2015)¹⁸ que le sous-sol du Québec n’a pas été fracturé à jamais dans le but d’y installer une industrie invasive et fortement productrice de gaz à effet de serre (GES).

    Les projets de forage pétrolier en Gaspésie (2012-2022), contre lesquels s’est mobilisé en particulier l’organisme Environnement Vert Plus¹⁹, contribuant à l’abandon des opérations dans la région et dans l’ensemble du Québec.

    Le projet de forage à Anticosti (2014-2015)²⁰. La résistance citoyenne et l’argument scientifique ont permis de montrer le caractère totalement inopportun de cette avenue de « développement ». Au terme de cette saga, l’île d’Anticosti a été projetée comme Réserve de la biodiversité et, plus encore, depuis 2023, le site est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

    Le passage annoncé de l’oléoduc Énergie Est, qui a donné lieu à la vaste mobilisation Coule pas chez nous ! (2013-2017)²¹ grâce à laquelle le territoire québécois n’a pas été traversé par l’infrastructure d’une industrie à risque et à contre-courant de la lutte au changement climatique.

    Le projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction de gaz naturel liquéfié (GNL) de GNL Québec inc. (2017-2021)²² qui a soulevé l’indignation d’un nombre sans précédent de citoyens et citoyennes de l’ensemble du Québec, et qui a contribué – dans la foulée des diverses mobilisations antérieures – à sonner le glas de l’industrie pétrolière et gazière au Québec, avec l’adoption en 2022 de la Loi interdisant la recherche et la production d’hydrocarbures.

    Enjeux liés aux ressources

    Les projets miniers invasifs. Rappelons ici, par exemple, le rôle déterminant de la mobilisation citoyenne dans la modification du zonage ayant permis de freiner le projet minier Miller dans les Laurentides en 2017 et qui a amené ses promoteurs à le soumettre au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), comme dans le cas du projet Authier²³. La pression citoyenne a également convaincu une dizaine de municipalités de l’Abitibi-Témiscamingue d’adopter, à la fin de 2022, des résolutions relatives à la protection de l’eau et des eskers contre des activités minières irresponsables. La mobilisation a enfin incité le ministère des Ressources naturelles et des Forêts à lancer en 2023 des consultations publiques concernant l’encadrement de l’ensemble de l’activité minière.

    Les coupes forestières abusives que l’Action boréale a dénoncées et qui ont fait l’objet du documentaire L’Erreur boréale (1999). La commission Coulombe (2004) a résulté de cette mobilisation. Le rôle des Premières Nations dans les débats entourant cet enjeu est majeur, ayant mené entre autres à l’entente Québec-Cris, appelée « la paix des braves », que les Cris ont signée avec le gouvernement du Québec en 2002, et qui oblige par exemple les compagnies forestières à dialoguer en amont avec les maîtres de trappe afin de s’assurer de perturber le moins possible l’écosystème²⁴. Plus récemment, les coupes forestières au mont Kaaikop dans les Laurentides et le long de la rivière Péribonka (nord du lac Saint-Jean) ont fait l’objet de moratoires. Ces manifestations ont convergé vers la Grande marche pour la protection des forêts (2021)²⁵ pour réclamer entre autres la désignation d’aires protégées.

    Enjeux d’aménagement du territoire

    La mise en place par Hydro-Québec d’une ligne électrique aérienne, au-dessus du fleuve entre Grondines et Lotbinière. Ce projet a soulevé une mobilisation régionale en 1985²⁶ dont a résulté la modification de celui-ci (vers une ligne sous-fluviale) et, de façon plus globale, une sensibilisation à l’importance de la préservation du patrimoine paysager.

    Le développement de l’industrie porcine intensive (depuis les années 1990)²⁷, qui a suscité de vifs débats ayant retardé l’élan de promoteurs dans certaines régions et, surtout, qui a permis de porter un regard critique sur l’ensemble des activités agricoles au Québec, comme en témoignent les travaux de la commission Pronovost publiés en 2008²⁸.

    La destruction des forêts urbaines, des boisés et des milieux humides au nom de la densification du territoire²⁹. Les mouvements citoyens ont favorisé l’adoption de mesures de protection et, dans certains cas, l’annulation de projets de développement, en évoquant entre autres la préservation de la biodiversité et en ayant recours à la législation concernant les espèces menacées³⁰. On peut se souvenir, à titre d’exemple, de la préservation du Bois-de-Saraguay dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartier de Montréal : le site est déclaré patrimonial en 1982 ; les efforts citoyens reprennent en 2009 pour la création d’un parc-nature accessible à tous, officiellement ouvert en 2019³¹.

    La privatisation du mont Orford pour un ensemble domiciliaire qui portait atteinte à l’intégrité d’un parc national (2005-2010)³². La mobilisation a mené à l’adoption de la Loi concernant le parc national du Mont-Orford, qui réintègre les zones convoitées à la superficie du parc.

    Le projet Laurentia concernant l’aménagement d’un quai en eau profonde dans le port de Québec, secteur de Beauport. Sensible aux préoccupations des Premières Nations et tenant compte notamment de la nécessité de protéger le bar rayé, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada dépose en juin 2021 un rapport défavorable³³.

    La construction d’autoroutes en milieu urbain, comme l’autoroute est-ouest à Montréal (1971)³⁴, l’échangeur Turcot (2010-2013)³⁵ ou, plus récemment, le REM de l’Est (2020-2021)³⁶. Les mobilisations citoyennes ont conduit à la modification ou à l’ajustement des tracés et des devis. Elles ont contribué à l’abandon du projet autoroutier du « troisième lien » entre Québec et Lévis, tel que dessiné en 2023.

    Enjeux relatifs à la santé environnementale

    La fluoration de l’eau potable des municipalités. En raison des risques d’atteinte à la santé et à l’environnement, un regroupement de citoyens de Trois-Rivières convainc la Ville d’abandonner le projet de reprise de la fluoration en novembre 2016³⁷.

    Les risques de contamination de l’eau municipale par l’industrie pétrolière. Pour protéger l’eau de son territoire des activités de la compagnie Gastem, la municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est a adopté en 2013 son propre règlement concernant la distance séparatrice entre les sources d’approvisionnement et les opérations de forage, ce qui a entraîné une poursuite financière abusive de la part de la compagnie pétrolière. Cette situation a donné lieu à une importante mobilisation citoyenne et à un rare mouvement de solidarité intermunicipale³⁸. En 2018, la Cour supérieure a donné raison à la municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est et a confirmé le droit des municipalités à se doter d’une réglementation pour protéger leurs sources d’eau et le devoir d’assumer leurs responsabilités pour la protection de l’environnement sur leur territoire.

    L’épandage des pesticides en région forestière (Bti), qui a soulevé l’opposition de citoyens dans les Laurentides, en Outaouais et en Mauricie au cours des dernières années (en particulier depuis 2018), en raison des risques d’atteinte à la biodiversité et à la santé humaine. Désormais, les municipalités qui optent pour le Bti doivent obtenir un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement. Les recherches se poursuivent à ce sujet³⁹.

    Les luttes ici évoquées autour de divers types d’enjeux environnementaux ont donc toutes mené à des « victoires », même si certaines se sont avérées fragiles et provisoires. Non seulement elles ont permis de refouler des projets inappropriés, mais toutes ont eu un apport socioécologique, politique et culturel structurant.

    Certes, cette énumération reste incomplète, inachevée. Il faut « garder le livre ouvert » et inviter à un travail de mémoire collective constant pour conserver le riche patrimoine politique, écologique, social et culturel des luttes socioécologiques au Québec. La carte des conflits socioécologiques élaborée par l’équipe du projet Resistaction⁴⁰ du Centr’ERE de l’Université du Québec à Montréal (UQAM)⁴¹ offre un exemple très inspirant de répertoire des luttes. Les travaux de cette équipe invitent, par ailleurs, à adopter la stratégie de la cartographie participative⁴² comme medium d’éducation et d’action sociale.

    Des mobilisations moins fructueuses

    Dans cet effort de mémoire, il importe également de considérer les mobilisations qui n’ont pas eu le succès escompté, mais qui ont contribué à la réflexion collective et à la mouvance écocitoyenne. Mentionnons quelques exemples à ce sujet :

    Le port méthanier Rabaska⁴³, à l’est de Lévis (2004-2013), appuyé par le gouvernement libéral alors au pouvoir. Ce projet a fait l’objet d’une importante mobilisation citoyenne ayant donné lieu entre autres à l’installation d’un « campement autogéré » pour bloquer l’installation portuaire. Au terme d’un BAPE – dont l’impartialité a été remise en question – le projet d’importation transatlantique de gaz a été jugé acceptable, ce qui a donné raison au promoteur. La fluctuation des prix – liée au développement de la filière du gaz de schiste aux États-Unis – a entraîné un report du chantier, jusqu’à son abandon par le gouvernement péquiste.

    Le développement éolien de l’Érable au Centre-du-Québec (2005-2013). Un comité de citoyens et d’élus s’est mobilisé face à l’arrivée de promoteurs dans la région⁴⁴. Les membres du comité privilégiaient un « développement communautaire de cette énergie afin de minimiser les impacts sur les résidents (pollution sonore et visuelle, baisse de la valeur marchande des propriétés) et de maximiser la participation citoyenne et les retombées locales. La MRC et les maires choisiront plutôt l’approche industrielle des promoteurs⁴⁵ ».

    Le harnachement de la rivière Romaine (quatre centrales à partir de 2009). Une vaste mobilisation s’est levée pour la préservation de ce majestueux cours d’eau en territoire innu (2008-2010). Le documentaire Chercher le courant en témoigne⁴⁶. Hydro-Québec néglige entre autres de prendre en compte deux voies de solutions évoquées dans ce documentaire « portant sur le potentiel inexploité des économies d’énergie, du solaire passif, des chauffe-eau solaires et de la géothermie passive⁴⁷ ».

    L’implantation de la cimenterie McInnis à Port-Daniel en Gaspésie (2014-2015). L’annonce de ce projet à forte émission de GES a soulevé une mobilisation associant le groupe citoyen régional Environnement Vert Plus au Centre québécois du droit de l’environnement pour exiger la tenue la tenue d’un examen du BAPE⁴⁸. Le gouvernement en place a refusé de soumettre ce projet, d’emblée très polluant, à une évaluation environnementale et a donné le feu vert au démarrage des travaux qui, comme appréhendé, se sont avérés problématiques.

    La contamination de la nappe phréatique de Shannon. En 2021, au terme d’une lutte citoyenne ayant duré plus de dix ans et à l’issue du « plus gros recours collectif de l’histoire du Québec, le juge de la Cour supérieure n’a donné raison que partiellement aux citoyens de Shannon qui reprochent à la Défense nationale d’avoir contaminé leur eau potable avec du trichloroéthylène (TCE)⁴⁹ ». S’il résulte de la mobilisation l’obtention de compensations financières, le juge note cependant qu’il n’y a pas eu de preuve épidémiologique confirmant le caractère anormal de la situation sanitaire à Shannon.

    Les diverses luttes dans le domaine du traitement des déchets (rappelons entre autres les cas de Sainte-Sophie⁵⁰ et de Drummondville⁵¹). Ce dossier de la gestion des déchets reste éminemment opaque et, si les groupes citoyens développent à ce sujet une analyse lucide de la situation, leur isolement régional n’aide pas à fédérer les revendications vers une politique provinciale adéquate.

    Ici également, il faut aviver notre mémoire collective autour de telles mobilisations, compléter la liste et repérer les savoirs qu’elles ont permis de mettre au jour, les arguments qui y ont été développés et les enjeux et difficultés qui ont entravé le « succès » attendu. La question suivante se pose d’ailleurs : comment définir ou mesurer le « succès » d’une mobilisation ?

    Qu’est-ce qu’une « victoire »?

    Si certaines luttes ont changé le cours de l’histoire environnementale au Québec, d’autres ont pour le moins permis d’ouvrir un débat et de le nourrir. À une échelle globale, les luttes ne se développent pas en vase clos. Chacune se nourrit des luttes antérieures et de l’intelligence collective qui s’y construit à travers l’expérience réflexive et à la lumière d’un corpus scientifique mieux développé.

    Et puis… il y a aussi des « victoires » provisoires : le problème ou la « menace » se renouvelle parfois ailleurs, parfois sous une autre forme ou un

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