Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les inondations au Québec: Risques, aménagement du territoire, impacts socioéconomiques et transformation des vulnérabilités
Les inondations au Québec: Risques, aménagement du territoire, impacts socioéconomiques et transformation des vulnérabilités
Les inondations au Québec: Risques, aménagement du territoire, impacts socioéconomiques et transformation des vulnérabilités
Livre électronique970 pages10 heures

Les inondations au Québec: Risques, aménagement du territoire, impacts socioéconomiques et transformation des vulnérabilités

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Au Québec, comme partout dans le monde, la gestion des inondations et de ses conséquences préoccupe depuis plusieurs années les décisionnaires, les gestionnaires et les intervenants et intervenantes de première et de deuxième lignes. Devant la nécessité de mettre à profit les connaissances acquises dans ce domaine par les équipes de recherche québécoises, le Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ) a invité ses membres à réfléchir autour de quatre axes: 1) les facteurs de risques liés aux inondations ; 2) la gestion et l’aménagement des territoires à risque d’exposition ainsi que les enjeux de la gouvernance et de la législation; 3) les conséquences psychosociales des inondations, les coûts économiques qui y sont associés et le partage de ces derniers; 4) la transformation et la réduction des vulnérabilités des individus et des organisations.

Cet ouvrage s’adresse au corps professoral, à la communauté étudiante ainsi qu’aux spécialistes œuvrant dans le domaine de la gestion des inondations. Il leur permettra de se familiariser avec différents concepts, thématiques et pratiques à partir d’études de cas ou de recensions des écrits scientifiques portant sur l’un ou l’autre des quatre grands thèmes couverts dans ce livre.
LangueFrançais
Date de sortie9 nov. 2022
ISBN9782760557840
Les inondations au Québec: Risques, aménagement du territoire, impacts socioéconomiques et transformation des vulnérabilités
Auteur

Thomas Buffin-Bélanger

Thomas Buffin-Bélanger est professeur en hydrogéomorphologie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) depuis 2003. Il détient un doctorat dans cette même discipline de l’Université de Montréal. Les travaux de son équipe de recherche portent, entre autres, sur la dynamique des cours d’eau graveleux, les dynamiques fluvioglacielles, l’analyse et la prévention des risques liés aux inondations, la connectivité eaux de surface eaux souterraines et la biogéomorphologie fluviale, ainsi que sur l’intégration des principes hydrogéomorphologiques pour la gestion et la restauration des cours d’eau. Il a été président du comité scientifique du Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ) de 2019 à 2021 et est présentement codirecteur de l’Axe 2.

Auteurs associés

Lié à Les inondations au Québec

Livres électroniques liés

Sciences sociales pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Les inondations au Québec

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les inondations au Québec - Thomas Buffin-Bélanger

    Introduction

    Thomas Buffin-Bélanger, Danielle Maltais et Mario Gauthier

    Au cours des dernières décennies, le Québec n’a pas été épargné par la récurrence et la gravité des inondations. Les inondations printanières de 2017 et de 2019 sont les plus récentes à avoir affecté un nombre considérable de municipalités alors que des milliers de familles subissaient la crue des eaux. Ces inondations ont eu des impacts majeurs sur la vie des communautés et sur la santé globale des individus, que ces derniers soient des victimes primaires (les personnes ayant subi les inondations), secondaires (les proches des victimes) ou tertiaires (les intervenants de première et de deuxième ligne appelés à soutenir les personnes sinistrées). Considérant la trajectoire de l’occupation du territoire, les changements anticipés par rapport aux événements météorologiques et, surtout, les lacunes des instruments de gouvernance et de gestion du risque lié aux inondations, ces événements récents ont également eu un impact majeur sur la gestion de ce risque dans la province alors qu’une panoplie d’initiatives pour mieux comprendre, mieux prévenir, mieux intervenir et mieux aider les personnes et les communautés à se rétablir ont vu le jour.

    C’est dans la foulée de ces initiatives que cet ouvrage collectif du Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ) émerge. Ce réseau financé depuis 2019 par le Fonds de recherche du Québec (FRQ) a pour principale mission de contribuer à la réduction des risques d’inondations et de leurs conséquences en facilitant la résilience des organisations, des communautés et des individus. Réunissant plus de 200 membres provenant de formations diverses et représentant la société civile et les milieux universitaires, le RIISQ a pour but de contribuer au développement de recherches interdisciplinaires, intermilieux et interétablissements sur la gestion, les causes et les conséquences des inondations. Dans cette perspective, il devenait impératif pour le RIISQ et ses membres de faire le point sur les connaissances acquises jusqu’à maintenant au Québec et ailleurs dans le monde, mais aussi sur les initiatives et les questions de recherche porteuses afin de favoriser les recherches intersectorielles visant le développement de ces connaissances. La très grande majorité des 53 personnes ayant contribué à l’écriture d’un ou de plusieurs chapitres de ce volume sont membres du RIISQ, que ce soit à titre d’étudiants, de chercheurs, de gestionnaires, de praticiens, de partenaires socioéconomiques ou d’intervenants gouvernementaux.

    Ce livre a pour objectif d’exposer les dimensions multiples de la gestion du risque lié aux inondations et à leurs conséquences au Québec. Il a l’ambition plus spécifique de regrouper à un même endroit les compréhensions d’enjeux pratiques et théoriques, les lacunes dans nos connaissances, l’évaluation des besoins des acteurs, et les visées en recherche des secteurs et disciplines impliquées dans cette gestion. Nous croyons qu’il pourra émaner de cet ouvrage des dialogues enrichis et une compréhension élargie de la gestion des risques liés aux inondations pour la promotion d’une société québécoise plus résiliente.

    Cet ouvrage collectif couvre ainsi l’ensemble des composantes de la gestion du risque lié aux inondations et à leurs conséquences (figure I.1 et est divisé en quatre grandes parties. La première porte sur les facteurs de risque liés aux inondations et vise l’acquisition d’une meilleure connaissance des dynamiques d’inondation ainsi qu’une meilleure identification des vulnérabilités des individus, des communautés et des organisations. La seconde se concentre sur la gestion et l’aménagement des territoires à risque d’exposition ainsi que sur les enjeux en matière de gouvernance et de législation. Cette partie présente des initiatives orientées vers le développement d’instruments de gouvernance favorisant la prise en considération des risques liés aux inondations et l’adaptation à ces derniers. La troisième partie documente les conséquences psychosociales des inondations ainsi que les coûts économiques qui y sont associés et le partage de ceux-ci entre les individus, les compagnies d’assurance et les gouvernements. Enfin, la quatrième partie se concentre sur la transformation et la réduction des vulnérabilités des individus et des organisations tout en suggérant des moyens pour y faire face. Cette dernière partie inclut également une réflexion sur la communication des risques en lien avec les inondations. Chaque partie commence par un chapitre faisant la recension des écrits scientifiques sur des questions et enjeux de recherche en lien avec le thème abordé et est complétée par des chapitres ancrés dans la réalité québécoise. Ceux-ci portent, selon le cas, sur des études de cas spécifiques, sur des réflexions théoriques et pratiques concernant des composantes du risque lié aux inondations ou encore sur des approches innovantes qu’il serait pertinent d’explorer pour la gestion des inondations et de leurs conséquences.

    Figure I.1.

    Nuage de mots considérant les titres des 23 chapitres de l’ouvrage collectif

    La gestion des inondations et de leurs conséquences implique une vision holistique mobilisant l’intersectorialité et la multidisciplinarité. Cette mobilisation constitue à la fois une richesse et un défi que nous avons décidé d’assumer pleinement dans la réalisation de cet ouvrage collectif. Cette richesse et ce défi se sont matérialisés de plusieurs façons durant la réalisation de ce livre. D’abord, il est clair que, malgré des directives similaires fournies à l’ensemble des auteurs, les interprétations et cultures disciplinaires ont mené à des véhicules très variables d’un chapitre à l’autre. Ensuite, il est apparu au fil des relectures que les chapitres abordaient des thématiques et concepts similaires mais avec un angle d’approche différent. Ce constat pourra donner une impression de redondance, mais les nuances qui s’en dégagent sont riches en apprentissages. Finalement, entre nous comme personnes coéditrices représentant des disciplines différentes, les évaluations collaboratives et éditoriales ont soulevé des discussions stimulantes conduisant à une convergence des intérêts et visées cristallisés par le dialogue. Ces trois observations sur la richesse et le défi que constitue la réalisation d’un ouvrage collectif impliquant de l’intersectorialité et de la multidisciplinarité sont certainement le reflet d’enjeux propres aux projets de cette nature. Avec la complicité des Presses de l’Université du Québec (PUQ), nous avons laissé s’exprimer cette diversité de véhicules, de visions et de compréhensions afin de valoriser la richesse et le défi d’une telle aventure.

    Nous espérons que ce livre, par la transmission de connaissances acquises dans toutes les composantes de la gestion des inondations et de leurs conséquences, offre un portrait de la complexité des enjeux liés à cette gestion, mais aussi du pouvoir que nous avons sur eux lorsque nous cernons les contours de cette complexité. Plus pratiquement, nous espérons que cet ouvrage permettra aux acteurs impliqués avant, pendant et après des inondations de prendre des décisions éclairées visant à protéger, à maintenir et à augmenter le bien-être des individus et des collectivités.

    PARTIE

    1

    Facteurs de risque d’inondations et de désastres: aléas, vulnérabilité et exposition

    CHAPITRE

    1

    Regards sur les mécanismes et les facteurs contrôlant les inondations des bassins versants du Québec méridional

    Marc-André Bourgault, Maxime Boivin, René Roy, Georges Desrochers et François Anctil

    Comme la plupart des pays, le Canada est exposé aux inondations fluviales. La base de données canadienne sur les catastrophes¹ nous apprend que les Canadiens ont subi 286 inondations majeures (ayant nécessité une intervention du gouvernement fédéral) au cours de la période de 70 ans s’étalant entre 1947 et 2016. Les autorités canadiennes s’alarment d’ailleurs devant la croissance des impacts négatifs liés aux inondations, une problématique largement répandue partout dans le monde (Centre for Research on the Epidemiology of Disasters, 2015; Able, 2017).

    L’accroissement de la population et de la valeur des infrastructures exposées aux aléas hydroclimatiques sont sans contredit parmi les plus importants facteurs expliquant la hausse des coûteuses conséquences des inondations (Anctil, 2016). Les changements climatiques et l’utilisation du territoire sont d’autres facteurs qui peuvent modifier la durée, la fréquence et l’ampleur des inondations. Si anticiper les inondations potentielles d’un territoire n’est pas une tâche facile en raison de leur caractère exceptionnel, la perturbation anthropique des bassins versants et des rivières apporte des incertitudes supplémentaires au processus de détermination des risques d’inondation.

    Au Québec, les inondations du Richelieu en 2011 et de la rivière des Outaouais en 2017 et 2019 ont marqué la population et les gouvernements locaux. Les crues printanières de 2017 et 2019 ont notamment fait date dans l’histoire récente du Québec par leur étendue géographique – plus de 250 municipalités ont chaque fois été affectées et souvent les mêmes – de même que par leur intensité et leur durée². Ces événements ont suscité une intense réflexion concernant les causes et la gestion des inondations ainsi que l’aménagement du territoire³.

    Parmi les récentes initiatives québécoises visant à réduire les conséquences des crues, on note le développement de bureaux de projets⁴, le développement d’un plan de protection du territoire face aux inondations⁵, la modification du cadre légal temporaire⁶, l’amélioration et la mise à jour de la cartographie des zones inondables, et la mise en place de plusieurs mesures devant permettre d’améliorer le suivi et la prévisibilité des crues pour la plupart des bassins versants à risque⁷.

    Dans un premier temps, ce chapitre décrira la réponse hydrologique des bassins versants en différenciant la notion de crue et d’inondation, en présentant les variables clés qui jouent un rôle dans la réponse hydrologique des rivières et en offrant un portrait des régimes hydrologiques des rivières du sud du Québec. Il exposera ensuite les principaux facteurs qui influencent l’évolution des inondations. Enfin, il détaillera les composantes d’une approche intégrée en vue d’améliorer la cartographie des risques d’inondations.

    1.

    Réponse hydrologique des bassins versants

    1.1.Crues et inondations

    Les crues et les inondations sont des phénomènes naturels affectant les cours d’eau et leur plaine inondable (Leopold, Wolman et Miller, 1964). La plaine inondable est une zone relativement plane ou légèrement en pente adjacente au chenal de la rivière où l’eau s’accumule lorsque les rivières se gorgent d’eau.

    Plus spécifiquement, les crues sont le résultat d’un accroissement du débit et du niveau des cours d’eau. Bien que certaines crues puissent causer des inondations, les crues sont des phénomènes naturels et bénéfiques au regard de plusieurs usages de l’eau ainsi que pour les écosystèmes riverains (Hupp, 1988; Ward et al., 2002; Tockner, Lorang et Stanford, 2010; Hauer et al., 2016; Biron, 2017). Dans certaines régions du globe, les crues sont essentielles à la fertilisation et à l’humidification des terres agricoles bordant les cours d’eau. De plus, elles contribuent à l’érosion des berges, mettant ainsi en circulation des sédiments et de la matière organique pouvant être bénéfiques sur le plan biogéomorphologique et pour l’équilibre dynamique des rivières (Talbot et al., 2018).

    Lorsque les crues deviennent particulièrement fortes, le niveau des cours d’eau peut atteindre des hauteurs d’eau qui vont au-delà des zones qui sont fréquemment mouillées et, par conséquent, inonder des espaces occupés par les humains (p. ex. axes routiers, habitations, zones agricoles et industrielles). Ainsi, une crue se transforme en inondation lorsqu’il y a débordement dans la plaine inondable et que cela interfère avec les populations et les infrastructures. Les inondations par débordement de cours d’eau, incluant les inondations en eau libre (sans glace) et les inondations par embâcles de glace, sont celles qui sont au cœur des règlements et responsabilités des différents ministères du Québec.

    D’autres types d’inondations existent, comme les inondations par ruissellement, submersion marine et exfiltration (remontée de la nappe). Les inondations par ruissellement se produisent lorsque les eaux de pluie ou les zones de fonte ne peuvent pas, ou ne peuvent plus, s’infiltrer dans le sol et se dirigent directement vers des infrastructures bâties sans passer par les rivières. Les submersions marines sont des inondations rapides et de courte durée (de quelques heures à quelques jours) de la zone côtière par la mer lors de conditions météorologiques et océaniques défavorables, alors que les inondations par exfiltration sont le résultat de la montée du niveau de la nappe phréatique jusqu’à la surface du sol.

    Ainsi, les causes des inondations peuvent considérablement varier dans l’espace et le temps puisqu’elles sont intimement liées à un ensemble de facteurs et de processus qui contrôlent leur occurrence et leur fréquence, incluant des facteurs météorologiques, ainsi que des dynamiques liées à des phénomènes naturels et de perturbations anthropiques à l’échelle des bassins versants et des rivières.

    1.2.Variables clés jouant un rôle dans la réponse hydrologique des rivières

    1.2.1.Variables hydrométéorologiques

    La précipitation, solide ou liquide, est la variable météorologique dominante pour les inondations par débordement d’un cours d’eau. Elle constitue la source de l’eau qui s’écoule au sein du réseau de drainage, formé de cours d’eau imbriqués de toutes les tailles. L’évapotranspiration est la seconde variable météorologique en importance, car elle dicte la fraction de la précipitation qui retournera à l’atmosphère sous forme gazeuse, soit par l’action de l’évaporation depuis une surface (sol, lac, rivière ou feuillage), soit par l’action de la transpiration de la végétation.

    À l’échelle de tous les continents, le phénomène d’évapotranspiration retourne en moyenne les deux tiers de la précipitation à l’atmosphère, ne laissant qu’un tiers au réseau de drainage (Rodell et al., 2015). L’intensité de la précipitation et sa synchronicité ou non avec l’évapotranspiration imposent une signature régionale au régime hydrologique des cours d’eau (Good, Moor et Miralles, 2017). Le débit à l’exutoire du bassin fluctue ainsi selon la séquence météorologique courante.

    1.2.2.Variables à l’échelle du bassin versant

    Le débit qui s’écoule dans les cours d’eau est le résultat de plusieurs processus dont l’intensité varie dans le temps et l’espace à l’échelle des bassins versants. Entre le moment où une molécule d’eau atteint le sol et celui où elle accède éventuellement au réseau de drainage, on note deux lieux pivots particulièrement déterminants.

    Le premier lieu pivot se situe à la surface du sol alors que l’eau cherche à s’y infiltrer. L’excédent d’infiltration s’écoule latéralement en surface à un rythme plus rapide que les écoulements souterrains. Les pentes moyennes, la forme des bassins versants, l’organisation des réseaux de drainage et la nature des sols contrôlent ces écoulements latéraux qui ont lieu en surface. L’eau qui s’infiltre dans le sol s’écoule verticalement, traversant la zone non saturée du sol avant de rejoindre la zone saturée et recharger les nappes phréatiques où l’eau entreprendra ensuite un parcours majoritairement latéral. Les écoulements souterrains sont complexes à cause de l’hétérogénéité des milieux poreux, mais on s’entend, dans la majorité des cas, sur le fait qu’ils constituent le parcours le plus lent. Au Québec, en période de crue, les eaux souterraines forment une proportion non négligeable des eaux que l’on retrouve dans les rivières, soit entre 5% et 30% (Larocque et al., 2010). En période de sécheresse, la proportion des eaux souterraines que l’on retrouve dans les rivières augmente considérablement jusqu’à atteindre près de 100% durant les périodes de sécheresse intenses (Bourgault, Larocque et Roy, 2014).

    Le deuxième lieu pivot se situe dans la couche supérieure des sols, au sein de la zone dite racinaire. C’est là que la végétation capte l’eau qu’elle consomme notamment en soutien au processus de photosynthèse. La transpiration implique un transfert de masse (vapeur) et d’énergie de la surface terrestre en faveur de l’atmosphère au sein des stomates du feuillage des plantes. Le rayonnement solaire qui soutient la photosynthèse favorise aussi l’évaporation de molécules d’eau de la couche supérieure des sols ou encore retenues à la surface des végétaux (interception). Puisqu’il est souvent difficile de distinguer la vapeur issue de la transpiration de celle issue de l’évaporation (sol et surface des feuilles), il est commun d’évoquer plus simplement l’évapotranspiration. L’ensemble de ces processus définit le cycle de l’eau du bassin versant et empêche une part importante de la précipitation d’atteindre les cours d’eau.

    1.2.3.Variables hydrogéomorphologiques

    Le bassin versant ne transfère pas uniquement de l’eau (débit liquide), mais aussi des sédiments (débit solide). Ces sédiments sont continuellement déposés et remis en transport (en charge de fond ou en suspension) le long du continuum fluvial. La dynamique fluviale (transport de sédiments, structure de l’écoulement et développement des formes du lit) dicte le développement des styles fluviaux (p. ex. à méandres, rectiligne, divagant) et des formes fluviales (p. ex. plaine alluviale, cône alluvial, delta) et, par conséquent, leur capacité à un moment précis d’accommoder le débit solide et liquide des crues (Schumm, 1977).

    Par exemple, un phénomène d’aggradation (accumulation de sédiments) dans le lit d’une rivière suivant une forte crue peut diminuer l’aire de la section transversale des rivières et donc la relation qui unit le débit et la hauteur d’eau. Ainsi, une section de rivière qui subit une forte aggradation engendrée par un changement (débit solide ou liquide) à l’échelle du bassin versant peut voir, sous des conditions hydrologiques similaires aux années précédentes, sa ligne des eaux maximales augmenter, ce qui a pour effet de hausser le risque d’inondation et de débordement en périphérie de la section concernée. Inversement, un phénomène d’incision peut augmenter l’aire d’une section transversale par laquelle s’écoule l’eau des rivières en période de crue, ce qui a pour résultat de réduire la ligne des eaux maximales et, dès lors, les risques d’inondation. Toutefois, ce dernier phénomène peut aussi accroître l’instabilité des berges, engendrant des processus de migration latérale plus élevés.

    Ainsi, la reconnaissance des différentes unités géomorphologiques en rivière, incluant leurs styles et leurs formes (figure 1.1) de l’amont vers l’aval, est très importante puisqu’elle témoigne des dynamiques fluviales (p. ex. interaction entre les débits solides et liquides) et permet notamment de caractériser le type de crue susceptible de survenir le long d’une section de rivière et d’évaluer le niveau de stabilité de cette même section face à de futures crues et, par conséquent, sa propension à la mobilité.

    À titre d’exemple, un cône alluvial (figure 1.1.b, figure 1.1.d) aura une pente plus forte et tendance à avoir des crues torrentielles plus courtes dans le temps et une étendue spatiale limitée. De plus, dans ce type d’environnement, un changement dans le positionnement des différents chenaux (avulsion) est à considérer étant donné les formes et processus associés. Ainsi, un secteur à faible risque d’inondation peut soudainement devenir une zone à risque élevé. À l’inverse, une rivière à méandres (figure 1.1.a, figure 1.1.c) avec une large plaine alluviale aura tendance à enregistrer des inondations plus étendues dans l’espace et de longue durée en raison de la présence probable d’une vaste plaine inondable avec chenaux secondaires et multiples processus de migration latérale, d’avulsion et de recoupement de méandres. Cependant, les inondations dans une plaine alluviale sont généralement plus fréquentes et plus dommageables à cause de l’aménagement et de l’utilisation du territoire souvent important dans ce type d’environnement.

    Figure 1.1.

    Formes et styles fluviaux illustrés à partir de relevés Light Detection and Ranging (LiDAR)*

    Note: A: style fluvial à méandres avec la présence d’une large plaine alluviale sur la rivière Petit-Saguenay; B: confluence entre un cône alluvial (ruisseau d’Argent) et la plaine alluviale de la rivière York; C: section transversale dans la plaine alluviale de la rivière York avec multiples chenaux de débordement; D: profil altimétrique amont aval du ruisseau d’Argent.

    * <http://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/inventaire-ecoforestier/>, consulté le 18 juillet 2022.

    1.3.Régimes hydrologiques dans le sud du Québec

    Dans les régions nordiques et tempérées-froides comme le Québec, la précipitation adopte une phase liquide ou solide selon la température de l’air. La précipitation solide s’accumule au sol tant et aussi longtemps que les conditions météorologiques empêchent sa fonte, ce qui impose un délai entre la précipitation et la crue du cours d’eau.

    Aux latitudes du Québec, la fluctuation saisonnière du rayonnement solaire et de la température de l’air est telle qu’elle module les processus hydrologiques (Isabelle et al., 2020). La quantité d’eau qui retourne à l’atmosphère par évapotranspiration suit assez fidèlement ces fluctuations du rayonnement. Transpiration et évaporation culminent au cœur de l’été alors que la saison de croissance de la végétation bat son plein et sont pratiquement absentes au plus froid de l’hiver alors que la sublimation de la neige est le seul processus qui modifie la quantité de neige qui s’accumule au sol durant l’hiver. La précipitation majoritairement sous forme de neige en hiver implique d’importantes accumulations au sol, comme un immense château d’eau congelé qui sera relâché durant les redoux hivernaux et ultimement au printemps. Le Québec se caractérise ainsi par trois saisons hydrologiques aux comportements très marqués: l’hiver, le printemps et l’été-automne, ce qui induit une grande variabilité intraannuelle.

    À titre d’exemple, la figure 1.2 révèle la prévalence des crues printanières, mais également l’occurrence de crues estivales ou automnales qui supplantent parfois les crues printanières. On note aussi des événements hivernaux qui peuvent être associés à des redoux durant l’hiver ou à des épisodes de pluie sur neige, typiquement supplantés par ceux des autres saisons.

    Figure 1.2.

    Débits observés (en gris) de 1960 à 2020 pour la station 023402 localisée sur la rivière Chaudière

    Note: À la hauteur de Saint-Lambert-de-Lauzon, débit maximal de chacune des années (points gris) et moyenne des débits de chaque jour (courbe noire).

    Ce comportement est loin d’être exclusif à la rivière Chaudière (rivière localisée dans la province du Québec au Canada sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent). Comme le montre la figure 1.3, le débit maximal de chacune des années pour 42 rivières bien documentées du Québec survient surtout au printemps à la fonte des neiges, suivi par l’automne, l’hiver et l’été. Le régime hydrologique du Québec est donc passablement complexe. Il résulte de la succession de trois régimes impliquant des processus hydroclimatiques fort distincts.

    Figure 1.3.

    Prévalence temporelle (hiver, printemps, été, automne) des crues maximales pour 42 rivières du Québec

    1.3.1.Régime nival

    Pour les rivières du Québec, le régime nival s’installe à la fin de l’automne lorsque les événements de gel et de précipitations solides sont de plus en plus fréquents jusqu’à devenir dominants. Durant cette période, la neige s’accumule au sol, privant la nappe phréatique et le réseau de drainage d’un nouvel apport d’eau. Si des redoux hivernaux entraînent parfois des épisodes de pluie sur neige et même des inondations (ruissellement, débâcle-embâcle), la plupart du temps le froid limite le ruissellement et donc l’apport de sédiments et d’eau qui arrive aux rivières. La végétation est en dormance. Le réseau de drainage est alors alimenté par les aquifères. Cependant, ceux-ci se vidant graduellement, le débit s’amenuise pour atteindre une valeur minimale à la fin de la saison qui définit l’étiage hivernal. Ainsi, le régime nival est caractérisé par un faible débit liquide et solide, ce qui diminue les risques d’inondation.

    1.3.2.Régime nivo-pluvial

    Le rythme d’allongement de la durée du jour culmine autour de l’équinoxe de printemps, ce qui favorise une hausse de la température de l’air. La neige cesse alors généralement de s’accumuler au sol et, plus important encore, commence à se réchauffer, ce qui permettra la maturation du couvert nival jusqu’à atteindre un point où l’eau de fonte alimentera les rivières. La fonte de la neige définit typiquement l’événement hydrologique dominant au Québec. L’eau glacée est libérée pendant que la transpiration est encore inactive. Une partie de l’eau de fonte s’infiltre dans les sols alors que la majorité s’écoule rapidement vers les rivières, gonflant subitement le débit des cours d’eau à peu près au même instant où les rivières se libèrent de leurs glaces (Turcotte, Morse et Anctil, 2012). Ce sont les crues printanières, le moment où survient la majorité des plus forts débits solides et liquides de l’année et où la plupart des inondations se produisent.

    Crues en eau libre en régime nivo-pluvial

    Les crues printanières d’envergure sont presque toujours le fruit d’une synchronicité nivo-pluviale. La figure 1.4 illustre cette dualité du régime hydrologique nivo-pluvial pour 42 bassins versants québécois durant la période s’étendant de 1955 à 2016. Les trois panneaux de la figure permettent d’apprécier les relations entre le volume de crue (axe des abscisses) et les précipitations solides et liquides (axe des ordonnées). Nous avons d’abord calculé le volume annuel (d’eau) de crue véhiculé chaque année par chacune des rivières à leur section de jaugeage (Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques [MELCC], 2020). Puisque ce volume est constitué d’eau de fonte et d’eau de pluie, nous avons également calculé ces deux volumes depuis la base de données pluviométriques et nivométriques du MELCC (2020) pour le territoire drainé par chacun des sites de jaugeage et pour chacune des années disponibles. L’eau de fonte est ici associée au maximum de l’équivalent en eau de la neige du bassin (lignes de neige) et la pluie, au cumul de la précipitation liquide au cours de la période déterminée pour le calcul du volume de crue. L’idée est d’établir si le volume de crue est dominé par l’eau de fonte (ce qui est souvent avancé par la croyance populaire), par l’eau de pluie ou par la somme des deux. Ensuite, pour permettre une mise en graphique de données issues de bassins de tailles variées, les volumes calculés pour chacune des années disponibles (en millimètres après avoir divisé par la superficie du bassin) sont divisés par la valeur moyenne obtenue pour toute la période d’observation. Les nuages de points des trois panneaux de la figure décrivent l’intensité de la relation entre le volume d’eau de crue et le volume d’eau de fonte (figure 1.4.a), le volume de précipitation pendant la crue (figure 1.4.b) et la somme des volumes de fonte et de pluie (figure 1.4.c). La figure 1.4.a révèle l’absence d’une relation directe entre la quantité de neige au sol et la crue. Un hiver neigeux ou sec n’a donc que peu d’incidence sur la manière dont la crue printanière se dessinera. La précipitation seule (figure 1.4.b) offre davantage d’explications, mais la relation demeure fortement dispersée. On notera toutefois que la précipitation varie considérablement d’une année à l’autre, ce qui influence inévitablement la crue. Il est clair que la somme de l’eau de fonte et de l’eau de pluie (figure 1.4.c) explique plus exactement le volume d’eau de crue que le seul volume d’eau de pluie ou le seul volume d’eau de fonte. À notre connaissance, cette figure offre pour la première fois une analyse approfondie de la nécessaire synchronicité de fonte et de précipitation printanières pour la génération d’importants volumes de crue et, par extension, d’inondations importantes.

    Figure 1.4.

    Relations entre le volume annuel de crue et les précipitations solides et liquides

    Note: A: somme de l’accumulation maximale de neige durant l’hiver et la précipitation pendant la période de crue; B: accumulation maximale de neige durant l’hiver; C: précipitation pendant la période de crue.

    Crues par embâcles en régime nivo-pluvial

    Il convient de rappeler qu’en régime nivo-pluvial, l’englacement des rivières tôt en hiver jusqu’au moment de la fonte printanière accroît les risques d’inondation (Prowse et Beltaos, 2002), car l’épaisseur et la rugosité du couvert de glace risquent d’être davantage importantes à la fin de la période hivernale. Les inondations causées par des embâcles surviennent majoritairement lors des débâcles mécaniques des glaces et sont plus fréquentes pour les cours d’eau où les contraintes hydrauliques sont multiples (structures entravant le chenal, méandres, rétrécissement, forte rugosité ou hauts fonds). De plus, les inondations par embâcles de glace sont plus courantes dans les rivières situées au sud du fleuve Saint-Laurent dont l’écoulement se fait du sud vers le nord. Dans ces cas particuliers, la fonte des neiges et du couvert de glace est observée d’abord en amont alors que le couvert de glace est généralement encore bien en place à l’aval du cours d’eau, ce qui constitue souvent une entrave majeure à son écoulement. Alors que les débâcles mécaniques peuvent provoquer des événements majeurs d’inondation, les débâcles thermiques (fonte graduelle du couvert de glace) n’entraînent habituellement pas la formation d’embâcles importants. Dans le contexte des débâcles mécaniques avec formation d’embâcles, les niveaux d’eau peuvent augmenter jusqu’à deux ou trois fois la hauteur d’eau en chenal libre de glace pour le même débit (Beltaos 2003; Lindenschmidt et al., 2016). La compréhension des facteurs influençant l’emplacement et les dynamiques de formation d’embâcles restent un sujet d’intérêt pour plusieurs groupes de recherche actifs au Québec (Morin, Boucher et Buffin-Bélanger, 2015; De Munck et al., 2017; Turcotte, Morse et Pelchat, 2020).

    1.3.3.Régime pluvial

    Une fois la neige fondue, les volumes d’eau contenus dans les sols diminuent et la crue s’estompe. Le bassin versant devient passablement moins réactif, car l’espace disponible des sols pour accumuler de l’eau augmente et la végétation s’active et consomme d’importantes quantités d’eau qu’elle rejette directement dans l’atmosphère. Sous régime pluvial, les processus d’évapotranspiration contribuent largement à l’émergence de faibles débits et à l’étiage estival, surtout lorsque survient un épisode de temps sec. Des inondations sont possibles en plein été, mais exigent un événement déversant de grands volumes d’eau. Les événements d’inondations «éclairs» sont causés par des cellules orageuses associées au processus de convection profonde. Une sécheresse prolongée vient diminuer le contenu en eau des sols, ce qui a pour effet de réduire momentanément leur capacité d’infiltration et de favoriser des crues par ruissellement.

    L’automne est légèrement (figure 1.3) plus favorable aux inondations que l’été, car la végétation y joue un rôle moins dominant, ce qui favorise l’accumulation d’eau dans les sols et un bassin versant plus réactif. Si les crues estivales ou automnales dépassent parfois celles du printemps précédent, comme illustré à la figure 1.2, ces événements sont typiquement de plus courte durée puisqu’ils ne sont pas soutenus par la fonte de la neige qui, elle, s’étend sur plusieurs semaines. Cependant, comme le montrent les inondations automnales de novembre 2021 en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve, et les inondations estivales de 2021 en Belgique et en Allemagne, l’ampleur et la fréquence des inondations en régime pluvial dans un climat changeant pourraient considérablement augmenter.

    2.

    Évolution des inondations

    Déterminer quelles conditions météorologiques entraînent des inondations reste un défi de taille en raison d’un ensemble de facteurs climatiques et anthropiques qui modifient les régimes pluvieux, perturbent les bassins versants (imperméabilisation des sols et drainage agricole), et transforment les processus hydrogéomorphologiques des rivières.

    2.1.Évolution du climat

    Le consensus est de plus en plus grand concernant la pression exercée par les changements climatiques sur les crues, les risques d’inondation (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [GIEC], 2018) et les répercussions possibles à l’échelle des systèmes fluviaux (Ashmore et Church, 2001; Goudie, 2006).

    Dans le sud du Québec, l’évolution du climat aura une incidence sur le régime hydrologique, notamment sur les crues et les inondations. Cette section synthétise la façon dont les variables météorologiques (température, précipitation et accumulation de neige) et leur évolution dans le contexte des changements climatiques pourraient affecter les inondations durant les prochaines décennies de part et d’autre du fleuve Saint-Laurent.

    Il convient d’abord de mentionner que les projections issues de modèles de climat (globaux ou régionaux) s’accordent pour anticiper, au cours des prochaines décennies, des hausses substantielles de la température à l’échelle du Québec (Ouranos, 2015), ce qui aura pour effet d’augmenter l’évapotranspiration. Ce consensus n’est toutefois pas aussi fort pour ce qui est du régime de précipitation dans le sud du Québec. Certains modèles prévoient de légères hausses du volume annuel de la précipitation alors que d’autres anticipent au contraire une réduction de la précipitation. De manière générale, voici ce qui est actuellement anticipé à l’horizon 2050 selon un scénario d’émissions de gaz à effet de serre modéré⁸ et qui s’avère en phase avec les observations récentes:

    •Augmentation de la température annuelle moyenne;

    •Augmentation plus importante de la température moyenne hivernale;

    •Augmentation du nombre de cycles gel-dégel hivernaux;

    •Prolongation de la saison propice aux orages violents, tornades et ouragans, ainsi qu’une augmentation des événements de pluie intense pour certaines régions, notamment pour l’Est-du-Québec;

    •Augmentation de l’intensité de la précipitation (cumuls cinq jours);

    •Augmentation de la précipitation hivernale dont une fraction plus importante tomberait sous forme liquide;

    •Réduction de l’accumulation maximale de neige durant l’hiver;

    •Diminution de la période d’enneigement hivernal.

    L’effet combiné de l’évolution du régime thermique et de la précipitation aura assurément un impact significatif sur les régimes hydrologiques des cours d’eau du Québec méridional.

    Par exemple, une augmentation de l’intensité et de l’occurrence des événements convectifs intenses durant l’été ou de l’intensité et de la durée des précipitations automnales pourrait entraîner une augmentation du nombre et de l’intensité des crues associées au régime pluvial. Ainsi la distribution des crues maximales telle que décrite à la figure 1.2 pourrait légèrement être modifiée à l’avantage des crues en régime pluvial, un portrait qui concorde avec l’augmentation probable des débits journaliers de récurrence 2 ans et 20 ans présentée dans l’atlas hydroclimatique du Québec méridional⁹.

    De plus, une hausse des épisodes de pluie sur neige due à l’augmentation des redoux tout au long de la période nivale ou durant la période nivo-pluviale pourrait considérablement affecter les crues de la plupart des rivières localisées dans le sud du Québec, et ce, même si une diminution du couvert nival est anticipée. Comme le montre la figure 1.4.c, le volume des crues printanières est fortement corrélé avec la somme de l’accumulation maximale de neige durant l’hiver et les épisodes de précipitation pendant la période de crue. Ainsi, en dépit d’une diminution de l’accumulation de neige, l’intensité des crues pourrait augmenter en raison d’une précipitation liquide plus importante au moment de la fonte. Ce résultat très important devrait être davantage étudié par les chercheurs et praticiens du domaine.

    Par ailleurs, dans un contexte de changements climatiques, les rivières pourraient être soumises à une dynamique des glaces en rivière changeante et à une probable modification de la composition des marges fluviales. Ainsi, les changements climatiques potentiels entraînent aussi un certain nombre d’implications pour l’hydrogéomorphologie des rivières, mais la plupart des scénarios hydroclimatiques existants ne prennent pas en compte les changements géomorphologiques pouvant survenir dans les systèmes fluviaux (Goudie, 2006). Ils n’apparaissent donc pas dans l’atlas hydroclimatique du Québec. Les changements morphologiques susceptibles de se produire sont liés à une modification des débits liquides et solides (p. ex. modification de la charge sédimentaire, incision, changements de style fluvial), à une augmentation de l’ampleur des crues (p. ex. instabilité sur le long terme), à une hausse de la fréquence (p. ex. état d’équilibre modifié ou instable) ou encore à une diminution du débit (modification de la charge sédimentaire) (Ashmore et Church, 2001).

    2.2.Perturbations des bassins versants et des rivières

    Les modifications de l’utilisation du sol, incluant la destruction des milieux naturels en zone inondable et à l’échelle des bassins versants, ainsi que l’imperméabilisation des sols favorables à l’infiltration accélèrent le ruissellement, modifiant la réponse hydrologique (vitesse à laquelle une molécule d’eau descend vers l’exutoire d’un système fluvial) à l’échelle d’un bassin versant. Une augmentation du ruissellement entraîne une hausse de l’érosion changeant l’apport de sédiments à la rivière, ce qui peut entraîner un déséquilibre temporaire ou permanent qui forcera la rivière à se réajuster, un phénomène qui peut s’opérer à différentes échelles spatiales et temporelles (Ziliani et Surian, 2012).

    Par exemple, un sol mis à nu ou compressé soit par des activités agricoles ou de récoltes forestières et un sol imperméabilisé, soit par la construction de nouvelles routes ou de nouveaux bâtiments favorise le ruissellement qui modifie le débit liquide et solide des rivières ainsi que la réponse hydrologique des bassins versants. Comme décrit précédemment, l’augmentation des débits solides peut engendrer un rehaussement important du lit du cours d’eau dans les zones qui stockent des sédiments et donc changer l’aire d’écoulement des rivières. Cette modification entraîne des changements potentiels dans la distribution des zones inondables en périphérie des secteurs où l’on observe un phénomène d’aggradation. De plus, l’augmentation des débits liquides peut provoquer une hausse de l’érosion latérale et verticale du lit des rivières, ce qui peut diminuer la stabilité des berges des rivières, modifier la compétence des rivières et, par conséquent, augmenter les risques d’ajustement de celles-ci. L’ajustement des rivières cause des modifications dans la structure de l’écoulement, dans le transport des sédiments et dans la morphologie du lit, créant ainsi de nouvelles zones où les sédiments sont mis en transport et se déposent, et menant à une modification possible du style fluvial. Ces réajustements peuvent ainsi changer l’étendue des zones inondables en périphérie des cours d’eau.

    D’autre part, les modifications de l’utilisation du sol ne sont pas les seuls facteurs pouvant affecter la dynamique des systèmes hydriques. La mise en place d’infrastructures en contact direct avec l’eau des rivières et les modifications du lit des rivières perturbent leur écoulement et peuvent engendrer un déséquilibre des systèmes fluviaux (Ziliani et Surian, 2012). Par exemple, l’ajout de structures (p. ex. seuils, déflecteurs) et l’enrochement des berges des rivières causent des problèmes de déconnexion des marges fluviales, entraînant des modifications aux systèmes fluviaux (p. ex. érosion verticale, incision) et la diminution des sédiments nécessaires au maintien des processus hydrogéomorphologiques naturels qui favorisent la résilience des rivières et diminuent les risques d’inondation dans un contexte de climat changeant (Loomis et al., 2000; Biron et al., 2013; Buffin-Bélanger et al., 2015).

    De plus, plusieurs pratiques actuelles ou historiques telles que la linéarisation (notamment pour l’agriculture ou la drave), l’enrochement et le dragage (retrait de sédiments) à l’intérieur même d’une rivière engendrent une modification des dynamiques d’écoulement, ce qui affecte les processus de transport sédimentaire, d’érosion et d’accumulation, et peut accentuer les risques d’inondation d’une zone initialement peu sujette à ce type de phénomène.

    3.

    Cartographie de l’inondation dans un climat changeant

    Dans un contexte où les facteurs de risque pourraient considérablement évoluer à court, moyen et long terme, il est nécessaire de reconnaître que l’utilisation de diverses approches pour la cartographie des risques d’inondation est souhaitable.

    L’approche hydraulique consiste à évaluer les probabilités d’inondation en se basant sur l’analyse des données historiques et l’utilisation d’une chaîne de modélisation impliquant des modèles hydrologiques et hydrauliques. Cette méthode permet d’estimer la probabilité de récurrence des débits pour la détermination des zones inondables à l’aide des statistiques basées sur les données d’événements historiques de débit et de la topographie du chenal. Il est alors possible de délimiter des zones en périphérie des cours d’eau susceptibles d’être touchées selon des périodes de retour déterminées (p. ex. 0-20 ans et 20-100 ans au Québec jusqu’à ce jour).

    L’approche hydrogéomorphologique (HGM) se base sur les différentes unités morphologiques d’une plaine inondable et se divise en deux catégories: la cartographie hydrogéomorphologique (Ballais et al., 2011) et la cartographie de l’espace de liberté (Biron et al., 2013). La cartographie hydrogéomorphologique est basée sur l’identification des grandes unités géomorphologiques homogènes (lit mineur, moyen et majeur) façonnées par les différents types de crues historiques à l’intérieur d’une plaine alluviale. Le principe de base est d’identifier les limites externes des différents lits afin d’estimer les niveaux d’eau maximum enregistrés sur une rivière historiquement (Ballais et al., 2011). Le concept d’espace de liberté implique quant à lui la délimitation de l’espace de mobilité (p. ex. migration latérale du cours d’eau) et la délimitation de l’espace d’inondabilité d’un cours d’eau, incluant les milieux humides à l’intérieur d’une plaine alluviale (Biron et al., 2013). Le principe de base est de laisser un espace minimal aux cours d’eau pour permettre aux processus naturels (p. ex. érosion, inondation, mobilité des sédiments) d’opérer naturellement à l’intérieur d’un corridor fluvial et de limiter l’établissement de toutes structures anthropiques à l’intérieur de cet espace.

    Les deux méthodes comportent des forces et des faiblesses. Par exemple, à ce jour, les méthodes hydrauliques arrivent difficilement à modéliser statistiquement le comportement complexe des phénomènes naturels tels que les inondations (Baker, 1994; Pagneux, Guðrún et Árni, 2010) notamment à cause des incertitudes liées à la mesure des débits, à l’analyse fréquentielle et à la mobilité des cours d’eau. En ce qui concerne, les approches hydrogéomorphologiques, elles n’intègrent pas ou intègrent peu l’hydraulicité dans la cartographie des zones inondables.

    Ainsi, la cartographie des inondations nécessite différentes approches et philosophies d’intervention en raison de la complexité de ces événements. Coupler les approches hydrauliques et hydrogéomorphologiques permet une meilleure représentation des inondations en contexte de changements climatiques comme souligné dans la littérature depuis les années 1970 (Wolman, 1971). Une méthode combinant les résultats des modèles hydrauliques et ceux de l’approche HGM commence à apparaître dans la cartographie des zones inondables, comme en témoignent les modèles numériques de zone inondable (MNZI), qui utilisent un modèle numérique de ligne d’eau (MNLE) et un modèle numérique de terrain (MNT) afin d’obtenir des hauteurs d’eau potentielles lors d’inondations (Montané, 2014).

    Au cours des 15 dernières années, plusieurs projets ont vu le jour au Québec et les approches HGM sont de plus en plus intégrées dans la législation aujourd’hui (Lelièvre, Buffin-Bélanger et Morneau, 2008; Biron et al., 2013; Demers et al., 2014; Buffin-Bélanger et al., 2015; Massé et al., 2020). L’utilisation d’une méthodologie intégrée (hydraulique et HGM) est d’autant plus pertinente dans un contexte de changements climatiques où les systèmes fluviaux pourraient subir des modifications relativement à l’équilibre de leurs dynamiques et à leur tracé.

    De plus, les systèmes de prévision hydrométéorologique (Schaake et al., 2007; Demargne et al., 2014) sont aussi au cœur des mesures non structurelles permettant d’atténuer les conséquences des inondations, car ils permettent d’anticiper et de déployer efficacement des mesures d’urgence quelques jours avant qu’une inondation ne se concrétise, ce qui a le potentiel de minimiser les répercussions sur les plans humain et économique (Rogers et Tsirkunov, 2010). De tels systèmes ont été mis en place à des degrés divers pour de nombreux sites jugés névralgiques au Canada (Zahmatkesh et al., 2019). Bien que les prévisions hydrologiques soient incertaines (incertitudes associées aux prévisions météorologiques, aux conditions initiales du bassin versant ou encore à la structure des modèles hydrologiques) (Zappa et al., 2010), des techniques existent pour quantifier ces incertitudes et ainsi fournir aux décideurs la valeur la plus probable et la plage de valeurs possibles (Thiboult, Anctil et Boucher, 2016) afin que ceux-ci soient en mesure de prendre des décisions avisées.

    Finalement, dans un contexte où les inondations sont en augmentation, où les conséquences des changements climatiques sont encore incertaines et où la pression anthropique sur les systèmes naturels est de plus en plus forte, une concertation multidisciplinaire, voire une approche intégrée faisant appel aux principales disciplines interpellées, est nécessaire pour la compréhension et la gestion des inondations.

    Références

    Able, M. (dir.) (2017). A Stormy Year. Topics Geo Natural Catastrophes 2017, Munich Re Group.

    Anctil, F. (2016). L’eau et ses enjeux, 2e édition, Presses de l’Université Laval.

    Ashmore, P. et M. Church (2001). The Impact of Climate Change on Rivers and River Processes in Canada. Geological Survey of Canada.

    Baker, V.R. (1994). «Geomorphological understanding of floods», Geomorphology, vol. 10, no 1-4, p. 139-156.

    Ballais, J.L. et al. (2011). «La méthode hydrogéomorphologique de détermination des zones inondables», Physio-Géo, vol. 5, p. 1-168.

    Beltaos, S. (2003). «Threshold between mechanical and thermal breakup of river ice cover», Cold Regions Science and Technology, vol. 37, no 1, p. 1-13.

    Biron, P. (2017). La restauration de l’habitat du poisson en rivière: une recension des écrits, rapport scientifique, Fondation de la faune du Québec, Université Concordia.

    Biron, P. et al. (2013). Espace de liberté: Un cadre de gestion intégrée pour la conservation des cours d’eau dans un contexte de changements climatiques, rapport remis à Ouranos.

    Bourgault, M.A., M. Larocque et M. Roy (2014). «Simulation of aquifer-peatland-river interactions under climate change», Hydrology Research, vol. 45, no 3, p. 425-440.

    Buffin-Bélanger, T. et al. (2015). «Freedom space for rivers: An economically viable river management concept in a changing climate», Geomorphology, vol. 251, p. 137-148.

    Centre for Research on the Epidemiology of Disasters (2015). The Human Cost of Weather-Related Disasters 1995-2015, The United Office for Disaster Risk Reduction (UNISDR).

    Demargne, J. et al. (2014). «The science of NOAA’s operational hydrologic ensemble forecast service», Bulletin of the American Meteorological Society, vol. 95, no 1, p. 79-98.

    Demers, S. et al. (2014). «L’hydrogéomorphologie appliquée à la gestion de l’aléa d’inondation en climat tempéré froid: l’exemple de la rivière Matane (Québec)», Physio-Géo, vol. 8, p. 67-88.

    De Munck, S. et al. (2017). «River predisposition to ice jams: A simplified geospatial model», Natural Hazards and Earth System Sciences, vol. 17, no 7, p. 1033-1047.

    Good S.P., G.W. Moor et D.G. Miralles (2017). «A mesic maximum in biological water use demarcates biome sensitivity to aridity shifts», Nature Ecology & Evolution, vol. 1, p. 1883-1888.

    Goudie, A.S. (2006). «Global warming and fluvial geomorphology», Geomorphology, vol. 79, no 3, p. 384-394.

    Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2018). Réchauffement planétaire de 1,5 ºC, Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 ºC par rapport aux niveaux préindustriels et les trajectoires associées d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté [publié sous la direction de V. Masson-Delmotte et al.], Organisation météorologique mondiale.

    Hauer, F.R. et al. (2016). «Gravel-bed river floodplains are the ecological nexus of glaciated mountain landscapes». Science Advances, vol. 2, no 6, doi:10.1126/sciadv.1600026.

    Hupp, C.R. (1988). «Plant ecological aspects of flood geomorphology and paleoflood history», dans V.R. Baker et al. (dir.), Flood Geomorphology, Wiley, p. 335-356.

    Isabelle, P.E. et al. (2020). «Impacts of high precipitation on the energy and water budgets of a humid boreal forest», Agricultural and Forest Meteorology, vol. 280, p. 1-13.

    Lane, E.W. (1955). «The importance of fluvial morphology in river hydraulic engineering», American Society of Civil Engineers, vol. 81, no 1, p. 1-17.

    Larocque, M. et al. (2010). «Groundwater contribution to river flows using hydrograph separation, hydrological and hydrogeological models in a southern Quebec aquifer», Hydrology and Earth System Sciences Discussions, vol. 7, p. 7809-7838.

    Lelièvre, M.-A., T. Buffin-Bélanger et F. Morneau (2008). «L’approche hydrogéomorphologique pour la cartographie des zones à risque d’inondation dans les vallées de petites et moyennes tailles: un exemple commenté pour la vallée de la Rivière-au-Renard», Proceedings of the 4th Canadian Conference on Geohazards: From Causes to Management, Presses de l’Université Laval.

    Leopold, L.B., M.G. Wolman et J.P. Miller (1964). Fluvial Processes in Science Geomorphology, Freeman.

    Lindenschmidt, K.E. et al. (2016). «Ice jam flood risk assessment and mapping», Hydrological Processes, vol. 30, p. 3754-3769.

    Loomis, J. et al. (2000). «Measuring the total economic value of restoring ecosystem services in an impaired river basin: Results from a contingent valuation survey», Ecological Economics, vol. 33, p. 103-117.

    Massé, S. et al. (2020). «Development of a mapping approach encompassing most fluvial processes: Lessons learned from the freedom space for rivers concept in Quebec (Canada)», River Research and Applications, Special Issue paper, p. 1-13.

    Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) (2020). Données du Réseau de surveillance du climat du Québec, Direction de la qualité de l’air et du climat.

    Montané, A. (2014). L’approche hydrogéomorphologique: pratiques, valorisations et développement d’une méthode de cartographie des zones inondables, thèse de doctorat, Géographie, Université Paul-Valéry.

    Morin S., E. Boucher et T. Buffin-Bélanger (2015). «The spatial variability of ice-jam bank morphologies along the Mistassini River (Quebec, Canada): An indicator of the ice-jam regime?», Natural Hazards, vol. 77, p. 2117-2138.

    Ouranos (2015). Vers l’adaptation. Synthèse des connaissances sur les changements climatiques au Québec. Partie 1: Évolution climatique au Québec, édition 2015, Ouranos.

    Pagneux, E., G. Guðrún et S. Árni (2010). «Inundation extent as a key parameter for assessing the magnitude and return period of flooding events in southern Iceland», Hydrological Sciences Journal, vol. 55, no 5, p. 704-716.

    Prowse T.D. et S. Beltaos (2002). «Climatic control of river-ice hydrology: A review», Hydrological Processes, vol. 16, p. 805-822.

    Rodell, M. et al. (2015). «The observed state of the water cycle in the early twenty-first century», Journal of Climate, vol. 28, p. 8289-8218.

    Rogers, D. et V. Tsirkunov (2010). Global Assessment Report on Disaster Risk Reduction: Costs and Benefits of Early Warning Systems, rapport technique, United Nations International Strategy for Disaster Reduction (UNISDR).

    Schaake, J.C. et al. (2007). «HEPEX: The hydrological ensemble prediction experiment», Bulletin of the American Meteorological Society, vol. 88, p. 1541-1548.

    Schumm, S.A. (1977). The Fluvial System, John Wiley & Sons.

    Sopper, W.E. (1975). «Effects of timber harvesting and related management practices on water quality in forested watersheds», Journal of Environmental Quality, vol. 4, p. 24-29.

    Talbot, C.J. et al. (2018). «The impact of flooding on aquatic ecosystem services», Biogeochemistry, vol. 141, no 3, p. 439-461.

    Thiboult, A., F. Anctil et M.A. Boucher (2016). «Accounting for three sources of uncertainty in ensemble hydrological forecasting», Hydrology and Earth System Sciences, vol. 20, p. 1809-1825.

    Tockner, K., M.S. Lorang et J.A. Stanford (2010). «River flood plains are model ecosystems to test general hydrogeomorphic and ecological concepts», River Research and Applications, vol. 26, no 1, p. 76-86.

    Turcotte, B., B. Morse et F. Anctil (2012). «Impacts of precipitation on the cryologic regime of stream channels», Hydrological Processes, vol. 26, no 17, p. 2653-2662.

    Turcotte, B., B. Morse et G. Pelchat (2020). «Impact of climate change on the frequency of dynamic breakup events and on the risk of ice-jam floods in Quebec, Canada», Water, vol. 12, no 10, p. 1-19.

    Ward, J.V. et al. (2002). «Riverine landscape diversity», Freshwater Biology, vol. 47, p. 517-539.

    Wolman, M.G. (1971). «Evaluating alternative techniques of flood plain mapping», Water Resources Research, vol. 7, no 6, p. 1383-1392.

    Zahmatkesh, Z. et al. (2019). «An overview of river flood forecasting procedures in Canadian watersheds», Canadian Water Resources Journal, vol. 44, p. 213-219.

    Zappa, M. et al. (2010). «Propagation of uncertainty from observing systems and NWP into hydrological models: COST-731 Working Group 2», Atmospheric Science Letters, vol. 11, p. 83-91.

    Zhang, M. et al. (2017). «A global review on hydrological responses to forest change across multiple spatial scales: Importance of scale, climate, forest type and hydrological regime», Journal of Hydrology, vol. 546, p. 44-59.

    Ziliani, L. et N. Surian (2012), «Evolutionary trajectory of channel morphology and controlling factors in a large gravel-bed river», Geomorphology, vol. 173, p. 104-117.

    1., consulté le 18 juillet 2022.

    2., consulté le 18 juillet 2022.

    3.Lewis, P. (2019). Pour une gestion responsable des zones à risque d’inondations. Rapport produit à la demande du gouvernement du Québec. Disponible sur: , consulté le 18 juillet 2022.

    4., consulté le 18 juillet 2022.

    5., consulté le 18 juillet 2022.

    6., consulté le 18 juillet 2022.

    7., consulté le 18 juillet 2022.

    8., consulté le 18 juillet 2022.

    9., consulté le 18 juillet 2022.

    CHAPITRE

    2

    Inondations des printemps 2017 et 2019 dans le bassin versant de la rivière des Outaouais (Québec, Canada)

    Analyse des facteurs physiographiques et météorologiques en cause

    Clémence Benoit, Isabelle Demers, François Roberge, Philippe Gachon et René Laprise

    Le sud du Québec a connu les pires inondations de son histoire lors des printemps 2017 et 2019, générant des dommages économiques de près d’un milliard de dollars (Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation [MAMH], 2020), sans compter les répercussions majeures sur la santé psychosociale des individus (Généreux et al., 2020). Les localités situées en aval du bassin versant de la rivière des Outaouais (BVRO) et à la périphérie du lac des Deux-Montagnes ont été lourdement affectées par ces inondations d’intensité, de durée et d’étendue records (Institut de la Statistique du Québec, 2019; Service de sécurité incendie de Montréal, 2020; Benoit, 2021). D’après les séries de débits journaliers moyens enregistrés à la centrale de Carillon (Benoit, 2021), les débits de pointe ont atteint 9 094 m³/s en 2017 et 9 216,7 m³/s en 2019 avec des durées d’inondations s’étant respectivement élevées à 44 et 50 jours.

    Dans le contexte des changements climatiques, les inondations sont susceptibles d’augmenter en intensité et en occurrence notamment en raison de l’intensification du cycle hydrologique planétaire associée à la hausse des températures (Intergovernmental Panel on Climate Change [IPCC], 2012, 2013 et 2019). L’augmentation observée et anticipée du cumul de la précipitation et de son intensité durant le printemps au Québec (Cohen et al., 2019; Zhang et al., 2019), tout particulièrement dans le BVRO (Teufel et al., 2017; Gachon et al., 2018), aurait pour effet de compenser l’impact de la diminution du couvert de neige sur les événements extrêmes de ruissellement au printemps, n’affectant que peu ou pas la probabilité d’occurrence des risques hydrométéorologiques (Teufel et al., 2017). Cette réponse reste toutefois complexe et incertaine (Barrow, Maxwell et Gachon, 2004; Quilbé et al., 2008; Whitfield, 2012; Berghuijs, Woods et Hrachowitz, 2014; Burn, Whitfield et Sharif, 2016; Buttle et al., 2016; Zadeh, Burn et O’Brien, 2020), car elle dépend, entre autres, des changements dans les contextes de vulnérabilité et d’exposition au sein du territoire (Zscheischler et al., 2019). Plusieurs caractéristiques des systèmes naturels et humains au sein du bassin versant peuvent en effet modifier l’apport et la vitesse du ruissellement vers l’aval lors d’événements de précipitations liquides ou de fonte de neige (Knox, 2000; Veyret et Reghezza, 2006; Cardona et al., 2012; Szeto et al., 2015), notamment la nature de la pente ou de l’occupation du sol et le type de substrat (Mohamoud, 2004; Scarwell et Laganier, 2004; Saint-Laurent et Hähni, 2008; Anctil, Rousselle et Lauzon, 2012). L’identification et l’évaluation des facteurs de risque d’inondations nécessitent donc une analyse des contextes hydrométéorologiques qui conditionnent l’aléa et des contextes socioenvironnementaux qui influencent le risque et les conséquences des inondations (United Nations Office for Disaster Risk Reduction [UNDRR], 2019; Alexander, 2021).

    Dans ce chapitre, afin d’évaluer les causes des inondations de 2017 et de 2019, le contexte physique et en partie anthropique dans lequel les événements se sont produits sera d’abord documenté brièvement. Une analyse détaillée du contexte hydrométéorologique des hivers et printemps 2017 et 2019 sera ensuite réalisée à l’échelle du bassin versant à partir des données d’observation et de réanalyse disponibles. Cette analyse sera complétée, pour l’événement de 2019 seulement, par une évaluation des conditions de surface

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1