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Pêcheurs et baleines en Gaspésie: Sur le chemin de la coexistence
Pêcheurs et baleines en Gaspésie: Sur le chemin de la coexistence
Pêcheurs et baleines en Gaspésie: Sur le chemin de la coexistence
Livre électronique298 pages2 heures

Pêcheurs et baleines en Gaspésie: Sur le chemin de la coexistence

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À propos de ce livre électronique

Depuis 2017, nous vivons dans le golfe du Saint-Laurent, et particulièrement au Québec, une crise importante liée à la présence de la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce de plus en plus répandue dans nos eaux. Au-delà des enjeux relatifs a? la distribution spatio-temporelle de cette espèce en voie de disparition sur un territoire chevauchant les zones de pêche et des défis de coexistence que cela comporte, il existe un volet socioéconomique important lié à cette crise qui est encore trop peu explore?.

Ce livre présente une analyse de développement durable qui relie les aspects écologique (baleines et écosystèmes), social (pêcheurs et communautés côtières) et économique (impacts) afin de relever les meilleures solutions de coexistence dans les années a? venir et ainsi permettre aux pêcheurs de participer a? toutes les étapes de la gestion de cette crise dans le golfe du Saint-Laurent.

Rassemblant les contributions de huit experts issus de différentes disciplines, le présent ouvrage s’adresse aux étudiants, chercheurs, gestionnaires gouvernementaux et autres experts du domaine des pêches, ainsi qu’aux personnes intéressées par la médiation environnementale. Il s’adresse aussi aux pêcheurs et associations de pêcheurs qui veulent parfaire leurs connaissances du système dans lequel ils évoluent. Finalement, cet ouvrage intéressera le grand public sensible à cette nouvelle situation environnementale au cœur de nos communautés.
LangueFrançais
Date de sortie16 nov. 2022
ISBN9782760557604
Pêcheurs et baleines en Gaspésie: Sur le chemin de la coexistence

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    Aperçu du livre

    Pêcheurs et baleines en Gaspésie - Lyne Morissette

    Introduction

    Danielle Maltais, Lyne Morissette et Jean Côté

    En 2017, la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril, a connu un épisode de mortalité sans précédent dans le golfe du Saint-Laurent. Face à ce déclin, le ministère des Pêches et des Océans (Mpo) a rapidement développé un ensemble de mesures de gestion visant à prévenir les empêtrements de baleines dans les engins de pêche et à atténuer les risques de mortalité de la baleine noire. En juillet 2018, l’application de ces mesures a entraîné une fermeture de zones de pêche touchant la côte gaspésienne, ce qui a forcé 65 des 153 pêcheurs de homard à terminer leur saison de pêche 18 jours avant la fin de la date prévue.

    Cette fermeture a eu d’importantes répercussions pour les pêcheurs de la Gaspésie : la fin abrupte de la saison de pêche, des pertes d’exploitation de près de 2,7 millions de dollars ainsi que des impacts dramatiques sur les populations côtières de cette région, notamment des pertes d’emploi, la fermeture temporaire de plusieurs commerces ainsi que des pertes économiques estimées à près de 7 millions de dollars.

    Depuis, nous vivons dans le golfe du Saint-Laurent, et particulièrement au Québec, une crise importante liée à la présence de la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce de plus en plus répandue dans nos eaux. Au-delà des enjeux relatifs à la distribution spatio-temporelle de cette espèce en péril dans un territoire chevauchant des zones de pêche et des défis de coexistence que cela comporte, des aspects socioéconomiques importants liés à cette crise ont été jusqu’à maintenant encore trop peu explorés.

    À la demande du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie (Rppsg), des chercheurs provenant de diverses disciplines ont uni leurs efforts et leur expertise spécifique afin d’évaluer si la coexistence des baleines noires et de la pêche au homard était possible en Gaspésie et, si oui, dans quelles conditions. Cette question, à la fois toute simple et fort complexe, a donné lieu en 2019 à la réalisation d’un projet multidisciplinaire combinant l’expertise scientifique, technique et socioéconomique, et dont les objectifs sont les suivants :

    1 Faire l’inventaire des mammifères marins en milieu côtier pour valider la présence ou l’absence des baleines noires dans la zone côtière (moins profonde que 50 mètres) en Gaspésie ;

    2 Évaluer le niveau de confiance, de compréhension et de respect des pêcheurs de homard de la Gaspésie envers les mesures de protection des baleines noires de l’Atlantique Nord ;

    3 Évaluer les impacts socioéconomiques des mesures de gestion actuelles.

    Le but de toute cette recherche était de développer des mesures de gestion des zones de pêche et de protection des baleines noires à partir d’une approche basée sur de meilleures connaissances scientifiques et qui permettait de considérer les réalités environnementales, psychosociales et économiques.

    Ce livre est le résultat des diverses activités de recherche de cette étude où le point de vue des principaux intéressés, les pêcheurs professionnels de homard de la Gaspésie, a été au centre des préoccupations des collaborateurs de cet ouvrage.

    Le premier chapitre, intitulé « La genèse d’une crise », écrit par Jean Côté, documente l’historique et les principales raisons à l’origine des mesures de gestion drastiques mises en place par le Mpo pour protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord, sans réelle consultation des principaux intéressés du secteur de la pêche. Ce chapitre apporte aussi des informations sur les répercussions économiques et sociales de ces mesures de gestion sur la pêche au homard ainsi que sur les raisons qui ont poussé le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie (Rppsg) à pousser sa réflexion à ce sujet. Une étude a été demandée à une équipe de chercheurs provenant de diverses disciplines afin d’analyser les enjeux socioéconomiques de la fermeture temporaire de la pêche au homard, non seulement pour les propriétaires de permis de pêche de ce type de crustacé, mais aussi pour leurs employés et toute la communauté gaspésienne.

    Le second chapitre intitulé « Un état de la présence de la baleine noire de l’Atlantique Nord dans la Baie des Chaleurs », rédigé par Benjamin de Montgolfier et Lyne Morissette, dresse le portait des différents types de mammifères marins qui ont été recensés dans la partie nord de la Baie des Chaleurs pendant les saisons estivales 2019 à 2021. L’inventaire de ces mammifères a été réalisé par une équipe de professionnels à l’aide d’un navire se déplaçant dans la zone côtière entre Percé, au nord, et Port-Daniel-Gascons, au sud, à une profondeur allant de 1 à 20 brasses (2 à 50 mètres). Lors de ces sorties, différentes espèces de mammifères marins ont été recensées, ainsi que diverses espèces d’oiseaux et d’animaux, mais aucune baleine noire. À la lumière de ces résultats, les auteurs de ce chapitre estiment que la baleine noire de l’Atlantique Nord ne faisait pas partie des espèces qui fréquentent les différentes zones côtières ayant fait l’objet d’investigations.

    Le troisième chapitre, écrit par Danielle Maltais et Simon Gilbert, portant le titre « Les pêcheurs du sud de la Gaspésie et leur coexistence avec les baleines noires », est consacré au partage du point de vue des pêcheurs sur les us et coutumes passés et actuels de leur métier ainsi que ses avantages et inconvénients. Il apporte aussi des informations sur les motifs qui les encouragent à persévérer, malgré les nombreux défis que pose la pêche au homard, tout comme sur les sentiments qu’ils éprouvent face aux mesures instaurées par le gouvernement fédéral pour protéger les baleines noires. N’ayant jamais aperçu ce type de cétacé dans leur zone de pêche, ces pêcheurs professionnels se sentent laissés à eux-mêmes et estiment que le Mpo ne va pas dans la bonne direction en leur imposant des restrictions trop sévères ayant des impacts sur leurs pratiques de pêche, leur moral et leur situation financière.

    Le quatrième chapitre intitulé « Les enjeux économiques liés à la gestion des pêcheries dans un contexte de protection des espèces en péril » est produit par Marc Simard. Ce dernier dresse le portrait des impacts financiers qu’a eus la fermeture de la pêche en 2018 sur les pêcheurs membres du Rppsg suite à l’application des mesures mises en place pour protéger la baleine noire. Malgré le fait qu’un nombre restreint de participants ait rempli le questionnaire qui leur était destiné, les auteurs de ce chapitre estiment que les revenus des pêcheurs de homard ont diminué de 37% entre 2017 et 2018.

    Dans le cinquième chapitre intitulé « La coexistence des baleines noires et des pêcheurs du sud de la Gaspésie : une étude de cas sous la lunette du développement durable », Virgile Deroche dresse différents constats à partir des enjeux soulevés dans les chapitres précédents. Il apporte des suggestions, des pistes d’action pour le futur quant aux mesures à prendre en ce qui concerne la protection des baleines noires, mais aussi sur les méthodes de recherche qui pourraient être appliquées dans le secteur d’activités des pêches. À l’intérieur de ce chapitre, les notions de développement durable et d’approche en écoconseil sont définies et appliquées en fonction des enjeux d’une saine coexistence entre les baleines et la population de pêcheurs de homard de la Gaspésie. Ce chapitre se conclut en énonçant quatre pistes d’actions sous-jacentes à la notion de développement durable : la finalité, la conception, l’approche et la stratégie.

    Le sixième chapitre, rédigé par Pierre-Olivier Fontaine, s’intitule « L’École des pêches et de l’aquaculture du Québec : l’institution qui traverse les courants ». Il dresse l’historique et le portrait de cette institution d’enseignement collégial de la Gaspésie dont la mission est de former des élèves désireux de développer des compétences en pêche, que ce soit par une formation collégiale technique ou préuniversitaire, par de la formation professionnelle continue ou sur mesure. En plus d’apporter de précieuses informations sur l’historique de cette école, ce chapitre documente la manière dont elle a accompagné les pêcheurs de la Gaspésie lors de la crise de la baleine noire en 2018 en présentant le plan d’action mis en place à l’époque afin de limiter les impacts présents et futurs d’une fermeture des zones de pêche sur les pêcheurs de la Gaspésie.

    Dans le septième et dernier chapitre intitulé « Vers une coexistence dans le golfe du Saint-Laurent », Lyne Morissette décrit les postulats de base pour l’utilisation d’une approche de précaution et explique comment cette approche peut s’appliquer dans un processus décisionnel de gestion du risque en ce qui concerne les espèces en péril comme la baleine noire de l’Atlantique Nord. Dans la dernière section de son chapitre, l’auteure énumère différentes recommandations visant à favoriser la survie de ce cétacé tout en assurant la pérennité de la pêche au homard ou, en d’autres mots, comme le suggère le titre de cet ouvrage, une coexistence harmonieuse entre les baleines et les pêcheurs de la Gaspésie.

    Chapitre 1 /

    La genèse d’une crise

    Jean Côté

    1 / Une espèce en péril

    La baleine noire de l’Atlantique Nord, Eubalaena glacialis (appelée « baleine noire » tout au long de cet ouvrage), est un grand cétacé migrateur que l’on retrouve des eaux côtières de la Floride jusqu’au golfe du Saint-Laurent. Malheureusement victime d’une chasse intensive, la baleine noire a vu sa population grandement réduite, à un niveau si bas que même après l’interdiction de la chasse aux baleines, cette espèce n’a pas réussi à se rétablir. En 1980, elle a été désignée comme espèce en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), puis l’alerte sur ce statut a été de nouveau mise en place en 2003. Finalement, la baleine noire a été ajoutée à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril lorsque celle-ci est entrée en vigueur en 2005.

    Si historiquement c’est la chasse baleinière qui a dangereusement réduit sa population, deux activités humaines ont été identifiées comme étant les principales causes de mortalité de la baleine noire et du problème de renouvellement de sa population, soit les collisions avec les navires et l’empêtrement dans les engins de pêche (Knowlton et Kraus, 2001 ; Moore et al., 2005 ; Smedbol, 2007). En 2009, le ministère des Pêches et des Océans (Mpo) du Canada a publié un premier programme de rétablissement visant à éliminer ces menaces et d’autres (Brown et al., 2009), plan qui a été modifié en 2014 (Mpo, 2014) pour intégrer certains amendements portant sur l’habitat essentiel de la population de la baleine noire. Les zones du bassin Grand Manan (baie de Fundy) et du bassin Roseway (au large des côtes sud-ouest de la Nouvelle-Écosse) ont ainsi été désignées comme habitats essentiels pour les baleines noires, car elles s’y regroupaient pour se nourrir et socialiser. Toutefois, la répartition des baleines noires et leur fréquentation des habitats essentiels ont changé de façon notable ces dernières années. Elles semblent s’être déplacées vers le nord, dans le golfe du Saint-Laurent.

    2 / La baleine noire de l’Atlantique Nord dans le golfe du Saint-Laurent

    La répartition réelle des baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent et leur utilisation de cet habitat restent des données peu connues jusqu’à ce jour, malgré leur statut d’espèce en péril, jusqu’à tout récemment. Avant 2015, on n’observait qu’une douzaine d’individus annuellement. Ces observations étant faites lors d’excursions aux baleines ou par des naturalistes, des chercheurs ou encore par un public averti (Daoust et al., 2018). Pendant cette période d’observation, pratiquement aucun relevé n’était consacré à cette espèce et peu d’efforts étaient entrepris dans le golfe du Saint-Laurent pour étudier sa répartition et son abondance, ou encore comprendre quelles menaces pesaient sur elle dans cette région. Le golfe du Saint-Laurent était considéré comme une zone de « portée occasionnelle » avec de nouvelles observations en 2015 et 2016, les analyses photographiques permettant de dénombrer et d’identifier une quarantaine de baleines noires, soit 45 en 2015 et 40 en 2016. Les chercheurs et les naturalistes s’intéressant à la baleine noire ont alors constaté qu’un nombre accru de ce grand cétacé ne semblait pas se rendre dans les aires d’alimentation traditionnelles des bassins Grand Manan et Roseway, mais qu’elles se dirigeaient plutôt vers le golfe du Saint-Laurent.

    Depuis les années 2015-2016, la présence des baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent a considérablement augmenté. Lors de recensements aériens et d’observations en mer, ce sont respectivement 114, 135, 120 et 119 baleines noires qui ont été observées en 2017, 2018, 2019 et 2020, soit plus du tiers de la population mondiale de baleines noires, population estimée maintenant à un peu plus de 350 individus.

    La baleine noire se nourrit de zooplanctons variés, mais elle apprécie particulièrement les copépodes du genre Calanus. Au cours des années 1999-2016, les populations autrefois abondantes de Calanus spp. ont diminué dans de nombreuses régions situées à la limite sud de leur aire de répartition, suite à un réchauffement de l’eau, ce qui aurait réduit la disponibilité de ces proies prisées de la baleine noire (Sorochan et al., 2019). C’est pourquoi la biomasse de ce copépode serait actuellement plus abondante dans le golfe du Saint-Laurent. Selon les données des chercheurs du Canadian Whale Institute (Davies et al., 2019), cette présence accrue dans le golfe est une tendance qui pourrait être durable parce que les proies des baleines noires, trouvées traditionnellement plus au sud dans la baie de Fundy et près des côtes américaines, semblent maintenant préférer les eaux plus froides du golfe du Saint-Laurent. C’est ce qui aurait amené les baleines noires à sous-utiliser leurs aires d’alimentation estivales historiques et à explorer en grand nombre un secteur où circulent les navires marchands, les bateaux de croisière et les bateaux de pêche.

    Bien que l’on ait observé de plus en plus de baleines noires dans cette zone, un certain temps a été nécessaire aux scientifiques et aux gestionnaires du Mpo pour admettre véritablement qu’il pouvait s’agir d’un changement de répartition. En effet, en 2015-2016, la plupart des discours concernant la baleine noire étaient que « nous n’avions plus d’yeux sur la mer » et que nous étions essentiellement confrontés à un problème de chevauchement dans une zone où rien n’était fait pour lancer une stratégie d’atténuation ou de réduction des impacts potentiels que les activités humaines pourraient avoir sur cette espèce menacée. Compte tenu du taux de mortalité important de la baleine noire en 2017 (17 décès, dont 12 en eaux canadiennes), les efforts de surveillance pour repérer cette espèce ont considérablement augmenté, de même que les mesures de protection.

    3 / Les mesures de protection et les impacts sur la pêche

    En 2016, le Mpo a publié un plan d’action pour la sauvegarde de la baleine noire portant précisément sur ses interactions avec des engins de pêche, afin de réduire le nombre de baleines noires tuées ou blessées à la suite d’empêtrements dans les engins de pêche (Mpo, 2016). Après l’événement de mortalité inhabituelle de 2017, dont le point culminant fut la découverte de 12 baleines noires inanimées dans le golfe du Saint-Laurent, de plus en plus d’attention (publique et scientifique) a été portée sur cette espèce en péril. Le Réseau canadien pour la santé de la faune (RCSF) a examiné les mortalités de

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